Texte intégral
Q - Que pensez-vous de cette première victoire du contre-forum, et peut-on négocier pendant le couvre-feu ?
- « Ce sont des négociations extrêmement difficiles avec 134 pays où l'on procède par consensus et l'agitation médiatique aura forcément des effets de retardement. Ce qui me frappe surtout, c'est l'exception française. Bon gré, mal gré, tout le monde s'est rallié, aujourd'hui au libre-échange. Et si ces négociations peuvent avoir lieu, c'est parce que autant des pays moins avancés que des pays riches considèrent que le libre-échange est positif, positif pour les pays industriels et positif pour les pays les plus pauvres. Mais il existe en France une sorte de carnaval de gens qui se sont toujours trompés sur tout et qui développent… »
Q - Vous les citez dans une note : Jean-Pierre Chevènement, Christine Boutin, Philippe de Villiers, Charles Pasqua, votre ancien partenaire électoral, Philippe Séguin. C'est à droite et à gauche.
- « C'est que je ne supporte plus ce souverainisme frileux, cette coalition du repli et cette fermeture. Lorsque les accords de Marrakech ont donné naissance à l'OMC il y a cinq ans, les Cassandre anti-libre-échange nous expliquaient que les pays européens allaient être détruits par la concurrence des pays à bas salaires. Or, les pays riches n'ont pas été détruits : la France et l'Europe ont renoué avec la croissance et l'emploi, et les pays pauvres ont très globalement profité du libre-échange. Ils se sont donc trompés sur tout, mais continuent de nous donner des leçons. »
Q - Et ceux qui manifestent pendant le sommet de l'OMC, est-ce que c'est un folklore positif ? Est-il bien qu'il y ait cette sorte de contre-pouvoir politique ? Et est-ce utile ?
- « En tant que libéral, je suis pour tous les contre-pouvoirs et la liberté d'expression. Mais c'est une coalition hétéroclite et la place médiatique qui lui est accordée en France est exagérée. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de défenseurs du libre-échange et nous engageons avec mes amis libéraux une campagne pour répondre à ces contrevérités. Le libre-échange est positif, il a besoin de règles et l'OMC en est le cadre. Elle n'est pas une machine de guerre des États-Unis. Elle est composée majoritairement de pays pauvres. Et son délégué général, M. Moure, est un travailliste, un socialiste, membre de l'Internationale socialiste ! Ce sont les pays pauvres qui demandent le plus le libre-échange et luttent contre les mesures protectionnistes. »
Q - Quand ceux qui manifestent répètent avec force un slogan repris par tout le monde : « Comme une marchandise » ou « plus c'est mondial, plus un pays perd sa souveraineté » ?
- « Mais la souveraineté des États est forcément remise en question. Ce qui compte, c'est la souveraineté des consommateurs et des citoyens. Dans le monde d'aujourd'hui, les hommes politiques n'ont pas le permis de tout faire et n'ont plus le droit d'oppresser les peuples. Le commerce n'est pas une fin en soi. Je suis partisan, plus que d'autres d'ailleurs, d'utiliser le commerce pour mettre fin au travail des enfants, au non-respect des droits sociaux, au maintien des droits de l'homme. Cela, les libéraux le disent depuis toujours. Mais ceux qui sont opposés au libre-échange ne font que défendre des intérêts égoïstes pour peu que l'on gratte la réalité. »
Q - Vous devriez aller le dire à Seattle. Mais je ne sais pas comment vous seriez reçu. Ceux qui pensent autrement ne peuvent pas s'exprimer.
- « Il existe un outil d'échange mondial - Internet - et j'ai bien l'intention de mener cette bataille des idées, cette bataille citoyenne, par ce vecteur. »
Q - Vous estimez-vous bien représenté, en tant que Français, en tant qu'Alain Madelin, par l'Européen Pierre Lamy ?
- « Oui. Une remarque : devant la compétition électorale Chirac-Jospin et la volonté de chacun de paraître comme le plus acharné défenseur des intérêts nationaux, le fait qu'il y ait un mandat européen me paraît de nature à permettre de trouver plus facilement une solution. On ne pourra pas jouer les Rambo indéfiniment. J'entendais Catherine Trautmann défendre l'exception culturelle, mais elle ne disait pas la vérité car l'on parle maintenant de diversité culturelle. »
Q - Dans la note de Démocratie libérale, vous dites que l'exception culturelle française, c'est choisir la préférence nationale. C'est parler comme Le Pen ?
- « Non. Ce qui est surprenant, c'est que les milieux culturels de gauche et d'extrême-gauche, qui ne font que condamner la préférence nationale, notamment celle du Front national, demandent à ce qu'on applique à leur secteur le système de la préférence nationale : « Ne touchez pas à mes subventions ! » Heureusement, la préférence nationale culturelle, c'est-à-dire l'exception culturelle, système défensif et de ligne Maginot, est finie. La diversité culturelle, c'est bien ! Car la diversité est le résultat de la liberté et de la libre-concurrence. »