Texte intégral
Q. : Quelles sont les chances d'aboutir pour le 31 mars à un accord entre les 3 industriels aéronautiques européens, en vue d'une intégration : européenne aéronautique et spatiale, civile et militaire ?
R. - Je suis confiant dans la capacité des : industriels à élaborer d'ici au 31 mars une base de proposition commune. Si tel est bien le cas, ce rapport constituera la première étape d'un ambitieux processus, dont la finalité est le regroupement au sein d'une entreprise unique de l'ensemble des activités aérospatiales européennes, civiles et militaires.
Cette orientation n'est pas, pour nous, une adhésion irréfléchie à - l'idée de concentration. Elle part de la conviction que ce rassemblement de capacités est la condition impérative du succès durable de l'aventure aéronautique et spatiale européenne.
Q. : Quelles conditions fixent la partie française pour cet accord ? À quelles conditions la France n'est-elle pas disposée à souscrire ?
R. : Comme vous le savez, dès sa prise de fonction, le Premier : ministre a exprimé notre engagement dans cette perspective résolument européenne. Le gouvernement a contribué à la position commune de la France, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne qui fonde ce processus ; Dominique Strauss Kahn et moi-même, nous menons le débat dans un esprit ouvert et constructif.
Il n'en demeure pas moins que certains points nous semblent essentiels, et notamment : le fait que cette future entité européenne regroupe l'ensemble des activités européennes en matière d'avions de combat. De ce point de vue, l'exemple des restructurations américaines est tout à fait éclairant...
Cela suppose que les industriels, et particulièrement Dassault Aviation et British Aerospace, puissent élaborer une stratégie industrielle et commerciale commune, en dépassant la situation de confrontation qui existe actuellement entre les produits concurrents de ces deux entreprises.
Q. : Souscrivez-vous aux points de vue britannique et allemand qui privilégient une fusion totale et à brève échéance d'Aerospatiale, de British Aerospace et de DASA ?
R. : Différentes méthodes sont concevables ; l'essentiel est de regrouper rapidement, de manière efficace, le maximum d'activités de tous les acteurs européens. Pour ma part, je crois que la fusion des différentes sociétés européennes donnera son plein effet si des accords industriels et commerciaux ont d'abord été élaborés dans chacun des grands métiers concernés.
Ce processus global prendra du temps et il peut être souhaitable de constituer dès à présent des sociétés européennes « par métiers », dans les secteurs d'activité où cela s'avère possible. Cela présenté en outre l'avantage de sortir rapide ment des généralités et des affirmations de principe pour négocier concrètement la conclusion d'accords équilibrés et dynamiques.
Q. : Cela signifie-t-il que vous refusez la fusion immédiate et globale de ces entreprises ?
R. Non, nous n'excluons aucune méthode, mais maintenant il faut sortir des schémas théoriques ou tactiques. Si la faisabilité d'une telle fusion à court terme est démontrée, nous prendrons en considération cette option.
Q. : Comment réagissez-vous à ce qui semble être un « diktat » germano-britannique pour une privatisation d'Aerospatiale ?
R. : Je ne perçois aucun diktat. Des différences d'approches peuvent exister, parce qu'il existe des structures de capital différentes en France, en. Allemagne et en Grande-Bretagne. Ainsi, la France et l'Allemagne partagent une : tradition d'actionnariat dit « de référence » au capital des grandes entreprises industrielles, dont elles ne se sont pas mal trouvées si je considère leurs excédents industriels actuels.
Néanmoins, il est clair, dans notre esprit, qu'on ne saurait faire de la nature de l'actionnariat, publique ou privée, un préalable. Nos partenaires en sont bien conscients... Il appartient aux seuls industriels d'élaborer des choix d'organisation efficaces et conformes aux intérêts de cette société européenne, pour garantir la compétitivité et la pérennité de cette future société.
A nos yeux, ils sont tout à fait compatibles avec l'existence d'un actionnariat public, dont les principes de gestion et les objectifs soient clairs aux yeux des autres actionnaires. Ceux-ci ont bien en mémoire, du reste, que si l'actionnariat public n'avait pas pris ses responsabilités, on ne serait pas aujourd'hui en train de débattre de l'avenir de l'aéronautique européenne : il n'y en aurait plus.
Q. : L'évolution d'Aerospatiale vers une structure de holding vous semble-t-elle être une réponse appropriée aux défis auxquels ce groupe est confronté ?
R. : Le principal défi aujourd'hui pour Aerospatiale et ses personnels est bien celui d'une intégration dans un ensemble européen plus vaste. Il ne faut d'ailleurs pas oublier qu'Aerospatiale a une longue tradition d'intégration industrielle réussie, qui remonte aux rapprochements des années 60 et ne s'est jamais inter rompue. Les salariés de ce groupe, fiers d'appartenir à un des pôles technologiques mondiaux grâce à ces diverses étapes, savent qu'il ne faut pas arrêter le mouvement. Cette intégration prendra des formes et concernera des acteurs différents selon les métiers. Je crois de ce fait que la filialisation de ses activités renforcera la mobilité stratégique d'Aerospatiale et sa capacité à nouer rapidement des alliances européennes.
Q. : Avez-vous renoncé à rapprocher Aerospatiale et Dassault ?
R. : Non. Il est essentiel de renforcer les liens qui existent entre Aerospatiale et Dassault Aviation. Nous examinons les modalités pratiques de ce rapproche ment, qui est déterminant pour l'avenir des deux entreprises.
Q. : Matra a-t-il vocation à se rapprocher d'Aerospatiale, notamment dans les missiles ?
R. : Tout ce que nous faisons tend à dépasser les situations de confrontation ou de concurrence franco-française que la course, technologique et la concurrence mondiale accrue n'autorisent plus. De ce point de vue, nous ne pouvons que travailler à un rapproche ment entre Matra et "Aerospatiale dans le domaine des missiles. Cela doit se faire dans le respect des alliances européennes existantes ou en cours de négociation, notamment avec l'industrie italienne qui a une place importante dans le mouvement.
Q. : Allez-vous prochainement pouvoir annoncer la finalisation des accords liant Thomson-CSF, Alcatel, Dassault et Aerospatiale, et le rapprochement sera-t-il effectif selon le calendrier initialement prévu ?
R. : La mise au point du « nouveau Thomson-CSF » se déroule de manière tout à fait satisfaisante et je me réjouis de l'esprit constructif dont font preuve l'ensemble des protagonistes industriels pour progresser sur ce dossier. Le calendrier est tenu, ce qui permettra que l'ensemble des opérations soit bouclé à la fin du premier semestre 1998, comme prévu. Je prends une marge sur ce calendrier, car quand je vous avais indiqué l'été dernier la date vraisemblable de décision du gouvernement sur les alliances de Thomson-CSF, le délai que j'avais prévu avait été dépassée de treize jours.
Q. : L'heure n'est-elle pas venue de s'attaquer au volet européen des alliances du nouveau groupe français d'électronique de défense ?
R. : Si. La prochaine étape dans ce domaine est certainement la négociation d'une alliance de grande envergure avec un partenaire européen dès cette année. J'ai pleine confiance dans le nouveau groupe Thomson-CSF et ses équipes pour relever ce prochain défi comme les précédents.
Q. : GEC est-il, dans l'affirmative, le partenaire étranger privilégié ?
R. : Le groupe britannique GEC serait en effet un excellent partenaire, mais d'autres alliances sont possibles.
Q. : Où en est la revue de programmes et le débat sur le niveau du titre V ?
R. : Nos travaux seront examinés prochainement par le Premier ministre et le président de la République. Avant leur prise de position, il est prématuré de parler publiquement des résultats de la revue de pro grammes. Après, je serai heureux de vous en expliquer la cohérence.