Interviews de M. Bruno Mégret, délégué général du Front National, à France 2 le 15 février 1998 et dans "Le Figaro" du 16 février, sur les relations entre la droite et le Front national dans la perspective des élections régionales.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - France 2 - Le Figaro - Télévision

Texte intégral

France 2 le 15 février 1998

MICHELE COTTA : Bonjour. Nous connaissons tous des députés-maires, des sénateurs-maires, certains d'entre eux sont parfois présidents de région ou de Conseils généraux. Cela fait des années que l'on évoque le cas de ces grands barons qui cumulent tous les pouvoirs. Des années aussi que l'on tente de réformer le système en interdisant à certains de cumuler les mandats électifs pour renouveler la classe politique mais cela fait des années aussi que les élus locaux se font tirer l'oreille. Lionel JOSPIN, après avoir consulté tous les chefs de partis politiques vient de proposer au Parlement trois projets de loi qui limitent assez sévèrement mais pas trop les mandats électifs. Trop sévèrement, pas assez, nous le verrons dans la deuxième partie de cette émission avec nos interlocuteurs tous très bien choisis. Tout de suite, mon invité, Bruno MEGRET, le délégué général du Front national que nous allons interviewer avec Paul GUILBERT du FIGARO...
Bruno MEGRET, bonjour.

BRUNO MEGRET : Bonjour. ....

MICHELE COTTA : Bruno MEGRET, vous avez accordé à Vitrolles une prime de naissance pour les familles dont les enfants sont nés à Vitrolles et dont un parent au moins est français ou européen. Alors, est-ce que ce n'est pas là le meilleur exemple de préférence nationale qui partout ailleurs est condamnée par la Justice française ?

BRUNO MEGRET : C'est en effet un très bon exemple de préférence nationale et je dois dire que je suis absolument scandalisé de voir que cette mesure a été accueillie dans la classe politique par des injures : abjecte, odieux, scandaleux, raciste, ont dit les uns et les autres mais dans quel pays est-on où l'on est ainsi insulté tout simplement parce que l'on veut aider les familles de son peuple ? Je rappelle une chose fondamentale, c'est que la préférence nationale, c'est le patriotisme car qu'est-ce que le patriotisme ? C'est aimer son pays. Aimer son pays plus que les autres car si on aime sa femme autant que les autres, cela veut dire qu'on ne l'aime pas beaucoup.

MICHELE COTTA : C'est une définition un peu courte quand même. C'est une définition un peu courte non ?

BRUNO MEGRET : Non, parce que le patriotisme, c'est l'amour de son pays. L'amour implique la préférence. Le patriotisme c'est la préférence nationale et lorsqu'on en vient dans certaines lois à mettre sur le même plan la discrimination raciale et la discrimination nationale, cela veut dire que l'on met sur le même plan le patriotisme et le racisme et que certains dans la classe politique ont fait du patriotisme un délit pénal, c'est ahurissant.

PAUL GUILBERT (FIGARO) : Oui mais est-ce qu'elle n'est pas discriminatoire en fond votre préférence nationale, locale, municipale ? Est-ce qu'elle n'est pas discriminatoire en fonction par exemple des lois de la République puisque, que je sache, les familles qui paient l'impôt, les familles qui paient les allocations familiales, dans votre système, n'ont pas la prime de naissance.

BRUNO MEGRET : Oui, c'est vrai que les étrangers qui résident en France paient l'impôt français, enfin un certain nombre d'entre eux mais, il est normal que les résidents paient l'impôt et il est ensuite normal que les impôts... :

PAUL GUILBERT : Ils reçoivent des allocations, ils cotisent...

BRUNO MEGRET : Non, non, attendez, je parle des impôts. Il est normal ensuite que les impôts soient utilisés dans l'intérêt national. C'est vrai que s'il s'agissait par exemple des cotisations pour des allocations familiales, que nous, nous avons l'intentions lorsque nous serons au pouvoir de réserver aux familles françaises, ce serait normal qu'ils ne paient plus ces cotisations. Ceci étant, si on rentre dans ces calculs, l'autre expert, monsieur MILLAUSE (phon) a évalué la différence qui existe entre ce que les immigrés, les étrangers paient sous forme de cotisations, de charges, de taxes et d'impôts et ce qu'ils reçoivent sous forme de prestations et d'avantages divers, il y a un déficit de 280 milliards de francs pour l'année 95 donc, de ce point de vue-là, on est tranquille.

PAUL GUILBERT : Vous vous mettez en contradiction quand même avec le droit commun français avec ce que vous faites là, et la preuve en est d'ailleurs, c'est que la Justice ne va pas vous le laisser passer.

BRUNO MEGRET : Ecoutez, moi, je constate que monsieur CHIRAC et sa majorité RPR et UDF en 1984 avaient pris à la Mairie de Paris une mesure comparable. Alors je pose la question...

MICHELE COTTA : Vous ne pouvez pas ignorer que cela a été condamné justement.in

BRUNO MEGRET : Oui mais je pose d'abord la question...

PAUL GUILBERT : Vous saviez que cela a été condamné ?

BRUNO MEGRET : Attendez, oui, ils n'ont pas pu la mettre en œuvre, effectivement. Mais je pose d'abord cette question, est-ce que monsieur CHIRAC et les gens du RPR et de l’UDF à l'époque étaient odieux ? Est-ce qu'ils étaient racistes ou est-ce que c'est maintenant qu'ils ne sont plus patriotes ? Et pourquoi est-ce que monsieur CHIRAC ou monsieur JUPPE par exemple qui faisaient partie de cette majorité qui ont été entre-temps Premier ministre...président de la République n'ont pas pris les dispositions légales ou constitutionnelles puisqu'il paraît que c'est à ce niveau-là qu'il faudrait intervenir, ce dont je doute, pour rendre cette mesure qu'ils voulaient appliquer à Paris, applicable partout en France ? Ce n'est pas normal."

MICHELE COTTA : Alors, c'est drôle, monsieur MEGRET, vous choisissez toujours au fond la méthode la plus spectaculaire, je ne dis pas « coup de poing » mais je dis « la plus spectaculaire » comme si vous vouliez donner à la Justice l'occasion de vous contrer, comme si vous vouliez montrer que perdre en justice, c'est ce que vous souhaitiez.

BRUNO MEGRET : Non mais je pense que nous, nous appliquons notre programme. C'est la grande différence qui existe entre nous et la plupart de nos adversaires politiques, nous appliquons notre programme, même si nos adversaires ne sont pas d'accord, même si on doit rencontrer des difficultés. On applique notre programme. Ensuite, à chacun de prendre ses responsabilités. On saura comme cela clairement, qui est dans le camp de la France, qui est dans le camp de l'étranger.  

PAUL GUILBERT : Mais est-ce que vous ne faites pas un peu de votre action municipale une sorte de laboratoire d'idées pour tester un peu le Front national sur le terrain ?

BRUNO MEGRET : Certainement pas !

PAUL GUILBERT : Parce que vous évoquiez tout à l'heure « quand nous aurons le pouvoir » mais enfin ce n'est pas demain !

BRUNO MEGRET : Certainement pas un laboratoire ! Moi, j'ai trop de respect pour les Français, pour les électeurs pour les prendre pour des cobayes. Ce n'est pas un laboratoire. C'est beaucoup plus simple que cela. C'est la mise en application du programme pour lequel on a été élu. Cette mesure municipale de naissance, elle était prévue dans le programme et ce qui est vrai par contre, ce qui est vrai, c'est que l'on voit à travers ce qui se passe dans les villes du Front national combien le Front national au pouvoir à l'échelle du pays peut résoudre les problèmes. Lorsque l'année dernière on a par exemple réalisé 50 millions d'économies sur le budget municipal de Vitrolles en Provence, sur un budget de 500 millions, cela veut dire transposer à l'échelle de l'Etat que l'on pourrait avec la même volonté, en un an réduire de 150 milliards les dépenses publiques...et même si c'est vrai...

MICHELE COTTA : Pas trop de chiffres, vous savez... pas trop de chiffres parce que franchement, les chiffres, vous savez, les chiffres sont contestables surtout...

BRUNO MEGRET : Oui mais c'est considérable, 150 milliards, c'est la taxe professionnelle.

PAUL GUILBERT : Sans trop de chiffres, les emplois jeunes, vous les utilisez à Vitrolles, vous utilisez cette possibilité ?

BRUNO MEGRET : Les emplois jeunes, c'est bidon.

PAUL GUILBERT : Ça, c'est une loi de la République que je sache.

BRUNO MEGRET : C'est bidon.

MICHELE COTTA : Est-ce que vous les utilisez ?

PAUL GUILBERT : Est-ce que vous les utilisez ?

BRUNO MEGRET : Ecoutez, pour l'instant...

PAUL GUILBERT : Oui ou non ? Un, dix...

BRUNO MEGRET : Je dis pour l'instant non. Pour l'instant, non. Mais je dis que c'est bidon parce que cela ne va pas créer un seul véritable emploi au total. C'est comme si à l'échelle de la ville on décidait par exemple de recruter tous les chômeurs comme employé municipal. Evidemment, sauf qu'il faudra augmenter les impôts pour payer ces chômeurs et ce faisant, on provoquerait la faillite de l'économie locale.

PAUL GUILBERT : Détrompez-moi monsieur MEGRET, est-ce que vous n'avez pas une conception un peu clanique ou endogamique de la politique quand je vois madame MEGRET à Vitrolles, votre épouse, madame LE CHEVALLIER qui va être candidate à Toulon et puis même au Conseil municipal, je crois que madame BOMPARD à Orange, la femme du maire Front national, a également une fonction quelconque...c'est quoi ? Vous avez toujours votre femme en réserve au cas où il arriverait un coup dur ce qui se produit d'ailleurs ?

BRUNO MEGRET : Ecoutez, il y a une chose qui est très spécifique au Front national c'est que contre le Front national, tous les coups sont permis. On m'a fait une opération de Jarnac, un coup de Jarnac lors de l'élection municipale de Vitrolles, j'ai riposté de la façon dont vous savez, et on est en train de faire exactement la même opération à Jean-Marie LE CHEVALLIER. Je voudrais dire à ce sujet combien il y a là un véritable déni de démocratie. Nous n'avions qu’un député pour 15% de Français. On a fait plus de voix que l'UDF qui est un plus petit parti que le Front national. Eux, ils ont eu une centaine de députés, nous nous n'en avons eu qu'un et maintenant on l'invalide à la suite d'une machination totalement arbitraire, il faut le savoir.

MICHELE COTTA : Monsieur MEGRET, il a quand même complètement dépassé ses comptes de campagne, ça on le sait là aussi.

BRUNO MEGRET : Non mais pas du tout, pas du tout. Il n'a pas dépassé ses comptes de campagne. Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que là, ça nous...cela durerait longtemps mais ce que je voudrais dire, ce que je voudrais dire c'est que cela pose maintenant clairement le problème du Conseil constitutionnel qui est devenu maintenant totalement illégitime, qui s'est totalement discrédité. Le Conseil constitutionnel qui intervient...

MICHELE COTTA : Vous dites ça parce qu'il vous condamne. Vous dites cela parce qu'il a condamné un des vôtres mais il y en a d'autres qui sont condamnés.

BRUNO MEGRET : Pas seulement ! Pas seulement, il a non seulement organisé une machination politicienne contre le seul député du Front mais il est discrédité à travers le président de cette institution qui est impliqué dans des affaires judiciaires à caractère pénal...

PAUL GUILBERT : Il y a présomption d'innocence que je sache....

BRUNO MEGRET : J'ai dit « impliqué », il est d'autre part...

MICHELE COTTA : « Impliqué », je ne suis pas sûre que cela...

PAUL GUILBERT : Il est discrédité par le fait que, vous avez vu la nomination récente de madame VEIL...

PAUL GUILBERT : Et alors ?

BRUNO MEGRET : Celle à venir de monsieur MAZEAUD, ce sont des gens dont je ne mets pas en cause la respectabilité mais je mets en cause leur impartialité. Ce sont des combattants politiques, ce sont des hommes de parti, comment voulez-vous qu'ils soient légitimes comme juges ?

MICHELE COTTA : Ils sont neufs...

BRUNO MEGRET : Et j'ajoute le point le plus important, c'est que depuis quelques années maintenant, le Conseil constitutionnel s'est érigé en tribunal idéologique. Il corrige la copie des députés. C'est-à-dire qu'il se place au-dessus de la souveraineté populaire et non pas en vertu des articles de la Constitution mais en vertu de l'idée de l'interprétation qu'ils donnent des textes vidés par le préambule de la Constitution.

PAUL GUILBERT : Ce n'est pas le cas à propos de l'invalidation de monsieur LE CHEVALLIER.

BRUNO MEGRET : Non mais c'est le cas lorsque par exemple, même contre les socialistes, il va leur dire la durée administrative de détention provisoire pour les clandestins en situation d'être expulsés, 72 heures c'est contraire aux droits de l'Homme, 48 heures c'est compatible avec les droits de l'Homme. Mais c'est l'arbitraire le plus total.

MICHELE COTTA : Il est là pour ça...il est là pour ça le Conseil constitutionnel.

BRUNO MEGRET : Non, je dis que ce Conseil constitutionnel maintenant doit être remis en cause. Il faut le...parce que si ce qui est appliqué en...si ce qui est adopté dans les lois de la République ce n'est plus ce qui est voulu par le peuple mais ce qui est considéré comme conforme à l'idéologie officielle du politiquement correcte dont le Conseil constitutionnel est le tribunal idéologique, cela veut dire que l'on n'est plus en République, que l'on n'est plus en démocratie.

MICHELE COTTA : Alors, on abandonne le Conseil constitutionnel mais est-ce que... on revient à Jean-Marie LE CHEVALLIER, est-ce que vous n'avez pas l'impression quand même qu'il y a une grande précipitation dans la volonté de celui-ci de nommer immédiatement sa femme ? Ce qui fait que Jean-Marie LE PEN lui-même a dû dire « attendons que le cadavre soit froid ». Est-ce que vous n'êtes pas tous là, un peu préoccupés de pousser.

BRUNO MEGRET : Le cadavre de la démocratie, c'est vrai, oui parce que maintenant, on est dans une République bananière hein, on le voit bien.

MICHELE COTTA : Enfin, vous le poussez un peu vite dans les orties, monsieur LE PEN, non ?

BRUNO MEGRET : Mais pas du tout, qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

MICHELE COTTA : Quand vous prenez des décisions comme monsieur LE CHEVALLIER, sans le consulter, sans qu'il soit au courant...

BRUNO MEGRET : Non, non pas du tout, non, non...madame LE CHEVALLIER est une candidate qui est une excellente candidate. La décision de son investiture sera prise le moment venu par une commission qui est présidée par Jean-Marie LE PEN et cela après les élections régionales. Chaque chose en son temps.

MICHELE COTTA : Oui enfin, monsieur LE CHEVALLIER a mis un peu la charrue avant les bœufs quand même, non ?

BRUNO MEGRET : Oui écoutez, l'essentiel, vraiment dans cette affaire, c'est le scandale que constitue cette invalidation. N'occultons pas l'arbre par la forêt. Je crois que c'est très grave parce que la République est maintenant menacée. Il n'y a plus de séparation des pouvoirs ! Il n'y a plus de séparation des pouvoirs. Lorsque les tribunaux maintenant décident ce que les hommes politiques ont le droit de dire ou de ne pas dire, et en viennent à condamner Jean-Marie LE PEN ou mon épouse Catherine par exemple pour avoir dit un mot de travers, cela veut dire que le pouvoir judiciaire...

MICHELE COTTA : Alors, il ne faut pas de justice en France ?

BRUNO MEGRET : La justice n'a pas à s'occuper de ce que disent les hommes politiques. C'est le principe de la séparation des pouvoirs,

PAUL GUILBERT : En tout cas, il y avait une loi monsieur MEGRET. A propos du mot de travers de votre femme, il y avait une loi, cela a été appliqué. C'est tout.

BRUNO MEGRET : Eh bien, c'est une loi tout à fait illégitime puisqu'elle met en cause le principe de la séparation des pouvoirs, judiciaire et politique.

PAUL GUILBERT : Bon alors, vous pourrez mettre cela à votre programme.

BRUNO MEGRET : C'est prévu.

PAUL GUILBERT : Je voulais vous demander, vous êtes le successeur de monsieur LE PEN, enfin, le successeur implicite, je crois que vous ne me démentez pas là-dessus, est-ce qu'il n'y a pas une différence de stratégie ?

MICHELE COTTA : Qui ne dit mot consent. Qui ne dit mot consent...

PAUL GUILBERT : Je vois d'un côté...vous me démentirez si je me trompe, monsieur LE PEN mise par rapport à la droite sur l'effondrement de la droite qu'il appelle le « marigot » dont il espère un jour récolter les morceaux, ramasser les morceaux, tandis que vous, vous avez plutôt une stratégie d'alliance avec la droite, je parle du RPR et de l'UDF, une espèce d'alliance qui vous conduirait un jour au gouvernement avec eux...bien, sans préjuger de la réponse du RPR et de l'UDF et sans renoncer à vos idées à vous dites-vous, alors laquelle est la bonne de ces deux stratégies?

BRUNO MEGRET : Eh bien, d'abord elles ne sont pas contradictoires.

PAUL GUILBERT : Ah, si !

BRUNO MEGRET : Moi, j'ai toujours dit - mais en accord avec Jean-Marie LE PEN et le Front national et les instances dirigeantes du Front national - que nous étions prêts à des accords de désistement réciproque. Qui dit accord ne dit pas alliance de gouvernement. C'est vrai qu'en l'état actuel des choses, on ne peut pas s'allier avec le RPR et l’UDF, ils n'ont pas le même programme que nous, ils n'ont pas la même vision des choses que nous. Par contre, ce qui est vrai également, c'est que je vois que nous sommes engagés maintenant dans un processus de mutation politique qui fait qu'il y a trois pôles politiques en France aujourd'hui, la gauche PS-PC-Verts, le conglomérat RPR-UDF et le Front national. Et toute l'histoire contemporaine des phénomènes politiques montre que quand il y a trois pôles sur la scène politique, il y en a un en trop et c'est naturellement celui du centre qui est en trop, qui est amené à se marginaliser pour une raison très simple, c'est qu'il n'y a pas d'espace politique autonome entre les deux autres. Je prends un exemple concret : l'affaire de la réforme constitutionnelle pour le Traité d'Amsterdam, est-ce que le RPR et l'UDF vont voter contre comme le veut le Front national ? Est-ce qu'ils vont voter pour comme le veut la gauche ? C'est l'un ou l'autre, à moins qu'ils adoptent la troisième possibilité, un tiers pour, un tiers contre, un tiers abstention mais ça justement, c'est le néant politique.

MICHELE COTTA : Alors, à propos de la dernière possibilité et de partage des voix, en Ile-de-France, vous avez 37 élus. Combien est-ce que vous en attendez et comment allez-vous répondre à Edouard BALLADUR et Dominique STRAUSS-KAHN qui disent qu'en aucun cas ils n'accepteront, ils ne demanderont vos voix au deuxième tour ? Qu'est-ce que vous allez faire ?

BRUNO MEGRET : Pour nous, les choses sont simples. Notre objectif, bien sûr, c'est de revenir beaucoup plus nombreux dans les conseils régionaux et c'est d'autant plus nécessaire que l'on vient d'invalider le seul député Front national que nous avions à l'Assemblée, il faut compenser cela par des élus Front national dans les régions. Ensuite, notre objectif c'est de porter le plus loin possible les idées qui sont les nôtres et les Français qui se reconnaissent en nous, donc a priori, de présenter un candidat à la présidence de la région aussi loin qu'il est possible c'est-à-dire jusqu'au dernier tour d'élection. Si certains qui sont minoritaires veulent faire élire un président de leur rang à l'Assemblée régionale - et cela ne peut être que le RPR et l’UDF - et se tournant vers nous pour demander un soutien, nous sommes ouverts à des discussions. Ce que nous demanderons naturellement c'est en contrepartie c'est que ceux-ci prennent en compte une partie de note programme et que cela se traduise par des accords préalables et publics.

MICHELE COTTA : Un dernier mot, le cumul des mandats pour amorcer le débat ?

BRUNO MEGRET : Oui, oh écoutez, je crois que ce n'est vraiment pas le problème du pays. Ce n'est pas le problème du tout. Il y a déjà un cumul qui interdit deux mandats. Je sais que le gouvernement essaie je dirais de compenser un peu le discrédit de la classe politique par ce genre de mesures mais le problème n'est pas là. Le vrai problème de la classe politique c'est qu'elle est atteinte par les deux maux les plus graves en politique : la corruption qui frappe la classe politique et l'impuissance de la classe politique à résoudre les problèmes et c'est vrai que quand on a affaire à des gens qui globalement se servent au passage et en plus ne servent à rien, il y a une crise ! Mais ce n'est pas le cumul des mandats qui va changer quoi que ce soit à ce niveau-là.

MICHELE COTTA : Nos interlocuteurs répondront là-dessus. Merci monsieur MEGRET : Deuxième partie de cette émission. Je vois que parmi ceux qui nous écoutent, il y a beaucoup de questions rentrées mais c'est la règle du jeu. Vous aurez l'occasion de vous exprimer sur le créneau que vient d'occuper Bruno MEGRET. Donc deuxième partie de cette émission, pour renouveler la classe politique, donner leur place à davantage de jeunes, à davantage de femmes aussi, faut-il interdire les cumulards et faut-il craindre au contraire un autre danger, c'est-à-dire la coupure entre une classe politique qui resterait provinciale, coupée de Paris, et une classe politique parisienne, nationale coupée en réalité du terrain ? Alors, dans une lettre aux chefs de parti, Lionel JOSPIN vient de proposer son plan anti-cumul. Je le résume brièvement, les parlementaires ne pourront pas être maires ou présidents d'assemblée locale, un député ou un sénateur ne pourra pas siéger au Parlement européen et on ne pourra pas être à la fois président d'une assemblée régionale et président d'une assemblée générale. Alors, les images et le commentaire de Jean-Michel MERCUROL.

 

LE FIGARO 16 février 1998

LE FIGARO : Après son invalidation comme député du Var, Jean-Marie Le Chevallier a présenté sa femme comme candidate à sa place, comme vous l'aviez fait à Vitrolles. Cela devient une habitude, au FN...

Bruno MÉGRET : C'est la preuve que nous sommes pour l'engagement des femmes en politique.

LE FIGARO : Cette Initiative de M. Le Chevallier a été qualifiée de « boutade » par Jean-Marie Le Pen. Où en est-on ?

Bruno MÉGRET : Je ne pense pas que cette candidature soit contestée sur le fond. Mais c'est vrai qu'il y a chez nous des procédures. C'est à la commission d'investiture que préside Jean Marie Le Pen de se prononcer. Elle le fera en temps utile.
Ce qui me parait plus important, c'est l'invalidation elle-même. Au-delà de la machination organisée contre Jean-Marie Le Chevallier, au-delà du coup bas qui en résulte pour 15 % des Français qui se trouvent ainsi privés de représentant à l'Assemblée nationale, c'est le problème du Conseil constitutionnel qui est maintenant posé. Cette institution doit être réformée car elle n'est plus légitime. Elle s'est discréditée par cette mesure arbitraire et partisane, par les affaires judiciaires dans les quelles est impliqué son président et par la désignation de ses membres. On voit, en effet, avec la nomination de Mme Veil, la nomination probable de M. Mazeaud, que ce sont des hommes politiques, forcément partisans, qui sont choisis pour la composer.
Mais surtout cette institution s'est arrogée le droit d'apprécier les lois non pas seulement au regard des articles de la Constitution, ce qui est conforme à sa mission, mais aussi au regard de l'interprétation qu'elle fait des textes généraux visés par le préambule de la Constitution, ce qui l'a conduite à s'arroger un droit d'arbitraire total. Les juges du Conseil constitutionnel en viennent à décider de l'opportunité des lois votées par les députés : on tend dès lors vers un système où le peuple n'est plus souverain à travers ses députés, où il n'y a donc plus de démocratie. Notre régime est proche de celui des pays de type totalitaire : ce qui est légitime ce n'est plus ce qui est voulu par le peuple, mais ce qui est conforme à l'idéologie officielle du politiquement correct.

LE FIGARO : Autre sujet de polémique : vous maintenez votre position sur la prime de naissance à Vitrolles, malgré l'opposition du préfet...

Bruno MÉGRET : Je n'imagine pas qu'il puisse être interdit en France de prendre des mesures on fa pour des familles françaises. On nous explique que c'est abject, odieux, scandaleux. Mais ce sont ces appréciations qui sont scandaleuses et je trouve que c'est un signe très grave de la dégénérescence du système politique que la préférence nationale soit ainsi assimilée au racisme et considérée comme un délit.

LE FIGARO : Les immigrés versent des cotisations et des impôts. N'est-il pas illogique de les écarter de certaines prestations ?

Bruno MÉGRET : Absolument pas. Les immigrés, c'est vrai, paient des impôts comme tous les résidents. Ils profitent en contrepartie d'un certain nombre de services, prévus pour tout le monde. Pour autant, les impôts perçus sur le territoire français doivent être utilisés dans l'intérêt de la France et des Français. Il est vrai que, si on réservait les allocations familiales, comme nous le prévoyons, aux seuls Français, il serait anormal de faire payer aux étrangers les cotisations familiales qui sont affectées à cette prestation.
Mais dans ce genre de calcul nous avons de la marge : le professeur Milloz a publié un rapport qui n'a jamais été contredit par les services officiels, et qui estime à 280 milliards de francs en 1995 la différence qui existe au bénéfice des étrangers, entre ce qu'ils reçoivent sous forme de prestations et d'avantages de toute nature, et ce qu'ils paient sous forme de cotisations et d'impôts.
Je rappelle qu'une mesure analogue à celle de Vitrolles on-Provence avait été prise par la mairie de Paris en 1984. Dès lors, est-ce que M. Chirac et sa majorité étaient à l'époque raciste, ou bien est-ce qu'ils ne sont plus aujourd'hui patriotes ?
Les socialistes ont fait voter des lois qui mettent sur le même plan les discriminations raciale, ethnique, religieuse et nationale. La discrimination nationale, c'est-à-dire la préférence nationale, qui est du patriotisme et que nous revendiquons, est ainsi pour suivie pénalement au même titre que la discrimination raciale, qui est du racisme et que nous condamnons. C'est ahurissant : ils ont ainsi fait du patriotisme un délit.

LE FIGARO : Avec cette mesure et d'autres, vous vous inscrivez en flèche de votre mouvement...

Bruno MÉGRET : Ce n'est vraiment pas la question. La question c'est que le Front national applique son programme. C'est la grande novation de ces villes dirigées par les municipalités Front national. Il s'y passe deux phénomènes exceptionnels par les temps qui courent : le Front national y applique son programme, même si cela déplait à ses adversaires, et il obtient des résultats.
Ainsi en est-il de la préférence nationale, qui est légitime : d'abord parce qu'il n'y a pas de nation sans la préférence nationale. Ensuite parce qu'elle est une exigence patriotique : le patriotisme, c'est en effet de préférer son pays. Enfin parce que c'est une exigence morale. Un père de famille qui délaisserait son enfant dans la détresse pour aller s'occuper des enfants du voisin serait qualifié d'indigne. De même les dirigeants sont moralement indignes lorsqu'ils n'offrent pas les emplois disponibles aux membres de la communauté dont ils ont la charge, en pleine période de chômage.

LE FIGARO : Jean-Marie Le Pen a récemment déclaré qu'il n'était pas question pour lui do renoncer au programme du FN pour favorises, un rapproche mont avec la coalition RPR UDF. Qu'on pensez-vous ?

Bruno MÉGRET : Mon point de vue est le même : il n'est pas question de renoncer à nos idées. Mais cela n'empêche pas dos accords électoraux au coup par coup, à condition qu'ils soient équilibrés.