Extraits d'une déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à Paris le 21 janvier, publiés dans "L'Humanité" du 22 janvier 1997, notamment sur la préparation des prochaines élections législatives, les relations du PCF avec le PS et la question de l'Union économique et monétaire.

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Circonstance : Voeux à la presse à Paris le 22 janvier 1997

Média : L'Humanité

Texte intégral

Nous sommes dans une position charnière pour l'évolution au cours des prochains mois de la capacité de la gauche dans ce pays. » « Il ne faut pas avoir peur de la démocratie », ceux qui en ont peur « peuvent laisser penser qu'ils ont peur du peuple ». Deux phrases clés prononcées par Robert Hue. Débat, consultation, citoyens, monnaie unique, politique de gauche : mots comme des leitmotive. L’occasion ? Une réception, hier, à 12 h 30, au siège du PCF à Paris, pour présenter ses vœux à la presse. Il sera donc question de vœux, mais surtout des raisons qui feront de 1997, une année importante sur le plan politique.

Les raisons ? Robert Hue en voit trois. La première : l'urgence de riposter au gouvernement « qui maintient le cap de sa politique », pliant « la société française a un modèle ultralibéral ». Avec son cortège de souffrances et d’angoisses. La deuxième : la marche forcée à la monnaie unique qui conduit les Français, d'opinions diverses, à s'interroger et a souhaité être consultés. La troisième : 1997 se situe dans la perspective de l'échéance des élections législatives où il sera possible de mettre en échec l'actuelle majorité de droite. Tel est le cadre. Le soin de creuser est laissé à la curiosité des journalistes. Ils ne s'en priveront pas.

Leur curiosité est essentiellement stimulée par les rapports entre les différentes formations de gauche. L’un deux rappelle une petite phrase de Lionel Jospin : « Imaginer que nous pourrions renoncer à perspective de la construction européenne (…) ou même renoncer à la monnaie unique ça ne peut pas être un objet de débats, en tout cas pas un objet d'accord ». Robert Hue : « L’objet du débat est pourtant bien là. Qu'on le veuille ou non, cette question est centrale, et elle sera au cœur des débats de la campagne des législatives. »

Une démarche unitaire

Peu après, il précise : « Si une partie de la gauche s’enfermait dans un repli complet sur la monnaie unique, sans en voir les conséquences à terme, elle pourrait priver la gauche de la victoire électorale et, si elle gagnait, l'empêcherait de tenir ses engagements, notamment sociaux ». D’ailleurs, Robert Hue constate que les observateurs enregistrent les doutes des Français sur le programme du PS. « Ce programme n'est pas crédible. D'abord parce que les Français ont l'expérience du PS au pouvoir » et n'ont pas la certitude que les dispositions prises soient tenues. Ensuite, parce que, consciemment ou inconsciemment, il y a l'idée que la construction d'une vraie politique sociale est incompatible avec ce qui se passe d'ores et déjà avec la marche forcée à la monnaie unique. C'est là que pèse l'une des grandes interrogations de notre peuple. Il a raison de s'interroger. Il faut rediscuter en profondeur de nos engagements européens. (…) La contradiction est à l'intérieur du PS. » Rappel : « Je ne ferme aucune porte. La démarche du PCF est très unitaire : nous voulons réussir. Cela suppose de ne pas escamoter ce grand débat. Sinon, on ne pourra pas mettre en œuvre une vraie politique de gauche avec des mesures sociales ». « Sinon, on bluffe les gens », ajoute-t-il. Il insiste : « Je souhaite que la porte reste ouverte et que le PS ne la ferme pas sur la monnaie unique ».

Un journaliste évoque une autre phrase de Lionel Jospin : « Personne ne peut croire qu'il peut disposer d'un droit de veto sur notre politique. » Robert Hue est d’accord. Du moins s’il s'agit de la politique du PS. Autre chose et s’il s'agit de celle de la gauche. « Il n'y a pas de question tabou, surtout si elle porte, comme c'est le cas de la monnaie unique, sur le cœur du débat actuel », estime le secrétaire national du PCF. « Au nom de quoi ce ne serait pas discutable ? Discutons-en au contraire. Et en dernière instance, que la démocratie s'exprime, que le peuple soit consulté. Il ne faut pas avoir peur de la démocratie, ça peut donner l'air d'avoir peur du peuple. Que risquent ceux qui sont partisans de la monnaie unique s'ils sont certains des positions qu'ils défendent ? » Rappel : une campagne de pétitions pour l'obtention d'un référendum est en cours avec l'ambition, réévaluée à la hausse, de recueillir un million de signatures.

Débat, démocratie, consultation… D'où la décision prise au Comité national du PCF, d'organiser, dans tout le pays et à l'échelle de chaque département, des « Assises pour le changement en 1998 » : il s'agit, avec cette nouvelle étape de la démarche forum, de créer les conditions pour que les citoyens puissent intervenir dans le débat à gauche sur le contenu et les conditions du changement. Le coup d'envoi sera donné à Lille le 1er mars, à l'occasion d'un grand meeting. Question : « Ne craignez-vous pas que le PS boude ses assises ? » Robert Hue : « Au nom de quoi le PS refuserait-il le débat démocratique ? Il peut d'ailleurs y avoir organisation commune de ces assises. L’heure est à des évolutions pas inintéressantes. » Il souligne les récents propos de Lionel Jospin envisageant « un contrat d'orientation entre les partis de gauche et les écologistes », incluant donc le PCF. Jusqu'alors, les dirigeants du PS avaient évoqué que l'éventualité d'un accord au second tour. « Nous sommes en position charnière pour l'évolution, au cours des prochains mois, de la capacité de la gauche. »

La question du pluralisme

Accords ? La discussion rebondit sur ceux que le PS est en train de conclure, notamment avec les Verts. Pour Robert Hue, « Cela ne constitue pas un accord de l'ensemble des formations de gauche. Il est tout à fait normal que les Verts cherchent à signer un accord avec une force de gauche leur permettant d'avoir des élus. Ce qui les a conduits à cela, c'est l'absence de proportionnelle dans le mode d'élection des députés empêchant les petites formations d'être présentes à l'Assemblée nationale. La question est celle du pluralisme. Je serai attentif au contenu du texte de l'accord. » Il rappelle que le PCF et le Mouvement des citoyens ont signé une déclaration commune sur la monnaie unique.

Un journaliste doit déceler une tentation d’hégémonisme de la part du PS. Robert Hue: « On peut voir comme un petit retour à une certaine hégémonie. Ce n'est pas bon. Ce n'est plus de notre temps. Cette tentation, le PS l’a eu à une période où il avait une majorité confortable tout seul. On est aujourd'hui loin de cette situation. Un PS à 29 %, un PCF à 11 %, ça ne fait pas 50 %. »