Extraits d'une déclaration de M. Lionel Jospin, premier secrétaire du PS, à Paris le 8 février 1997, publiés dans "Le Monde" du 10 février 1997, sur la politique gouvernementale et la réponse du PS pour "exprimer les aspirations aux changements".

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Circonstance : Réunion de la Convention du PS sur les prochaines élections législatives et régionales, à Paris le 8 février 1997

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

« Nous devons exprimer les aspirations aux changements »

Devant la convention du PS, samedi 8 février, Lionel Jospin a invité les socialistes à ne pas être dupes de la « grande opération de communication lancée par le pouvoir sur le thème du "les choses vont mieux, notre politique est en train de réussir" (...). Parce que le dollar s’est apprécié, que les taux d’intérêt ont baissé, que la popularité  je devrais dire l’impopularité  de l’exécutif a très peu bougé, que le chômage, énorme, a baissé sur un mois, que le moral des Français, très bas, a monté de deux points, alors les choses changeraient en faveur du pouvoir ! Rien de tout cela n’est bien sérieux et je crois personnellement que cette opération fera long feu. »

Pour M. Jospin, « le Gouvernement, faute d’agir avec efficacité, redevient le Gouvernement de la parole et reprend la litanie des promesses ou des purs effets d’annonce (...). Je crois les Français suffisamment lucides pour ne pas prendre pour argent comptant  c’est d’ailleurs le cas de le dire , des déclarations d’intention sans lendemain. »

Nous n’avons pas de raison de croire à la « théorie du frémissement », a-t-il ajouté en évoquant les privatisations, la « compression » des salaires, « les projets de loi d’intimidation contre les immigrés », la « complaisance » de la France « officielle » face au pouvoir algérien. « Les inégalités continuent à se creuser dans notre pays et le chômage va malheureusement atteindre des records en 1997 ».

« Le poids du pouvoir politique et précisément du RPR si menacé dans ses errements parisiens, vient de se manifester avec éclat », a affirmé M. Jospin en saluant l’appel de juges européens « pour l’indépendance de la justice, contre la corruption et les tentatives d’étouffement des affaires (...). Il paraît que c’était une interpellation du politique. Ne devraient-ils pas tout autant l’adresser à leur haute hiérarchie judiciaire qui vient en France d’ouvrir la voie à la "justification économique" de l’abus de biens sociaux ? Et tout le monde ne sait-il pas que cela pourrait conduire, si les juges du rang n’y veillent pas, à enterrer un certain nombre d’affaires qui concernent les partis au pouvoir ?»

M. Jospin a conclu sur « l’exigence d’une autre politique » : « La question de la diminution du temps de travail, celle de l’indépendance de la justice, le thème de l’emploi des jeunes, la réforme de l’université, la situation en Algérie, tous ces sujets ignorés ou traités de haut par la droite reviennent en force parce que nous sommes là. À nous de passer dans l’année en cours, de la sensibilisation de l’opinion à nos thèmes à l’adhésion des Français à nos propositions (...).

Nous devons ressentir et exprimer les aspirations aux changements (...). Désarmer tous ces observateurs et critiques qui pleurent que la gauche et la droite ne se distinguent plus, qui disent qu’il faut du souffle et du rêve mais tirent sur tout ce qui bouge dans le domaine des propositions avec des airs de notaires sourcilleux jouant aux experts en économie alors qu’ils ne font que répéter ce que dit le voisin. Il faut vaincre la peur que les Français ont d’être déçus avec nous, la tentation qu’ils ont de se résigner à l’insatisfaction que leur procure le pouvoir d’aujourd’hui. »