Texte intégral
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative prise par le Sénat de procéder, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, à un débat sur la politique étrangère de la France. Je suis particulièrement heureux de venir m'exprimer à cette occasion devant les représentants de la nation pour expliquer nos choix de politique étrangère.
Nous sommes à la veille d'échéances décisives pour l'Europe. 1997 sera une année charnière de l'histoire de notre continent. Aussi notre priorité absolue est-elle d'édifier une Europe rénovée (I) sans cesser de participer à la mise en place d'un monde plus démocratique et plus juste, plus prévisible et plus sûr, qui ne perde rien de sa diversité (II).
I. – Au moment où tant de voix s'élèvent pour mettre en doute le bien-fondé de notre choix européen, je voudrais vous redire, inlassablement, ma conviction : nous avons besoin de construire notre avenir avec les autres peuples d'Europe.
Ne croyez pas que je ne comprenne pas le découragement qui saisit certains de mes concitoyens lorsqu'on leur demande, au nom de l'Europe, de faire plus d'efforts.
Pour des hommes et des femmes confrontés à des difficultés vitales, quotidiennes, pour tous ceux qui sont privés d'emploi ou s'inquiètent pour leur toit ou l'avenir de leurs enfants, les problèmes d'institutions européennes ou d'architecture européenne de sécurité paraissent déconnectés des réalités.
Les citoyens français, mais aussi les ressortissants des États partenaires, attendent des gouvernants des résultats concrets. Leur impatience est légitime : depuis trop longtemps les barrières idéologiques qui bornaient l'horizon européen ont été abattues, sans que l'Europe n'accède à son nouvel équilibre économique, politique et social.
Cette impatience est aussi la mienne.
L'Europe est un gigantesque chantier de rénovation et de construction, encore largement inachevé.
1997 sera une année clé pour quatre édifices essentiels de ce chantier européen.
A. – Le premier de ces chantiers est l'approfondissement de l'Union européenne. Deux échéances nous attendent en ce domaine : la Conférence intergouvernementale et la préparation de la IIIe phase de l'union économique et monétaire. L'une et l'autre reposent sur la coopération franco-allemande. Mais elles exigent aussi un dialogue attentif de notre pays avec tous ses partenaires. Je pense en particulier à l'Espagne et à l'Italie.
La Conférence intergouvernementale doit permettre en priorité de mettre les institutions européennes en mesure d'affronter l'élargissement qui se prépare. Elle aboutira, au milieu de l'année prochaine, sur la base des orientations qui seront données par le Conseil européen de Dublin en décembre.
Nous sommes engagés dans une œuvre inédite de rapprochement politique de grands États souverains et démocratiques. Il est normal que les discussions soient âpres, que les idées circulent, que le temps de la réflexion soit pris. Mais l'heure où la négociation doit se nouer a désormais sonné. À l'issue de cet exercice, nous devrions avoir une Union :
– plus démocratique et plus efficace : une nouvelle pondération des voix au Conseil tiendra mieux compte du poids respectif des pays ; une Commission resserrée sera à même de jouer pleinement son rôle ; les coopérations renforcées permettront aux États qui le veulent de mener des actions plus ambitieuses, sans entraîner de force ceux qui n'y sont pas prêts, mais sans les exclure « a priori » ;
– plus respectueuse de la diversité : le poids accru des parlements nationaux et une définition plus claire de la subsidiarité garantiront que l'Union européenne respecte les prérogatives fondamentales de ses États membres ;
– plus apte à agir sur la scène internationale. Cela veut dire une Union qui parle d'une seule voix à l'extérieur – c'est notre proposition d'un haut représentant – capable, à travers l'UEO, de donner à sa politique étrangère le prolongement militaire nécessaire. La France assurera à partir du 1er janvier 1997 la présidence de l'UEO sous le double signe de sa crédibilité opérationnelle et de son rapprochement avec l'Union européenne ;
– mieux armée pour lutter contre les dangers nouveaux qui menacent nos sociétés et que nul État ne peut prétendre combattre seul ; lutte contre le terrorisme, la drogue, le trafic de main-d'œuvre et la criminalité organisée.
L'année 1997 sera, pour l'union économique et monétaire une étape décisive : c'est au début de 1998 que seront identifiés les États aptes à passer à la phase III prévue par le traité de Maastricht.
Aujourd'hui, le passage à la monnaie unique est définitif, pour les gouvernements, comme pour les marchés.
Il faut, en 1997, conforter ce sentiment, achever les travaux de préparation, notamment sur l'organisation des relations entre les pays de la phase III et ceux qui ne les rejoindront que plus tard. Une dynamique impressionnante se met en place dans les entreprises, comme au niveau de l'État.
L'importance des échéances monétaires ne nous empêche pas d'être conscients de la nécessité de préserver ce modèle social européen, qui est, dans un monde en transition, le trait distinctif de nos sociétés. Nous avons présenté à nos partenaires un mémorandum qui devra se traduire en 1997, par des avancées concrètes.
B. – Ainsi, l'Union serait-elle en mesure d'accueillir de nouveaux membres ; l'élargissement sera notre deuxième rendez-vous capital pour 1997 : je pense au lancement, moins de six mois après la fin de la CIG, des négociations d'adhésion avec les démocraties d'Europe centrale et orientale.
La France a pris position clairement pour l'accueil au sein de l'Union de ces peuples qui font naturellement partie de notre communauté culturelle et historique. Le processus d'élargissement sera mené de façon à intégrer aussi vite que possible ceux qui ont déjà parcouru une grande partie du chemin. Mais il ne devra exclure personne. Dans le cadre d'une conférence européenne, la France propose que l'Union et l'ensemble des pays candidats développent une coopération politique et économique renforcée qui conforte la vocation de tous à rejoindre, le moment venu, l'Union européenne.
C. – Aucun État d'Europe, fut-il aux marches de notre continent, avec ou sans vocation à entrer dans l'Union, ne doit se sentir menacé par les évolutions récentes.
Nous aurons donc – ce sera notre troisième mission – à jeter en 1997 les bases d'une nouvelle architecture de sécurité européenne.
Cela a conduit la France à faire un triple pari :
– le plus fondamental consiste à transformer une alliance atlantique dirigée contre un ennemi identifié par son idéologie en une alliance qui, à des degrés divers, accueillera les nouvelles démocraties européennes et coopérera avec tous : l'élargissement de l'OTAN franchira en 1997 une étape décisive. En même temps seront définis, avec la Russie, mais aussi avec tous les pays qui le souhaiteraient, je pense en particulier aux pays Baltes, des liens de coopération particuliers et adaptés aux besoins de sécurité de chacun. L'élargissement de l'OTAN ne doit pas renforcer la sécurité de quelques-uns aux dépens des autres. Il faut qu'il n'y ait, dans cette affaire, ni vainqueur ni vaincu ; et que la sécurité de tous, y compris de la Russie, s'en trouve renforcée ;
– dans le même temps, nous voulons arriver à donner naissance au sein de l'OTAN à une véritable identité européenne de défense. Après le conseil ministériel de Berlin en juin dernier, de nouvelles étapes importantes seront franchies en 1997, avec pour horizon une alliance rééquilibrée, rénovée, dans laquelle l'Europe peut agir et se faire entendre. Si cette alliance-là voit le jour en 1997, la France est prête à y prendre toute sa place ;
– enfin, nous sommes convaincus que pour réussir, cette révolution tranquille doit s'accompagner de l'approfondissement du solide partenariat qui, à travers l'océan Atlantique, nous attache aux États-Unis. Certains prennent grand plaisir à monter en exergue tous les dossiers sur lesquels les intérêts de la France paraissent entrer en conflit avec ceux des États-Unis. Je voudrai les détromper. Les relations franco-américaines sont profondes et confiantes. Le nombre des sujets de divergence est limité au regard de la densité des relations. Le caractère en apparence contentieux de certains d'entre eux traduit la réalité de notre relation celle de deux partenaires prêts à dialoguer sur tout, et déterminés à surmonter leurs divergences.
Le sommet de l'Alliance qui se tiendra l'an prochain permettra, je l'espère, d'atteindre ces trois objectifs, avec un principe de base : que nul État en Europe ne se sente diminué dans sa sécurité.
D. – Cette exigence d'égalité souveraine entre États, cette conviction que la sécurité en Europe doit être égale pour tous, nulle institution ne l'incarne mieux que l'OSCE. Nous proposerons à Lisbonne, en décembre prochain, de raffermir l'OSCE, et d'y prendre des mesures concrètes qui manifestent qu'aucun État européen n'est, selon nous, « secondaire » ou « moins important ».
Au terme de cette longue énumération, je me sens à la fois conforté dans mes convictions européennes et forcé d'admettre que l'ampleur de la tâche est vertigineuse. Qui aurait pu il y a quelques années imaginer qu'avant la fin du siècle, notre génération doive ouvrir à la fois les chantiers de l'Europe politique, de son élargissement à l'Europe entière, de l'accession de l'Union à la souveraineté monétaire ainsi que de l'établissement de l'alliance effective des peuples établis de l'Atlantique à l'Oural ?
La France ne peut laisser passer sa chance d'imprimer à cette œuvre, par la force de sa persuasion, sa marque singulière. Ne laissons pas passer notre chance, ne laissons pas « l'éternelle alliance de la démagogie et de la routine » que dénonçait le général de Gaulle en 1964 nous priver des réformes indispensables.
Dans cette phase de transition, la volonté – qui est de notre part une volonté profonde et sincère – d'aboutir à des positions communes de l'Europe ne privera pas la France de sa voix. Le succès de la politique étrangère et de sécurité commune ne se mesure pas à l'effacement des politiques nationales, mais à son aptitude à les rapprocher et à en amplifier l'impact à l'extérieur.
Je pense en particulier au Moyen-Orient et à la Méditerranée.
Au Proche-Orient, dans la ligne qui vient d'être tracée par le président de la République lors de son récent voyage dans la région, nous continuerons à soutenir tous les efforts visant à relancer le processus de paix. Nous sommes convaincus que l'Europe, qui est l'un des principaux contributeurs a son mot à dire dans cette affaire. Nos efforts visent à faciliter la reprise des négociations sur la base des accords déjà conclus, et à tracer une perspective où l'Europe trouvera naturellement sa place dans les négociations. Nous nous réjouissons de la nomination d'un émissaire spécial européen, et comptons bien contribuer activement à la définition du mandat politique qui lui sera confié par le Conseil.
Sur le plan économique, nous sommes prêts à aider toutes les parties dans le cadre plus large du partenariat euro-méditerranéen. Celui-ci prévoit avec le programme MEDA une aide de 5 milliards d'écus sur 5 ans et autant en prêts. Mais il vise aussi un véritable dialogue politique et culturel, en offrant une enceinte qui rassemble tous les États riverains. En 1997, la France propose qu'une conférence ministérielle, voire un sommet des chefs d'État des 27 pays réunis il y a un an à Barcelone, adopte un pacte euro-méditerranéen, qui donne à cette relation nouvelle sa pleine dimension politique.
Au-delà de l'Europe, avec nos partenaires de l'Union européenne, notre ambition est de contribuer à l'instauration d'un monde plus démocratique et plus juste (1), plus prévisible et plus sûr (2), qui ne perde rien de sa diversité (3).
1. Un monde plus démocratique et plus juste
La principale enceinte de dialogue et de promotion de la stabilité à l'échelle mondiale doit demeurer l'Organisation des Nations unies.
Les valeurs que nous défendons – État de droit, égalité souveraine des États, respect des droits et libertés – constituent son fondement.
C'est pourquoi en 1997, nous continuerons d'être actifs dans la rénovation des Nations unies. Nous soutenons le secrétaire général M. Boutros-Ghali dans l'œuvre de réforme qu'il a entreprise.
Face à la crise financière que connaissent les Nations unies, nous adoptons une attitude constructive : avec nos partenaires européens, nous avons fait des propositions concrètes destinées à assainir une situation obérée par d'énormes arriérés ; nous appelons nos partenaires américains à tenir leurs engagements pour contribuer à cet assainissement.
Nous sommes ouverts aux évolutions, y compris en ce qui concerne le Conseil de sécurité. La France soutient la candidature de notre principal partenaire, l'Allemagne, ainsi que du Japon, au statut de membre permanent. De grands États « du Sud » appelés à jouer un rôle majeur à l'avenir devront également y trouver leur place.
Hors du Conseil de sécurité, nous exerçons nos responsabilités, dans toutes les enceintes de l'organisation : nous encourageons tout particulièrement le patient travail accompli par la commission des droits de l'homme qui, non sans mal, poursuit son effort quotidien contre les abus, et fraye peu à peu la voie du droit.
À titre national comme à travers l'Union européenne, nous continuerons à contribuer de façon significative à l'aide au développement. Nous avons été en 1995, le deuxième contributeur mondial en valeur absolue, juste après le Japon et devant les États-Unis, avec une aide totale de 8,4 milliards de dollars. À l'avenir, nous nous efforcerons de maintenir ces ordres de grandeur.
À cet égard, l'Afrique constitue toujours pour nous un objectif prioritaire. Pour la première fois, l'Afrique a connu ces deux dernières années, une croissance de l'ordre de 5 % supérieure à la croissance démographique. Nous y voyons un encouragement à renforcer encore nos efforts. Si l'on additionne l'ensemble des aides bilatérales et multilatérales (notamment européennes) accordées par la France au développement, 60 % vont à l'Afrique, dont 47 % à l'Afrique subsaharienne, où les pays les moins avancés sont les plus nombreux.
Lors du G7 de Lyon en juin dernier, nous avons insisté auprès de nos partenaires pour que, malgré les restrictions budgétaires pratiquées par tous les pays occidentaux, les plus pauvres ne soient pas oubliés, tel n'est pas le cas hélas ! La France a réaffirmé la nécessité d'accorder à ces États un traitement plus généreux en ce qui concerne le remboursement de leur dette. Nous nous félicitons que nos partenaires aient confirmé leur participation à l'Agence internationale pour le développement, qui dépend de la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement.
Nous avons également plaidé pour que de nouveaux pays émergents adoptent la même politique de solidarité envers les moins avancés, comme le président de la République l'a fait à Singapour au printemps dernier.
Bien évidemment, dans notre esprit, le développement ne se réduit pas à un soutien financier, si important soit-il. Notre travail en faveur de la démocratie et du maintien de la paix demeure essentiel. Dans le cadre de « l'agenda pour la paix » du secrétaire général de l'ONU, les pays africains doivent être plus impliqués dans la prévention des crises qui secouent leur continent, mieux protéger la stabilité politique sans laquelle il n'est pas de développement durable.
2. Nous avons aussi pour ambition de créer un monde plus prévisible et plus sûr
La « mondialisation » ne doit pas servir d'exutoire à nos propres difficultés, à nos opinions désorientées. Elle nous impose en revanche d'être plus présents dans le nouveau paysage international, et doit être vue comme une chance pour nos produits, puisque nous représentons le 4e exportateur mondial, mais aussi pour nos idées et notre culture.
La mondialisation ne sera un facteur de stabilité pour notre société que si, au lieu de la subir, nous savons la maîtriser et faire en sorte que les rapports de forces soient encadrés par des règles du jeu claires et acceptées par tous. Promouvoir ces règles, notamment les règles sociales, et les faire respecter est l'un des grands défis de notre diplomatie.
La France et l'Union européenne s'efforcent de renforcer les procédures de régulation que lui offrent les structures multilatérales mises en place au cours des dernières années, notamment l'Organisation mondiale du commerce. Sans loyauté, il n'y a pas d'échanges équilibrés. L'adoption par certains de mesures unilatérales et extraterritoriales nous a conduits à déclencher des procédures et à nous doter d'instruments symétriques. Nous ferons le plein usage des voies de règlement des différends qui nous sont ouvertes, mais nous n'hésiterons pas, si nous y sommes contraints, à veiller par tous les moyens nécessaires au respect des règles du jeu.
En outre, la France utilisera toutes les enceintes multilatérales existantes, la FAO, en vue du prochain sommet mondial sur l'alimentation, l'OIT, où la France saura faire entendre son souci de cohésion et de justice sociale.
Dans le prolongement de cette action, notre diplomatie est également mobilisée pour soutenir concrètement nos entreprises à l'exportation, les grandes comme les moins grandes, lesquelles ne savent pas toujours suffisamment que nos ambassades peuvent les aider dans leur développement international.
C'est ainsi que, comme vous le savez, nous avons décidé de donner un nouvel élan à notre diplomatie économique, en faisant se rencontrer dans les régions françaises nos ambassadeurs et des chefs d'entreprise, notamment des PME-PMI. Je lancerai bientôt cette opération à Nantes.
Enfin, nous nous efforcerons de poursuivre la lutte contre les fléaux transnationaux qui posent un défi nouveau à la sécurité internationale et appellent des formes radicalement nouvelles de coopération internationale.
Le sommet du G7 a engagé une coopération en matière de lutte contre le terrorisme 25 recommandations pratiques et concrètes ont été adoptées le 30 juillet à Paris, auxquelles nous entendons donner suite.
La drogue est un autre sujet de préoccupation majeure : les États où se trouvent les consommateurs potentiels, et ceux où s'effectue la production, ont conscience de l'imbrication des enjeux. L'Union européenne a choisi de coordonner son action avec celle d'institutions multilatérales, comme par exemple le programme spécialisé des Nations unies (PNUCID). 1997 sera pour nous une année décisive de préparation de la session extraordinaire de l'assemblée générale des Nations unies qui, l'année suivante, sera consacrée à la drogue.
En matière de désarmement, des voies nouvelles sont ouvertes. J'ai signé au nom de la France à New York, en septembre dernier, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Après des décennies de péril latent, nous voyons enfin la menace d'une guerre atomique s'estomper. Cette convention apporte une contribution importante à la non-prolifération. Nous devons la compléter par une négociation sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement. Nous œuvrerons également à la conclusion d'un accord d'interdiction générale des mines anti-personnel qui doivent être impérativement éradiquées.
3. Enfin, il est vital à nos yeux que le monde en train de se construire ne renonce pas à sa diversité.
La promotion de la francophonie n'est pas le combat égoïste d'une France attachée à la seule perpétuation de son prestige ou de sa culture. Notre engagement est celui de tous ceux et celles qui refusent l'uniformité, qui croient aux échanges entre cultures différentes.
La diversité des États francophones en est le meilleur exemple : le prochain sommet francophone aura lieu en Asie, à Hanoi en novembre 1997 ; il fait suite à celui de Cotonou, de décembre 1995, où deux priorités ont été définies : l'éducation de base et la place du français dans les réseaux modernes de communication.
Nous poursuivrons aussi notre politique d'extension des zones desservies par nos opérateurs de radio et télévision, et notre réflexion sur l'adaptation de notre offre en la matière.
Le souci de la diversité nous anime aussi lorsque nous nous efforçons de renforcer nos liens avec des zones émergentes qui doivent être aujourd'hui les priorités de notre diplomatie, l'Asie et l'Amérique latine.
L'Asie doit être, je l'ai dit et je le répète, la « nouvelle frontière » de notre diplomatie. Lors de la visite du président de la République à Singapour, au printemps dernier, la France a donné la mesure de cette ambition. Nos relations avec ce continent si dynamique, si riche aussi de traditions, de culture et de savoirs, doivent être portées à un degré de qualité nouveau dans le domaine culturel, politique et naturellement économique.
Lors du sommet de Bangkok en mars dernier, qui a réuni les Quinze de l'Union européenne et dix pays d'Asie, le projet franco-singapourien de création d'une fondation euro-asiatique a été entériné. La mise en place de la fondation dès 1997 nous permettra d'encourager le rapprochement des chercheurs et des étudiants.
La priorité que nous attachons à l'Asie sera marquée par une visite importante du président de la République au Japon en novembre prochain et en Chine l'année prochaine.
Tout comme nos relations avec l'Asie, nos rapports avec l'Amérique latine doivent être renforcés. L'Union européenne est le premier partenaire commercial du marché commun du Sud ou « Mercosur » qui rassemble l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, et y enregistre des excédents importants.
D'une manière générale, nous jouissons dans cette région du monde, avec nos partenaires européens, d'un capital de sympathie important, fait d'affinités latines et de liens humains, et accru par la qualité exceptionnelle de la coopération à Quinze.
En un an, le président de la République a marqué notre action extérieure d'un style nouveau, plus direct, plus simple, où les apparences protocolaires comptent peut-être moins qu'avant et la chaleur et la sincérité peut-être davantage.
Ce style nouveau nous a permis de confirmer notre engagement européen, d'explorer les nouveaux champs de notre diplomatie et de créer une relation d'une qualité nouvelle avec de nombreux partenaires.
Il est celui d'une France fiable, consciente de ses responsabilités internationales, dénuée d'arrogance, ouverte au dialogue, capable de faire face aux nouveaux chantiers de la vie internationale d'aujourd'hui et, soyez-en sûrs, absolument déterminée à faire valoir ses intérêts, à faire rayonner son prestige et sa culture, à partir de l'étendard de l'Europe sur tous les continents de notre planète. La planète des hommes de demain, où l'Europe peut prétendre occuper la première place, où la France peut encore vouloir jouer les premiers rôles. La France ! La France d'hier et d'aujourd'hui. La France de toujours !
Annexe du procès-verbal de la séance du 31 octobre 1996
Déclaration du gouvernement sur les affaires étrangères par M. Hervé de Charette, ministre des Affaires étrangères
Exposé des motifs
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative que vous avez prise de procéder, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, à un débat sur la politique étrangère de la France. Je suis particulièrement heureux de constater que vous êtes nombreux pour ce débat, ce qui marque l'intérêt du Sénat pour la politique étrangère de notre pays.
Nous sommes à la veille d'échéances décisives pour l'Europe : 1997 sera une année charnière de l'histoire de notre continent. Aussi notre priorité absolue est-elle d'édifier une Europe rénovée, sans cesser de participer à la mise en place d'un monde plus démocratique, plus juste, plus sûr et qui ne perde rien de sa diversité.
Au moment où tant de voix s'élèvent pour mettre en doute le bien-fondé de notre choix européen, je voudrais vous redire, inlassablement, ma conviction : nous avons besoin de construire notre avenir avec les autres peuples d'Europe.
Ne croyez pas que je ne comprenne pas le découragement qui saisit certains de nos concitoyens lorsqu'on leur demande, au nom de l'Europe, de faire plus d'efforts, toujours plus d'efforts.
Pour des hommes et des femmes confrontés à des difficultés essentielles qui touchent à leur vie quotidienne, pour tous ceux qui sont privés d'emploi ou qui s'inquiètent pour leur logement ou l'avenir de leurs enfants, les problèmes d'institutions européennes ou d'architecture européenne de sécurité paraissent sans doute bien loin.
Les citoyens français, mais aussi les ressortissants des États partenaires, attendent des gouvernants des résultats concrets. Leur impatience est légitime : depuis trop longtemps, les barrières idéologiques qui bornaient l'horizon européen ont été abattues, sans que l'Europe accède à son nouvel équilibre économique, politique et social.
Cette impatience est donc la mienne et je suis sûr qu'elle est aussi la vôtre.
Pour autant, l'Europe est un gigantesque chantier de rénovation et de construction.
L'année 1997 sera sans doute une année clé pour quatre étapes essentielles de ce chantier.
Le premier de ces chantiers est incontestablement l'approfondissement de l'Union européenne. Deux échéances nous attendent en ce domaine : l'achèvement de la Conférence intergouvernementale et la préparation de la troisième phase de l'union économique et monétaire. L'une et l'autre reposent sur la coopération franco-allemande, mais elles exigent aussi un dialogue attentif de notre part avec tous nos partenaires, je pense en particulier à l'Espagne, à l'Italie et à beaucoup d'autres.
La Conférence intergouvernementale doit permettre de faire en sorte que les institutions européennes soient en mesure d'affronter l'élargissement qui se prépare. Elle devrait aboutir au milieu de l'année prochaine, sur la base des orientations qui ont été données par le Conseil européen de Dublin en octobre dernier, et qui seront, je l'espère, prolongées, précisées et développées à l'occasion du Conseil européen de Dublin en décembre.
Nous sommes engagés dans une œuvre extrêmement importante de rapprochement des grands États souverains et démocratiques, il est donc normal que les discussions soient âpres ; que les idées circulent, que le temps de la réflexion soit pris. Mais l'heure où la négociation doit se nouer a désormais sonné. À l'issue de cet exercice, nous devons parvenir à une Europe à la fois plus démocratique et plus efficace, plus respectueuse de la diversité de ses membres, plus apte à agir sur la scène internationale et mieux armée, je l'espère, pour lutter contre les nouveaux fléaux qui menacent nos sociétés.
Pour qu'elle soit plus efficace, il faudra que nous ayons réglé la question de la pondération des voix au Conseil, de façon à mieux tenir compte du poids propre de chaque État dans l'Europe élargie.
Il faudra aussi que la Commission, retournant vers ses origines, soit réduite en nombre et plus efficace.
La possibilité devra être donnée à un certain nombre d'États voulant aller plus vite et plus loin de s'organiser dans le cadre de l'Union, sans entraîner de force ceux qui ne seraient pas prêts, mais aussi sans être freinés par ceux dont le pas est plus lent.
Pour mieux tenir compte de la diversité, il faudra donner un rôle nouveau aux parlements nationaux et résoudre, enfin, l'interminable question de la subsidiarité, toujours évoquée, jamais résolue.
Pour être plus présente sur la scène internationale, l'Union devra avoir donné corps à cet outil de la politique étrangère et de sécurité commune que nous appelons de nos vœux.
Il faudra aussi que, dans ses dispositions, le traité sur l'Union fasse référence à la solidarité politique de ses États membres et à ses relations avec l'Union de l'Europe occidentale.
Enfin, pour être mieux armée contre les fléaux nouveaux que j'évoquais tout à l'heure, il conviendra que l'Union ait pris des décisions de forte importance concernant la lutte contre le terrorisme, la drogue et le trafic de main-d'œuvre.
L'année 1997 sera, dans le même temps – tout le monde le sait – un moment décisif vers la création de la monnaie européenne. Il faut donc, au cours de cette année 1997, conforter le sentiment que le passage à la monnaie unique est définitif, et achever les travaux de préparation, notamment sur l'organisation des relations entre les pays de la phase III et ceux qui ne les rejoindront que plus tard. Une dynamique se met en place ; il convient qu'elle aille à son terme.
Enfin, l'importance de ces échéances monétaires ne nous empêche pas d'être conscients de la nécessité de préserver le modèle social : le nôtre, mais aussi, je crois pouvoir le dire, le modèle social européen qui est, dans ce monde nouveau, l'un des traits distinctifs de la société européenne, et que nous n'avons pas de raison de brader à l'encan.
Ainsi l'Union sera-t-elle en mesure, mesdames et messieurs les sénateurs, d'accueillir de nouveaux membres. L'élargissement sera donc notre deuxième rendez-vous capital pour la fin de l'année 1997 ou le début de l'année 1998.
La France a pris position clairement pour l'accueil, au sein de l'Union, de ces peuples qui font naturellement partie de notre communauté culturelle et historique. Le processus d'élargissement sera mené de façon à intégrer aussi vite que possible ceux qui ont déjà parcouru une grande partie du chemin. Mais il ne faudra exclure personne de ce projet, de cette perspective, de cet objectif.
C'est pourquoi la France propose l'organisation d'une conférence européenne permanente réunissant l'Union et l'ensemble des pays candidats, afin de développer entre nous, dès maintenant, une coopération politique renforcée.
Aucun État d'Europe, fût-il aux marches de notre continent, avec ou sans vocation à entrer dans l'Union, ne doit se sentir menacé par ces évolutions.
Nous aurons donc – ce sera le troisième chantier – à jeter les bases d'une nouvelle architecture de sécurité européenne en 1997.
Cela nous conduit à faire trois paris.
Le plus fondamental consiste à transformer une Alliance atlantique, hier dirigée contre un ennemi identifié, en une alliance qui, à des degrés divers, accueillera les nouvelles démocraties européennes et coopérera avec tous : l'élargissement de l'OTAN franchira en 1997 une étape décisive.
En même temps seront définis, avec la Russie, mais aussi avec tous les pays qui le souhaiteraient – je pense, notamment, aux pays Baltes – des liens de coopération particuliers et adaptés aux besoins de sécurité de chacun.
L'élargissement de l'OTAN ne doit pas renforcer la sécurité de quelques-uns aux dépens des autres. Il faut qu'il n'y ait, dans cette affaire, ni vainqueur ni vaincu, et que la sécurité de tous, y compris de la Russie, s'en trouve renforcée.
Dans le même temps, nous voulons arriver à donner naissance, au sein de l'OTAN, à une véritable identité européenne de défense. Après le conseil ministériel de Berlin, qui s'est tenu le mois dernier, de nouvelles étapes importantes seront franchies, je l'espère, en 1997, avec pour horizon une alliance nouvelle, dans laquelle l'Europe pourra agir et se faire entendre.
Si une telle alliance voit le jour en 1997, la France est prête à y prendre toute sa place. Toutefois, si les choses ne devaient pas évoluer ainsi, bien entendu, nous en resterions là.
Enfin, nous sommes convaincus que, pour réussir, cette révolution tranquille doit s'accompagner de l'approfondissement d'un solide partenariat qui, à travers l'océan Atlantique, nous attache aux États-Unis.
Certains prennent grand plaisir à monter en exergue tous les dossiers sur lesquels les intérêts de la France paraissent entrer en conflit avec ceux des États-Unis. Je voudrais les détromper et, si c'était nécessaire, mesdames, messieurs les sénateurs, vous rassurer. Les relations franco-américaines sont profondes et confiantes. Le nombre de sujets de désaccord est limité au regard de la densité des relations. Le caractère en apparence contentieux de certains d'entre eux traduit la réalité de notre relation : celle de deux partenaires prêts à dialoguer sur tout, qui ont des liens d'amitié extrêmement forts et qui sont, naturellement, déterminés à surmonter leurs divergences.
Le sommet de l'Alliance qui se tiendra l'an prochain permettra, je l'espère, d’atteindre ces trois objectifs, avec un principe de base : que nul État en Europe ne se sente diminué dans sa sécurité, et que, au contraire, celle-ci ait progressé de façon décisive.
Cette exigence d'égalité entre États, cette conviction que la sécurité en Europe doit être égale pour tous, nulle institution ne les incarne mieux que l'OSCE. C'est pourquoi nous proposerons à l'occasion du sommet de Lisbonne, en décembre prochain, de raffermir l'OSCE et de prendre des mesures concrètes qui manifesteront qu'aucun État européen n'est, selon nous, « secondaire » ou « moins important » en matière de coopération et de sécurité.
Au terme de cette énumération, je me sens à la fois conforté dans mes convictions européennes et forcé de mesurer l'ampleur de la tâche. En effet, qui aurait pu, il y a quelques années, imaginer qu'avant la fin du siècle notre génération aurait à ouvrir à la fois les chantiers de l'Europe politique, de son élargissement à l'Europe entière, de l'accession de l'Union européenne à la souveraineté monétaire, ainsi que de l'établissement de l'alliance effective des peuples établis de l'Atlantique à l'Oural ?
La France ne peut laisser sa chance d'imprimer à cette œuvre, par la force de sa persuasion, sa marque singulière. Ne laissons pas passer notre chance, ne laissons pas « l’éternelle alliance de la démagogie et de la routine », que dénonçait le général de Gaulle en 1964, nous priver des réformes indispensables.
Dans cette phase de transition, la volonté – qui est de notre part profonde et sincère – d'aboutir à ce que l'Europe adopte des positions communes ne privera pas la France de sa voix. Le succès de la politique étrangère et de sécurité commune se mesure non pas à l'effacement des politiques nationales, mais à son aptitude à les rapprocher et à en amplifier l'impact à l'extérieur.
Je pense en particulier, évidemment, au Moyen-Orient et à la Méditerranée.
Au Proche-Orient, selon la ligne qui vient d'être tracée par M. le président de la République lors de son récent voyage dans la région, nous continuerons à soutenir tous les efforts visant à relancer le processus de paix. Nous sommes convaincus que l'Europe, qui est l'un des principaux contributeurs, a son mot à dire dans cette affaire, d'autant qu'il s'agit, pour elle, d'intérêts essentiels, d'intérêts vitaux, qui lui donnent non seulement le droit mais le devoir de s'en mêler.
Nos efforts visent à faciliter la reprise des négociations sur la base des accords déjà conclus et à tracer une perspective dans laquelle l'Europe trouvera naturellement sa place dans le cours des négociations.
Nous nous réjouissons, et nous considérons qu'il s'agit d'un succès pour nous aussi, que l'Union européenne, lundi dernier, ait nommé un émissaire spécial pour le Proche-Orient et comptons bien contribuer activement à la définition du mandat politique qui lui sera confié.
Sur le plan économique, nous sommes prêts à aider toutes les parties dans le cadre plus large du partenariat euro-méditerranéen. Celui-ci prévoit, vous le savez, avec le programme MEDA une aide de 5 milliards d’écus sur cinq ans et autant sous forme de prêts. Mais il vise aussi un véritable dialogue politique et culturel, en offrant une enceinte qui rassemble tous les États riverains. En 1997, la France propose qu'une conférence interministérielle, voire, si les conditions sont réunies, un sommet des chefs d'État des vingt-sept pays réunis voilà un an à Barcelone, adopte un pacte euro-méditerranéen, qui donne à cette relation nouvelle sa pleine dimension politique.
Au-delà de l'Europe, avec nos partenaires de l'Union européenne, notre ambition est de contribuer à l'instauration d'un monde plus démocratique, plus juste, plus sûr et qui ne perde rien de sa diversité.
La principale enceinte de dialogue et de promotion de la stabilité à l'échelle mondiale doit demeurer l'Organisation des Nations unies.
Les valeurs que nous défendons – État de droit, égalité souveraine des États, respect des droits et libertés – constituent son fondement.
C'est pourquoi en 1997, nous continuerons d'être actifs dans la rénovation des Nations unies. Nous soutenons le secrétaire général M. Boutros-Ghali dans l'œuvre remarquable de réforme qu'il a entreprise, en dépit des bâtons dans les roues qu'il a pu rencontrer.
Face à la crise financière que connaissent les Nations unies, nous adoptons une attitude constructive : avec nos partenaires européens, nous avons fait des propositions concrètes destinées à assainir une situation obérée par d'énormes arriérés ; nous appelons nos amis américains à tenir leurs engagements pour contribuer à cet assainissement.
Nous sommes ouverts aux évolutions, y compris en ce qui concerne le Conseil de sécurité. La France soutient la candidature de son principal partenaire, l'Allemagne, ainsi que du Japon, au statut de membre permanent du Conseil de sécurité. De grands États « du Sud » appelés à jouer un rôle majeur à l'avenir devront également y trouver toute leur place.
Nous exerçons nos responsabilités, en dehors du Conseil de sécurité, dans toutes les enceintes de l'Organisation : nous encourageons tout particulièrement le patient travail accompli par la commission des droits de l'homme qui, non sans mal, poursuit son effort quotidien contre les abus et fraye peu à peu la voie du droit.
À titre national, comme à travers l'Union européenne, nous continuerons à contribuer de façon significative à l'aide au développement. Nous avons été, en 1995, le deuxième contributeur mondial en valeur absolue – je dis bien « en valeur absolue » – immédiatement après le Japon et devant les États-Unis, avec une aide totale de 8,4 milliards de dollars, c'est-à-dire plus de 40 milliards de francs. À l'avenir, nous nous efforcerons de maintenir ces ordres de grandeur, mais nous aimerions bien nous sentir un peu moins seuls.
À cet égard, l'Afrique constitue toujours pour nous un objectif prioritaire. Pour la première fois, l'Afrique a connu, ces deux dernières années, une croissance de l'ordre de 5 % supérieure à la croissance démographique. Nous y voyons un encouragement à renforcer encore nos efforts. Si l'on additionne l'ensemble des aides bilatérales et multilatérales – notamment européennes – accordées par la France au développement, 60 % vont à l'Afrique, dont 47 % à l'Afrique subsaharienne, où les pays les moins avancés sont, hélas, les plus nombreux.
Lors du G7 de Lyon, en juin dernier, nous avons insisté auprès de nos partenaires pour que, malgré les restrictions budgétaires pratiquées par tous les pays occidentaux, les plus pauvres ne soient pas, comme toujours, les plus oubliés. Tel n'est pas, hélas, le cas et la France a réaffirmé la nécessité d'accorder à ces États un traitement plus généreux en ce qui concerne le remboursement de leur dette. Nous nous félicitons que nos partenaires aient confirmé leur participation à l'Agence internationale pour le développement, qui dépend de la Banque mondiale, et à la Banque africaine de développement.
Nous avons également plaidé pour que de nouveaux pays émergents adoptent la même politique de solidarité envers les moins avancés, comme le M. le Président de la République l'a fait à Singapour, au printemps dernier.
Bien évidemment, dans notre esprit, le développement ne se réduit pas à un soutien financier, si important soit-il. Notre travail en faveur de la démocratie et du maintien de la paix demeure essentiel. Dans le cadre de « l'agenda pour la paix » du secrétaire général de l'ONU, les pays africains doivent être plus impliqués dans la prévention des crises qui secouent leur continent, ils doivent mieux protéger la stabilité politique sans laquelle il n'est pas de développement durable.
Nous voudrions aussi créer un monde plus prévisible.
La mondialisation ne doit pas servir d'exutoire à nos propres difficultés, à nos opinions désorientées. Elle nous impose d'être plus présents dans le nouveau paysage international et doit être vue comme une chance pour nos produits – puisque nous représentons le quatrième exportateur mondial – mais aussi pour nos idées et notre culture.
La mondialisation ne sera un facteur de stabilité pour notre société que si, au lieu de la subir, nous savons la maîtriser et faire en sorte que les rapports de forces soient encadrés par des règles du jeu claires et acceptées par tous. Promouvoir ces règles, notamment les règles sociales, et les faire respecter est l'un des enjeux essentiels de la mondialisation. Celle-ci n'est pas nécessairement un bien ; elle sera un bien à condition qu'elle suive des règles précises, coordonnées entre tous.
La France et l'Union européenne s'efforcent de renforcer les procédures de régulation que lui offrent les structures multilatérales mises en place au cours des dernières années, notamment l'Organisation mondiale du commerce. Sans loyauté, il n'y a pas d'échanges équilibrés. L'adoption par certains de mesures unilatérales et extraterritoriales nous a conduits à déclencher des procédures et à nous doter d'instruments symétriques. C'est ce que nous avons fait lundi dernier à Bruxelles, pour répliquer à la loi Helms-Burton. Nous ferons le plein usage des voies de règlement des différends qui nous sont ouvertes, mais nous n'hésiterons pas, si nous y sommes contraints, à veiller par tous les moyens nécessaires au respect des règles du jeu.
En outre, la France utilisera toutes les enceintes multilatérales existantes, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture – FAO – en vue du prochain sommet mondial sur l'alimentation et l'Organisation internationale du travail – OIT – où la France saura faire entendre son souci de cohésion et de justice sociale.
Dans le prolongement de cette action, notre diplomatie est également mobilisée pour soutenir concrètement nos entreprises à l'exportation, les grandes comme les moins grandes, lesquelles ne savent pas toujours suffisamment que nos ambassades peuvent les aider dans leur développement international.
C'est ainsi que, comme vous le savez, nous avons décidé de donner un nouvel élan à notre diplomatie économique, en faisant se rencontrer dans les régions françaises nos ambassadeurs et des chefs d'entreprise, notamment des PME et des PMI. Je lancerai bientôt cette opération à Nantes. Bien entendu, elle se poursuivra dans l'ensemble des régions de France.
Enfin, nous nous efforcerons de poursuivre la lutte contre les fléaux transnationaux qui posent un défi nouveau à la sécurité internationale et appellent des formes radicalement nouvelles de coopération internationale.
Le sommet du G7 a engagé une coopération en matière de lutte contre le terrorisme : vingt-cinq recommandations pratiques et concrètes ont été adoptées le 30 juillet à Paris, auxquelles nous entendons, bien sûr, donner suite.
La drogue est un autre sujet de préoccupation majeure : les États où se trouvent les consommateurs potentiels et ceux où s'effectue la production ont désormais conscience de l'imbrication des enjeux. L'Union européenne a choisi de coordonner son action avec celle d'institutions multilatérales, comme le programme spécialisé des Nations unies. Ainsi, 1997 sera pour nous une année de préparation de la session extraordinaire de l'assemblée générale des Nations unies qui, l'année suivante, sera consacrée à la drogue.
En matière de désarmement, des voies nouvelles sont ouvertes. J'ai signé au nom de la France à New York, en septembre dernier, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Après des décennies, nous voyons enfin la menace d'une guerre atomique s'estomper. Cette convention apporte une contribution importante à la non-prolifération. Nous devons la compléter par une négociation sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement. Nous œuvrerons également à la conclusion d'un accord d'interdiction générale des mines anti-personnel qui doivent être impérativement éradiquées.
Enfin, il est vital à nos yeux que le monde en train de se construire ne renonce pas à sa diversité.
La promotion de la francophonie n'est pas le combat égoïste d'une France attachée à la perpétuation de son prestige ou de sa culture, encore que ce serait un objectif en lui-même suffisant. Notre engagement est celui de tous ceux et celles qui refusent l'uniformité et l'existence d'une seule langue dans le monde, qui croient aux échanges entre cultures différentes et sont persuadés que le progrès s'appuie sur de telles constatations.
La diversité des États francophones en est le meilleur exemple : le prochain sommet francophone aura lieu en Asie, à Hanoi, en novembre 1997 ; il fera suite à celui de Cotonou, de décembre 1995, où deux priorités ont été définies : l'éducation de base et la place du français dans les réseaux modernes de communication.
Nous poursuivrons aussi notre politique d'extension des zones desservies par nos opérateurs de radio et de télévision, ainsi que notre réflexion sur l'adaptation de notre offre en la matière.
Le souci de la diversité nous anime aussi lorsque nous nous efforçons de renforcer nos liens avec des zones émergentes qui doivent être aujourd'hui les priorités de notre diplomatie : l'Asie et l'Amérique latine.
L'Asie doit être – je l'ai dit et je le répète – la « nouvelle frontière » de notre diplomatie. Lors de la visite du président de la République à Singapour, au printemps dernier, la France a donné la mesure de cette ambition. Nos relations avec ce continent si dynamique, si riche aussi de ses traditions, de ses cultures et de ses savoirs, doivent être portées à un degré de qualité nouveau dans les domaines culturel, politique et naturellement économique.
Lors du sommet de Bangkok en mars dernier, qui a réuni les quinze États de l'Union européenne et dix pays d'Asie, le projet franco-singapourien de création d'une fondation euro-asiatique a été entériné. La mise en place de la fondation dans les prochains mois nous permettra d'encourager le rapprochement des chercheurs et des étudiants.
La priorité que nous attachons à l'Asie sera marquée par des visites importantes du président de la République au Japon, en novembre prochain, et en Chine, en 1997.
Tout comme nos relations avec l'Asie, nos rapports avec l'Amérique latine doivent être renforcés. L'Union européenne est le premier partenaire commercial du marché commun d'Amérique du Sud, le Mercosur, qui rassemble l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, et nous y enregistrons des excédents importants.
D'une manière générale, nous jouissons dans cette région du monde, avec nos partenaires européens, d'un capital de sympathie important, fait d'affinités latines et de liens humains et accru par la qualité exceptionnelle de la coopération à Quinze.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en un an, le président de la République a marqué notre action extérieure d'un style nouveau, plus direct, plus simple, plus actif aussi, où les apparences protocolaires comptent peut-être moins qu'avant, mais la chaleur et la sincérité sans doute davantage.
Ce style nouveau nous a permis de confirmer notre engagement européen, d'explorer les nouveaux champs de notre diplomatie et de créer une relation d'une qualité nouvelle avec de nombreux partenaires.
Ce style nouveau est celui d'une France fiable, consciente de ses responsabilités internationales, dénuée d'arrogance, ouverte au dialogue, capable de faire face aux nouveaux chantiers de la vie internationale d'aujourd'hui et – soyez-en sûrs – absolument déterminée à faire valoir ses intérêts, à faire rayonner son prestige et sa culture, à porter l'étendard de l'Europe sur tous les continents de notre planète : la planète des hommes de demain, où l'Europe peut prétendre occuper la première place, où la France peut encore vouloir jouer les premiers rôles, la France, la France d'hier et d'aujourd'hui, la France de toujours !