Article de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, dans "Le Figaro" du 9 janvier 1998, sur la loi d'orientation agricole, notamment la proposition de la FNSEA d'un contrat global sur la contractualisation entre les agriculteurs et les pouvoirs publics, intitulé "Agriculture : pour un contrat global".

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

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Pour s'adapter à la libéralisation des marchés agricoles Internationaux, la politique agricole commune (PAC) européenne est entrée dans une mécanique redoutable en 1992 : baisse a.) prix payés aux producteurs et compensation par des aides publiques directes (proportionnelles aux volumes produits ou aux hectares détenus), afin de stabiliser in revenu des exploitations agricoles. Les productions européennes étant souvent contingentées, cette mécanique incite les agriculteurs à se lancer dans la course aux hectares pour avoir plus de quotas, plus de droits à produire, plus de droits à primes...

Efficace sur un plan strictement macroéconomique (l'Union européenne est le premier exportateur mondial de produits agroalimentaires), mais prisonnière de cette logique, la PAC ne sait plus comment inverser, voire reverser, deux tendances lourdes de l'agriculture moderne : l'exploitation intensive de certains territoires, la déprise dans d'autres, et surtout la diminution continue du nombre d'agriculteurs.

Pour pérenniser son modèle agricole, et éviter une désertification accrue de la grande majorité des campagnes, vidées de leurs agriculteurs, l'Europe doit opérer une rupture.

Nous devons certes continuer à organiser et à gérer les marchés l-agricoles, avec des stratégies adaptées à chaque grand secteur de production, notamment par rapport à l'exportation sur les marchés internationaux. La France et l'Europe doivent demeurer résolument présentes à l'exportation, pour des raisons tant économiques que géostratégiques. Mais on ne traite pas les céréales comme les oléagineux et les protéagineux. Encore moins comme la viande bovine ou le lait.

Tout en continuant de soutenir les productions agricoles, nous sommes désormais également tenus d'infléchir les orientations de la politique agricole française et européenne, en faveur des hommes et des territoires, et de favoriser les initiatives Individuelles et collectives. Il s'agit de pérenniser les exploitations, d'installer des jeunes agriculteurs et d'avoir une approche plus territoriale que par le passé de l'activité agricole.

Trois grandes fonctions

Pour ce faire, la FNSEA propose que la prochaine loi d'orientation agricole, que le gouvernement présentera dans les premiers mois de 1998, institue un « contrat d'initiatives et de développement territorial » (CIDT), entre les agriculteurs et les pouvoirs publics. Ce nouveau contrat, le CIDT, constituerait une chance historique pour les agriculteurs de faire reconnaître et valoriser les trois grandes fonctions que l'agriculture remplit dans notre économie et notre société.
- La fonction de production bien sûr : fournir des produits sains et de qualité, des produits Identifiés dont l'origine et les conditions de production sont connues ;
- mais également la fonction territoriale : occupation du territoire, gestion de l'espace, des paysages, maîtrise de l'environnement, gestion des ressources naturelles...
- et la fonction sociale : emploi, accueil, animation des campagnes...

Reposant sur le volontariat, le CIDT aurait pour objet de favoriser les Initiatives des agriculteurs, en tant que chefs d'entreprise, ou de les Inciter à s'intéresser pleinement aux trois fonctions de l'agriculture pour développer leurs exploitations. Compte tenu des projets personnels dos agriculteurs, il doit viser la viabilité économique des exploitations (et les emplois liés), leur durabilité et leur ouverture sur le monde extérieur. Les soutiens publics à la clé ne seraient pas de simples aides financières. Ils viendraient rémunérer des engagements précis pris par les agriculteurs, au service de la société.

Ce contrat rejoindrait la volonté des chefs d'État et de gouvernement, réunis à Luxembourg les 12 et 13 décembre derniers, de développer l'agriculture « multifonctionnelle », « durable », « compétitive » et « répartie sur tout le territoire », qui fonde le modèle agricole propre à l'Europe.

Le CIDT permettrait aux agriculteurs de penser leurs charges, leurs méthodes de production, leurs marchés, par rapport aux caractéristiques agronomiques de leurs exploitations, à la fragilité des milieux naturels environnants et au projet de gestion du territoire défini localement. Le métier d'agriculteur trouverait ainsi de nouvelles perspectives économiques et sociales dans une société tournée vers l'industrie et les services.

La prochaine loi d'orientation agricole doit avoir comme ambition de promouvoir l'agriculture française pour ce qu'elle est : une agriculture diverse, plurielle. Elle devra apporter des réponses aux préoccupations des agriculteurs et de leurs concitoyens et créer les passerelles nécessaires entre les différents modes de production, afin que l'agriculture reste au cœur du développement rural.

Le contrat global que propose la FNSEA peut être cotte passerelle. Alors, plutôt que d'assister impuissants à la désertification de nos campagnes, osons une contractualisation directe entre les agriculteurs et les pouvoirs publics. L'Europe recherche une nouvelle direction pour le développement agricole et rural. Elle souhaite donner un nouveau sens à la politique agricole commune, compréhensible par tous les citoyens. Elle suivra à terme l'exemple français. J'en suis convaincu.