Texte intégral
1. Constats
Il faut tout d’abord se remettre en mémoire quelques données essentielles relatives à l’activité et à l’emploi des femmes.
Le travail féminin hors du domicile est devenu la norme.
Le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans est de 78,6 % en 1996. De 25 à 29 ans, il concerne 8 femmes sur 10.
Cette progression continue va de pair avec celle du niveau d’études des jeunes filles. Plus le diplôme est élevé, plus il conduit son titulaire à souhaiter le valoriser sur le marché du travail.
Les femmes ont profité de la croissance de l’emploi tertiaire, l’emploi féminin est devenu plus qualifié ; au total, elles constituent 33,8 % de la catégorie cadres et professions intellectuelles supérieures alors qu’elles ne représentaient que 25 %, il y a quelques années.
Le travail à temps partiel concerne 29,5 % des femmes. Le temps partiel est de plus en plus « subi ».
Pour autant :
Les écarts de rémunération entre hommes et femmes cadres demeurent très importants bien qu’ils se soient réduits ; Une femme cadre gagne encore 34 % de moins que son collègue masculin (elle gagnait 47 % de moins en 1950).
L’emploi féminin demeure concentré : Agriculture, industrie, bâtiment restent majoritairement masculins. Parmi les 31 catégories socio-professionnelles recensées, les plus féminisées regroupent près de 60 % des femmes actives occupées, alors qu’elles ne représentent que 31 % de l’emploi total. Certaines professions demeurent quasi exclusivement féminines. La concentration de l’emploi féminin aiguise la concurrence entre les jeunes filles les plus diplômées et celles qui le sont moins.
Si un certain nombre de femmes accède à l’emploi qualifié, 60 % des femmes sont encore ouvrières ou employées et l’emploi non qualifié des services a remplacé celui de l’industrie.
Enfin, en décembre 1996, 1 544 400 femmes étaient demandeurs d’emploi. Le chômage des femmes est peu sensible aux aléas de la conjoncture économique. Quelle que soit la catégorie socio-professionnelle, les taux de chômage des femmes sont supérieurs à ceux des hommes. Les femmes ont du mal à se maintenir dans l’emploi.
Le chômage des femmes dure plus longtemps.
2. Comment expliquer cette situation ?
Tout d’abord, des facteurs externes et conditionnant fortement la construction de l’identité de la femme comme de l’homme.
Les stéréotypes posent le principe d’une répartition des responsabilités familiales et professionnelles entre les femmes et les hommes. Le rôle social légitime de la femme est plus proche de l’épouse, secondairement, de l’employée qui apporte un revenu d’appoint au ménage.
Ces stéréotypes tendent à s’effacer mais influencent encore les trajectoires personnelles des hommes et des femmes.
S’y ajoutent des attitudes négatives de certaines entreprises vis-à-vis des candidatures féminines. Ce constat est à nuancer, selon les secteurs d’activité et les cultures d’entreprise. En effet, certains employeurs auront tendance à privilégier une femme pour un poste de management. Néanmoins, des discriminations persistent et se fondent sur des préjugés tels que :
- les femmes sont moins mobiles ;
- la maternité des femmes est parfois considérée comme une perte d’investissement.
Si les femmes cadres sont désormais nombreuses, seule une minorité parvient à accéder aux postes dits de décision.
Or, nous savons bien que c’est par une présence équilibrée dans les lieux de décision, qu’ils soient publics ou privés, que passe la promotion des femmes dans notre société.
Je mentionne, pour mémoire, la question de la place des femmes dans la vie politique qui fera, la semaine prochaine, l’objet d’un important débat à l’Assemblée nationale.
3. Le problème est symétrique dans l’entreprise. Comment ancrer la promotion professionnelle des femmes, et quelle place donner à l’encadrement féminin ?
L’État se préoccupe depuis longtemps de la question des femmes, du temps et du travail, tant cette question est importante pour l’avenir de notre société à la recherche de solutions pour concevoir et construire de nouveaux équilibres. De fait, la question du temps de travail et de son organisation est devenue à bien des égards, une question centrale.
Les travaux récents de la Conférence de la famille ont consacré à cet aspect une part de réflexion et de débat dont le cadre problématique était la gestion des temps, familiaux, professionnels, de la vie sociale et l’organisation des services destinés aux familles afin de faciliter leur vie.
L’atelier en charge de ces sujets préconise un accès renforcé au temps partiel choisi dans le cadre d’un enrichissement de la négociation collective tout en assurant des garanties pour les salariés concernés. Des dispositifs de remplacement pourraient être étudiés pour les petites entreprises en cas de passage à temps partiel. Le développement de groupement d’employeurs pourrait éventuellement permettre de répondre à la volonté de mieux articuler les rythmes et contraintes des petites entreprises avec les rythmes familiaux des salariés.
Ces différents thèmes vont être examinés dans les prochaines semaines lors d’une nouvelle réunion des partenaires de la conférence de la famille.
Mais l’équilibre entre rythmes professionnels et rythmes familiaux doit aussi trouver place dans des réorganisations plus fondamentales négociées dans l’entreprise. Sont souvent cités, dans cet esprit, des pratiques internes du type partage de postes en binômes, mais aussi des pratiques d’externalisation plus ou moins partielle de l’exercice de l’activité : « travail à domicile », « travail délocalisé », « télétravail ».
L’encadrement par la voie d’accords collectifs est nécessaire pour la mise en place de ces formes nouvelles d’organisation de l’activité. En effet, si elles peuvent être justifiées et demandées pour améliorer la vie familiale, elles doivent être explicitement fondées sur le volontariat et la permanence du lien collectif avec l’entreprise.
Ces quelques exemples n’ont d’autre prétention que de montrer quelques pistes permettant de relever le défi de la mise en place progressive d’une organisation du temps de travail plus adaptée aux besoins des salariés.
Ils ont tous un point commun : La négociation. C’est bien elle qui, au sein de la branche et de l’entreprise, peut faire avancer les choses.
J’ai conscience que les calendriers sociaux sont chargés, que Jacques Barrot et moi-même pressons les organisations patronales et syndicales sur de multiples sujets : Emploi des jeunes, alternance, temps de travail... Mais, c’est la rançon du dialogue social, en l’efficacité duquel je crois profondément.
Ce colloque montre la voie, il faut qu’un travail commun soit réalisé par les partenaires sociaux pour progresser sur les deux questions essentielles des rémunérations et du temps de travail.
Des instruments vont être mis à votre disposition.
Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle poursuit ses travaux sur l’Aménagement du temps de travail et l’Egalité professionnelle. Dans ce cadre, un répertoire de bonnes pratiques d’entreprise doit être prochainement terminé avec une collaboration de l’Agence nationale pour l’amélioration des Conditions de travail.
Ce répertoire est, à ce jour, sans précédent en matière d’égalité professionnelle. Il devrait être un support important de diffusion d’expériences et de mise en réseau d’acteurs prêts à œuvrer dans le sens de l’amélioration de la situation des femmes dans l’entreprise.
De plus, j’ai demandé au ministère du Travail et au Service des droits des femmes de lancer une étude sur l’usage du compte épargne-temps afin de mieux évaluer ce dispositif qui a été légalisé dans le cadre de la loi du 25 juillet 1994 relative à l’amélioration de la participation des salariés dans l’entreprise. Les branches professionnelles et les entreprises peuvent utilement se l’approprier, afin de rendre possible une gestion du temps sur l’ensemble de la vie professionnelle.
4. En conclusion
L’équilibre entre hommes et femmes dans la société, dans l’entreprise nécessite des révolutions de fond.
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, les partenaires sociaux doivent apporter leurs contributions.
Je suis donc une nouvelle fois très attentive aux résultats de vos travaux.
Les problèmes que vous avez évoqués aujourd’hui dépassent largement le cadre des relations de travail et placent votre réflexion au niveau du débat de société.
Nous devons avoir l’ambition de placer l’équilibre entre hommes et femmes dans la société, dans l’entreprise, comme une nécessité absolue d’évolution dont l’objectif est bien une amélioration de nos conditions de vie à tous, hommes et femmes.