Texte intégral
Allocution de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, lors de la conférence de presse, à l'occasion de l'exposition « Angkor », le jeudi 30 janvier 1997
Mesdames et Messieurs,
J'ai souhaité vous réunir, ce matin, à la veille de l'inauguration de l'exposition « Angkor et dix siècles d'art Khmer », parce que cette exposition n'est pas un événement ordinaire. Il s'agit d'une exposition exceptionnelle ; je voudrais mettre à profit cette occasion qui nous réunit pour que nous évoquions ensemble, à cette occasion, l'action de la France pour la sauvegarde et la restauration d'Angkor, une action exemplaire de coopération franco-cambodgienne.
L'exposition qui s'ouvre, demain, au Grand Palais, est aussi passionnante que prestigieuse, compte. L’art Khmer se présente, dans toute sa splendeur, à travers une centaine de pièces, dont la moitié proviennent du Musée national de Phnom Penh, et sortent le plus souvent du Cambodge, pour la première fois.
Les pièces maîtresses des deux collections d'art Khmer les plus prestigieuses du monde, celle de Phnom Penh et celle du musée Guimet, sont offertes aux visiteurs.
Cette magnifique exposition n'a a été possible que grâce à une exceptionnelle mobilisation d'énergies. Je souhaiterais, tout d'abord, saluer la grande ouverture dont a fait preuve le gouvernement royal du Cambodge pour son organisation. Sa majesté le roi du Cambodge, Norodom Sihanouk, s'est personnellement impliqué pour en permettre la réalisation dans les meilleures conditions, et je souhaite solennellement l'en remercier au nom du gouvernement français.
J'associe à ces remerciements les ministres du gouvernement royal du Cambodge présents ce matin parmi nous.
L'exposition est organisée par la réunion des Musées nationaux, le musée Guimet, la National Gallery of Art de Washington, et le gouvernement royal du Cambodge, avec le concours du ministère des affaires étrangères et de l'Association française d'action artistique. Ces différents partenaires ont bénéficié du soutien des groupes Lyonnaise des Eaux et GTM entrepose pour la réalisation de l'exposition à Paris. Après Paris, elle sera présentée à Washington, Tokyo et Osaka.
Tous ceux qui ont concouru à la réussite de cette opération particulièrement difficile à monter méritent notre gratitude.
Mais si j'ai voulu vous parler de cette exposition consacrée à Angkor, ce n'est pas seulement parce qu'elle est exceptionnellement belle, ni parce que sa réalisation a nécessité des efforts considérables.
C'est aussi, et surtout, parce qu'elle est le symbole spectaculaire d'une action en profondeur, parce qu'elle est directement liée à la coopération franco-cambodgienne, qui s'est développée depuis plusieurs années en faveur de la sauvegarde et de la restauration des temples d'Angkor.
Un grand nombre de pièces présentées à l'exposition a été restauré spécialement pour cette manifestation. Le ministère de la culture a apporté son soutien et son expertise à l'atelier de restauration du musée de Phnom Penh. Mais l'action de la France va beaucoup plus loin, et je souhaite consacrer l'essentiel de mon intervention, ce matin, à notre coopération en faveur d'Angkor.
Cette coopération est ancienne. Depuis les années 1850, date à laquelle un missionnaire découvrait les ruines de cette fabuleuse capitale enfouie dans la forêt, et tout au long de notre siècle, malheureusement interrompu par les tragiques événements des années 70, des Français se sont préoccupés d'Angkor.
L'École française d’Extrême-Orient a entrepris, dès le début du XXe siècle, les premiers travaux de mise en valeur et de conservation. Les grands noms d'Henri Marchal et de Bernard-Philippe Groslier méritent d'être cités.
Interrompus par une guerre fratricide, entraînant un génocide effroyable, les travaux ont repris dès 1993, grâce à la volonté du gouvernement royal du Cambodge. Sous les auspices de l'Unesco, un comité international pour la sauvegarde et le développement du site historique d'Angkor s'est mis en place, sous la coprésidence de la France et du Japon.
Plusieurs ministères, en France, se sont associés à cette œuvre de restauration. Le ministère des affaires étrangères, tout d'abord, qui a consacré des fonds importants à plusieurs chantiers de restauration et à la mise en place d'une police du patrimoine. Le ministère de l'éducation, ensuite, dont relève l'École française d'Extrême-Orient - l'EFEO -, qui a été choisie comme opérateur de l'action de la France à Angkor.
Je souhaite saluer la présence de représentants de mes deux collègues des affaires étrangères et de l'éducation dans cette salle, ainsi que de Monsieur Christian Dupa Villon, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, qui s'acquitte à merveille de la tâche délicate de coordonner l'action de la France à Angkor.
Je voudrais mentionner, ici, deux opérations exceptionnelles de restauration.
La restauration de la Terrasse du Roi Lépreux, construite à la fin du Xlle siècle, située sur la place royale d'Angkor Thom, a débuté en décembre 1993. Un second mur de soutènement, découvert en 1911 par Jean Comaille, a été restauré et rendu accessible au public. L'ensemble a été achevé à la fin de 1996. Ce chantier se poursuit, avec celui du perron nord de la Terrasse des Éléphants.
La restauration du Baphuon. Ce temple-montagne du Xlle siècle, dont Bernard-Philippe Groslier avait commencé le démontage en 1960, doit être remonté en six années grâce à un financement du ministère des affaires étrangères.
La difficulté rencontrée, ici, réside dans la destruction par les Khmers rouges des carnets de dépose et l'identification des 500 000 pierres. Sa majesté le roi du Cambodge, Norodom Sihanouk, a inauguré la reprise de ce chantier le 21 février 1995. Une association a été mise en place, pour recueillir les fonds apportés par des mécènes.
La direction du trésor du ministère des finances a apporté des aides en matériel, le ministère de la coopération est intervenu pour des opérations de déminage, et la Caisse française de développement aide l'établissement public chargé de la gestion d'Angkor, tout en participant à des projets d'aménagement du site.
Depuis juillet 1993, la société COFRAS, avec l'aide du ministère français de la coopération, a entrepris le déminage et la dépollution de la région de Siemreap et du site d'Angkor, afin d'assurer la sécurité des travaux de restauration et l'accès des touristes aux monuments. Ces opérations en cours permettent aussi le retour des populations de réfugiés et de déplacés.
Cette vaste opération de solidarité interministérielle mérite d'être soulignée. Le ministère de la culture occupe une place significative dans cet effort commun.
Vous le savez, le ministère de la culture n'a pas, naturellement, vocation à intervenir à l'étranger. C'est donc en considération de l'enjeu exceptionnel que représente la restauration d'Angkor, et des responsabilités particulières de la France dans ce domaine, qu'a pu être décidée l'intervention très significative du ministère de la culture, en faveur de la restauration des temples d'Angkor.
Notre premier réflexe a été de redonner, à Angkor, ce qui avait été entrepris avec Bernard-Philippe Groslier, c'est-à-dire cette recherche scientifique indispensable à la sauvegarde de l'art. Mon ministère a demandé à l'EFEO d'engager un vaste programme de fouilles archéologiques sur ce qui était, au début du millénaire, une des plus grandes capitales du monde.
Nous menons une réflexion sur l'urbanisme de l'ancienne ville d'Angkor Thom. La première campagne de fouilles archéologiques a débuté au cours de l'automne 1995. Elle permet une approche rénovée de la ville angkorienne qui n'a été étudiée jusqu'à présent qu'à travers ses aspects monumentaux et religieux.
Un effort particulier a été consacré à la formation. La formation des hommes ne doit pas être oubliée, ni dissociée des travaux de restauration. C'est ainsi que plusieurs groupe de jeunes Cambodgiens ont pu participer à des chantiers-écoles que nous avons organisé. Je suis particulièrement heureux de cette action exemplaire.
L'aide apportée à l'ICOM pour la publication d'un ouvrage consacré à Cent objets disparus, pillage à Angkor, doit être citée. La France aidera en 1997 l'ICOM à publier une seconde brochure.
Cette aide est significative de la détermination de la France à tout faire pour lutter contre les trafics illicites d'œuvres d'art. Vous savez que j'ai souhaité, tout récemment, en plein accord avec notre ambassadeur auprès de l'Unesco, Françoise de Panafieu, que je voudrais également saluer, accélérer la procédure de ratification par la France de la convention édictée en 1970 par l'Unesco sur ce thème.
En juin 1994, la France a mis en place un office central de répression des vols d'objets et d'œuvres d'art à Phnom Penh.
La même année, elle a créé un commissariat spécial appelé police du patrimoine, grâce à un financement du ministère des affaires étrangères.
Ce commissariat a une mission préventive de surveillance et une mission répressive de lutte contre le pillage des monuments. Il est également chargé de la police générale sur les circuits fréquentés par les touristes.
Notre action au Cambodge est donc d'une cohérence exemplaire. Elle montre que nous ne concevons pas le dialogue culturel comme devant être à sens unique, ou détaché des réalités. Une véritable action de coopération est menée à Angkor, et je veillerai, avec mes collègues, à ce qu'elle continue à se développer.
Sur le plan financier, ce sont près de cinquante millions de francs que la France a consacrés à Angkor au cours de ces dernières années. Cet effort sera poursuivi.
Angkor est un site unique, universel et magique, que nous devons léguer avec fierté aux générations futures. Je suis certain que les visiteurs, qui seront sans aucun doute très nombreux, de l'exposition qui s'ouvre demain au Grand Palais, sauront y être sensibles.
Allocution de Monsieur Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, pour la présentation des plans et maquettes de l'aménagement de la manufacture des Gobelins - Le jeudi 30 janvier 1997
Monsieur le ministre, cher ami
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous exprimer mon plaisir de vous accueillir tout autant que d'être accueilli par vous, car c'est, bien sûr, plus particulièrement à l'élu du treizième arrondissement que je m'adresse.
Il y a quelques semaines, je suis venu assister à l'inauguration de la bibliothèque François Mitterrand, près de la Seine.
Aujourd'hui, c'est non loin de l'autre rivière qui traverse votre arrondissement, la Bièvre, que nous nous retrouvons, pour découvrir les plans et maquettes d'un chantier important qui s'ouvrira au printemps la réhabilitation de la manufacture des Gobelins.
Implantée ici depuis le XVe siècle, la manufacture des Gobelins est sans conteste un joyau du Paris pré-industriel. Les eaux de la Bièvre avaient à l'époque la réputation de faciliter la teinture des tissus. Sur son cours, Jehan gobelin, inventeur d'un nouveau procédé, installe son atelier.
En 1601, Henri IV décide l'implantation d'ateliers de tissage. Puis, Colbert transforme les ateliers en manufacture du roi, en 1662. À partir du XVIIe siècle, la manufacture fournit en meubles et tapisseries les palais du Royaume, tandis que de nombreuses pièces, offertes aux puissances étrangères, assoient sa réputation à travers le monde entier. Cette activité se poursuit sous l'Empire, puis sous la République, jusqu'à nos jours. Elle se partage avec d'autres ateliers célèbres, situés à Sèvres, à Beauvais, et à Aubusson.
De tous ces pôles, les Gobelins figurent comme l'institution phare, celle qui aujourd'hui joue le rôle de conservatoire d'un savoir-faire unique : le lissage est un métier d'art, qui à ce titre fait l'objet d'une grande attention de la part du ministère de la culture, et qui trouve de nouvelles et belles réalisations grâce aux commandes publiques de tapisseries d'après des cartons d'artistes contemporains.
Cher Jacques, c'est lorsque vous étiez ministre de la culture que vous avez souhaité ce plan de réaménagement de la manufacture des Gobelins. Il est vrai que l'État avait un peu négligé le vieillissement de certains bâtiments, et leur inadaptation aux contraintes de production et à la nécessaire ouverture sur l'extérieur de ce patrimoine exceptionnel.
Cet oubli est, aujourd'hui, réparé.
Les travaux qui s'ouvriront, en avril prochain, se divisent en trois tranches.
La première est le réaménagement des ateliers Nord puis du bâtiment Berbier du Meis, destinés à recevoir les ateliers de haute lisse.
La seconde est la construction d'une galerie d'exposition qui, bénéficiant des procédés muséographiques les plus modernes, présentera régulièrement la production passée et actuelle de la manufacture.
Enfin, la conception d'un parcours-découverte qui permettra au public de visiter les ateliers et l'ensemble du site.
Ainsi, les ateliers seront plus fonctionnels et plus attractifs : fonctionnels, pour permettre aux lissiers de continuer d'exercer dans les meilleures conditions leur inestimable talent ; attractifs, pour être clairement reconnus par le public comme l'un des plus beaux sites patrimoniaux et artisanaux de la capitale.
Que ceux qui, au sein du XIIIe arrondissement, soutiennent ce projet - que ceux qui le conduisent au mobilier national, à la manufacture, à la délégation aux arts plastiques, et aux monuments historiques, soient ici chaleureusement remerciés.
Allocution de Monsieur Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, à l'occasion de l'inauguration de l'exposition Collection, découverte, au CAPC de Bordeaux, le vendredi 31 janvier 1997
C'est à une nouvelle étape de la vie d'une grande institution française d'art contemporain que nous convie, aujourd'hui, la ville de Bordeaux.
De centre d'art, terme revendiqué pour désigner ce lieu magnifique dédié à la création la plus novatrice, le CAPC de Bordeaux est devenu musée en 1983. Un musée dont la collection s'est constituée avec passion, durant vingt-cinq ans, grâce à l'équipe qui l'anima et à la volonté de la ville de Bordeaux.
Il manquait encore à ce lieu, pour qu'il devînt un musée à part entière, de présenter dans son intégralité les œuvres de sa collection.
Ce soir, c'est chose faite avec cette exposition qui, en un seul parcours, nous permet de rassembler l'ensemble de la collection : une façon, pour cette institution, d'affirmer son identité et la pertinence des choix passés, à la lumière de ce qui appartient déjà à l'histoire de l'art et de ce qui est la création la plus vive d'aujourd'hui.
Qu'on en juge, simplement, à ces quelques noms : Richard LONG, Jean-Pierre RAYNAUD, Christian BOL T ANSKI, Mario MERZ, pour la sculpture ou encore ; HANTAI, BUREN, VIALLAT, GAROUSTE, Alexandre DELA Y, CUCCHI, pour la peinture ; FAUCON, ROUSSE, GOLDIN, TILMANS pour la photographie ; mais aussi CONVERT, HYBERT, ABSALON, Didier MARCEL représentant la création la plus récente... Le CAPC présente une identité affirmée : celle de la découverte, de la recherche, véritable connaissance de l'art de notre temps.
Ainsi, la collection du CAPC de Bordeaux assure, à ce musée, une place à part dans le paysage des institutions françaises. En pénétrant dans le CAPC, nous pénétrons au sein même de la création qui s'est faite en France et à l'étranger durant ces vingt dernières années et qui, n'en déplaise aux éternels critiques du nouveau ou du moderne est, aujourd'hui, passionnante.
Souhaitons bonne chance à cette nouvelle équipe dirigée par Henry-Claude Cousseau, un de nos meilleurs professionnels qui fut, au ministère un remarquable inspecteur général et qui, depuis quelques mois, a la tâche d'organiser cette collection, de l'enrichir de prêts et de dépôts en provenance du FNAC, du Centre Georges Pompidou, du fond région d'art contemporain, tâche dans laquelle nous l'aiderons.
Ce lieu, déjà pilote en matière d'outils pédagogiques et de diffusion auprès du public - avec le fameux artbus, qui a servi de modèle à bien des institutions, avec son service d'éditions, et sa remarquable librairie - va se donner les moyens d'une véritable programmation culturelle.
À travers des cycles de conférences, des animations, des projections, l'art contemporain se retrouvera au cœur des enjeux de la création actuelle sous toutes ses formes : littéraire, scientifique, philosophique, cinématographique. Le CAPC, plus que jamais, doit s'inscrire dans la ville de Bordeaux, et lui apporter le rayonnement qu'il mérite auprès d'un public le plus dense et le plus large possible.
Il doit faire découvrir l'étonnante force, la profusion de la création actuelle, à l'échelle internationale, avec une attention particulière apportée à la création française et à la jeune création en général.
Je me réjouis de la prochaine rétrospective du sculpteur Richard Baquie, disparu voici un an, et qui était l'un des artistes les plus brillants de sa génération. Je sais que le CAPC de Bordeaux sera un des premiers lieux de France où l'actualité et les questions essentielles de l'art contemporain trouveront leur place et seront, je l'espère, partagés par le plus grand nombre : en fin de compte, c'est toujours le public auquel il faut penser.
Faire entrer la collection et les expositions dans un contexte culturel plus vaste, intégrer le musée dans la politique culturelle municipale, insérer le CAPC dans le vaste réseau artistique français et international. Voilà la triple mission, que s'est donnée cette nouvelle équipe déjà au travail.
Cette mission est essentielle ; elle implique les compétences et l'engagement de tous ; je sais qu'ils ne manqueront pas, afin que l'art contemporain joue ce rôle d'éveilleur qui nous permet de mieux connaître, de mieux expérimenter, la réalité d'aujourd'hui.
À la ville de Bordeaux, à la nouvelle équipe du CAPC, j'adresse tous mes vœux de réussite dans cette entreprise.