Texte intégral
J.-P. Elkabbach : C’est aujourd’hui la deuxième fournée de votre visite en Israël. Votre visite était consacrée hier à la défense et à la sécurité. On a noté que l’accueil est étrangement bon. Peut-on dire qu’il y a un retour remarqué de la France en Israël ?
C. Millon : Il y a une politique française de la paix au Proche-Orient. Il est évident que la France entretient des relations d’amitié depuis très longtemps avec Israël, qu’elle entretient des relations d’amitié avec nombre de pays arabes et que la France voudrait mettre à la disposition de tous, toutes ses relations cordiales et amicales pour qu’une paix durable puisse s’installer en Israël.
J.-P. Elkabbach : Vous voulez dire que, dans la région, il n’y a pas que les Américains ?
C. Millon : Bien sûr que non : la France a une longue tradition d’amitié avec Israël. Mes interlocuteurs me l’ont bien rappelé. Ils m’ont rappelé les signaux forts qui ont été faits par tous les gouvernements qui se sont succédés, car, même s’il y a eu, comme on peut le dire couramment, des hauts et des bas dans les relations, toutes les amitiés sont faites de hauts et de bas. Aujourd’hui, la France réaffirme son amitié vis-à-vis d’Israël et réciproquement.
J.-P. Elkabbach : Ne met-on pas aujourd’hui l’accent sur l’amitié avec Israël, quitte à déséquilibrer nos relations avec les pays arabes et les Palestiniens ?
C. Millon : Il n’est pas question pour nous de déséquilibrer ou de déstabiliser. Chacun connait nos relations avec les Palestiniens. Chacun sait combien la France souhaite que, demain, il y ait des relations durables entre Israël et un futur État palestinien pour qu’effectivement la paix s’instaure sur cette partie de l’Orient. Chacun sait que nous souhaitons qu’Israël ait des frontières stables faites pour la sécurité et la paix de ce pays si cher à la France.
J.-P. Elkabbach : Les Israéliens se sont engagés, avec l’accord d’Hébron, dans le processus de paix. Cela été pour beaucoup une bonne nouvelle. Avez-vous noté, à partir de vos conversations, qu’il s’agit là d’une véritable conversion ? Vous parait-elle durable ?
C. Millon : C’est le peuple israélien qui a répondu à votre question : le peuple israélien, dans sa très large, son écrasante majorité est en train d’approuver les accords d’Hébron, est en train de souhaiter la poursuite de ce processus de paix.
J.-P. Elkabbach : Donc, l’engagement de l’équipe Netanyahou vous parait sincère ?
C. Millon : Je n’ai pas à remettre en cause la sincérité, mais je crois que c’est une évidence. Tous les interlocuteurs m’ont confirmé leur attachement à ce processus de paix.
J.-P. Elkabbach : Hier, et probablement aujourd’hui, on va vous répéter que les Israéliens notent qu’il y a une menace syrienne, qu’elle se réactive via le terrorisme du Hezbollah avec des amies qui proviennent de l’Iran et qui passent ces derniers temps par l’aéroport de Damas.
C. Millon : Les Israéliens souhaitent effectivement que la frontière avec le Liban et avec la Syrie soit sécurisée, qu’elle devienne une frontière de paix. Pour ce faire, la France a répondu d’une manière claire : elle est favorable à un accord global, un accord auquel seraient associés nombre de pays, dont les États-Unis et la France, puisque les deux pays ont un rôle majeur à jouer au Proche-Orient. Pour ce faire, il est absolument indispensable que cessent ces menées terroristes, s’il en est, car, elles viennent troubler la paix et attenter à la sécurité grâce à des actions aveugles qui sont tout à fait inacceptables.
J.-P. Elkabbach : Quand vous dites que la France est prête à être partie prenante à un règlement israélo-libanais, que voulez-vous dire exactement ?
C. Millon : La France est prête à participer à un accord global libano-syrien avec bien évidemment Israël qui est au premier chef concerné, et avec les autres pays, dont les États-Unis et la France comme garants, témoins, pour que ce principe auquel les Israéliens tiennent et qui est devenu la base du processus de paix à savoir, la terre contre la paix soit mis en œuvre avec la Syrie et le Liban, comme il a été mis en œuvre avec les autres pays du Proche-Orient.
J.-P. Elkabbach : Certains poussent M. Netanyahou à retirer les troupes du Sud-Liban. La France pourrait-elle, avec un accord européen et américain, envoyer des soldats pour remplacer l’armée israélienne dans la zone de sécurité ?
C. Millon : La France est pour un accord global. La France n’a jamais reculé devant ses responsabilités lorsqu’elle s’intègre dans une démarche internationale et elle ne reculera pas devant ses responsabilités.
J.-P. Elkabbach : Elle peut le faire seule ou faut-il qu’elle soit accompagnée ?
C. Millon : Elle peut le faire dans le cadre d’un accord global avec les autres pays de la communauté internationale et en particulier les États-Unis.
J.-P. Elkabbach : M. Netanyahou est chez B. Clinton, le Président Chirac parle avec le Libanais Hariri et téléphone au Syrien Assad. Confirmez-vous que quelque chose est sans doute en train de se préparer à propos du Liban, la Syrie et Israël ?
C. Millon : Je crois que la paix est un bien inestimable. Actuellement, je crois qu’il y a une volonté de paix qui est en train de s’exprimer au Proche-Orient. J’ai rencontré la jeunesse israélienne, je les ai entendu chanter. J’ai pu comprendre dans leurs chants, dans leur expression qu’ils aspiraient à cette paix que nous connaissons depuis 1945. Nous avons eu un dialogue assez fructueux avec cette jeunesse israélienne qui nous disait, « permettez-nous de toucher au trésor que vous exploitez maintenant depuis cinquante ans »
J.-P. Elkabbach : Votre homologue israélien vous demandait hier soir de l’aider à maîtriser la violence et à faire la paix. Vous sentez que c’est un appel nouveau de la part d’Israël ?
C. Millon : Le Président J. Chirac a déjà répondu à Charm-El-Cheikh en disant qu’il était clair que nous étions solidaires de tous ceux qui luttent contre les menées terroristes. Le Président J. Chirac a déjà répondu en disant très clairement que l’accord entre l’Union européenne et Israël sera soumis au Parlement français pour ratification. Nous savons que la paix passe par des gestes concrets de lutte contre le terrorisme, de coopération économique. Aujourd’hui, je suis venu dire à mes interlocuteurs et amis israéliens que nous sommes prêts pour cette coopération.
J.-P. Elkabbach : On a parlé par exemple du port de Gaza, alors ?
C. Millon : Les Israéliens connaissent très bien les intentions françaises. Nous souhaitons effectivement dans le cadre des accords de paix, faire en sorte que les Palestiniens puissent voir se construire un port à Gaza avec d’ailleurs des fonds qui sont d’origine européenne et qui permettront ainsi d’équilibrer toute la région et de donner un horizon de sécurité et de stabilité à tous.
J.-P. Elkabbach : Les Israéliens vous ont demandé que soit renforcée la coopération dans le domaine de l’armement et de l’aéronautique. Est-ce que la France y est prête et que peut-elle faire concrètement ?
C. Millon : Ce sont des domaines qui sont extrêmement sensibles. Dans ces domaines sensibles, la France s’inscrit dans toute la politique proche-orientale, c’est-à-dire, dans une politique de paix. Alors, il y a des accords de coopération technique, il y a des accords de coopération en matière de défense mais, il est bien évident que la France prend un certain nombre de précautions car il est question de participer à un processus de paix et il n’est pas question de participer, pour nous, à une quelconque course en matière d’armement.
J.-P. Elkabbach : C’est votre premier séjour en Israël. Vous allez visiter Jérusalem, les lieux saints. Comment va se comporter C. Millon, qui est à la fois pratiquant et croyant, dans ces lieux ?
C. Millon : Pour moi, cela a été une immense joie lorsque j’ai mis le pied sur le sol de la Terre sainte. Je suis arrivé sur la Terre des Écritures. Ici, on retrouve toutes les religions du Livre et il est bien évident qu’il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas être ému.