Editorial de M. Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, du 4 décembre 1996 publié dans "La Lettre confédérale" du 9, sur "les leçons d'un conflit" à propos de la grève des routiers et sur la proposition d'un "contrat de paix sociale".

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Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

Les leçons d’un conflit

Il y a beaucoup d’enseignements à tirer du conflit des routiers. D’abord, que le secteur privé n’est pas à l’abri de mouvements forts. Après plusieurs années de silence, les salariés en ont assez de courber l’échine, de faire toujours plus d’efforts récompensés par plus de précarité. Dans ce contexte, une étincelle suffit à allumer le foyer.

Ensuite, la CFTC comme les autres centrales syndicales ont joué pleinement leur rôle de régulation sociale. Nous avons été particulièrement soucieux que les négociations aboutissent au mieux, dans le meilleur délai. Nous avons voulu que les revendications des routiers ne soient ni brouillées ni affaiblies par des tentatives d’extension du conflit. Ils ont ainsi réussi à mener à bien des revendications justes et comprises par tous, parce qu’il était avant tout question de dignité et de dignité.

Mais, il faut le répéter : un conflit est toujours le signe d’un échec. Négocier le couteau sous la gorge n’est pas la meilleure méthode. Le déséquilibre généralisé des négociations nous fait rentrer dans une escalade dangereuse de violence. Dans les entreprises, en particulier dans les PME, les salariés ne se font plus entendre. On croit pouvoir bafouer les accords comme chez les routiers, ou simplement le droit du travail, comme dans beaucoup d’entreprises. La perversion du dialogue social, le détournement des négociations sèment une violence qui peut toujours exploser.

Plus grave encore, on donne l’impression que la négociation ne peut obtenir de résultats que sous la menace. Bref que seule la force paye. Face à cette démarche de destruction sociale, où l’on culpabilise les salariés, la résolution d’orientation de notre 46e congrès confédéral a remis au premier plan notre proposition de contrat de paix sociale. « Par ce contrat, chaque partie signataire s’engage à rechercher d’abord des solutions non conflictuelles ou à déclencher une procédure de prévenance dit "d’alarme" qui permet d’anticiper sur le conflit. » Il s’agit en effet non seulement de conclure des accords, mais aussi de veiller à leur bonne exécution.

Pour construire la paix sociale, qui est la première condition de la confiance et du développement, la CFTC a toujours pensé qu’il était préférable d’avoir une truelle à la main, qu’un couteau entre les dents. A bien y regarder, cela demande plus de courage et plus de métier.

Jacques Voisin, secrétaire général, le 4 décembre 1996