Texte intégral
P. Boyer : La France souhaite que la médiation de K. Annan à Bagdad réussisse. Mais dans le cas contraire, elle ne contrariera pas l’intervention des États-Unis et de leurs partenaires. Ça vous convient ?
Y. Cochet : Non. Je crois qu’il faudrait que la France s’exprime plus. La position du Gouvernement de non intervention est évidemment la bonne. Cependant, s’il y avait intervention américaine, et on peut dire sûrement américaine, avec les Anglais, je crois que le Gouvernement devrait réagir pour essayer de s’opposer à cette intervention. Parce qu’elle n’a pas de sens pour régler les problèmes qu’elle serait censée régler. Je ne crois pas que ça détruira quoi que ce soit des armes éventuellement de destruction massive que possède Saddam, et, au contraire, ça va apporter un grand chaos dans la région, et malheureusement, évidemment, tuer sans doute pas de population civile.
P. Boyer : Mais que faire ? Vous souhaitez la paix comme tout le monde. Mais jusqu’où votre pacifisme vous mène face à un tyran sanguinaire comme Saddam Hussein ?
Y. Cochet : On est d’accord que c’est un dictateur, Saddam. Ceci étant dit, la solution diplomatique n’a pas été totalement exploré, d’autant plus qu’il semble que, dernièrement, T. Aziz – qui est vice-premier ministre – soit prêt à faire visiter ces palais avec un autre diplomate, etc. Je crois qu’il faut continuer la solution diplomatique. J’espère que K. Annan y parviendra.
P. Boyer : Le Conseil constitutionnel confirme l’élection de Monsieur Tiberi. Les ennuis actuels de son président. Monsieur Dumas, peuvent-ils, selon vous, obérer la sérénité, dudit Conseil ?
Y. Cochet : C’est probable. Et je crois que, comme pour monsieur L. Dominati qui lui-même a été blanchi par le Conseil constitutionnel, eh bien, voilà Tiberi, maintenant, qui l’est alors que, de manière diplomatique certes, le Conseil constitutionnel dit bien qu’il a manœuvré, qu’il a triché sur pas mal de voix, pas suffisamment pour faire changer le scrutin. Mais enfin, bon. Je crois d’ailleurs que les copains qui vont porter plainte contre lui, maintenant, vont porter plainte au pénal, et j’espère aussi que les électeurs porteront plainte, politiquement, aux élections régionales, puisque l’un de ses adjoints, c’est-à-dire l’ancien Premier ministre, va être, lui, candidat. Dans ce cas-là, ce sera lui qui sera sanctionné politiquement.
P. Boyer : Donc, pour vous, le combat continu contre le maire de Paris ?
Y. Cochet : Il continue certainement, à la fois judiciairement, et puis contre Balladur.
P. Boyer : À Versailles, le procureur du tribunal correctionnel a requis deux ans d’interdiction de droits civiques contre monsieur Le Pen. Et s’il était suivi, cela ferait quatre ans d’inéligibilité, et ce serait sans précédent pour le leader national d’une formation politique en France ?
Y. Cochet : Oui, mais ce n’est pas n’importe quelle formation politique. C’est une formation politique qui n’est pas démocratique, et qui ne poursuit pas des buts démocratiques. Je crois que d’ailleurs la violence dont a fait preuve Le Pen à ce moment-là, est bien symptomatique de la violence globale du mouvement qu’il représente, et des idées qui sont diffusées par ce mouvement. Donc, moi je me réjouis du réquisitoire actuel, et je ne peux que souhaiter que ce réquisitoire devienne finalement la sanction.
P. Boyer : Mais vous trouveriez normal que monsieur Le Pen soit quasiment, de facto, écarté de la vie politique, par voie de justice, comme l’a été monsieur Emmanuelli ?
Y. Cochet : Il l’a été, Emmanuelli, pour des raisons qui étaient liées à la corruption, le fric, etc. Le Pen, c’est pour des raisons j’allais dire encore plus graves, puisque c’est des raisons qui mettent en cause la manière de faire de la politique, c’est-à-dire utiliser la violence physique contre quelqu’un, ce qui est représentatif de la violence de son mouvement. Donc, moi, au contraire, je serais satisfait si les réquisitoires étaient suivis.
P. Boyer : Mais sous voyez bien que ce serait la justice qui aurait de telles conséquences sur la vie politique, et la carrière politique d’un leader national, et non pas des élections. Les électeurs eux auraient peut-être eu envie de continuer à voter pour lui ?
Y. Cochet : Attendons. D’une part, il y a les élections régionales et on n’aura finalement le jugement qu’après les élections. D’autre part, évidemment, je ne souhaite pas du tout que le front national progresse, mais i1 n’y a pas que monsieur Le Pen, malheureusement, dans le front national. Il y en a d’autres : B. Mégret, B. Gollnisch, etc. Donc, ce que je souhaite en fait, c’est la défaite du front national, une baisse de son score aux élections.
P. Boyer : La gauche plurielle mène combat pour les régionales. Ça se passe moyennement en Île-de-France où monsieur Balladur a pris un bon départ, et fait jeu égal avec vos listes ?
Y. Cochet : Non, ça se passe bien en Île-de-France. D’abord, elle est complètement unie en Île-de-France. Sur les huit départements, nous, nous avons des listes de toute la majorité plurielle, et avec l’espoir d’avoir de nombreux élus, notamment pour Les Verts. Ceci étant dit, il y a une petite ambiguïté au démarrage, parce qu’on pensait que D. Strauss-Kahn voulait être président de région. Il est clair maintenant qu’il ne le veut plus.
P. Boyer : Ou qu’il ne peut plus en fait ?
Y. Cochet : Ben oui, parce que Jospin dit : on ne peut pas être à la fois à Bercy et président de région, ce qui me semble normal.
P. Boyer : Et on le savait depuis le début, ça. Donc, on aurait pu s’éviter ces atermoiements ?
Y. Cochet : Non, il n’est pas sûr. Je crois qu’il aurait pu se faire que Strauss-Kahn eut été président de région pendant un certain temps, jusqu’à ce que, par exemple, il y ait eu le passage à l’euro. Le fait que ça se passe pendant quelques mois aurait été finalement assez normal. Jospin qui est plus rigoureux, – je le suis aussi, puisque moi je ne suis pas candidat, je suis déjà député, mandat unique, comme M.-C. Blandin. Ceci étant dit, ça a été tranché finalement par le PS lui-même qui propose que ce soit J.-P. Huchon qui soit élu président de région, si la région bascule. Je m’en réjouis, parce que c’est un homme d’expérience.
P. Boyer : Jusqu’à présent, elle n’est pas sur le point de basculer, puisque les deux listes font jeu égal alors qu’on s’attendait à ce que monsieur Balladur ne fasse pas si bien.
Y. Cochet : On s’attendait en tout cas que pour les élections régionales qui sont quand même bien tenues par la droite, depuis 1992, eh bien, ce soit plus difficile pour la gauche plurielle de gagner. Ça n’est pas encore fait, il faut mener campagne, mais j’espère qu’on va gagner, notamment en Île-de-France, parce qu’alors, vraiment, la corruption de l’ancien président, enfin du président toujours, monsieur Giraud, de l’Île-de-France, a été flagrante, notamment dans le domaine des marchés publics, des lycées, etc. Lui ne se représente même pas d’ailleurs. Je crois qu’on peut gagner, on va gagner, on mène une bonne campagne, maintenant, à la fois avec Strauss-Kahn, et puis avec Huchon.
P. Boyer : Dans le Nord Pas-de-Calais, selon le sondage CSA pour France Info, la liste de Mme Blandin est créditée de 9 % d’intentions de vote. Ce n’est pas extraordinaire pour une présidente sortante !
Y. Cochet : Il faut dire que ce sondage a été fait non pas sur le nom de Mme Blandin, mais il y a une liste des verts, et puis une liste PS-PC, alors.
P. Boyer : On sait très bien que Les Verts seraient emmenés par la présidente ?
Y. Cochet : Oui, mais lorsque vous posez une question par téléphone à un échantillon, si vous ne dites pas : « M.-C. Blandin ou M. Delebarre », les gens n’ont pas la même réponse que si vous dites simplement : Les Verts, et puis le PS-PC.
P. Boyer : Toujours est-il que son score est honnête mais pas extraordinaire ?
Y. Cochet : Non, j’espère qu’il dépassera franchement les 10 % et qu’elle redeviendra – parce qu’elle a bien mérité –, nouvelle présidente de la région Nord Pas-de-Calais.
P. Boyer : Mais comment elle le redeviendrait, puisqu’il faut voir votre position pour cette présidence en fonction des résultats nationaux ? Si la gauche remporte au moins une demi-douzaine de régions au soir du 15 mars, qu’est-ce que vous faites ?
Y. Cochet : Alors, Les Verts pourront présider une région, et celle que nous avons choisie depuis en fait six ans, c’est la région Nord Pas-de-Calais. Il faut continuer.
P. Boyer : Et là, vous fixez la barre où ? À une demi-douzaine de régions gagnées par la gauche ?
Y. Cochet : Oui, je pense qu’au vu de ce qu’on peut voir de la campagne, puis de quelques sondages – encore une fois les sondages n’ont pas été faits sur des listes réelles avec des têtes de liste réelles, moi j’attends ceux de la semaine prochaine – bref, j’espère qu’on en gagnera entre six et dix, et dans ce cas-là, il y en aura une pour Les Verts : le Nord Pas-de-Calais.
P. Boyer : Vous êtes pour la gauche plurielle, mais à condition de ne pas être en quelque sorte les supplétifs oubliés après le 15 mars ?
Y. Cochet : On ne l’a jamais été. On a passé de très bons accords l’an dernier avec le PS. Là, maintenant, c’est avec l’ensemble de la nouvelle majorité. Donc, on ne sera pas les supplétifs. On a toujours une autonomie de pensée.
P. Boyer : Et vous aurez dans la campagne une autonomie aussi, ou vous allez complètement jouer le jeu de la majorité ?
Y. Cochet : On a exactement 58 listes avec la majorité, et on en a 37 autonomes. Vous voyez qu’on sait faire la part de notre autonomie, notamment dans des régions où il y a beaucoup de nucléaire, comme par exemple dans le Cotentin.