Interview de M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire de la ville et de l'intégration, à France 2 le 9 décembre 1996, sur l'ouverture à Marseille d'une école de la deuxième chance, la revendication par les marins pêcheurs d'une extension de la zone franche en Corse, et l'intervention télévisée du Président de la République le 12 décembre.

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

Texte intégral

G. Leclerc : Votre ville innove puisque sera lancé aujourd’hui, en présence d’Édith Cresson, commissaire européen, le premier projet européen d’une école de la deuxième chance. Alors, quel est l’objectif : c’est d’offrir un métier aux jeunes qui sont sortis sans formation de l’école, c’est ça ?

J.-C. Gaudin : Oui, à des jeunes de 18 à 22 ans qui pourront ainsi avoir, comme vous venez de le dire, une deuxième chance. C’est un projet européen, et voyez-vous, à l’époque où on critique tant l’Europe, voilà une initiative drôlement intéressante, en partenariat avec toutes les collectivités territoriales, avec l’Éducation nationale, bien sûr, mais surtout avec les entreprises. Car les jeunes qui viendront dans cette école auront un emploi à la sortie, dans tous les cas de figure, car ce sont les industries qui demanderont la formation des emplois et donc il y a là une innovation, il y a là une sécurité pour l’emploi et il y a là une formation. Enfin, c’est une opération qui est très importante et je remercie Mme Édith Cresson d’avoir choisi Marseille pour faire l’expérience française de l’école de la deuxième chance.

G. Leclerc : Alors, comment cela va-t-il fonctionner, quels jeunes seront concernés, combien et selon quels critères ?

J.-C. Gaudin : Lundi dernier, le conseil municipal de Marseille a délimité une ZAC dans les quartiers nord de Marseille, là où nous avons en chantier le grand projet urbain sur les anciens abattoirs de la ville de Marseille. Bien entendu, la ville va aménager tout cela, il y aura environ 300, puis 500 jeunes, et nous pensons ouvrir l’école en janvier 1998. Les professeurs seront, bien entendu, rémunérés par l’Éducation nationale et sous contrôle de l’Éducation nationale, et le dispositif sera celui que je viens de vous expliquer.

G. Leclerc : À la sortie, tous ces jeunes auront véritablement un métier ?

J.-C. Gaudin : Tous ces jeunes auront véritablement un emploi à durée indéterminée. Je le précise parce que, dans le contexte du moment, c’est très important.

G. Leclerc : Vous êtes également ministre de l’Aménagement du territoire et donc vous êtes directement concerné par le blocus des ports corses par les marins pêcheurs qui demandent une extension de la zone franche. Quelle réponse avez-vous à leur donner ?

J.-C. Gaudin : Finalement, nous ne savons pas s’ils sont pour ou contre la zone franche. En tous cas, moi, j’ai appliqué les directives du Premier ministre. Le Premier ministre avait promis une zone franche pour la Corse ; attention ce n’est pas Macao, Liechtenstein, c’est la volonté du gouvernement de donner un ballon d’oxygène à l’économie corse pour recréer des emplois, pour dynamiser une situation qui souffre, bien évidemment, du contexte de l’île.

Nous ne pouvons pas faire grand-chose sur la pêche parce qu’il y a les règles communautaires de Bruxelles qui sont très tatillonnes. Nous avons fait un effort : on fait un effort sur le fioul, on fait un effort dans différents domaines pour les pêcheurs, nous avons même fait un effort à l’Assemblée nationale, vendredi dernier, pour les pêcheurs salariés. Nous ne pouvons pas aller plus loin, me semble-t-il, mais la zone franche va donner quand même un certain coup de main. Nos compatriotes, là-bas, en ont besoin ; mais attention, il faut toujours que nous vérifions de ne pas faire un déséquilibre avec d’autres départements français comme la Creuse ou les Alpes-de-Haute-Provence, qui ont aussi des difficultés, et à la fois de ne pas entrer dans l’anticonstitutionnalité en suivant certaines décisions que le Conseil constitutionnel pourrait nous reprocher.

G. Leclerc : Jacques Chirac devrait s’adresser au pays mercredi ou jeudi : qu’est-ce qu’il faut attendre de cette intervention du chef de l’État ?

J.-C. Gaudin : Le président de la République a été brillamment élu, il y a de cela plus de 18 mois, il a indiqué clairement le cap. Les choses ne sont pas faciles dans notre pays mais nous sommes dans la bonne direction. Si aujourd’hui nous reculions, alors nous aurions perdu le bénéfice de tant d’années d’efforts. Nous touchons presque au but et, Maastricht ou pas Maastricht, il y a une règle très simple que les Français connaissent : on ne peut pas, dans ce pays, dépenser plus que nous n’avons. Et par conséquent, aujourd’hui, nous avons fait beaucoup d’efforts pour réduire les déficits, pour remettre la France dans la bonne direction par rapport à une période où l’on avait tout lâché. Si nous nous arrêtions maintenant de le faire, alors nous repartirons comme au jeu de l’oie, quatre cases en arrière, et ça, ce serait encore plus mauvais pour les Français parce qu’ils devraient le payer dans dix ans.

G. Leclerc : C’est-à-dire que le Président doit expliquer la politique mais il ne doit pas l’infléchir, comme l’a demandé M. Pasqua hier soir ?

J.-C. Gaudin : Bien entendu, il y a sur tel ou tel domaine peut-être des efforts à faire, ou une meilleure explication. Mais en tous cas, qu’est-ce que vous croyez que nous faisons au gouvernement ? Nous ne faisons qu’appliquer les directives voulues par le président de la République : réduire la fracture sociale, faire en sorte que notre économie soit bonne, ne pas aller dans les dévaluations telles qu’on voudrait nous les proposer. Voilà ce que le président de la République, me semble-t-il, doit expliquer aux Français. Il en a tout à fait la capacité, la compétence et surtout le sacrement du suffrage universel qui lui a été donné pour pouvoir communiquer directement avec le peuple français et se faire comprendre.

G. Leclerc : Le climat n’est pas très bon, les sondages sont mauvais, il y a toutes ces affaires : RPR en région parisienne, le PR dans le Var. Qu’est-ce que tout cela vous inspire ?

J.-C. Gaudin : Cela m’inspire qu’il faut beaucoup de courage aujourd’hui pour s’engager dans la vie publique et qu’il ne faut surtout pas faire des amalgames. Toutes les affaires, comme vous dites, ne sont pas toutes de la même nature, elles sont inégales. Et puis, je vais vous dire : il faut surtout que l’on continue à dire que ceux qui ont fait des malversations doivent le payer, c’est bien évident, mais que la quasi-totalité des élus français, aujourd’hui, sont des hommes et des femmes intègres qui se dévouent avec beaucoup de compétence au service de leurs compatriotes. Ils ne méritent pas, toujours, d’être tous mis dans le même sac.