Texte intégral
Grâce au débat de fin octobre, sur la politique étrangère proprement dite, nous avons enfin pu, cette année, séparer ce qui est habituellement mêlé et nous consacrer aujourd’hui à la discussion budgétaire.
Plusieurs sénateurs ont évoqué cependant des sujets généraux. Je répondrai par écrit à M. Demuynck sur le droit d’asile. Un mot néanmoins à M. Penne, concernant l’Angola : la France, très clairement, reconnaît comme seuls représentants de ce pays le président élu, le gouvernement, le parlement. Nous n’avons aucun autre interlocuteur que les autorités légales.
Si certains de nos compatriotes voyagent à l’étranger, cela n’engage pas la responsabilité de la France. J’espère, enfin, que le processus d’évolution politique en cours viendra à son terme dans les mois qui viennent.
Merci à Monsieur le rapporteur spécial, à Messieurs les rapporteurs pour avis, et à tous les orateurs. Beaucoup d’entre eux ont exprimé des positions très proches des miennes et abordé des questions essentielles.
La baisse des crédits n’entrave-t-elle pas l’action diplomatique de la France ? Faut-il redéployer nos représentations en fonction de la situation dans telle ou telle partie de la planète ? Améliorer la protection de nos compatriotes à l’étranger ? Accentuer la présence audiovisuelle française dans le monde ?
Le budget de mon ministère diminue de 3,96 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996. Je comprends que vous le déploriez, mais la majorité parlementaire a affiché, avec le gouvernement, une volonté commune de réduire les déficits ; quant aux sénateurs socialistes, ils ont tout naturellement la nostalgie d’une époque où l’argent coulait à flot, où les crédits des affaires étrangères progressaient de 20,37 % – en 1982 – ou de 16,20 % – en 1984. Ah, c’était la belle époque !
C’est que, dans cette période-là, l’argent public était dépensé de façon tellement irréfrénée que nous sommes aujourd’hui contraints de serrer les boulons, de réduire nos dépenses pour maintenir nos déficits, ce qui exige des efforts, des sacrifices et des renoncements…
Je sais que le Sénat, conforme à sa réputation de sagesse, voudra prendre une exacte mesure des choses.
Le budget pour 1997 s’élève à 14 438 millions de francs, à comparer à un budget initial de 15 033 milliards de francs, soit 570 millions de francs en moins que l’an dernier. Cette différence correspond à la régulation que nous avons supportée en 1996 et aux dépenses de la FORPRONU. Nous aurons en fait, en 1997, des moyens comparables à ceux dont nous avons disposé pendant l’année 1996.
Comme vous, je préférerais que les crédits augmentent, mais je ne partage pas le misérabilisme de certains. En dépit des sacrifices que nous avons consentis, je n’en disconviens pas, nous menons une politique étrangère ambitieuse. Je ne connais pas de système qui ne soit capable de gains de productivité, c’est-à-dire d’être plus efficace demain qu’aujourd’hui. Je suis persuadé que le ministère des affaires étrangères, mieux que tout autre, est capable de déployer un effort d’imagination et de réformer son administration. J’ai bien ressenti que chacun était fier à l’idée que la France dispose du deuxième réseau diplomatique mondial. Mme Bidart-Reydet, comme M. Penne et les orateurs de la majorité souhaitent que ce réseau, outil de notre présence à l’étranger et de nos ambitions internationales, soit maintenu. Nous poursuivons un effort d’adaptation et d’amélioration.
La première adaptation tient à la poursuite de l’application du plan quinquennal de réduction des effectifs, pour la période de 1994 à 1998, soit 119 postes pour un coût de 500 à 600 millions. Nous avons obtenu que le ministère des affaires étrangères conserve la moitié des crédits correspondants pour les affecter en fonction de nos choix et de notre propre gestion. C’est ce que nous continuerons de faire pendant l’exercice 1997.
Je puis rassurer M. Dulait : nous maintiendrons les crédits affectés au service de l’état civil de Nantes, ce qui améliorera la qualité et la rapidité du service rendu, essentiel pour nos concitoyens.
Mme Brisepierre a exprimé ses inquiétudes sur notre réseau et M. Chaumont a rappelé qu’il devait être adapté à une diplomatie qui ne serait plus simplement politique, mais aussi économique et culturelle. Il a insisté sur la nécessaire ouverture de ce réseau aux PMI, avec raison. C’est pourquoi nous avons réuni, dans la capitale régionale, qu’il connaît bien, quelque 400 à 500 PMI et une douzaine d’ambassadeurs des cinq continents. Cette rencontre a permis de montrer aux PMI que les ambassadeurs sont des hommes et des femmes accessibles et disponibles. Notre diplomatie économique n’est pas seulement au service des grandes entreprises.
Oui, Madame Brisepierre, nous sommes capables d’adapter notre réseau, c’est-à-dire de fermer ici et d’ouvrir là. Nous ne fermons pas pour réduire les dépenses, en vertu d’un exercice uniquement budgétaire, qui serait exécuté sous la pression du ministère des finances. Nous devons intensifier notre présence en Asie, notamment en Asie centrale, l’alléger au sein de l’Union européenne, ce qui ne veut pas dire que nos ambassades n’y soient plus utiles, elles évoluent et demeurent…
Par ailleurs, un certain nombre de consulats de France, datant du temps des diligences, dont ils ont souvent le charme, apparaissent moins utiles que de nouvelles représentations françaises dans des pays dont nous sommes absents. Ainsi, nous ouvrons un consulat à Canton, une ambassade au Turkménistan, nous sommes deux ambassadeurs non-résidents en Mongolie et en Erythrée. Dans le même temps, nous fermerons nos ambassades à la Jamaïque, au Liberia, en Sierra Leone, au Malawi et cinq consulats, à Edmonton, Florence, Honolulu, Mons et San Juan de Puerto Rico. Ces postes s’ajoutent aux 19 postes supprimés depuis 1983 en Europe.
La responsabilité du gouvernement est de décider quel consulat créer, quel autre fermer. Je ne vois que des avantages à en parler avec votre commission des affaires étrangères.
Il est de plus en plus nécessaire de rapprocher les services diplomatiques, au sens classique du terme, des services du ministère de l’économie et des finances. Nous avons de plus en plus de postes mixtes, où l’action extérieure et l’action économique se rejoignent. Avec mon collègue Galland, nous allons de l’avant : ici un consul pourra être représentant commercial, là ce sera l’inverse. Cette souplesse administrative doit produire de l’efficacité et des économies.
M. Vigouroux a prétendu, comme l’un de ses collègues à l’Assemblée nationale, qu’il n’y avait qu’un attaché linguistique entre la Volga et l’Oural. Cette intervention est significative de l’action de certains réseaux de fonctionnaires qui, estimant que les moyens mis à leur disposition sont insuffisants, alertent les membres du Parlement pour obtenir gain de cause. On vous a mal informé ! Il y a entre la Volga et l’Oural au moins quatre attachés linguistiques et il existe un centre de la francophonie à Ekaterinbourg, un autre à Nijni-Novgorod, un autre à Kazan, et j’en passe.
Plusieurs d’entre vous, à commencer par M. Habert, ont évoqué la question de l’enseignement du français à l’étranger. Je ne crois pas souhaitable qu’il soit confié au ministère de l’éducation nationale, qui s’en désintéresserait du jour au lendemain, ni qu’on lui applique les règles qui prévalent en métropole, car la situation est autre. Ce réseau d’enseignement est remarquable, depuis dix-huit mois, j’en suis le témoin admiratif. La mobilisation des parents et des enseignants y est remarquable et les résultats scolaires supérieurs à la moyenne nationale. Il faut soutenir et au besoin développer ce réseau unique au monde. C’est pourquoi ses crédits sont maintenus : une augmentation de 0,2 % dans un budget en baisse de 3,96 %. C’est notable ! Il reste toutefois indispensable de le rationaliser pour le préparer à l’avenir. Le Premier ministre et moi sommes en train d’étudier le rapport mentionné par M. Habert, et je vous ferai part au plus tôt de nos conclusions. Quant aux bourses destinées aux jeunes Français expatriés, les crédits sont maintenus à 185 millions de francs, ce qui représente 17 000 bourses.
Dans le domaine de l’assistance des Français à l’étranger, il faut avoir conscience que les crédits du ministère des affaires étrangères, que nous reconduisons à 130 millions, s’intègrent dans un ensemble de 1,4 milliard de francs. Sur ce total, 97 millions sont destinés à l’action sociale, contre 89 il y a trois ans. Cela marque notre volonté de soutenir l’action des comités consulaires. Il faut nous adapter aux besoins croissants des expatriés en associant les efforts des pays européens, par exemple pour créer des cabinets médicaux communautaires, comme au Rwanda.
M. Cantegrit a fait des propositions très précises, ce qui ne me surprend guère de la part du président du groupe UDF au Conseil supérieur des Français de l’étranger et surtout de la caisse des Français de l’étranger.
L’action sociale en faveur des Français à l’étranger sera soutenue, non seulement en 1997, mais aussi dans les années suivantes. À cet égard, l’idée d’un programme pluriannuel, qui permettrait de mettre nos actions en perspective, est intéressante et les services de mon ministère et de celui des finances l’examineront.
En ce qui concerne l’audiovisuel extérieur public auquel se sont intéressés MM. Bordas et Penne, les crédits sont maintenus et même augmentés puisque RFI reçoit une dotation supplémentaire de 60 millions de francs, ce qui lui permet de rétablir sa situation, son budget ayant été réduit en 1996 de 60 millions, qu’elle avait dû compenser par prélèvement sur sa trésorerie propre.
Hier soir, le Premier ministre et moi avons décidé la création de Télé France international, holding réunissant TVS et CFI, et qui aura pour mission de définir les orientations stratégiques de la présence audiovisuelle française à l’étranger, d’étudier la création d’une chaine « vitrine de la France », proposant des informations et des documentaires, et de soutenir l’exportation des programmes français. J’ai confié à M. Cluzel la mission de constituer TF1 et à M. Meyer celle de monter le projet financier de la chaîne « vitrine », qui pourra comporter le réseau d’informations régulières que nous n’avons pas jusqu’à présent.
Un comité stratégique, composé d’experts et présidé par M. Dalle, sera constitué auprès de moi pour conseiller le gouvernement sur sa politique audiovisuelle extérieure.
La francophonie, l’enfant chéri de M. Legendre, est devenue progressivement une dimension essentielle de la politique étrangère de la France. Nombre de pays qui évoluent nettement vers la démocratie, telle la Roumanie et la Moldavie, aspirent à entrer dans cet ensemble de 49 États marqué par le pluralisme et le respect des identités nationales ; il est donc appelé à grandir.
La francophonie n’est pas seulement un lien particulier d’amitié avec ces peuples, c’est l’expression de notre volonté tenace de défendre notre langue et notre culture, ainsi que la diversité des cultures dans un monde menacé par l’uniformisation culturelle et linguistique. La francophonie n’est pas seulement un mouvement sympathique à vocation culturelle, il doit pouvoir jouer un rôle fort dans la vie internationale. Il faut donc que cette francophonie-là ait une dimension parlementaire, et tout sera fait pour que l’Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) puisse jouer pleinement son rôle et que les parlementaires francophones soient des partenaires actifs de la francophonie en marche.
Je terminerai par plusieurs questions diverses. Tout d’abord, l’informatisation des services du ministère sera poursuivie.
Ensuite, la délivrance des visas reste toujours un élément stratégique, même si cette politique, nécessaire, provoque des difficultés au jour le jour.
Nous nous efforçons en outre, même avec des moyens limités, de maintenir une politique immobilière active. L’inauguration de la nouvelle résidence française à Beyrouth, la résidence des Pins, est prévue le 14 juillet 1997. Elle marquera à la fois la renaissance du Liban et le retour de la France.
Nous avons, en outre, entamé le processus de réalisation de l’ambassade de France à Berlin. J’ai entendu dire que le projet coûterait très cher. Pour l’instant, nous n’avons procédé qu’à des évaluations, sur la base de 20 000 francs le mètre carré pour un ensemble de 12 000 mètres carrés, et les appels d’offres ne sont pas encore lancés. Nous montrerons, en tout cas, un souci d’économie qui n’a pas toujours prévalu dans le passé : j’ai pu constater sur place, au Mexique, que l’on n’avait guère lésiné sur les deniers publics.
Notre gestion à Berlin sera à la fois digne de la France et économe.
Enfin, je rappellerai que nous disposons cette année, pour la première fois, d’un document remarquable : le budget de l’action extérieure de la France. Le document, élaboré à l’initiative du Premier ministre, grâce aux travaux du comité interministériel des moyens extérieurs de l’État, vous présente la totalité des crédits de l’État pour l’action extérieure, soit 48 milliards de francs.
Ce rapport sera annuel, de façon que la représentation nationale puisse porter sur l’action extérieure de la France une appréciation d’ensemble.
Il est pour l’instant de couleur jaune. Peut-être un jour deviendra-t-il bleu, ce qui signifiera que l’État aura fait un progrès décisif d’une vision globale à une décision globale.
Cette action interministérielle mérite, certes, attention et examen, afin d’être assurée que ces 48 milliards servent au mieux les intérêts du pays.