Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, dans "Ouest-France" du 25 février 1998, sur l'enjeu des élections régionales de mars 1998, l'avenir des régions et le cumul des mandats.

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Média : Ouest France

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Ouest-France : Ces régionales ont-elles valeur de test politique national ?

François Hollande : Leur enjeu est d’abord régional. Il est de savoir si l’on veut des régions actives pour l’emploi ou des régions qui consolident un pouvoir local, en l’occurrence celui de la droite. Mais je ne rejette pas l’idée qu’un message national puisse s’exprimer à travers ces élections. Si c’est le cas, la question est claire. Les Français veulent-ils amplifier l’action du gouvernement de Lionel Jospin en faveur de l’emploi, de la solidarité, de la citoyenneté ou préfèrent-ils revenir à ce qu’ils ont connu avec la majorité précédente ?

Ouest-France : Quels sont vos principaux thèmes de campagne ?

François Hollande : Ces élections offrent d’abord l’occasion de rééquilibrer le pouvoir local. Il n’est pas normal que la droite gère, depuis douze ans, vingt régions sur vingt-deux et qu’une même formation politique contrôle près des trois quarts des conseils généraux. Il faut ensuite que les compétences de la région qui portent sur le développement économique, l’aménagement du territoire, la formation professionnelle soient dynamisées au profit des priorités affirmées par la gauche, l’emploi, la solidarité, l’éducation. Enfin, pour garantir une décentralisation active et avoir des élus disponibles, nous présentons des candidats plus jeunes des listes féminisées et nous entendons limiter le cumul des mandats.

Ouest-France : Quelle sera l’attitude du PS lors de l’élection des présidents de région ?

François Hollande : Celle que nous appliquons déjà. Chaque fois que nous ne sommes pas en situation de majorité absolue ou relative, nous ne présentons pas de candidat. Ce qui permet d’éviter à tout groupe minoritaire, notamment au Front national, de vouloir jouer avec tel ou tel. Pour nous, c’est une position générale. À droite, j’ai entendu, c’est vrai, Édouard Balladur et Philippe Séguin défendre la même attitude. Mais si les chefs politiques ont une position claire, je crains qu’il n’en soit pas toujours de même avec les candidats à la présidence. Ce que disent Philippe Vasseur dans le Nord-Pas-de-Calais et Jacques Blanc dans le Languedoc-Roussillon n’est pas fait pour me rassurer.

Ouest-France : Comment voyez-vous l’avenir des régions ?

François Hollande : La région et le département ont tous deux leur utilité. Plutôt que de faire disparaître l’une ou l’autre, l’important est de donner à chacun une meilleure lisibilité en clarifiant les compétences. Pour faire simple, je dirais que la région, c’est l’économie, l’éducation, la formation. Le département, c’est le social. On peut renforcer le département et la région en séparant leurs pouvoirs respectifs.
Ouest-France : L’élargissement de l’Europe à l’Est ne risque-t-il de marginaliser les régions du littoral français ?

François Hollande : Le débat sur les solidarités territoriales va surgir assez vite. L’arrivée des pays de l’Est peut effectivement bousculer la hiérarchie actuelle. Sans doute faudra-t-il redéfinir les aides en faveur de nos régions. Mais, aujourd’hui, il serait injuste, par exemple, d’oublier celles qui doivent faire face à la reconstruction de l’industrie de défense, comme la Bretagne ou la Basse-Normandie. En devenant plus continentale, l’Europe va-t-elle oublier le littoral ? Ce serait une faute très grave, car ce qui doit faire sa richesse, c’est précisément son ouverture.

Ouest-France : Vous êtes tête de liste en Corrèze. Au moment où le PS se fait le champion de l’anti cumul, vous inscrivez-vous bien dans cette perspective ?

François Hollande : Parfaitement. Je suis député et candidat aux régionales, mais je ne serai en aucune façon président de la région, ni même vice-président. Je n’aurai donc aucune fonction d’exécutif local en même temps que mon mandat de député. Je respecte non seulement la loi actuelle, ce qui est la moindre des choses, mais déjà la loi future.

Ouest-France : Plus généralement, votre position sur le cumul ?

François Hollande : Je ne suis pas un jusqu’au-boutiste de l’anti cumul. Qu’un député ou un sénateur puisse disposer d’un mandat de conseiller municipal, général ou régional, cela me paraît acceptable. Peut-être qu’un jour il faudra aller plus loin. On verra bien. En attendant, je m’en tiens à la réforme voulue par Lionel Jospin, qui empêche, à terme, l’exercice d’une responsabilité d’exécutif local (maire d’une grande ville, président d’un conseil régional ou général) en même temps qu’un mandat parlementaire. Quand je vois les résistances que cette réforme suscite déjà, notamment à droite, ce ne serait déjà pas si mal de la mener à son terme.