Texte intégral
Europe 1 : jeudi 8 janvier 1998
J.-P. Elkabbach : Les comités de chômeurs reçus officiellement à Matignon par le Premier ministre et M. Aubry, « c’est une première » disait S. Attal. Pour les chômeurs c’est une victoire plus que symbolique ?
F. Hollande : Ce qui sera, je pense, pour les chômeurs surtout, important, c’est de comprendre comment leur problème est réglé — j’entends les problèmes d’urgence — mais surtout le problème global qui est celui de l’emploi. Et de ce point de vue, je pense que c’est une revendication qui intéresse tous les Français, bien au-delà des chômeurs, puisque c’est une question de société : comment faire pour que l’exclusion, pour que le chômage de longue durée, soient réduits dans notre pays ? Ça ne se fera pas en un jour. Je pense qu’il était important qu’aujourd’hui il y ait cette rencontre parce qu’il faut dialoguer avec tous, et notamment avec ceux qui sont les plus défavorisés de la société.
J.-P. Elkabbach : Et pour tous les dirigeants de tous les partis — c’est-à-dire vous, d’autres, l’opposition etc. —, et pour les syndicats qui n’ont pas su trouver pour les chômeurs ni les mots, ni la place, est-ce que ce n’est pas un échec, une défaite ?
F. Hollande : Mais non ! Ce qui est important, c’est que, dans un pays comme le nôtre, il puisse y avoir avec les plus démunis, avec les plus défavorisés, avec les plus exclus, un dialogue au plus haut niveau. Et c’est ce que L. Jospin a parfaitement compris, puisque c’est lui qui va, avec les organisations syndicales bien sûr et avec les associations…
J.-P. Elkabbach : Mais est-ce qu’on ne peut pas reconnaître qu’à un moment donné, face à un mouvement social qui naît comme ça et qu’on ne maîtrise pas, qu’on peut se sentir dépassé ?
F. Hollande : Oui, mais je pense que heureusement que la société vit, bouge. Heureusement que, même pour les plus exclus des exclus, il y a une façon de se faire entendre. Je suis quand même satisfait que, dans ce pays, on puisse se faire entendre, et qu’on puisse dialoguer avec le Premier ministre de ce pays pour lui exposer les problèmes qui sont des problèmes d’une extrême gravité. Tant mieux que ça se passe comme ça ! Ça veut dire qu’il y a une vitalité démocratique et tant mieux si certains peuvent être débordés, comme vous dites.
J.-P. Elkabbach : Ça veut dire aussi que les syndicats perdent une part de leur légitimité ?
F. Hollande : Mais pourquoi tout de suite opposer les uns aux autres ? Les organisations syndicales vont être également reçues. Et je pense qu’on n’aurait rien à gagner dans ce pays à affaiblir les organisations syndicales, dont certaines sont d’ailleurs partie prenante dans ce mouvement. Je crois que c’est très important qu’il y ait de la représentation, du dialogue et donc des intermédiaires. Essayons de la protéger aussi.
J.-P. Elkabbach : Faut-il des syndicats spécifiques pour les chômeurs ? Faut-il les associer à toutes les instances et les discussions syndicales et sociales ?
F. Hollande : Mais ne séparons pas les salariés des chômeurs. Hélas, dans ce pays, trop de salariés pensent que demain ils peuvent être chômeurs, et beaucoup de chômeurs, heureusement, aussi, espèrent que demain ils seront salariés. Donc, il est bien qu’il y ait des organisations qui rassemblent et qui ressemblent aussi au pays, c’est-à-dire qui rassemblent chômeurs et salariés. Mais qu’il y ait localement des comités, des associations, qui défendent ceux qui sont dans le chômage de longue durée, pour qu’ils soient mieux insérés, mieux formés, mieux qualifiés et que demain ils retrouvent un travail, moi j’y trouve également mon compte.
J.-P. Elkabbach : Donc, le Premier ministre, L. Jospin, prend aujourd’hui en compte l’urgence sociale. Il lui faut donc tout faire. Il est au four et au moulin ?
F. Hollande : Je pense que dans ce pays, on l’a bien compris, il faut qu’il y ait à un moment un homme ou une femme qui prenne la responsabilité principale. Aujourd’hui, dans le cadre de la cohabitation c’est le Premier ministre, et je trouve que le Premier ministre a pris tout à fait ses responsabilités.
J.-P. Elkabbach : Est-ce que l’opposition n’aura pas raison de vous critiquer et de critiquer un gouvernement qui cède aux pressions et aux protestations ?
F. Hollande : L’opposition, comme vous l’avez noté, elle est discrète, elle se tait.
J.-P. Elkabbach : Vous avez de la chance.
F. Hollande : Non, je pense qu’elle est consciente de la responsabilité qui a été la sienne. Rendez-vous compte : l’allocation de solidarité, celle qui précisément est donnée quand il n’y a plus d’indemnisation, cette allocation n’avait pas été revalorisée depuis 1994. Il a fallu que ce soit ce gouvernement et M. Aubry qui décident de l’augmenter.
J.-P. Elkabbach : Sept mois après…
F. Hollande : Mais il a fallu l’augmenter parce qu’elle ne l’avait pas été pendant trois ans ; que le chômage de longue durée — depuis deux ans, je crois que c’était l’élection de J. Chirac —, eh bien ce chômage de longue durée a progressé de plus de 10 % ! Qu’il y avait une loi supposée sur l’exclusion ; que cette loi sur l’exclusion a été dissoute avec la dissolution de l’Assemblée nationale puisqu’elle n’a même pas été discutée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ; trop pressé était le Président de la République de retrouver une majorité.
J.-P. Elkabbach : Vous voulez dire ?
F. Hollande : Je veux dire que si la droite se tait, c’est qu’elle a toute les raisons de se taire. Et qu’elle est dans cette affaire responsable. Avec d’autres, parce que, dans une certaine mesure, ce chômage de longue durée, nous le portons tous, toutes majorités confondues. S’il y a plus de 3 millions de chômeurs, c’est parce que nous n’avons pas été, globalement dans cette société, capables de maîtriser et le flux et le stock. Ce que je veux dire aussi, c’est que le patronat porte également une très grave responsabilité.
J.-P. Elkabbach : J’ai lu vos vœux F. Hollande, vous prenez le CNPF pour cible. Mais au lieu d’engueuler le CNPF, est-ce que vous n’avez pas intérêt à vous réconcilier, à le ménager ?
F. Hollande : Mais qu’on ait un débat avec le CNPF sur la question des 35 heures, c’est normal. Le CNPF défend des positions, et je souhaite qu’on trouve effectivement les modes de travail qui permettent de faire de ces 35 heures des formules permettant de créer des emplois. Mais en même temps, est-il acceptable que le CNPF bloque tout ce qui se passe à l’Unedic ?! Hier, vous avez vu, on a simplement dégagé 12 millions de francs !
J.-P. Elkabbach : C’est insuffisant dites-vous ?
F. Hollande : Ecoutez, je n’ai pas besoin de commenter le chiffre. C’est le montant d’une grosse fortune d’un membre du CNPF, en gros 12 millions de francs.
J.-P. Elkabbach : Qui ?
F. Hollande : Je ne sais pas.
J.-P. Elkabbach : La plus petite ?
F. Hollande : La plus petite des grosses fortunes. Mais c’est plus grave que ça. Rendez-vous compte que mardi, le CNPF n’a même pas voulu prendre dans l’indemnisation du chômage, ces nouveaux emplois-jeunes ! M. Gandois, prédécesseurs de M. Seillière avait dit : écoutez, on n’est pas d’accord avec le Gouvernement, on fera tout pour les emplois-jeunes ! Donc, ce que je veux dire, c’est que le CNFP peut avoir des contentieux avec le Gouvernement, il n’a pas le droit de bloquer le système de l’Unedic.
J.-P. Elkabbach : Mais il vous avait prévenus M. Seillière, que le CNPF allait faire de la résistance et il choisit lui, une voix plus libérale que la vôtre…
F. Hollande : Eh bien il prend la responsabilité de faire de la résistance sur le dos des plus exclus, des exclus de ce pays. Quand un dirigeant du CNPF dit : l’Unedic c’est un bureau d’aide sociale, alors qu’est-ce que c’est que l’Unedic si c’est pas pour venir en aide à ceux qui justement n’ont plus rien ?
J.-P. Elkabbach : Qu’attendez-vous ou que demandez-vous au gouvernement Jospin, à M. Aubry : de relever les minima ? Ça va être fait dans les prochains jours ?
F. Hollande : D’abord, il y a eu des mesures importantes qui ont déjà été prises et heureusement et très rapidement : je ne reviendrai pas sur les 500 millions de francs pour la formation et le reclassement, sur des dispositifs d’urgence auprès des préfets. Il y a eu l’annonce, elle est très importante, que la loi sur l’exclusion va se faire.
J.-P. Elkabbach : D’accord, mais que faut-il ?
F. Hollande : Il faut immédiatement, on le sait bien, il faut qu’il y ait le renforcement des dispositions d’urgence pour régler les problèmes les plus importants, il faut qu’il y ait des perspectives d’insertion dans l’emploi pour les chômeurs de très longue durée, et puis il faut, sans doute, en matière de solidarité, des gestes immédiats.
J.-P. Elkabbach : Financiers aussi ?
F. Hollande : Effectivement, il y a cet élément-là. Il ne faut pas le réduire à cela, mais ça fait partie de la discussion de cet après-midi.
J.-P. Elkabbach : Le PS d’Ile-de-France a choisi D. Strauss-Kahn. Si D. Strauss-Kahn devient Président de région, devra-t-il quitter son ministère de Bercy ?
F. Hollande : Ça, c’est une question qui lui appartient. Il est candidat au nom des socialistes, il est leur porte-parole, il va tout faire pour que cette région soit gagnée et lorsqu’elle sera gagnée je pense qu’il prendra ses responsabilités.
J.-P. Elkabbach : Il y a deux ans, F. Mitterrand s’éteignait. Cet après-midi vous allez vous recueillir sur sa tombe, à Jarnac. Vous assistiez, hier, à l’hommage qui a été rendu au Louvre. Est-ce que l’heure arrive de reconnaître ce que votre génération lui doit ?
F. Hollande : Ce n’est pas l’heure. Il y a très longtemps qu’on a reconnu ce que cette génération lui doit.
J.-P. Elkabbach : Timidement.
F. Hollande : Pas du tout. Si la gauche s’est reconstruite avec le Parti socialiste on le doit à F. Mitterrand et à ceux qui, à cette époque, ont le combat avec lui. Si la gauche a pris la responsabilité de l’Etat en 1981 et l’a gardée en 1988 on le doit à F. Mitterrand et à ceux qui l’ont accompagné à cette époque. Et moi, qui ne suis pas tout à fait de cette génération de F. Mitterrand étant, par le jeu de naissances, plus jeune, je sais ce que, collectivement, les socialistes lui doivent et l’hommage que je vais lui rendre est l’hommage de ceux qui l’ont connu et de ceux qui aurait aimé le connaître.
J.-P. Elkabbach : C’est intéressant : vous le dites d’une manière plus affirmative qu’autrefois.
F. Hollande : Mais de moi, et de beaucoup de socialiste. Cela ne devrait pas vous étonner.
RMC : lundi 12 janvier 1998
P. Lapousterle : Je voudrais d’abord vous poser une question : j’ai assisté à vos vœux à la presse, la semaine dernière ; vous avez dit que personne n’empêcherait le PS de s’exprimer sur des sujets touchant la politique étrangère. Cette nuit, l’Algérie a connu un nouveau massacre. On parle de plus de 100 personnes massacrées cette nuit près d’Alger, cette fois-ci. Quelles sont la réaction et les demandes du PS sur l’affaire algérienne ?
F. Hollande : Au-delà des réactions — j’allais dire presque habituelles devant les massacres qui se perpétuent en Algérie — d’émotion, on se dit : il faut quand même que le gouvernement algérien nous dise exactement ce qui se passe dans son pays, et n’en reste pas à la position qui est la sienne c’est-à-dire : « mêlez-vous de vos affaires ». Non parce que ces affaires sont bien sûr celles du peuple algérien, mais c’est aussi celles de la communauté internationale dans son ensemble. Et on connaît les liens qui nous unissent avec ce pays. Alors on veut savoir. On demande qu’il y ait de l’information, on demande qu’il y ait des commissions qui viennent pour exactement mettre en cause bien sûr le terrorisme — parce que c’est quand même le terrorisme qui fait cela. Ce sont des massacreurs qui n’ont rien à voir avec un mouvement religieux, ou alors ce sont des fanatiques qui sont mus par uniquement le désir de tuer — ce qui est abominable. Mais en même temps, il faut que le gouvernement algérien comprenne que cet appui international peut lui être utile et ne le voit pas à chaque fois comme un mouvement hostile ; parce que sinon il aura, je pense, beaucoup de mal à combattre le mouvement terroriste. Et ce terrorisme touche d’abord les plus faibles, la population. C’est pourquoi il faut aller au-delà des réactions de solidarité. Il faut faire quelque chose et faire quelque chose cela veut dire : savoir ce qu’il se passe en Algérie.
P. Lapousterle : Le PS voudrait envoyer une délégation en Algérie ?
F. Hollande : Il y a déjà une délégation du Parlement européen qui est là-bas. Si nous, nous pouvons, avec d’autres — parce que je crois qu’il faut « européaniser » si je puis dire notre position — aller en Algérie savoir, connaître… Il y a déjà, on le voit, un travail journalistique qui se fait, mais dans des conditions difficiles. On ne peut pas, je pense, quand on est un homme ou une femme éprise de justice — j’allais dire de la morale la plus élémentaire — laisser sous nos yeux ces massacres, sans images, se perpétuer ; et leur violence exige je crois, au-delà de la solidarité, une action. Cette première action c’est l’information.
P. Lapousterle : Le milliard d’urgence, je dirais n’a pas apaisé la colère des chômeurs, apparemment : est-ce que le PS pense qu’on aurait pu faire un effort supplémentaire, notamment sur les minima sociaux ?
F. Hollande : Il fallait d’abord répondre à l’urgence. C’est ce qui se fait avec ce milliard-là, puisque vous savez que, dans la réforme de l’Unedic — c’est peut-être compliqué —, il y avait eu une mise en cause de ces fonds sociaux qui permettaient d’aller justement traiter ces situations d’urgence. Mais le Gouvernement s’y substitue puisqu’il met un milliard ; parce qu’il va y avoir dans chaque préfecture, dans chaque département, des guichets pour justement éviter que des familles en détresse puissent continuer à connaître ces difficultés. Et en même temps, vous avez raison, il faudra continuer ce travail. Et le premier travail, c’est de donner une perspective d’emploi, d’insertion à beaucoup de ces chômeurs de longue durée. Deuxièmement, il y a la loi sur l’exclusion qui va permettre de regarder l’articulation entre les régimes d’indemnisation du chômage et ces minima sociaux qui sont au cœur aussi d’un certain nombre de revendication de mouvements de chômeurs.
P. Lapousterle : Vous pensez qu’ils pourraient être augmentés ?
F. Hollande : Il faudra regarder au moment de la loi sur l’exclusion, à d’autres moments — parce qu’on est quand même sur une période qui doit être à mon avis de moyen terme — regarder tout ce qui peut être fait pour assurer la solidarité, mais aussi pour rappeler à chaque fois que la revendication principale des chômeurs, c’est de trouver un emploi. Donc : urgence, traitement de la solidarité dans le cadre de la loi sur l’exclusion et bataille pour l’emploi dans le cadre de la politique économique du Gouvernement.
P. Lapousterle : Est-ce qu’à votre avis les mouvements de chômeurs devraient être associés à l’avenir aux discussions lorsqu’on parle du chômage et de l’emploi ? Est-ce que ce serait une bonne chose qu’ils soient associés ?
F. Hollande : Ils le sont grâce à l’intervention de L. Jospin.
P. Lapousterle : Est-ce qu’à l’avenir il faudrait qu’ils soient associés ?
F. Hollande : Localement oui, parce qu’il y a tout le traitement de l’urgence qui exige que ceux qui sont au plus près des chômeurs puissent se faire entendre. Il y a quand même la question de l’indemnisation du chômage qui les concerne directement et puis il y a la question de la réforme éventuelle des minima sociaux ou des solidarités évidentes — où ils peuvent, à mon avis prendre leur place. Mais en même temps, il faut veiller à ce que les organisations syndicales, qui dans notre pays représentent les salariés et les chômeurs, restent les interlocuteurs naturels.
P. Lapousterle : Les CRS ont dégagé les gens qui occupaient les Assedic. On a entendu le président du groupe parlementaire communiste — ce qui n’est pas rien parce que c’est votre allié principal dans la coalition — se plaindre de cette action, les Verts aussi. Est-ce que vous pensez que vos alliés sont suffisamment présents lorsque vous avez un coup dur ou est-ce que vous regrettez ?
F. Hollande : J’ai entendu à la fois J.-C. Gayssot et D. Voient, membres d’un Gouvernement, assurer je crois la solidarité gouvernementale qui s’imposait.
P. Lapousterle : Vous n’avez pas entendu M. Bocquet ?
F. Hollande : J’ai entendu M. Bocquet et je vais y revenir. Il y a eu des mesures. Elles ont été délibérées collectivement : c’est la méthode de L. Jospin. Il y a toujours des phrases que l’on entend de tel ou tel responsable politique. Je pense que le contexte des régionales ne doit pas être étranger à leur intervention. Je crois qu’il faut leur faire comprendre — et je leur fais comprendre à travers votre micro — que nous sommes, pour ces élections-là, unis, aussi, et que le succès des uns ne fera pas le succès des autres. Si on essaye d’avoir une démarche collective, c’est précisément pour qu’on soit solidaire à la fois dans l’action gouvernementale et dans l’action politique au moment des élections. Et je pense que chacun doit bien comprendre.
P. Lapousterle : Sinon ?
F. Hollande : A vouloir tirer la couverture à soi, elle peut quelque fois se déchirer. Il faut faire attention.
P. Lapousterle : J. Chirac, Président de la République et corrézien comme vous a présenté des vœux assez vindicatifs — je dirais — pour le Gouvernement. Il n’y a pas une galette des rois sans que le Gouvernement en prenne pour son grade. Quelle est votre réaction ? Vous étiez présents vous-même en Corrèze samedi lorsque les 35 heures ont été durement attaquées ? Est-ce la vie normale ?
F. Hollande : J. Chirac a le droit de parler. Il revendique même ce droit à la parole. Vous savez c’est assez simple. Le Président parle, il parle et parle beaucoup. Et puis il y a un Gouvernement qui agit, qui travaille, qui réforme le pays, qui crée un certain nombre de mesures qui doivent favoriser l’emploi. Chacun comprendra qui parle et qui agit. Mais il ne faudrait pas qu’à mon avis trop de paroles finissent par gêner l’action.
P. Lapousterle : La cohabitation c’est quelque chose qui est une bonne marche finalement pour les Français ? C’est un bon système ?
F. Hollande : C’est le système de la Constitution et je crois que cela ne tolère pas de critique puisque c’est celui qui se dégage de nos textes constitutionnels. Mais tant que ce système permet au Gouvernement de travailler, tant que le Premier ministre, issu de la majorité, peut mener à bien ses réformes, moi, je pense que c’est un système qui doit continuer.
P. Lapousterle : Les élections régionales : vous avez dit que le porte-parole de la liste de la majorité serait D. Strauss-Kahn pour la région Ile-de-France. Est-ce qu’il ne serait pas normal que les électeurs de l’Ile-de-France sachent qui sera le président de la région si leur camp d’emporte. Est-ce qu’il ne faudrait pas que M. Strauss-Kahn s’engage à être président de la région s’il avait les voix pour l’être ?
F. Hollande : La région Ile-de-France ne se distingue pas des autres régions françaises même si certains voudraient la séparer. On traite au niveau du PS l’ensemble du dispositif de la même manière : on va désigner des porte-parole dans les campagnes régionales, parce qu’on n’est pas sûrs que l’on va gagner ces régions, donc on reste extrêmement prudents. Ces porte-parole seront les chefs de file de la campagne et au fur et à mesure de la campagne ils donneront leur intention. Il y a aussi des régions que nous allons gagner je l’espère. Certaines vont revenir aux socialistes, peut-être d’autres à nos partenaires. Donc on essaye d’être extrêmement prudents et de donner aux électeurs le sentiment qu’on travaille pour eux et pas pour nous. Alors vous verrez en Ile-de-France, D. Strauss-Kahn va mettre en place un dispositif.
P. Lapousterle : On ne sait pas qui sera président de la région ?
F. Hollande : Il vous le fera connaître à mon avis au cours de la campagne électorale à mesure que les résultats laisseront penser que nous pouvons gagner cette présidence parce que c’est très difficile de gagner en Ile-de-France.
P. Lapousterle : M. Balladur interrogé hier, a pris lui l’engagement de ne pas se présenter à la présidence de la région s’il n’avait pas la majorité relative. Est-ce que le PS prend le même engagement ?
F. Hollande : Mais non seulement nous l’avons toujours dit et en plus nous l’avons fait. Ce qui nous distingue peut-être de la droite. Je vais juste prendre un exemple pour que chacun en soit bien conscient : Provence-Côte d’Azur, nous n’avons pas la majorité absolue — cela c’est sûr, parce qu’on serait à la présidence de la région, pas la majorité relative. Eh bien nous n’avons rien fait qui puisse gêner la majorité relative, en l’occurrence de droite — celle de M. Gaudin, parce qu’il avait plus de sièges que nous — et dans ces conditions il a le droit de gouverner la région. Il ne l’aura peut-être pas dans quelques semaines avec les élections et à ce moment-là ce sera à la gauche de le faire.