Déclarations de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, et interview dans le "Jornal de Angola", sur la restauration de la paix en Angola, les relations franco-angolaises et l'aide de la France au développement et à la reconstruction, Luanda le 29 novembre 1996.

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Circonstance : Voyage de M. de Charette en Angola le 29 novembre 1996

Média : Jornal de Angola - Presse étrangère

Texte intégral

Allocution à l'occasion du déjeuner offert par le ministre angolais des Relations extérieures, M. Venancio de Silva Moura (Luanda, 29 novembre 1996)

Monsieur le ministre, Madame,
Mesdames et Messieurs,

Lorsque vous m'aviez invité à me rendre dans votre pays, il y a de cela déjà un an, je pensais pouvoir répondre rapidement à votre souhait. Vous connaissez malheureusement comme moi les contraintes de l'agenda d'un ministre des Affaires étrangères et c'est pourquoi j'ai beaucoup regretté de ne pas avoir pu répondre à votre invitation jusqu'à présent.

Désormais c'est chose faite et je tiens à vous remercier très sincèrement pour la chaleur de votre accueil.

J'éprouve à la fois du plaisir, mais aussi de l'émotion à me trouver parmi vous à Luanda.

Le plaisir, d'abord, d'être avec de véritables amis de la France, avec lesquels nous souhaitons donner un nouveau cours à nos relations.

Mais aussi l'émotion de fouler le sol d'un pays meurtri par tant d'années de guerre et qui est, heureusement, aujourd'hui engagé dans la recherche de la paix et dans sa reconstruction que nous souhaitons tous être la plus rapide possible.

Vous le savez, la France est à vos côtés pour qu'enfin la paix triomphe, pour que s'établisse une véritable réconciliation nationale. Depuis la signature du protocole de Lusaka, des progrès très considérables ont été enregistrés. Il est vrai qu'il faut aller encore plus loin pour les rendre irréversibles.

Nous sommes exactement à trois mois de l'achèvement de la mission de l'UNAVEM. Je rappelle que l'UNAVEM est la plus importante des missions conduites par l'Organisation des Nations unies dans le monde à ce jour. 7 200 hommes venus du monde entier – des Français, notamment à l'école de déminage de l'UNAVEM – sont auprès de vous pour faciliter le retour de la paix civile. Toutes ces équipes, auxquelles je veux bien sûr rendre hommage, travaillent à vos côtés inlassablement, sous la remarquable direction de maître Blondin Beye, pour que l'Angola retrouve la paix et la prospérité. Je suis tout à fait convaincu – et les entretiens que j'ai eus avec vous m'ont conforté dans cette opinion – que vous avez à coeur, tout comme nous, que ces efforts soient couronnés de succès.

Dans cette tâche immense de reconstruction à laquelle vous vous êtes attelés avec courage et détermination, sous la conduite du président Dos Santos et de M. França Van-Dunem, vous pouvez compter sur l'aide de la France. Celle-ci est déjà importante :

- notre enveloppe de coopération s'élève en 1996 à 42 millions de francs, dans des secteurs essentiels pour la population angolaise : la santé, le développement rural, l'appui aux médias, le soutien à la décentralisation administrative et les actions en faveur de la jeunesse ;
- il faut y ajouter l'effort exceptionnel que nous faisons en faveur du déminage, terrible fléau dont souffre votre pays et auquel nous allons consacrer 21 millions de francs en deux ans. Enfin, nous contribuons de façon importante à l'aide multilatérale que vous apportent l'Union européenne et les Nations unies.

Mais tout ceci n'est pas suffisant. M. Van-Dunem nous l'a dit lors de sa visite à Paris, et j'en conviens pleinement.

Il faut en effet que cet effort public soit relayé par l'initiative privée. Vous le savez, de nombreuses entreprises françaises sont déjà présentes en Angola, et je me félicite que la France soit devenue cette année votre premier partenaire commercial en 1995.

Mais je sais aussi que de très nombreuses autres sociétés françaises sont prêtes à investir. Nous les y encourageons. Mais, naturellement, leur décision ne sera pas seulement guidée par de simples encouragements.

C'est pourquoi je ne peux que souhaiter que nos relations financières soient rapidement améliorées pour que nous puissions réactiver nos outils d'aide aux opérations économiques. La caisse française de développement, en particulier, est prête, pour sa part, à reprendre ses activités aussitôt que les problèmes actuels auront été réglés. Nous avons évoqué cette question ce matin et je crois que nous avons exploré des chemins prometteurs.

Je voudrais conclure ces quelques mots en vous disant très sincèrement tous les espoirs que nous nourrissons pour l'Angola.

Votre pays a été éprouvé par un long conflit. De nombreuses interventions extérieures ont contribué à l'attiser. Aujourd'hui cela est fini. Votre pays termine une période de souffrance pour entrer dans une nouvelle ère qui sera de prospérité et de développement. Je crois que vous allez devenir un modèle sur un continent qui a beaucoup connu d'épreuves et qui est à la recherche de son développement. Votre pays, en travaillant étroitement avec ses voisins, doit contribuer de manière décisive au développement de sa région et je suis sûr que cette période deviendra aussi celle d'un grand rayonnement international pour toute la région. Sachez que la France est à vos côtés pour transformer ces espoirs en réalités.

Voilà pourquoi je veux lever mon verre à la paix, à la prospérité de l'Angola et à l'amitié franco-angolaise.


Conférence de presse conjointe du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette, et du ministre angolais des Relations extérieures, M. Venancio de Silva Moura (Luanda, 29 novembre 1996)

Je voudrais dire combien j'ai été heureux de venir en Angola, à l'invitation de mon ami, Venancio de Moura. C'était un projet que nous avions fait ensemble il y a déjà un certain temps. Nous nous étions rencontrés très longuement à New York en octobre dernier à l'occasion de l'assemblée générale des Nations unies, et je me réjouis de me trouver aujourd'hui à Luanda pour faire le point sur un certain nombre de sujets.

D'abord, je voudrais dire combien j'ai été heureux de pouvoir m'entretenir non seulement, longuement, avec M. de Moura et aussi d'être reçu par le Premier ministre M. Van-Dunem et par le président de la République, le Président Dos Santos.

La France, comme c'est normal, comme c'est naturel, travaille avec les autorités officielles légitimes et légales de l'Angola : le président de la République, son gouvernement et naturellement avec le Parlement, tel qu'il est constitué. Nous avons, par conséquent, évoqué ensemble un grand nombre de questions. Nous avons parlé de l'évolution du processus engagé en Angola pour résoudre les difficultés du passé. La France se réjouit vivement des progrès accomplis et, comme vous le savez, elle fait partie au sein du Conseil de sécurité, en tant que membre permanent, des pays qui ont une responsabilité particulière que nous assumons bien entendu de façon pleine et entière. Nous soutenons ces efforts ainsi que les efforts de la communauté internationale et nous formons l'espoir que, dans les prochains jours et dans les prochaines semaines, ce processus arrive à son terme, de sorte que l'Angola, après avoir connu de longues périodes de difficultés, de troubles et d'épreuves, puisse, comme j'en suis intimement convaincu, entrer dans une période nouvelle qui sera une période consacrée au développement, au progrès économique et social. Bref, à faire en sorte que le sort des populations, le niveau de vie de l'Angola progressent. L'Angola dispose de beaucoup d'atouts extraordinairement positifs qui permettent à ce beau et grand pays non seulement de devenir un pays prospère mais de prendre pleinement sa place dans la communauté internationale, et notamment en Afrique, comme un pays influent et, je le crois, comme un pays qui sera sans doute demain un modèle de développement pour beaucoup d'autres pays.

Nous avons parlé, cela va de soi, des relations bilatérales. La France a accompagné l'Angola dans le temps des épreuves, elle l'accompagnera dans le temps du développement. Nous souhaitons donc être demain, comme nous le sommes déjà, un partenaire actif, amical, intense pour contribuer à l'essor économique que chacun prévoit de votre pays. Nous souhaitons aussi être un partenaire politique amical. Nous avons d'ailleurs beaucoup de raisons pour cela. Nous avons évoqué avec tous les interlocuteurs, que j'ai eu le plaisir de rencontrer aujourd'hui, la situation dans la région. Bien entendu, nous avons parlé de la situation dans la région des Grands Lacs et dans le secteur de la province du Kivu et je crois que l'on peut dire que la France et l'Angola partagent la conviction que le respect de l'intégrité des frontières et que la stabilité du Zaïre sont des préoccupations qui nous sont communes et qui contribuent à la paix et à la stabilité dans la région.

Voilà quelques-uns des sujets que nous avons évoqués. Il s'agit, entre la France et l'Angola, de donner un nouvel élan à un partenariat amical et intense.

Q. : Quelle est la position de la France sur la réélection de M. Boutros-Ghali ?

R. : Comme vous le savez, la France a soutenu et soutient la candidature de M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général pour plusieurs raisons. Parce qu'il est candidat après avoir été secrétaire général pendant cinq ans et qu'il est de tradition à l'ONU que le secrétaire général puisse exercer deux mandats. Parce que c'est un homme d'exception, un homme d'État qui a remarquablement accompli la mission qui était la sienne pendant ces cinq dernières années et enfin, pour une raison excellente et importante : c'est un Africain francophone.

Q. : La France et l'Angola ont-elles une position commune pour une éventuelle intervention au Zaïre ?

R. : La communauté internationale discute de cette question. Elle a fait l'objet d'une résolution au Conseil de sécurité qui a recommandé la création et l'intervention d'une force de sécurisation au Kivu pour venir en aide aux réfugiés. Depuis lors, il faut bien dire qu'en dépit des appels de la France, la plupart des pays de la communauté internationale ont marqué une certaine hésitation. Pour l'instant s'organise un dispositif qui, à partir du Rwanda, avec le soutien de Luanda, permettra certainement de venir au secours des réfugiés qui sont rentrés au Rwanda. Reste le sort que je continue à considérer comme très préoccupant des réfugiés, des personnes déplacées qui se trouvent au Zaïre, qui sont originaires du Rwanda mais qui se trouvent au Zaïre dans le sud de la province du Kivu. J'espère que dans les jours qui viennent, il sera possible de venir en aide à ces personnes, c'est-à-dire de permettre en pratique aux organisations humanitaires d'apporter des vivres et des secours jusque dans cette région. Je persiste à penser que cela reste une nécessité absolue et, par conséquent, un devoir pour la communauté internationale, un devoir impérieux.

Q. : Quel est le résultat de vos discussions sur l'industrie pétrolière ?

R. : La question de la reconstruction et la question du développement sont les questions essentielles pour l'Angola. C'est donc à cela qu'il faut consacrer tous nos efforts et notamment c'est à cela qu'il faut consacrer l'essentiel de notre travail en commun. Comme vous le savez, le FMI à l'occasion de la visite de M. Camdessus ici même, il y a un mois, m'a promis une intervention, une aide d'urgence au bénéfice de l'Angola. Nous-mêmes sommes prêts à faciliter le retour de l'Angola au Club de Paris dans les meilleures conditions et dans les meilleurs délais.

Enfin, nous souhaitons donner une nouvelle impulsion à la coopération entre nos deux pays. M. de Moura a exprimé le souhait que nous réunissions la commission mixte. Elle le sera à une date à déterminer entre nous, le plus tôt sera le mieux, en 1997. Nous disposons d'une enveloppe de 500 millions de francs que j'ai promis au gouvernement angolais dès lors qu'un certain nombre de problèmes techniques, qui restent en suspens, seront réglés. Je crois qu'ils le seront assez vite. C'est évidemment une enveloppe importante qui doit permettre de donner cette nouvelle impulsion, ce nouvel élan à la coopération économique, culturelle, humaine entre nos deux pays. Je voulais vous donner ce chiffre qui marque la détermination française à participer pleinement au renouveau de l'Angola.

Q. : Quelle est la position française sur les relations entre l'Europe et Cuba après l'initiative espagnole ?

R. : Il y a eu un débat qui a été lancé au sujet de Cuba. C'est un double débat. Il y a d'abord un débat lancé aux États-Unis par le vote de la loi qui permet de sanctionner toute entreprise qui fait des affaires avec Cuba, sanctionner selon la législation américaine. Je peux vous dire que cette loi a suscité en Europe une vraie protestation unanime de l'ensemble des quinze États membres. Nous avons saisi l'Organisation mondiale du commerce, selon la procédure du règlement des différends. Il ne nous paraît pas normal qu'un pays puisse s'arroger, se donner le droit de fixer des règles qui s'appliquent à des tiers et qui sont contraires aux règles générales de la vie commerciale internationale.

Cuba est un pays parmi d'autres. Il n'appartient à personne de choisir ses dirigeants, si ce n'est aux Cubains.

Il y a aussi eu un débat à l'intérieur de l'Union européenne qui n'a pas fait « long feu ». C'est vrai que les Espagnols ont pris une position qui n'est pas une position qui recueillait un accord unanime et finalement, nous avons trouvé, entre Européens comme souvent, une solution, une position moyenne. Je le répète la position française est toujours de respecter les États dans leurs institutions et de maintenir le dialogue le plus ouvert possible. Nous pensons d'ailleurs que, pour faire progresser les choses, notamment pour faire progresser la démocratie, le dialogue est encore la meilleure méthode. C'est celle que nous appliquons d'une façon générale dans la diplomatie française, y compris lorsque le dialogue est un moyen aussi de faire part de nos désaccords.

Mais nous n'avons pas de désaccords ici, comme vous le savez, avec l'Angola.


Point de presse (Luanda, 29 novembre 1996)

Q. : Vous venez d'avoir une audience chez le président de la République. Quel en a été le sujet ?

R. : Je voudrais dire combien j'ai été heureux de rencontrer le Président Dos Santos à l'occasion de cette visite officielle que j'effectue en Angola.

Nous avons parlé des relations bilatérales entre la France et l'Angola. Nos deux pays partagent beaucoup de valeurs. Nos deux pays ont beaucoup d'intérêts communs. Nous avons décidé par conséquent de travailler ensemble main dans la main. En même temps, nous avons évoqué beaucoup de questions concernant la situation dans cette partie de l'Afrique. L'Angola est un pays qui est appelé à avoir un rayonnement international de plus en plus important, ce dont la France se réjouit vivement.

Enfin, nous avons parlé du processus de paix qui est en cours avec l'appui et le soutien des Nations unies. Vous savez que la France soutient l'effort ainsi entrepris et l'action de la communauté internationale pour restaurer la paix civile dans votre pays.

Q. : Nous savons que vous avez un message du Président Chirac au Président Dos Santos ; quelle est la teneur de ce message ?

R. : J'ai apporté au Président Dos Santos un message du président de la République qui était une réponse au message que le Président Dos Santos avait transmis au Président Chirac. Nos deux pays renforcent leurs relations qui sont étroites et appelées à se développer.


Propos à la presse (Luanda, 29 novembre 1996)

Q. : Quel est l'objectif de votre visite en Angola ?

R. : Je suis très heureux de me trouver à Luanda. Je viens répondre à l'invitation de mon collègue, ministre des Affaires étrangères, M. de Moura, que j'avais longuement rencontré à New York au mois d'octobre dernier et qui m'avait invité.

Nous allons naturellement parler, ensemble, des relations très cordiales et très chaleureuses entre son pays et la France. J'ai un message personnel du président de la République française que je viens d'apporter au Président Dos Santos. Et puis, nous parlerons certainement de toute l'Afrique et de ses perspectives de progrès, de paix et de développement.

Q. : (Sur les nouvelles concessions pétrolières, qui seraient actuellement en débat. Une deuxième question sur une dette qu'aurait ELF vis-à-vis des entreprises angolaises)

R. : Nous parlerons certainement de beaucoup de problèmes intéressant le développement de votre pays qui a, je crois, de grandes perspectives et de grands projets.

Q. : Et à propos du processus de paix, quelle est la position du gouvernement français ?

R. : C'est un souhait que les choses, désormais, aillent le plus vite possible vers la paix, pour que votre pays puisse se tourner vers son développement.

Q. : Ce séjour sera-t-il suffisant pour vous mettre au courant de l'état du processus de paix ?

R. : La visite d'un ministre des Affaires étrangères est toujours trop courte. Je reviendrai, bien entendu, pour poursuivre les échanges, le dialogue et la découverte que je fais de l'Angola.

Mais j'ai eu, au cours de cette très dense journée de travail, l'occasion de rencontrer tous les dirigeants du pays. Je viens ici à la fois pour renforcer les relations bilatérales entre la France et l'Angola et pour faire le point sur l'évolution du processus qui a été engagé sous l'égide des Nations unies avec le cours très précieux de M. Blondin Beye. Je crois que les choses vont dans la bonne direction et, maintenant, nous arrivons au bout de ce processus. Il faut respecter les échéances, il faut aller vite, parce que je crois que ce qui est l'avenir de l'Angola maintenant, c'est son développement.

Q. : Vous avez rencontré M. Blondin Beye. Pouvez-vous nous en parler ?

R. : J'ai eu un échange de vue avec M. Blondin Beye, qui était absolument passionnant. Naturellement, nous avons parlé de tout cela avec un très grand détail. M. Blondin Beye est un homme qui a une très grande expérience, beaucoup d'autorité internationale et qui a fait ici un travail remarquable pour le compte des Nations unies. Vous le savez, il a la confiance du Conseil de sécurité et, bien entendu, il a la totale confiance et l'amitié de la France.


Entretien au « Jornal de Angola » (Luanda, 29 novembre 1996)

Q. : La récente tournée du secrétaire d'État américain en Afrique n'a pas été bien vue par le gouvernement français. Serait-ce que Paris craindrait de « perdre » l'Afrique ?

R. : Les besoins de l'Afrique sont immenses, et ce continent consent depuis plusieurs années un effort sérieux et soutenu de stabilisation politique et d'ajustement économique.

La France se réjouit, en conséquence, de voir des membres éminents de gouvernements de pays industrialisés s'intéresser à l'Afrique et y faire des tournées. L'Afrique n'appartient qu'aux Africains, et la France, qui y consent un effort considérable, ne voit que des avantages à la présence d'autres partenaires, et tout particulièrement des États-Unis d'Amérique.

Nous n'avons cessé, au cours des deux dernières années, de lutter dans toutes les instances internationales contre la tendance au désengagement des pays industrialisés du continent africain et de plaider pour un effort accru de solidarité de leur part. Nous nous félicitons donc de toute marque d'intérêt manifestée par les pays riches pour le développement de l'Afrique.

Q. : Vous paraît-il que, dans un futur proche, les Européens pourront se passer de l'OTAN et assurer leur propre sécurité ?

R. : Notre démarche est claire. Nous voulons affirmer l'identité européenne de sécurité et de défense à travers une approche globale et cohérente. Cette démarche englobe l'adaptation de l'Alliance atlantique, le renforcement de l'UEO et l'affirmation du rôle de l'Union européenne dans les questions de défense et de sécurité.

Il n'y a évidemment aucune contradiction entre ces dossiers. Ils constituent les volets d'une question plus vaste qui est la construction d'une architecture globale de sécurité en Europe. Dans cette architecture, le rôle de l'Alliance atlantique, et donc le lien de sécurité entre l'Europe et les États-Unis seront des éléments importants à nos yeux.

C'est pourquoi nous nous réjouissons des résultats de la session ministérielle de l'OTAN à Berlin, en juin dernier. Ils permettront aux Européens d'exercer pleinement leurs responsabilités au sein de l'Alliance en définissant les principes qui donneront à l'identité européenne de sécurité et de défense une place permanente et visible au sein de l'OTAN. La réunion de Berlin traduit bien la logique d'une Europe davantage maîtresse de sa sécurité, en plein accord avec nos alliés américains.

Q. : À votre avis, la monnaie unique européenne pourra-t-elle être instaurée avant l'an 2000 ?

R. : La monnaie unique se réalisera bien comme prévu le 1er janvier 1999. Sa préparation est très avancée. Le Conseil européen de Dublin les 13-14 décembre 1996 devrait constituer une nouvelle étape positive, en particulier sur deux points : la définition du système monétaire européen rénové, qui accompagnera la création de la monnaie unique, et la définition des instruments nécessaires pour préserver la stabilité budgétaire des États.

Il est trop tôt pour connaître avec précision la liste des pays qui participeront à la monnaie unique. La décision sera prise début 1998 au vu d'un ensemble de critères économiques. La France et tous les pays européens déploient des efforts considérables pour être au rendez-vous de la monnaie unique, notamment en matière d'assainissement de leurs finances publiques. Ceci montre que l'ensemble des États européens n'ont désormais plus aucun doute sur l'avènement de l'euro à la date prévue. La France pour sa part souhaite que le plus grand nombre possible de pays européens entrent dans l'euro dès janvier 1999. C'est en effet la logique même de l'Union européenne, de la construction européenne.

Je suis convaincu que l'euro va faire de l'Europe une grande zone de stabilité monétaire et stimuler le commerce international. Pour tous les pays qui souhaitent plus de stabilité entre les monnaies mondiales, plus de croissance, l'avènement de l'euro sera une chance.

Q. : Êtes-vous d'avis que la paix en Bosnie est définitive ?

R. : L'année écoulée depuis la signature des accords de Paris a démontré que les efforts déployés par la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine n'avaient de sens que si les parties (serbes, bosniaques et croates de Bosnie-Herzégovine) étaient disposées à pleinement contribuer au retour et au maintien de la paix.

C'est dans cet esprit que la France a organisé, le 14 novembre dernier, à Paris une réunion conjointe du bureau directeur de la conférence de mise en oeuvre de l'accord de paix et de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

Cette conférence a permis de définir les principes directeurs de la période de consolidation de la paix en Bosnie-Herzégovine, en matière de retour des réfugiés, de démocratisation des institutions politiques, de reconstruction économique et d'ordre public.

Elle a consacré la première apparition sur la scène internationale de la présidence de Bosnie-Herzégovine, et témoigné par conséquent de l'émergence d'un nouvel esprit de coopération entre les parties.

C'est un progrès considérable, qui mérite d'être souligné, et qui justifie le maintien d'un dispositif d'accompagnement international dont les modalités seront fixées à la conférence de Londres qui se tiendra les 4 et 5 décembre.

Q. : Comment peut-on résoudre la crise en cours à l'Est du Zaïre ?

R. : Depuis le début de la crise dans la province zaïroise du Kivu 500 000 réfugiés sont rentrés au Rwanda, ce dont nous nous réjouissons. Mais, selon le HCR, environ 700 000 réfugiés rwandais et burundais et des Zaïrois déplacés, auxquels les secours ne peuvent pas parvenir, sont toujours dans le Kivu. Jusqu'à ce que les organisations humanitaires puissent effectivement apporter les secours à tous ceux qui en ont besoin, où qu'ils soient, la France restera convaincue de la nécessité du déploiement de la force multinationale, dont le principe a été décidé par le Conseil de sécurité les 9 et 15 novembre.

Q. : Quelle serait la solution idéale pour éviter une « guerre électorale » prolongée au sujet de la candidature de M. Boutros-Ghali ?

R. : Permettez-moi tout d'abord de souligner que la candidature de M. Boutros-Ghali à sa réélection bénéficie d'un très large soutien : 14 des 15 membres du Conseil de sécurité des Nations unies se sont en effet prononcés en faveur de la reconduction de son mandat pour cinq ans.

Alors que vous me donnez l'occasion de m'exprimer dans la presse d'un pays africain, je voudrais avant tout rappeler que la France, comme une très grande majorité d'États, a pris bonne note de la déclaration adoptée, à Yaoundé, le 8 juillet par l'Organisation de l'unité africaine, puis du communiqué de l'OUA publié à New York à l'issue du vote qui s'est tenu à New York. Les dirigeants africains ont en effet apporté un soutien clair à la candidature de l'actuel secrétaire général des Nations unies pour un second mandat. M. Boutros-Ghali est par conséquent le candidat de l'Afrique et il est de tradition, depuis la création de l'ONU, que les secrétaires généraux, représentant leur continent, effectuent deux mandats successifs. À mes yeux, le continent africain ne devrait donc pas faire l'objet d'un traitement différent.

J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion d'exprimer toute l'appréciation de la France pour l'action menée par M. Boutros-Ghali à la tête de l'ONU. Je suis ainsi intimement convaincu que ses qualités personnelles et son expérience font de l'actuel secrétaire général le meilleur candidat.

Les discussions se poursuivent à New York et nous continuons à espérer que le blocage actuel, qui serait préjudiciable pour l'Organisation et pour tous les États membres, sera surmonté.

Q. : Voudriez-vous vous prononcer au sujet d'éventuelles réformes des Nations unies ?

R. : La réforme me semble indispensable pour adapter les interventions des Nations unies, dans le domaine économique et social notamment, aux réalités de notre temps. Il ne s'agit pas, dans notre esprit, de réduire leur moyen d'action, de couper les budgets, mais plutôt d'améliorer l'efficacité des programmes et des actions. C'est à cela que le sommet de Lyon s'est consacré en juin dernier. Ce que nous proposons, c'est de concentrer davantage l'aide au développement mise en oeuvre par les Nations unies pour les pays les plus pauvres, de choisir quelques priorités (éducation, santé, sécurité alimentaire, gestion des affaires publiques) et de favoriser un vrai travail en commun avec la Banque mondiale. La France a pris des initiatives comme président du G7. Elle travaille également avec les autres membres de l'Union européenne. Nous souhaitons engager un dialogue avec nos partenaires du Sud sur les objectifs de cette réforme, qui ne peut aboutir qu'avec l'adhésion de tous les États intéressés.

Q. : La France accepterait-elle de bon gré une augmentation du nombre des membres permanents du Conseil de sécurité ?

R. : La France a très tôt pris clairement position en faveur d'une augmentation raisonnable du nombre des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de tenir compte des évolutions majeures qui se sont produites depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et la création de l'ONU. Nous nous sommes ainsi prononcés pour l'octroi au Japon et à l'Allemagne d'un siège permanent au Conseil de sécurité. La vocation de ces deux grands pays à siéger de manière permanente au Conseil de sécurité est tout à fait légitime. Je crois aussi que quelques grands pays du Sud pourraient et devraient également trouver leur place comme membres permanents du Conseil de sécurité.

Q. : Quelle place occupe le Moyen-Orient dans la diplomatie française ?

R. : C'est évidemment une place éminente. Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sont une priorité permanente pour la diplomatie française. Le fait que le président de la République, un an et demi après son élection se soit rendu dans beaucoup de pays de la région en visite officielle une, voire deux fois, l'atteste de façon exemplaire. Je me suis moi-même rendu à de nombreuses reprises dans la région depuis un an et demi.

La politique de la France à l'égard de cette région du monde à laquelle nous unissent la géographie, l'histoire ainsi que des échanges commerciaux et culturels particulièrement denses et vivants, a une triple ambition : aider à construire la paix – une paix équitable et durable, pour le Proche-Orient ; restaurer des relations confiantes entre les pays voisins du Golfe ; bâtir une communauté méditerranéenne fondée sur un partenariat euro-méditerranéen véritable. Grâce à ses relations privilégiées avec les pays arabes, et notamment ceux du Maghreb qui lui sont particulièrement proches, comme avec Israël, la France veut faire de la Méditerranée un trait d'union politique.

Q. : Quelle est la position officielle du gouvernement français au sujet du Sahara occidental ?

R. : Je suis préoccupé par le blocage constaté dans la mise en oeuvre du processus référendaire au Sahara occidental, qui a conduit le Conseil de sécurité à suspendre les opérations d'identification des électeurs et à décider du retrait partiel de la MINURSO. La France reste attachée au plan de règlement des Nations unies et souhaite que les parties, conformément à la résolution 1056 du Conseil de sécurité, prennent rapidement des mesures destinées à restaurer la confiance. La libération récente de prisonniers de guerre sahraouis par le Maroc va dans le bon sens.

Q. : Quelle est la position officielle du gouvernement français au sujet du Timor oriental ?

R. : La France, qui n'a jamais reconnu l'annexion du Timor oriental par l'Indonésie, suit avec attention l'évolution de la situation sur place. Elle apporte son soutien aux efforts menés en vue d'un règlement pacifique de cette question. Elle appuie, notamment, les conversations tripartites menées, depuis 1992, entre Jakarta et Lisbonne sous l'égide du secrétaire général des Nations unies.

Q. : Quelle est la position officielle du gouvernement français au sujet de l'embargo contre Cuba ?

R. : Depuis 1993, la France vote en faveur de la résolution de l'assemblée générale des Nations unies condamnant le « blocus économique imposé à Cuba par les États-Unis d'Amérique » comme contraire aux règles internationales.

La loi Helms-Burton, qui vient le renforcer, contient des dispositions qui ont des effets extra-territoriaux que la France, ainsi que ses partenaires de l'Union européenne, condamne. Tous les pays membres de l'Union ont d'ailleurs voté cette année en faveur de la résolution des Nations unies, et ont engagé une procédure au sein de l'OMC.

Nous considérons pour notre part, comme l'Union européenne, qu'un dialogue critique avec les autorités cubaines doit encourager celle-ci à opérer une transition pacifique vers la démocratie et favoriser le redressement du niveau de vie du peuple cubain.

Q. : Quels sont les domaines prioritaires de la coopération franco-angolaise et ses perspectives à court terme ?

R. : L'Angola est l'un des pays qui retient le plus notre attention et avec lequel nous souhaitons renforcer notre coopération à l'avenir. Mon voyage, aujourd'hui, dans votre pays en est l'illustration. La France est et sera aux côtés des Angolais dans leurs efforts pour établir une paix durable et reconstruire leur pays.

Notre coopération, réduite malheureusement à la suite de la reprise du conflit en 1992, a pu reprendre l'an dernier. Cette année nous avons consacré 42,5 MF à la coopération bilatérale, qui s'ajoutent à l'effort que nous faisons avec nos partenaires de l'Union européenne. Pour des raisons d'efficacité, nous sommes convenus avec les autorités angolaises de concentrer géographiquement et sectoriellement notre aide. Nous finançons ainsi des programmes dans vos trois provinces de Luanda. Huila et Benguela, principalement dans cinq secteurs : la santé publique, le développement rural, l'appui aux médias, le soutien à la décentralisation administrative et les actions en faveur de la jeunesse. Cet effort sera maintenu dans les prochaines années.

La France apporte aussi une aide socio-humanitaire exceptionnelle, en plus de ces programmes. Nous avons livré, en 1995 et 1996, au total 16 000 tonnes d'aide alimentaire et mis en place, à la suite du voyage en mars dernier du secrétaire d'État à l'Action humanitaire d'urgence, M. Xavier Emmanuelli, un programme socio-humanitaire de 21 MF, dont 9 MF sont consacrés à des opérations de déminage proprement dites.

Cette aide pourrait être encore plus importante, grâce aux prêts préférentiels de la Caisse française de développement (CFD). Toutefois, pour des raisons techniques indépendantes de notre volonté, près de 500 MF ne peuvent être actuellement débloqués ; mais nous avons bon espoir de trouver une solution très prochainement. Cette question a été évoquée avec le Premier ministre. M. Van- Dunem, lors de sa visite à Paris le 13 novembre dernier et je veillerai personnellement à ce que les opérations de la Caisse française de développement reprennent aussitôt que les conditions seront réunies.

Permettez-moi enfin de mentionner un thème de coopération qui, je le sais, tient au coeur de nombreux Angolais et qui nous touche beaucoup. Je veux parler de la francophonie. Je suis très impressionné par la qualité du français que parlent la plupart des dirigeants angolais que j'ai pu rencontrer et je sais que c'est le cas de très nombreux Angolais. Nous souhaitons pouvoir contribuer à cet effort, non seulement pour répondre à l'honneur que vous nous faites en pratiquant notre langue, mais aussi parce que, je le pense sincèrement, le français peut être un atout supplémentaire de l'Angola dans ses relations politiques et économiques avec les pays voisins d'Afrique francophone.

C'est pourquoi nous souhaitons étendre le réseau de l'Alliance française, actuellement limité à Lubango et Benguela, à de nouvelle villes et renforcer, en collaboration avec le ministère de l'Éducation angolais, l'enseignement du français.


Allocution lors d'une réception à la résidence de France (Luanda, 29 novembre 1996)

Monsieur l'ambassadeur, Messieurs les ambassadeurs, Messieurs les ministres qui nous faites le plaisir d'être là, Monsieur le cardinal, Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui, à l'invitation de l'ambassadeur de France, dans cette résidence qui est un petit bout du territoire national dans ce beau pays de l'Angola. En vérité, j'ai bien conscience que je viens, et surtout que je repars très vite, et je le dis pour la communauté française qui est ici et pour nos amis d'Angola. C'est comme une hirondelle qui annonce le printemps : je reviendrai plus longuement, plus à loisir pour mieux profiter de votre beau pays et pour parler, rencontrer, connaître ce que j'ai envie de connaître.

Mais si je suis venu aujourd'hui c'est quand même un petit événement pour moi et j'espère que cela l'est un peu pour vous. En réalité, bien que je sois ministre des Affaires étrangères depuis un an et demi, c'est la première fois que je me rends dans un pays de l'Afrique subsaharienne. La chose peut vous paraître étrange. En fait, elle ne l'est pas, car dans l'équipe du ministère des Affaires étrangères, mon ami Jacques Godfrain, ministre délégué auprès de moi, consacre au contraire la totalité de sa vie de ministre à l'Afrique et je m'appuie sur lui qui est un très bon ami et surtout, c'est ce qui est important, un très bon ministre passionné par l'Afrique et qu'il défend extrêmement bien, je peux vous le dire.

C'est aussi parce que je sentais qu'il était important, en ce moment, que je vienne en Angola. Et je souhaite que nos amis angolais le ressentent comme le témoignage de l'importance que nous attachons à votre beau pays. Celui-ci est à un moment crucial. On le dit souvent, dans beaucoup de circonstances. Mais je crois qu'aujourd'hui on peut le dire, puisque c'est dans quelques jours que doit être achevé le processus d'intégration militaire, dans un tout petit nombre de semaines que doit être achevé le dispositif politique du processus pour lequel vous-même, cher ami, vous consacrez des efforts très remarquables et très brillants comme on vous connaît, mais surtout très ardents et très passionnés. C'est dans quelques jours aussi et dans quelques semaines que la communauté internationale va tirer le bilan des efforts qu'elle a consacré et qui sont extrêmement importants puisque je pense que personne ne l'oublie, c'est en Angola que se trouve le dispositif militaire de l'ONU le plus important à ce jour, à un moment où l'organisation internationale renâcle de plus en plus à prendre en charge des dispositifs lourds à l'étranger, notamment en raison de la crise financière que traverse l'organisation internationale. Et donc, je sentais que c'était un moment important pour l'Angola, et du même coup, un moment important pour ses amis. La France se ressent comme un ami très proche et très intime de l'Angola. Beaucoup nous y porte. Notre proximité de coeur, le fait que la langue française soit ici très vivante. Rien ne fait plus plaisir à un Français que d'entendre un dirigeant étranger parler sa langue. J'ai été ému aujourd'hui d'entendre le président de la République, le Premier ministre, mon cher collègue et ami le ministre des Affaires étrangères, quelques ministres que j'ai eu le plaisir de voir dans la journée et encore ici ce soir, parler le français, j'allais dire comme vous et moi, parler un français élégant et raffiné. C'est aussi un pays vers lequel beaucoup nous rapproche parce que, vous le sentez bien, l'Angola est en réalité une place stratégique de l'Afrique, à la frontière de l'Afrique centrale et de l'Afrique australe. En ce monde où se côtoie l'Afrique où l'influence francophone se fait sentir, à côté de l'Afrique où l'influence s'exprime. C'est d'ailleurs le fait d'être un pays stratégique qui, probablement, est l'une des causes des longues épreuves que votre pays a connues et qui a fait que, notamment, durant la période de la guerre froide, il y a eu sans doute beaucoup de forces qui ont travaillé contre la paix.

Mais aujourd'hui, l'Angola est en train de passer d'un moment de son histoire à un autre. Il est en train, nous l'espérons tous, de passer d'une longue période de troubles, de déchirements, de malheurs, de souffrances dont ont été victimes les hommes et les femmes d'Angola, à une période nouvelle. Après la nuit qui s'achève, c'est peut-être le jour qui se lève. Ce qui a fait hier la souffrance de votre pays devrait demain en faire les meilleures garanties de l'espoir, du développement et de la prospérité.

L'Angola, plus que beaucoup d'autres pays, a la chance de disposer de moyens, de ressources, de dons du ciel qui lui permettent d'espérer demain organiser lui-même son propre développement et, me semble-t-il, plus vite que l'on ne le croit, la prospérité de ses concitoyens. Dans ce moment charnière, dans ce moment que je ressens comme vraiment historique, je ressentais le désir important, pour nous les Français, de venir vers vous les Angolais pour vous parler de votre unité nécessaire, que la communauté internationale réclame mais qui est en réalité votre intérêt le plus profond. Pour dire aux autorités de l'Angola que les autorités publiques de ce pays sont les partenaires évidents de la République française et personne d'autre. Pour dire aussi que, dans ce temps nouveau du développement que j'aperçois, la France qui a été à vos côtés aux heures de souffrance souhaité être aussi à vos côtés aux heures du développement. Nous souhaitons être vos partenaires et vos amis.

Nous ne sommes pas les seuls, et j'aperçois bien, en n'étant ni naïf, ni aveugle, ni sourd, combien d'amis vont se presser auprès de vous. Je suis sûr que vous saurez distinguer les vrais des autres.

Vous ayant dit tout cela, je voudrais dire à la communauté française qu'elle est la deuxième communauté étrangère dans ce pays. Elle est active. Elle est une communauté à la fois peu nombreuse, mais très soudée, très présente et très importante pour nous. Je voudrais vous remercier de ce que vous faites, dans ce moment très important de l'Angola dont je viens de parler. C'est certes au gouvernement français d'apporter sa contribution, c'est certes à la diplomatie française, c'est-à-dire à votre ambassadeur et à toute son équipe ici même, que je salue et félicite pour l'excellent travail accompli ici, mais c'est aussi à vous toutes et vous tous, Françaises et Français, présents en Angola et particulièrement présents ici dans la capitale que je confie le soin de faire en sorte que cette présence s'exprime, à la fois avec détermination, avec professionnalisme mais aussi avec coeur et avec chaleur. On ne peut pas établir des liens entre les peuples et entre les gouvernements, si on n'y met pas de son coeur, si on n'est pas capable d'aimer les autres, leur culture, leur civilisation, ce qu'ils sont, d'où ils viennent, ce qu'ils veulent, ce qu'ils sont. Cet amour mutuel des peuples, c'est l'une des vertus de la France. Je suis sûr que vous tous et vous toutes en êtes volontiers les porteurs.

La France est engagée, après le débat et les élections présidentielles qui font partie du débat de notre vie démocratique, celle dans laquelle l'Angola va entrer dans un effort qui n'est pas nouveau mais qui est difficile. Vous qui êtes ici, assez loin de Paris, je ne sais si vous recevez l'écho, même lointain, de ces interrogations et de ces doutes qui traversent notre pays. En réalité, il se passe quelque chose d'étrange, qui est comme une perte de confiance. Je ne sais pas comment qualifier cette confiance. Je pourrais dire que c'est une perte de confiance à l'égard du gouvernement ou de la majorité. Parmi vous, vous êtes forcément de toutes les sensibilités et je les respecte, les unes et les autres. Mais je crois que c'est plus compliqué, je voudrais vous dire à vous, Français de l'étranger, combien la France ne doit pas perdre confiance en elle. Dans un moment difficile, où la bataille mondiale est une bataille économique, des bouleversements et des changements considérables changent la donne, obligent chacun à revoir de fond en comble sa propre maison, à y remettre de l'ordre, peut-être à en changer les règles et l'ordonnancement. Dans cette bataille formidable, la France a des atouts énormes et elle ne le sait pas. Ce qui me frappe, quand je suis en France, c'est que je vois des Français que l'on dit moroses. C'est-à-dire que je ressens qu'ils n'ont pas très confiance en la capacité collective des Français d'entrer dans ce monde-là et quand je vais à l'étranger, je regarde, je vois, j'entends des dirigeants, mais aussi des peuples qui, sur nous, jettent un autre regard. Eux, ont confiance en nous. Si nous pouvions avoir en nous la confiance que d'autres pays ont en nous. Je souhaite que ce court passage en Angola soit pour moi l'occasion de témoigner de cette confiance, cette double confiance : celle que j'exprime aux Angolais, sûr que je suis qu'ils sauront, dans les semaines qui viennent, achever ce qu'ils ont entrepris et ouvrir une nouvelle étape, et aux Français, cette confiance que je leur exprime, sûr que je suis que la France, grande nation qui a toute sa place dans le monde d'aujourd'hui, saura trouver les voies de son destin.

Merci.