Texte intégral
Je ne dresserai pas de façon systématique le bilan des trois années écoulées, quelque instructif qu’il puisse être ? Beaucoup d’objectifs ont été atteints et, en particulier, celui d’accroître encore la réputation du CNPF comme acteur majeur de notre société. L’un des points d’orgue a certainement été la célébration de notre cinquantaine, il y a quinze mois, sur le thème de « l’Esprit ».
Je voudrais remercier tous ceux qui, dans l’organisation patronale, ont mis leur énergie au service de l’entreprise. Dans ces remerciements j’associerai sans partage élus et permanents. Ils sont tous passionnés par l’entreprise. Les élus prennent de leur temps professionnel et personnel pour se consacrer au militantisme patronal. Les permanents vouent leur compétence, leur expérience, leur dévouement à cette même cause. Parmi les permanents qui ont œuvré, à mes côtés. J’aimerais citer des noms. Je ne le ferai pas. Le moment est à la sobriété. Ils savent personnellement l’estime et la reconnaissance que j’ai pour eux.
Je personnaliserai davantage les remerciements que j’adresse à mes vice-présidents.
Je commencerai par le social où nous avons mené tant de combats et reçu tant de coups : merci à Didier Pineau-Valencienne d’avoir accepté, malgré toutes ses responsabilités, de prendre le relais d’Arnaud Leenhardt à la présidence de la Commission sociale. Une tâche lourde et difficile, tant l’institution patronale est sollicitée et attendue sur tous les fronts… celui du paritarisme notamment.
Dans ce domaine, notre doctrine a été fermement et clairement établie. Elle a permis de réduire les cotisations UNEDIC, de poser les nouvelles bases de nos régimes complémentaires de retraite, de maintenir avec fermeté nos idées sur le contrôle des dépenses de santé. Je voudrais rendre hommage à la ténacité calme et à la rigueur, d’une part de Georges Jollès, et d’autre part de Francis Bazile. Grâce à eux, nous avons retrouvé les moyens de prendre pour l’avenir les décisions, quelles qu’elles soient, que le CNPF estimera souhaitables.
Mais la combativité et la force de conviction de Didier Pineau-Valencienne se sont investies plus fortement encore dans la lutte pour l’emploi des jeunes.
Sur le terrain, Bruno Lacroix, avec les équipes du CNPF, s’est mobilisé sans relâche pour conduire, dans un complexe ô combien difficile ! Notre campagne « Cap sur l’Avenir II ». Il fallait, malgré les circonstances, convaincre les entreprises de développement l’apprentissage et l’alternance.
Didier Pineau-Valencienne a soutenu cette campagne, mais il s’est consacré, avec autant de foi, à explorer d’autres pistes, notamment pour le renforcement du dialogue avec les universités et avec l’éducation nationale. Les unités d’expérience professionnelle, qui se voulaient une offre de bonne foi pour aider à l’insertion professionnelle des étudiants de formation générale, sont nées dans la douleur ! Mais le projet est sur les rails. Une quarantaine d’entreprises, grandes et moyennes, et autant d’universités, sont en relation pour travailler ensemble. C’est un bon début. J’espère qu’il sera l’une des bases de la transformation nécessaire de notre système éducatif.
De très gros progrès ont été réalisés cette année dans l’organisation et l’animation de notre réseau territorial. Je voudrais remercier Jean-Pierre Trenti qui, avec sa connaissance du terrain et son profond bon sens, a permis de donner plus de consistance et de cohérence à notre organisation territoriale. Je considère que les résultats des élections aux chambres de commerce et d’industrie ont été l’un des fruits de ces efforts et je tiens à remercier Lucien Rebuffel, président de la CGPME, et Gérard Trémège, président de l’APCCI, d’avoir fait front commun avec nous pour mettre en échec toute tentative de politisation de nos actions et de nos institutions.
L’action territoriale n’existe pas, si la place majeure des PME n’est pas reconnue dans notre institution. Nous nous sommes bien battus, cette année encore, pour qu’il en soit ainsi. Je témoigne que Martine Clément n’a pas ménagé sa peine et que son travail inlassable a porté ses fruits.
En économie, au-delà de toutes les actions d’information mensuelles, pertinentes et très lues, sur la conjoncture, au-delà de la présence permanente sur une foule de dossiers financiers, fiscaux, juridiques et bien d’autres, Denis Kessler et son équipe ont déployé cette année sur l’euro un effort de pédagogie remarquable. Il permettra d’armer les entreprises pour qu’elles se préparent à cette transformation fondamentale. Le travail accompli est de grande qualité.
Sur le plan international, nous avons développé et modernisé notre action. Qu’il s’agisse de nos positions à l’OMC en matière d’exportations, des conférences euro-méditerranéennes ou du dialogue transatlantique, les actions entamées avec lucidité par Alain Joly ont été poursuivies et amplifiées avec efficacité par Francis Mer.
Et puis, il y a les autres :
- Jacques Dermagne que je remercie d’avoir continué son action sur la citoyenneté de l’entreprise, en faisant évoluer ses applications, sans en changer l’esprit ;
- Emmanuel d’André qui poursuit l’action entamée par Pierre Bellon pour le progrès des entreprises. Cette action est indispensable pour notre légitimité ;
- Pierre Joly, enfin, que sa gentillesse et sa cordialité n’empêchent pas de dire avec sévérité quelques vérités premières, notamment que le système actuel, s’il n’est pas réformé, périra, à cause du manque de rigueur et de sens des responsabilités de beaucoup de ses adhérents en matière de cotisations.
C’est effectivement l’un des points qu’il faudra réformer dans cette maison et je voudrais remercier Victor Scherrer d’avoir fait apparaître avec autant de clarté la nécessité de la réforme du CNPF. Sur ce point, je suis tranquille, j’ai entendu tous les candidats à ma succession affirmer avec force, parfois avec véhémence, qu’une réforme profonde était nécessaire ! Le pire serait évidemment que l’on se contente de quelques retouches et que le CNPF se voit seulement effacer quelques rides. Pour éviter cela, il faudra beaucoup d’ambition, ce qui n’exclut pas la modestie, si elle est accompagnée d’une volonté suffisante.
Le CNPF va donc partir vers son avenir sous une autre présidence.
Franchement je peux dire sans prétention que cet avenir, nous l’avons bien préparé. Mais je n’ai pas réussi à écarter de nos entreprises les dangers qui les menacent de façon plus immédiate. Certes, nous avons pu barrer la route à une nouvelle augmentation des cotisations sociales sur les retraites, mais nous avons dû subir une hausse des impôts sur les bénéfices des sociétés et, bien plus grave, parce que plus difficilement réversible, je ne suis pas parvenu à convaincre le gouvernement de renoncer à imposer par la loi une réduction uniforme de la durée du travail. Pendant de longs mois, je me suis battu, à ma manière, pour empêcher cette décision que je crois néfaste pour nos entreprises et pour l’emploi. J’ai perdu cette bataille et je m’en vais en espérant que mon geste amènera les uns et les autres à réfléchir.
Au-delà des dangers nouveaux que nous allons affronter, cette loi illustre bien le mauvais fonctionnement de la société française ? Pourquoi sommes-nous aussi impuissants à lutter contre le chômage ? Pourquoi notre pays décourage-t-il l’initiative individuelle et le goût du risque ? Pourquoi la France a-t-elle peur d’affronter le monde ? Pourquoi a-t-elle peur de son avenir ? Je crois que dans ce pays nous ne savons pas être partenaires égaux et responsables. Est-ce par manque de modestie ou par manque de tolérance ? On ne devint partenaires que si l’on respecte l’autre.
Nous avons tous notre part de responsabilité, mais le plus grand coupable, c’est l’État. Les gouvernements de droite comme de gauche, ne traitent pas les autres acteurs de la société en adultes. Il n’est pas question de remettre en cause la prééminence de l’État. Mais l’État lui-même doit être modeste et ne pas intervenir en permanence dans des domaines où ses compétences sont douteuses. Il a pris la fâcheuse habitude de s’immiscer dans la gestion des entreprises, comme dans le dialogue social, et d’organiser, de manière théâtrale, des parodies de concertation sous menace permanente de la loi.
Quand je me suis présenté à la présidence du CNPF, c’était avec l’ambition de faire de l’entreprise l’un des acteurs importants de l’adaptation nécessaire de notre pays au nouveau monde qui l’entoure. J’ai dit haut et fort que nous étions prêts à tenir notre place à table, que nous ne voulions plus seulement crier quand on nous faisait mal, mais avoir un droit de proposition et participer à la construction d’une société nouvelle, dans laquelle l’esprit d’entreprise serait un ingrédient indispensable.
On nous a écoutés poliment, mais l’État a continué à faire comme si nous n’existions pas, ou plus exactement comme si nous étions des sujets qui n’ont pas droit à la parole. Notre gouvernement doit changer de méthode. Je voulais bien discuter d’un projet politique, économique et social, redonnant espoir aux jeunes, aux chômeurs et aux entrepreneurs. J’étais prêt, bien sûr, sur une route ainsi tracée, à discuter aussi de la part de sacrifices de chacun. Je ne sais pas, en revanche, jouer au jeu de la carotte et du bâton que veut pratiquer le gouvernement. J’ai donc décidé de partir.
En partant, je forme trois vœux. Le premier est que vous oubliez vos divergences d’intérêt légitimes pour aider mon successeur – il en aura besoin. Sa tâche sera peut-être encore plus difficile que la mienne.
Le second est que mon successeur parvienne à remettre les choses à leur place et à faire en sorte que dans notre pays chacun joue pleinement son rôle, qu’il soit respecté pour cela et qu’il ne s’ingénie pas à jouer celui des autres.
Le troisième est que le courage, calme, sans arrogance, prenne le pas dans notre pays sur les tentations de démagogie ou d’intolérance. Nous avons certes, nous entrepreneurs, nos défauts. Nous n’en sommes peut-être pas toujours assez conscients, mais nous assumons nos responsabilités et nous n’aimons pas les donneurs de leçons.
Bonne chance et à bientôt !