Texte intégral
Bernard Kouchner : Un carnet sera remis au patient dès son arrivée à l’hôpital. On y trouvera des informations pratiques, comme les centres anti-douleurs et l’on expliquera qu’il ne faut pas avoir honte d’avoir mal. Que le soulagement de la douleur est une nécessité. Chaque malade aura aussi à disposition une réglette anti-douleur qui permettra à l’équipe soignante de mieux apprécier l’intensité de sa souffrance. Une mesure qui sera portée sur la pancarte au pied du lit, au même titre que la tension, la température… Au même titre que les consignes incendie, des consignes en cas de douleur, avec des protocoles validés par un médecin, seront affichés dans les services.
Cette disposition permettra aux infirmières de délivrer des antalgiques majeurs aux patients, même en l’absence du médecin. Nous diffuserons aussi des pompes d’auto-analgésie qui permettent au patient de déclencher lui-même les doses qui lui conviennent. La satisfaction des usagers dans la prise en charge de leur douleur sera d’ailleurs relevée sur des fiches qu’on leur proposera à la sortie de leur hospitalisation. Cet indice sera pris en compte dans le cadre de l’accréditation des établissements.
Emmanuelle Chantepie : Pourquoi supprimez-vous aussi le carnet à souches, support de prescription obligatoire des médicaments stupéfiants ?
Bernard Kouchner : C’est une des plus importantes mesures de ce plan. Il faut simplifier l’accès aux grands antalgiques, comme la morphine par exemple. Le carnet à souches était un obstacle, trop difficile d’accès. Même chez les pharmaciens, c’était compliqué, délicat. Il sera donc supprimé et remplacé d’ici la fin de l’année par des ordonnances qui serviront à la prescription de tous les médicaments, y compris les médicaments stupéfiants.
Emmanuelle Chantepie : Et la prise en compte de la douleur chez l’enfant ?
Bernard Kouchner : Il faut qu’elle soit pleinement reconnue. Comme on a trop longtemps nié la douleur des tout-petits en France, il n’existe pas aujourd’hui assez d’antalgiques puissants sous forme pédiatriques. En liaison avec l’Agence du Médicament, il faut donc susciter ce développement. Nous espérons que les industriels nous répondront.
Emmanuelle Chantepie : Pourquoi y a-t-il encore tant de résistance à vouloir soulager la douleur ?
Bernard Kouchner : Il y a trop longtemps eu cette idée de rédemption par la douleur, de péage obligatoire vers la mort. Une étude du Credoc réalisée en 1995 montrait qu’entre 50 et 75 % des cancéreux recevaient des traitements contre la douleur inadéquats, ce qui les laissaient inutilement souffrir. La situation évolue mais lentement car il est difficile de changer les mentalités. Les péridurales par exemple, seules 49 % des femmes en bénéficient. Je souhaite qu’on se fixe comme objectif que d’ici l’an 2000, toutes les femmes qui le souhaitent accouchent sous péridurale.