Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous présenter cette année mes vœux.
L’an passé, à pareille époque, j’avais formulé devant vous le souhait que la presse trouve les moyens de surmonter les difficultés qu’elle traversait.
La liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté de penser et de critiquer n’ont, en effet, pas de prix.
Et ce droit s’applique, bien entendu, à l’action des responsables politiques, en général, et à la mienne en particulier.
Il est nécessaire que son exercice ne subisse aucune restriction.
Une presse libre, puissante, indépendante, tel est le vœu que je forme pour 1997.
Bonne année à tous, journalistes de la presse écrite ou audiovisuelle, correspondants des agences, éditorialistes et observateurs de notre vie politique et du fonctionnement de ce ministère de l’Intérieur.
La cérémonie des vœux offre souvent la tentation de se livrer à un bilan d’une action passée sous la forme d’un exercice d’autosatisfaction.
Les défis qui nous sont aujourd’hui posés, qu’il s’agisse du terrorisme, de la délinquance, de la toxicomanie ou encore de la sécurité civile, m’apparaissent trop déterminants et trop durables pour céder à je ne sais quel triomphalisme.
Rien dans ce domaine n’est jamais totalement acquis ou définitivement réglé.
Mais faut-il pour autant renoncer à convaincre de la continuité d’une politique, à exposer ses objectifs prioritaires, à souligner ses premiers résultats ?
En matière de sécurité intérieure, comme en tout autre domaine, il n’y a pas de politique unique mais des choix variés qui produisent des résultats différents.
Pour ma part, j’ai deux objectifs pour l’année qui s’annonce :
- mieux assurer la sécurité intérieure, sous toutes ses formes, en poursuivant les réformes entreprises depuis 18 mois ;
- faire progresser l’État de droit en assumant résolument les devoirs de l’État.
La sécurité intérieure se résume pour beaucoup de nos concitoyens à la lutte contre la délinquance et l’insécurité.
L’année 1996 nous a permis d’obtenir en ce domaine de réels succès tant à Paris qu’en province.
Sur l’ensemble du territoire, le nombre des faits de délinquance et de criminalité enregistrés a baissé. À Paris, la diminution est forte puisqu’elle s’établit à 6,2 %, et si j’y ajoute celle de 1995, c’est à une réduction qui dépasse à 12 % que nous parvenons.
Pour toute la France, nous n’avons pas encore les chiffres définitifs. L’estimation actuelle fait état d’une diminution située entre 2 et 3 %.
L’ensemble de ces gains sur deux ans, s’il révèle l’efficacité de l’action de la police, nous invite à ne pas relâcher notre effort et à maintenir notre cap.
Ces évolutions recouvrent des tendances différentes : si les délits de voie publique régressent, si le grand banditisme se stabilise, la délinquance économique et financière progresse.
Nous avons sur ce dernier point un effort à faire dans l’avenir.
La poursuite très significative du mouvement de recul de l’insécurité, sur deux années consécutives, prouve, à mes yeux, qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène imputable à la réactivation de Vigipirate, ou le fruit d’une conjoncture sur laquelle nous n’aurions pas de prise.
C’est pour partie, en tout cas, le résultat d’une politique de modernisation de la police et de mobilisation des fonctionnaires.
La réforme des corps et des carrières, l’élaboration d’un nouveau règlement général d’emploi, la transformation des cycles de travail convergent pour renforcer l’efficacité des services et développer une police de proximité.
La modernisation de la police n’est pas pour autant achevée. Elle devra connaître, en 1997, une seconde étape. Outre un effort particulier pour améliorer les conditions de vie des policiers, j’entends me pencher attentivement sur la réforme des écoles de police et développer le projet « Acropol ».
Comme vous le voyez, je privilégie la rénovation de la police nationale sur tout autre entreprise, et notamment, sur la reconnaissance des polices municipales. Mais ce dernier chantier doit maintenant pouvoir être lancé et trouver sa place dans le calendrier parlementaire du premier semestre de l’année qui commence.
Mais la sécurité intérieure, c’est aussi la sécurité civile, à laquelle j’attache une égale importance.
1996 aura été non seulement une année exceptionnelle en matière de lutte contre les feux de forêt, mais également une année de profonds bouleversements législatifs. Nous avons mené à bien la refonte de l’organisation des services d’incendie et de secours et la relance du volontariat.
1997 doit être une année de consolidation de ces acquis. Il faut faire entrer les textes dans les mœurs, ce qui n’est pas toujours facile. Surtout la sécurité civile doit poursuivre le renouvellement de ses équipements, et notamment des hélicoptères. Je m’y emploie.
La sécurité intérieure, c’est enfin, et je dirais même surtout, la lutte contre le terrorisme qui créé un climat de tension permanent.
La recherche des auteurs de l’attentat de Port-Royal et le démantèlement des réseaux susceptibles de frapper sur notre sol est notre priorité absolue. La vigilance du gouvernement est quotidienne. Le terrorisme ne doit être ni banalisé ni oublié. Le plan Vigipirate sera donc maintenu aussi longtemps qu’il sera nécessaire.
Mais, au-delà des dispositifs de surveillance et de l’action constante de la police et de la gendarmerie, le meilleur ennemi des terroristes demeure la cohésion nationale et le refus de l’amalgame.
Pas plus aujourd’hui qu’hier, nos compatriotes n’ont cédé à la tentation de désigner l’islam comme bouc-émissaire et l’étranger comme coupable.
La tentation du racisme et de la xénophobie doit être également écartée dès lors que l’on aborde le sujet de l’immigration.
Le gouvernement accepte l’immigration régulière mais refuse et combat l’immigration irrégulière.
C’est la raison pour laquelle des moyens supplémentaires ont été accordés en ce domaine. La création d’un office central pour coordonner la lutte contre l’immigration irrégulière et l’emploi clandestin en est un exemple significatif.
Les résultats de notre détermination ne se sont d’ailleurs pas faits attendre. Les reconduites à la frontière ont augmenté de 10 % au cours de l’année passée.
Les opérations de reconduites groupées, au nombre de 22 en 1996, contre 12 en 1995, ont été généralisées et sont réalisées, le cas échéant, en collaboration avec nos partenaires européens.
Quant à la répression du travail clandestin, elle a connu un nouvel essor. 38 ateliers ont ainsi été fermés et 12 importantes filières internationales démantelées.
Le projet de loi actuellement en discussion devant le Parlement nous donnera une capacité plus grande pour agir dans le respect des principes constitutionnels et des libertés publiques.
La politique de lutte contre l’immigration et le travail clandestin rencontre l’adhésion des Français et sera poursuivie à l’avenir, car elle correspond à une nécessité bien comprise qui transcende les clivages partisans.
J’ai la conviction qu’en nous efforçant de mieux assurer la sécurité intérieure de la France, sous tous ses aspects, nous ne participons pas à l’instauration d’une société étouffante ou liberticide. Mais que, bien au contraire, nous consolidons l’État de droit et nous permettons aux valeurs républicaines de s’épanouir pleinement.
L’État de droit ne gagnerait pas au renoncement de l’État à exercer ses devoirs. À moins de considérer la désintégration civique, le refus d’une règle commune et la contestation des institutions légitimes comme un progrès collectif…
Je ne pense pas qu’on puisse asseoir le bien-être social sur la démission de l’État.
Il ne s’agit pas, pour ce dernier, d’être inutilement autoritaire ou excessivement répressif.
Il lui faut être lui-même, c’est-à-dire ouvert, impartial, prêt à la coopération européenne, présent partout sur le territoire.
La modernisation des structures administratives ne saurait aboutir sans une concertation initiale approfondie.
Nous l’avons réalisé pour réformer la police : création de comités techniques paritaires dans tous les départements, multiples réunions d’explication, de la base au sommet de la hiérarchie.
Au-delà, je souhaite que 1997 soit l’année du dialogue social dans la police.
Les fonctionnaires ont besoin d’être écoutés et surtout d’être considérés. Leurs revendications, qu’il s’agisse du logement ou de la formation sont légitimes. Leurs alarmes et leurs angoisses ne doivent pas être prises à la légère.
Et je voudrais souligner, ici, combien la montée d’un climat de haine et de violences verbales, complaisamment tolérées, peut déboucher sur des agressions physiques inacceptables et des drames humains.
Ouvert, l’État doit également être impartial. La réforme du corps préfectoral, accomplie en 1996, marque ainsi le retour à une sage conception du service de l’État : un préfet doit être nommé pour exercer des fonctions territoriales.
Vous pouvez regarder les nominations : elles sont marquées du sceau de l’impartialité et du professionnalisme. Le corps préfectoral se rajeunit, se renforce.
L’engagement des préfectures dans la réforme de l’État et leur mobilisation pour l’emploi nécessitent par ailleurs que leurs moyens soient sauvegardés. Le budget 1997, malgré un contexte difficile, le permet.
Bref, à l’image de la France, l’État et le ministère de l’Intérieur se transforment, s’adaptent, changent.
La construction européenne et la coopération internationale lui offrent notamment la faculté de mieux lutter contre le terrorisme, d’améliorer l’entraide entre les polices et donc de mieux appréhender un banditisme dont les réseaux sont de plus en plus imbriqués.
Les accords de coordination bilatéraux et multilatéraux, l’impulsion donnée dans le cadre du G7 au combat contre le terrorisme vont dans ce sens.
Mais la construction européenne ne doit jamais être synonyme d’affaiblissement de notre volonté, ni servir de paravent à l’inaction.
Une coopération intergouvernementale intense – telle que celle que nous avons eu avec l’Espagne, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne – a d’ailleurs prouvé combien elle pouvait être porteuse d’efficacité supplémentaire.
Faire prévaloir la force de la loi, c’est enfin ce que le gouvernement a fait en Corse. Je reconnais que je n’ai pas toujours été compris sur ce dossier et que certains d’entre vous ont parfois, de bonne foi, cru percevoir des ambiguïtés ou des nuances au point d’évoquer des divergences au sein même de l’État.
Au risque de vous décevoir, je puis vous assurer qu’une telle appréciation ne correspond nullement à la réalité.
À partir du moment où le refus de la loi et les atteintes réitérées à l’ordre républicain sont apparus comme les seules réponses apportées au souhait de dialogue émis par le gouvernement, quelle autre réponse que la juste répression des attentats et la recherche, puis la condamnation de leurs auteurs ?
En Corse et partout ailleurs, c’est une même ligne de conduite qui m’inspire depuis 18 mois et qui m’animera pour 1997 :
Faire prévaloir la loi et le droit qui ne sont pas idées de droite ou de gauche mais aspirations légitimes des citoyens et marques distinctives de la démocratie française à laquelle vous et moi, au-delà de nos fonctions, sommes également attachés.
Je vous souhaite une très bonne année.