Interview de M. Bruno Mégret, délégué général du Front national, dans "Le Figaro" du 18 janvier 1997, sur la retraite à 55 ans, la réduction du temps de travail, la flexibilité, et sur les "victoires idéologiques" du FN dans l'opinion française et à l'étranger (notamment en Allemagne).

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

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Le Figaro : Précisément, puisque vous voulez être en pointe dans le débat économique et social, quelle est votre position sur la retraite à 55 ans ?

Bruno Mégret : Il n’est pas concevable d’envisager de baisser sans cesse l’âge de la retraite, alors que dans le même temps, à cause de l’effondrement démographique, par manque de petits enfants français, le nombre de cotisants est de plus en plus faible, et le nombre de pensionnés de plus en plus élevé. C’est totalement démagogique.

Nous sommes partisans de deux mesures d’envergure, une relance de la politique familiale pour faire repartir la natalité française – afin d’assurer l’avenir – et, pour le présent, la liberté de choix quant à l’âge du départ à la retraite. Dans le régime par répartition, les cotisations seraient modulées en fonction de l’âge de départ choisi. Il en irait de même pour le régime par capitalisation qui est à développer.

Le Figaro : Autre débat qui agite la classe politique : la flexibilité, mais aussi la réduction de la durée du travail. Où vous situez-vous ?

Bruno Mégret : Nous considérons que la proposition socialiste visant à réduire le temps de travail sans réduire les salaires est totalement démagogique et utopique : on ne peut pas, à la fois, vouloir cette réforme et tenir grandes ouvertes les frontières. Cette politique augmenterait le poids des taxes et des cotisations sociales sur les entreprises et les rendrait encore moins compétitives, dans la concurrence sauvage que l’on maintient par ailleurs dans sa brutalité. C’est complètement absurde, cela ne diminuera pas le chômage, cela l’augmentera.

Hostiles à la flexibilité sauvage, nous sommes en revanche favorable à l’aménagement du temps de travail dans les entreprises par accord entre la direction et les représentants des travailleurs français.

Le Figaro : Vous dites que vos idées ne cessent de gagner du terrain. Cette affirmation relève-t-elle de la méthode Coué ou repose-t-elle sur des bases solides ?

Bruno Mégret : Certains signes ne trompent pas. Voyez les sondages qui indiquent, par exemple, que 68 % de nos concitoyens sont favorables à la priorité d’emploi pour les Français, ou encore que 51 % d’entre eux sont d’accord avec certaines idées du Front national. Nous sommes en train de gagner la bataille des idées. Ce n’est pas un hasard si, dans les rangs de la majorité RPR-UDF, de nombreux rapports ont été publiés, qui allaient dans le sens du programme du FN. Leurs auteurs, qui sont au contact des électeurs, sentent bien que c’est cela qu’attendent les Français. Ce courant qui porte nos idées n’est d’ailleurs pas seulement national puisqu’en Allemagne, le chancelier Kohl vient de prendre position, de façon explicite, en faveur de la priorité d’emploi pour les Allemands en Allemagne. « On ne peut pas faire comprendre aux travailleurs nationaux qu’avec un chômage élevé, de nombreux travailleurs étrangers travaillent dans notre pays », a-t-il expliqué. Les victoires électorales sont toujours précédées par des victoires idéologiques.

Le Figaro : Malgré tout, les enquêtes d’opinion montrent qu’un nombre croissant de Français considèrent votre mouvement comme « dangereux pour la démocratie ».

Bruno Mégret : Cela reste à préciser. Il faudrait étudier de près les questions qui ont été posées. Ceci dit, si les Français répondent oui à ce genre d’interrogation, c’est parce qu’ils sont intoxiqués. Ils subissent la désinformation qui est faite à notre propos alors que la vérité est aux antipodes des affirmations de l’établissement. Le Front national respecte scrupuleusement les institutions, la République, la Constitution, les lois électorales. De surcroît, il est aujourd’hui le garant des libertés dans un pays où elles sont progressivement et sournoisement mises en cause.

Les lois Gayssot et Pleven limitent déjà considérablement la liberté d’expression et la loi envisagée par Chirac-Juppé­Toubon sur la prétendue lutte contre le racisme serait attentatoire aux libertés. Le gouvernement vient de faire passer un amendement mettant en cause la liberté syndicale dans le secteur public où il introduit un monopole syndical qui n’existait pas jusqu’à présent. Les lois électorales empêchent 17 % des Français d’être représentés à l’Assemblée nationale. Bref, il y a tout un ensemble de dispositions qui brident la liberté de nos compatriotes et qui sont prises, comme dans toutes les dictatures au nom de grands idéaux.

C’est au nom de la liberté qu’on a tué sous la Révolution française, c’est au nom du progrès social qu’on a tué sous la révolution bolchévique, c’est, aujourd’hui, sous prétexte de lutter contre le racisme qu’on est en train de museler les Français.