Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur le rôle des conférences régionales de santé dans le cadre de la réforme de la Sécurité sociale, Lille le 24 avril 1997.

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Circonstance : Ouverture de la Conférence régionale de Santé de la région Nord-Pas-de-Calais à Lille le 24 avril 1997

Texte intégral

Lille, le 24 avril 1997

Cette journée est symbolique à plusieurs égards, d’abord parce que c’est la première conférence régionale de santé qui s’ouvre aujourd’hui, en prélude aux conférences de santé qui vont se tenir dans toutes les régions de France. Ensuite parce que cette conférence a lieu dans la ville où se tiendra prochainement la conférence nationale de santé. Enfin parce que cette ouverture a lieu le jour anniversaire de la publication des ordonnances qui ont réformé notre système d’assurance maladie.

1. Quelle était fondamentalement l’idée qui a conduit cette réforme ? c’est celle que notre système de protection sociale est notre bien à tous et qu’il ne pourra continuer à vivre que s’il répond à une exigence volontaire et clairement délibérée.

C’est cela qui nous a conduit à proposer une réforme de la Constitution afin que le Parlement soit désormais appelé à voter chaque année la loi de financement de la sécurité sociale. Celle-ci doit ensuite constituer le cadre que devra respecter chacun des différents acteurs du monde de la santé, professionnels de santé, assurés sociaux à travers les caisses, établissements de santé et médico-sociaux.

Mais ce vote fondateur du Parlement ne pouvait intervenir sans une réflexion approfondie des acteurs directement impliqués dans les actions de santé.

C’est pourquoi nous avons institué ces conférences de santé. Certes, déjà l’an dernier, des « conférences régionales sur l’état de santé de la population et les priorités de santé publique » se sont tenues dans les régions. Voulues par mes prédécesseurs, elles ont permis d’identifier les problèmes de santé prioritaires de la région.

Désormais, les nouvelles  conférences régionales de santé vont réunir tous les ans les représentants des associations œuvrant dans le domaine sanitaire et social, les professionnels libéraux et hospitaliers, les différents établissements de santé, avec les pouvoirs publics, locaux et nationaux pour réfléchir ensemble aux orientations de notre système de soins, aux priorités de santé qu’au niveau régional vous estimerez nécessaire d’identifier et que vous voudrez voir prises en compte dans la définition des politiques de santé.

Les conférences régionales constituent donc la pierre angulaire de la réforme parce que c’est là que tous ceux qui, à titre ou un autre, prennent individuellement les décisions qui engagent notre système de soins, vont se réunir pour dégager, ensemble, des priorités d’action.

Ces priorités pourront ensuite devenir nationales. Les conférences régionales sont en effet articulées avec la conférence nationale de santé qui se tiendra également tous les ans. Vos rapports lui seront transmis pour qu’elle intègre l’ensemble des préoccupations des régions dans ses réflexions. De plus, elle comptera parmi ses membres un représentant de chaque région qui pourra assurer le lien entre l’une et les autres assemblées.

Renforçant cette articulation entre les niveaux national et régional, les conférences régionales de santé pourront naturellement se saisir des priorités dégages au plan national pour en faire des priorités régionales. Je sais ainsi que la conférence nationale vous a suggéré cette année de développer une réflexion particulière sur le thème de la santé des jeunes. Ce sujet ne peut bien entendu laisser indifférente votre région, qui compte la plus forte proposition de population jeune de France.

Enfin, le rapport de la conférence nationale est destiné à nourrir la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que le débat des parlementaires sur le projet de loi.

2. On est loin, vous le voyez, de cette maîtrise comptable qui est trop souvent invoquée par les opposants à la réforme : bien au contraire, notre réforme et centrée sur les besoins de santé véritables des Français.

Vous le savez, les patients ont été dotés à l’automne dernier d’un carnet de santé qui permet d’améliorer la coordination entre les différents soignants auxquels ils s’adressent et qui constitue une mémoire de leur santé. Ainsi pourront être évités interactions médicamenteuses, erreurs de diagnostic ou contrôles répétés. Ce carnet entre peu à peu dans les habitudes. Il doit devenir aussi naturel de l’utiliser régulièrement que de boucler a ceinture de sécurité.

Les professionnels eux aussi disposent désormais des instruments qui vont favoriser cette bonne pratique et garantir la meilleure qualité des soins. Ainsi, les références médicales opposables ont été étendues aux consultations externes à l’hôpital et renforcées en médecine de ville. La formation médicale continue a été rendue obligatoire pour tous les médecins. Les cabinets médicaux vont être informatisés, et des filières et réseaux de soins seront expérimentés pour améliorer l’accès du patient au système de santé et encourager la bonne coordination des soins. Ces expérimentations seront naturellement fondées exclusivement sur le volontariat des patients comme des professionnels.

Enfin, nous venons avec Hervé Gaymard de donner le départ à la création de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé, cette agence médicale qui doit devenir un instrument majeur de qualité des soins, pour les établissements de santé sur une base contractuelle, et pour les pratiques médicales dans leur ensemble.

Vous le voyez, la réforme est bien centrée sur les besoins de santé, sur ma qualité des soins, sur les bonnes pratiques professionnelles. C’est maintenant vous qui allez donner son meilleur sens à la réforme, son sens sanitaire, son contenu véritable.

Car vos efforts pour réfléchir aux priorités de santé et dégager des pistes d’action ne resteront pas des vœux pieux. Bien au contraire, ils seront ensuite relayés par tous ceux qui participent au système de soins. La réforme crée en effet les instruments qui permettront de faire entrer dans la réalité quotidienne les véritables préoccupations de santé dans notre système soins.

Il s’agit des programmes régionaux de santé auxquels sont appelés à participer l’ensemble des acteurs concernés par la santé dans la région : organismes de protection sociale, collectivité territoriales, service de l’Etat, instituions et établissements de santé, professionnels, médecins par l’intermédiaire de leur union régionale, et associations concernées.

Par ailleurs, l’agence régionale d’hospitalisation doit intégrer, dans les contrats conclus avec les hôpitaux, la mise en œuvre des orientations adoptées par la conférence régionale de santé. Elle est tenue de présenter chaque année les actions des établissements correspondant aux priorités de santé publique.

3. C’est comme cela que nous pourrons, comme c’était le vœu du Premier Ministre en annonçant la réforme, faire entrer la responsabilité dans la réalité quotidienne de notre système de soins.

C’est donc un appel à la responsabilité que je vous lance. Responsabilité vis-à-vis des décideurs politiques que sont les parlementaires et le gouvernement : les uns comme les autres ont besoin de ce que vous allez leur dire. La richesse de vos travaux sont une condition essentielle de la réussite de la réforme, et de la survie de notre système de sécurité sociale.

Responsabilité vis-à-vis surtout des Français. Vous savez comme nos concitoyens sont, à juste titre, attentifs à tout ce qui touche à leur santé. Vos travaux offrent l’occasion exceptionnelle de mettre en perspective, au-delà du sensationnel déjà largement médiatisé, les problèmes qui affectent le plus largement et le plus fondamentalement la santé de nos concitoyens. Les travaux qui ont été conduits ici-même l’an dernier montrent que vos prédécesseurs ne s’y sont pas trompés, en mettant en évidence des priorités telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires, les dépendances à l’alcool, au tabac ou aux drogues illicites, ou encore les difficultés de santé liées à a précarité.

C’est bien sur ces sujets que nous sommes, vous comme moi, attendus. Notre souci, à Hervé Gaymard comme à moi, et comme à vous aussi, c’est d’abord la santé de Français. La réforme que nous avons entreprise veut d’abord mettre les véritables besoins en évidence, pour assurer que ceux-ci sont couverts par notre système de protection sociale. Dans cette perspective, l’équilibre des comptes de la sécurité sociale ne constitue pas, vous le voyez bien, la fin de cette réforme, mais un moyen d’assurer que les vrais besoins sont effectivement couverts par une allocation adéquate des moyens dont nous disposons.

C’est à ce prix seulement, par la responsabilité de tous au quotidien, que nous sauverons notre système exceptionnel de sécurité sociale.