Déclarations de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la Sécurité sociale, sur l'emploi en montagne et la formation à la pluriactivité des travailleurs saisonniers, Chambéry le 22 novembre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Hervé Gaymard - Secrétaire d'Etat à la santé et à la Sécurité sociale

Circonstance : Table ronde sur "l'emploi en montagne" le 22 novembre 1996 dans le cadre du festival des métiers de montagne à Chambéry (Savoie)

Texte intégral

Intervention d’Hervé Gaymard, secrétaire d’État à la Santé et à la Sécurité sociale

L’emploi en montagne

Le thème de nos travaux aujourd'hui dans le Festival des métiers de montagne à Chambéry doit se centrer sur l'emploi en montagne. Mais, pour cet espace privilégié que représentent nos zones de montagne, l'emploi est synonyme de vie, de mode de vie dans un milieu certes très attrayant, mais surtout très rude.

Les spécialistes qui interviendront au cours de cette table ronde nous confirmeront, par leurs analyses, leurs expériences et leurs initiatives, les caractères spécifiques des activités de montagne, où la vie même dans des conditions difficiles reste un élément essentiel. Pour que nos montagnes restent belles, il faut que les hommes continuent comme leurs anciens à y travailler.

Certes, les conditions d'emploi ont changé depuis le temps des « ouvriers paysans » qui mettaient en valeur l'exploitation agricole avec l'aide de toute la famille et assuraient des postes dans les usines qui, par leur essor, permettaient le développement économique de nos zones de montagne. Rassurez-vous, je ne vais pas vous présenter à nouveau mon combat pour « un droit à la pluriactivité » en vous reparlant des saisonniers, des paysans qui se diversifient, des commerçants qui s'adaptent aux flux touristiques.

Cette approche, que vous connaissez tous pour en vivre au quotidien les difficultés et les inconvénients, ne me semble pas assez positive.

Car l'avenir dans nos montagnes se trouve :
    – dans les bassins d'emploi qui constituent un dispositif particulièrement pertinent pour aider des activités à naître, renaître et assurer le travail journalier de tous, et plus particulièrement des jeunes ;
    – dans les formes nouvelles d'organisation du travail et des conditions d'emploi, tels les groupements d'employeurs, le multisalariat ;
    – dans la mobilisation des moyens mis en œuvre pour la lutte contre le chômage, par exemple les dispositifs du réseau A3 et de Pôle emploi, lieux d'accueil pour les demandeurs d'emploi mais également des entreprises. Ce guichet unique facilite les démarches des travailleurs, il met également en relief un des points essentiels pour la réussite de tout emploi dans tous les secteurs et pour les zones : la nécessité d'une formation adaptée, de bonne qualité et performante.

Parmi mes amis ici présents, Patrick Ollier, député des Hautes-Alpes, un des meilleurs avocats de la montagne française, et Didier Lallement, directeur de la DATAR, conviendront aisément que le meilleur des investissements, la plus performante des lois d'aménagement, l'aide la mieux adaptée, ne représentent rien si le travailleur, salarié ou indépendant, n'est pas bien formé à son ou ses activités.

La formation des hommes, celle des montagnards en particulier, constitue un préalable indispensable à toute démarche sur et pour l'emploi.

Les métiers de montagne restent à ce sujet extrêmement exigeants, mais les habitants de nos belles régions ont une grande qualité, celle du courage. Nos anciens ont toujours dû s'adapter pour vivre.

Aujourd'hui, forts de ce caractère que beaucoup nous envient, nous devons dessiner notre avenir dans un équilibre de fortes traditions et de développements innovants.

Je suis persuadé que les interventions de cet après-midi nous apporteront des pistes nombreuses et variées.

 

Intervention d’Hervé Gaymard, secrétaire d’État à la Santé et à la Sécurité sociale

Conclusion de la table ronde « Emploi en montagne »

Les travaux de cette table ronde et vos interventions nous apportent la confirmation d'une nécessaire évolution des conditions de travail des travailleurs en montagne, avec une indispensable modernisation des comportements et des outils en matière de gestion des ressources humaines dans le domaine de l'emploi en montagne.

Et ceci non seulement au niveau des entreprises, mais également (et peut-être surtout) au niveau des territoires.

Il faut repenser localement nos modes d'organisation ; aider chaque individu, et les jeunes en particulier, à repérer et à conduire son parcours de réussite surtout dans la pluriactivité, salarié ou non.

La mobilisation des acteurs du développement en milieu de montagne peut faire de nos territoires, pourtant réputés difficiles, des lieux privilégiés de « libération des initiatives ».

Les réalisations dont ont rendu compte les différents intervenants de ce troisième Festival des métiers de la montagne montrent à l'évidence que des marges de manœuvre, des possibilités de mettre en œuvre des initiatives concrètes existent.

Il faut creuser ces pistes, essaimer les bonnes initiatives, aller encore plus loin :
Au niveau de la formation, avec comme illustration l'exemple suivant :
    – une fois obtenue une qualification initiale dans un métier, le jeune qui travaille comme saisonnier dans nos vallées va être très vite confronté au besoin d'acquérir une deuxième qualification lui permettant d'obtenir un emploi complémentaire. Quelle deuxième qualification ? Pour quel deuxième emploi ? II faut alors être capable d'accompagner individuellement chacun, de l'aider à exploiter les opportunités qui se présentent à lui, puis de construire le parcours de formation ad hoc ;
    – mais les opportunités peuvent évoluer, les contraintes du jeune également (création d'une famille, achat d'un logement, etc.), il faut alors rechercher une nouvelle piste en transférant autant que faire se peut les compétences du métier précédent ;
    – une expérimentation de formation bi-qualifiante doit se mettre en place dans trois régions (Rhône-Alpes, PAC et Poitou-Charentes) dès la rentrée 1997. Cette démarche, qui s'appuie sur les expériences de formation de nombreuses régions, apportera une réelle amélioration pour les futurs pluriactifs.

Au niveau de l'emploi et des conditions de travail :

Les opportunités d'emplois complémentaires sont souvent issues d'un contexte local, et parfois inattendues. C’est donc au niveau local, au niveau du bassin, qu'il faut faire travailler ensemble les différentes structures (ANPE, MLJ, associations, etc.) pour aider chacun à trouver sa solution.

Il faut aider les employeurs aussi à utiliser la formule la plus propice à satisfaire leurs besoins de personnel, à fidéliser leur personnel saisonnier. Là, ce sera le temps partiel annualisé, ici un groupement d'employeurs, il n'y a pas de solution type, mais la nécessité de toujours trouver le meilleur dispositif dans l'intérêt de tous.

Au niveau des conditions de vie :

Les problèmes de logement des travailleurs pluriactifs, notamment des saisonniers, font l'objet de recherches de solutions très diverses, impliquant souvent les collectivités territoriales. Le prochain colloque sur l'hébergement des saisonniers du tourisme, le 29 novembre à Albertville, sera une véritable occasion de faire progresser ce dossier.

On le voit bien, c'est en mettant l'homme et sa volonté de s'insérer dans son milieu de vie (fût-il considéré comme difficile), au cœur de nos préoccupations que les réponses se trouvent.

La pluriactivité est en train de sortir de son ghetto, elle continue à déranger parce qu'elle oblige chacun à sortir de son fonctionnement traditionnel, institutionnel.

Mais par l'attention particulière qu'elle nous oblige à apporter aux situations individuelles, par la flexibilité qu'elle requiert de nos organisations d'entreprises ou de services publics, par la créativité dont elle nous oblige à faire preuve pour trouver des solutions, elle préfigure vraisemblablement les modes de gestion des ressources humaines de demain dans notre pays et surtout dans nos belles montagnes.