Texte intégral
Le Figaro : Les événements qui sont survenus à Cayenne la semaine dernière étaient-ils prévisible ?
Jean-François de Peretti : Les élèves du lycée Félix-Éboué ont été dépassés, ils le reconnaissent, par les événements. La grève qu'ils ont entamée il y a trois semaines s'appuie sur un ensemble de revendications liées à leurs conditions de travail. Pour la plupart, ils n'ont pas participé aux émeutes, ils demandent des locaux, des enseignants, un encadrement plus solide. L'État n'a pas attendu ce mouvement pour consentir un effort considérable, notamment en termes de personnel. Pour ne s'en tenir qu'à l'année scolaire 95-96, quatorze postes d'enseignement supplémentaires dans les lycées et cinquante-cinq dans les collèges ont été créés. J'avais débloqué, il y a un mois environ, 200 CES (contrat emploi solidarité). Reste qu'il y a un indéniable déficit en matière de poste Atos (personnel administratif, technique, ouvrier, de service) et des mesures sont prévues.
Le Figaro : Qu'est-ce qui différencie la Guyane des autres départements ?
Jean-François de Peretti : La croissance démographique de + 5,5 % explique en partie les problèmes auxquels nous sommes confrontés, notamment en matière d'éducation 50 à 60 % de la population à moins de 25 ans, et cette jeunesse, nous devons l'éduquer, la former, lui offrir des possibilités de travail. Mais surtout, sur une population de 130 000 à 140 000 personnes, il y a 65 000 immigrés, dont une bonne part de clandestins, venus du Surinam, du Brésil, d'Haïti ou de Guyane. Lorsque les lycéens de Félix-Éboué, parmi leurs revendications, demandent une plus grande sécurité à l'intérieur comme à l'extérieur de l'établissement, ils font allusion à ce qu'induit objectivement la présence de clandestins : racket à la sortie du lycée, circulation de drogue, etc. Nous préparons des mesures précises en matière de lutte contre cette immigration clandestine, que nous annoncerons avant la fin de l'année.
Le Figaro : Avant la fin de l'année, le ministre de l'éducation, François Bayrou, et vous-même, allez-vous rendre en Guyane. Est-ce parce que les étudiants n'ont pas accepté vos premières propositions ?
Jean-François de Peretti : J'avais effectivement proposé aux lycéens et à leurs parents de se rendre en délégation à Paris. Le ministre de l'éducation et moi-même les aurions reçus. Ils ont refusé par la voix de leur représentante, Aline Charles, une jeune fille d'une vingtaine d'année un peu acquise aux idées indépendantistes. François Bayrou et moi-même, nous irons donc jusqu'à eux avant la fin de l'année. Mais auparavant des réunions de travail auront lieu avec le préfet, les représentants de la région et du département.
Le Figaro : Quelles sont les chances de la Guyane ?
Jean-François de Peretti : Le département dispose de ressources importantes : l'or, Kourou, qui est essentiel dans l'économie du département, la pêche, et le tourisme qui peut se développer de manière très sensible dans les années qui viennent. La chance de la Guyane, c'est aussi sa jeunesse. C'est pourquoi nous sommes à son écoute. Quant aux indépendantistes, ils ne représentent qu'une frange intime de la population.