Texte intégral
L’État providence est-il voué à reculer inexorablement ?
Un constat : l’État providence coûte cher :
- de l’ordre du quart de la richesse nationale lui est consacrée ;
- couverture santé 9 % du PIB retraite 12 %.
Un risque : qu’elle devienne anesthésiante. Si le financement de cette protection sollicite principalement les actifs, ne risquent-ils pas d’être dissuadés.
Non, il n’y a pas de fatalité :
- nous devons nous préserver d’une course au moins-disant social ;
- une large solidarité demeure possible.
Mais ce n’est possible qu’à quelques conditions.
1) Il nous faut mettre en œuvre une gestion rigoureuse avec des incitations fortes à la responsabilité
- L’assurance maladie est un bien commun dont le coût peut être modéré et l’efficacité améliorée, et ce sans diminuer la qualité ni le remboursement
Il faut apprendre à dépenser mieux : c’est possible. Au demeurant les comparaisons internationales montrent que ce ne sont pas les pays qui dépensent le plus pour la santé qui affichent les meilleurs indicateurs mais ceux qui dépensent de la manière la plus homogène.
La responsabilisation :
- pour le soigné : prévention (tabac, alcool), carnet de santé ;
- pour les offreurs de soins : contrats d’objectifs, les bonnes pratiques (RMO), les filières et réseaux de soins.
La retraite :
- rendre le système plus contributif (engagé avec la réforme de 1993)
- mieux distinguer ce qui doit relever de la solidarité et ce qui doit continuer à s’inscrire dans le cadre de l’assurance et adapter les financements en conséquence (création du fonds de solidarité vieillesse).
2) Il faut adapter le financement à l’évolution du partage de la valeur ajoutée et le diversifier
À l’origine, la protection sociale était liée à l’exercice d’une activité professionnelle, c’est de moins en moins vrai.
Maladie :
Nous avons amorcé une réforme du financement de l’assurance maladie en cohérence avec le projet de mettre en place une couverture universelle.
Retraite :
La CSG finance l’essentiel de la prise en charge des dépenses de solidarité de la branche vieillesse.
3) Il faut une révision périodique des prises en charge, la protection sociale ne doit pas être figée mais s’inscrire dans un équilibre dynamique.
Un principe : modérer les droits et demander des contreparties.
Je prendrai quelques exemples :
Le traitement des revenus de remplacement par rapport aux revenus d’activité (attention à l’apparition de trappes à pauvreté).
Aujourd’hui il faut moins créer des droits ouverts à tous que répondre au plus près des besoins des personnes.
La prestation spécifique dépendance :
- en nature ;
- sous plafond de ressources, au-delà à l’assurance privée de jouer.
Adapter progressivement les régimes de retraite.
Afficher à l’avance les arbitrages pour laisser le temps aux ménages le temps d’adapter leur comportement d‘épargne.
Maintenir le filet de sécurité du revenu minimum en veillant à ce qu’il ne devienne pas un obstacle au retour ou à l’entrée dans l’activité : expérimentation du passage du RMI au CIL (contrat d’insertion locale) à une échelle limitée dans un premier temps dans le cadre de la loi de cohésion sociale.
La solidarité bien gérée et justement adaptée devient à son tour un élément stabilisateur qui va offrir un cadre favorable à une croissance durable. Attention aux conséquences à long terme d’une adaptabilité ou d’une flexibilité qui mèneraient à la précarité.
C’est parce que les ménages savent pouvoir compter :
- sur une couverture maladie de base de qualité ;
- sur un régime vieillesse assurant la base de leur retraite ;
- qu’ils seront prêts à accepter la mobilité qu’appellent :
- l’évolution des échanges internationaux ;
- l’évolution des métiers ;
- qu’ils auront plus confiance en l’avenir (comportements d’épargne et d’investissement).
Cette solidarité bien gérée et justement adaptée contribuera à stabiliser les liens familiaux dont la déstructuration est à l’origine de beaucoup des problèmes rencontrés par nos sociétés.
Trop souvent l’État est amené à se substituer aux familles :
- délinquance, jusqu’à quel taux d’incarcération une société peut-elle accepter de monter avant de s’interroger sur ses valeurs ;
- toxicomanie, suicide des jeunes.
Cette solidarité nous évitera des dispositifs d’assistance de plus en plus coûteux et dont le développement donnerait l’exacte mesure de la dérive de nos sociétés par rapport à l’idéal dont elles se réclament.
La recherche de sécurité est légitime mais il faut redonner à chacun le goût de l’initiative :
- la formation tout au long de la vie : rien n’est joué ;
- le développement de l’épargne retraite au-delà des régimes par répartition.
Cette approche équilibrée résume assez bien ce modèle social européen que nous souhaitons promouvoir.
Notre démarche est motivée par le souci d’assurer un équilibre entre deux objectifs parfois présentés comme contradictoires mais dont je pense au contraire qu’ils ne peuvent atteints que l’un par l’autre.
L’Europe sera sociale si elle sait être libérale mais elle ne sera libérale que si elle sait être sociale.