Interview de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, dans le "Journal de l'action sociale" d'octobre 1996, sur l'avant-projet de loi de cohésion sociale devant permettre d'activer l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI et "l'accès de tous aux droits de tous".

Prononcé le 1er octobre 1996

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Q. : Le gouvernement envisage-t-il de modifier les conditions d’attribution du RMI ?

R. : Le gouvernement n’envisage pas de modifier les conditions d’attribution du RMI ni de faire supporter aux familles une partie du montant de l’allocation, via l’obligation alimentaire. La future loi sur la cohésion sociale ne contient aucune disposition sur ce sujet. L’obligation alimentaire est prévue par l’article 23 de la loi sur le revenu minimum d’insertion du 1er décembre 1988. La mise en jeu de cette obligation est précisée dans une circulaire. Elle est commentée dans tous les ouvrages juridiques. Il s’agit d’une obligation entre conjoints et entre parents et enfants, à l’exclusion des ascendants et descendants et des alliés en ligne directe.

Q. : Quel sera le contenu de cette loi sur la cohésion sociale ?

R. : La loi de cohésion sociale viendra devant le Conseil des ministres fin novembre. Puis ce sera le passage au Parlement. Voilà pour le calendrier.

La loi de cohésion sociale est une loi de prévention de l'exclusion. Ce que j'ai souhaité, c'est une loi qui garantisse « l'accès de tous aux droits de tous ». Pour un grand nombre de citoyens, un écart s'est creusé entre l'affirmation des droits, contenue dans la Constitution ou dans les lois, et la situation réelle dans laquelle ils se trouvent. C'est la fracture sociale. Il s'agit de ressouder la communauté nationale autour des valeurs de la République, permettre à chacun de participer à la vie économique, sociale, culturelle et politique de la nation, garantir une égalité des chances à tous les citoyens.

Dans ce sens, le projet de loi mettra l'accent sur l'accès aux droits fondamentaux dans des circonstances particulières de la vie ou pour des catégories spécifiques de la population ; l'accès à l'emploi pour tous ceux qui vivent aujourd'hui de l'assistance ainsi que pour les jeunes les plus en difficulté, mais aussi sur l'accès aux soins et l'accès au logement. Et s'agissant des droits sociaux, je souhaite que l'État, les régions, les départements, les communes, l'ensemble des organisations qui concourent à la protection sociale fassent un effort pour informer, aussi concrètement et complètement que possible, les personnes, les aider dans leurs démarches administratives ou sociales et faire aboutir leurs droits dans les délais les plus rapides.

La loi de cohésion sociale ne crée pas de nouveaux droits mais elle organise l'accès effectif de tous aux droits de tous. Dans le domaine très sensible de l'illettrisme, un nouveau dispositif institutionnel doit accroître l'efficacité des politiques.

Elle ne crée pas d’emplois, mais elle invente les mécanismes juridiques qui permettent de transformer en salaire des allocations d’assistance, versées en RMI par exemple, pour un vrai contrat de travail (cinq ans), rémunéré au salaire mensuel ou horaire, pour trente heures minima par semaine, avec un employeur public ou une association. C’est le principe de l’activation des dépenses passives. Il s’agit d’enrayer la dérive assistancielle du RMI. Non seulement les Rmistes ne sont pas orientés vers l’emploi, mais 47 % seulement ont un contrat d’insertion.

Elle ne crée pas des stages nouveaux pour les jeunes en difficulté, mais elle définit une procédure d’enchaînement rigoureux des stages et des contrats afin de construire un véritable itinéraire personnalisé d’insertion professionnelle pour chaque jeune. L’organisme chargé de construire cet itinéraire sera soumis à une obligation de résultats.