Interview de M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, dans "Le Journal du dimanche" du 29 mars 1998, sur le résultat des élections régionales, notamment les relations entre la droite et le Front national, le projet de réforme du mode de scrutin régional et la modernisation de la vie politique.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Florence Muracciole
Mais, en 1995, Jean-Marie Le Pen disait : « Mieux vaut Jospin que Chirac »…

Daniel Vaillant
– On ne va quand même pas s’en remettre aux déclarations contradictoires et manœuvrières de M. Le Pen ! Ou alors ce serait mettre le FN au cœur de la vie politique française, en position d’arbitre.

Florence Muracciole
Pourquoi la gauche n’a-t-elle pas réformé en temps voulu le mode de scrutin des régionales ?

Daniel Vaillant
– En juin 1996, à la faveur de sa convention « Démocratie », le PS a inscrit dans son projet la réforme du mode de scrutin aux régionales avec un seul objectif : la stabilité des régions. À l’époque, il n’y avait pas de dissolution en vue et le débat sur ce point était à droite. Le gouvernement Juppé a été incapable de proposer cette réforme. Il y a eu la dissolution et nous avons gagné les élections. Dès l’arrivée de Lionel Jospin à Matignon, certains, à gauche, lui ont demandé de changer le mode de scrutin régional. Il y était favorable, mais souhaitait un consensus des partis de la majorité et, si possible, de l’opposition républicaine. Les vérifications ont été faites : il n’y avait pas unanimité au sein de la majorité et à droite ce fut une fin de non-recevoir.

Florence Muracciole
Le Premier ministre a donc décidé, faute de consensus, qu’il n’y aurait pas de projet gouvernemental avant les élections. Que n’aurait pas dit la droite si on l’avait fait ! Elle nous aurait accusés de changer les règles du jeu un an avant et de jouer avec le FN !

Daniel Vaillant
Le Gouvernement déposera avant l’été un projet de loi pour modifier le mode de scrutin régional. Les esprits sont désormais prêts à gauche et je ne vois pas comment, à droite, ils pourraient « hurler aux loups ». Pourtant, cela ne réglera pas le problème du vote extrême droite dans ce pays. C’est par la politique que l’on peut y parvenir, pas par un mode de scrutin. La situation de souffrance entraîne le vote d’intolérance. Il faut donc essayer de solutionner la souffrance des gens. C’est un travail qui est engagé depuis dix mois.

Florence Muracciole
Sur la modernisation de la vie politique française, Jacques Chirac ne vous a-t-il pas pris de vitesse ?

Daniel Vaillant
– Si le président de la République partage le sentiment du Gouvernement sur la rénovation de la vie politique, on ne peut que se réjouir des initiatives qu’il pourrait prendre pour appuyer la démarche gouvernementale. J’ai perçu dans les déclarations de Jacques Chirac plus un soutien à l’action du Gouvernement et à la mise en œuvre des engagements de Lionel Jospin qu’une réprobation. Dès le 8 avril, le Conseil des ministres adoptera des projets de limitation de cumul des mandats.

Florence Muracciole
Quels en seront les termes ?

Daniel Vaillant
– Ils seront l’écriture de ce que le Premier ministre a dit dans sa lettre aux responsables des formations politiques après les avoir consultés. Pour les ministres, une loi visant à réformer la Constitution inscrira dans les faits ce que Lionel Jospin a voulu au niveau gouvernemental. Un ministre ne peut disposer que d’un mandat local non exécutif. Cette réforme constitutionnelle doit se faire à l’initiative du Président sur proposition du Premier ministre. Par ailleurs, une loi ordinaire limitera le cumul des mandats locaux : on ne pourra plus être président de conseil régional et président de conseil général, ni député européen et président de l’une ou l’autre de ces assemblées. Enfin, la troisième loi sera organique et nécessitera obligatoirement l’accord du Sénat. Elle concernera les parlementaires. Le Gouvernement souhaite qu’un député ou un sénateur ne puisse plus être maire d’une commune, président d’un conseil général ou d’un conseil régional.