Texte intégral
Chers amis,
C’est avec plaisir et émotion que je vous reçois aujourd’hui dans cette maison de la République.
La tradition d’échange artistique est longue entre l’Italie et la France : Leonard de Vinci, Le Bernin, Lulli, Goldoni. Et plus près de nous, évidemment, Giorgio Strehler.
La rencontre, l’échange, la confrontation des cultures offrent la base même de notre civilisation européenne : ce qui a fait son originalité et son génie. L’engagement européen de Giorgio Strehler le conduisit notamment à créer, grâce au soutien du président François Mitterrand et de Jack Lang, le premier « théâtre de l’Europe » à Paris, à l’Odéon. Transformer la tour de Babel en idéal théâtral, une utopie devenue aujourd’hui réalité. Faire l’Europe, c’est faire l’Europe de la culture. Dans les dernières années de sa vie, ce fut un message permanent de l’action publique de Giorgio Strehler. Au Sénat italien comme au Parlement européen dont il fut un membre talentueux et visionnaire. Les poètes sont souvent visionnaires. Il nous appartient, nous, responsables politiques, de traduire ces visions dans la réalité.
Je suis honoré à travers toute la troupe de saluer plus particulièrement, Ferrucio Soleri. J’ai reçu récemment, ici même, maître Kanze, grand maître du Nô, trésor national vivant du Japon. Si une telle distinction existait dans nos pays, je crois que Ferrucio Soleri devrait en être honoré. Il ne représente pas Arlequin depuis plus de trente-cinq ans. Il est Arlequin, dépositaire de ses facéties, de ses audaces et même de son âme. À côté de la figure centrale d’Arlequin, je suis heureux de voir que la troupe comporte de jeunes et brillantes individualités. Ainsi, depuis cinquante ans, s’est transmise jusqu’à nous la magie de la première représentation d’Arlequin de 1947.
Giorgio Strehler avait su, mieux que tout autre, mettre les armes de la beauté et du talent au service de son idéal civique et républicain. Très imprégné des idéaux de la Révolution française, à qui il avait toujours rendu grâce d’avoir donné à Goldoni la citoyenneté française, il faisait de ses mises en scène un combat des lumières contre les ténèbres. Certains l’appelaient « Maestro » ; d’autres l’ont comparé à un lion. En tout cas, il voulait changer la vie. Je sais que Jack Lang met toute sa passion, par fidélité et devoir, pour que le Piccolo Teatro reste un « théâtre d’art pour tous », selon le principe de ses fondateurs. Dans cette démarche je suis avec vous, estimant comme vous qu’il n’y a de grande cité que celle qui sait honorer et rendre hommage à ses artistes.
Je vous remercie.