Article de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, dans "Le Monde" du 6 août 1996, intitulé "Amiante : pour un emprunt d'Etat".

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Média : Le Monde

Texte intégral

Comme chacun sait, la décision prise par le gouvernement d'interdire l'utilisation de l'amiante à partir de 1997, et annoncée par le ministre des Affaires sociales, est insuffisante pour régler le problème de l'utilisation de ce matériau.

Il semble, toutefois, qu'il y ait deux façons d'aborder le problème, l'une défensive et curative, l'autre, à l'instar des préceptes de certains arts martiaux, basée sur l'utilisation des calamités pour en faire un vecteur de développement.

Les premières conséquences directes de la décision du 3 juillet 1996 se posent en matière d'emploi pour les salariés des sociétés de fabrication du matériau et de ses dérivés, ainsi que pour la protection des lieux d'extraction. Notons au passage que la France faisait régulièrement acquisition de ce produit, notamment au Canada.

Deux objectifs donc : assurer le reclassement, voire la reconversion des salariés, ou des entreprises et des sites, et l'observation présente et future médicale appropriée ; procéder au recensement des établissements et installations susceptibles d'être ou de devenir dangereux pour leurs locataires, en premier lieu, les établissements scolaires, les hôpitaux, les administrations, mais aussi les commerces et installations industrielles ; ne dit-on pas que la majeure partie des sièges d'entreprises situés à la Défense ont utilisé l'amiante pour leur construction ?

Bien entendu, il ne s'agit pas de dénoncer ceux qui, peu ou prou, auraient utilisé le matériau, qui, rappelons-le, a été la réponse technique aux risques d'incendie (le collège Edouard-Pailleron), mais de mettre un terme, le plus rapidement, à la présence d'amiante présentant des dangers (en raison du vieillissement, de l'érosion, des travaux...).

Pour ce faire, il est nécessaire de fixer les instruments d'analyse, puis les conditions de déflocage avec toutes les garanties pour le personnel affecté à cet emploi et pour l'environnement. Une accréditation auprès du ministère de l'Industrie sérieuse et vérifiée est donc indispensable.

Enfin, il faut réactiver le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale afin de suivre les salariés ayant été en contact avec le matériau destructeur. Je rappelle au passage que c'est sur la pression de Force ouvrière que le gouvernement a ratifié la convention du BIT (Bureau international du travail) sur le cancer professionnel (n° 139).

Dans le fond, cet énoncé n'est guère novateur. Comment faire alors pour aborder le problème autrement que de manière défensive ? Pour financer les travaux et plus particulièrement ceux qui sont nécessaires dans les locaux scolaires, il faut dégager de l'argent, sans pour autant obérer les investissements qui sont inscrits dans les différents budgets nationaux ou des collectivités locales.

Pourquoi alors ne pas lancer un emprunt d'Etat qui permettrait de financer ces opérations sous forme de prêts bonifiés aux collectivités locales en conditionnant ce financement à l'accréditation technique, et prioritairement aux entreprises de l'amiante reconverties qui le souhaiteraient ? Dans ce cas, bien entendu, les conventions et accords devraient être soumis pour avis aux CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) des entreprises et des établissements scolaires et autres…

Cette « calamité » et ses conséquences financières ne peuvent être intégrées dans les budgets ordinaires. Il faut donc dégager des fonds complémentaires pour répondre à la question. Compte-tenu des conséquences pour les élèves, l'emprunt pourrait être bien accueilli et compris. Si, en plus, il permet de relancer l'activité, pourquoi ne pas essayer ?