Article de Mme Dominique Voynet, porte-parole des Verts, dans "Vert contact" le 19 octobre 1996, à propos du livre d'Alain Lipietz, porte-parole de la commission Economie des Verts, intitulé "La société en sablier : le partage du travail contre la déchirure sociale".

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Publication du livre d'Alain Lipietz "La société en sablier : Le partage du travail contre la déchirure sociale", octobre 1996

Média : Vert contact

Texte intégral

Le dernier livre d'Alain Lipietz, paru aux Éditions de la Découverte (1), conjugue une analyse économique critique et prospective avec un engagement et un enthousiasme politiques communicatifs. Limpidité du style, clarté des explications, pertinence des exemples, simplicité des chiffres et des schémas : l'économie redevient humaine et nous prend en compte, nous lecteurs pas forcément experts, dans (…) expression même.

Alain Lipietz décrit notre « société en sablier », une société où s'aggravent les inégalités, où le clivage riches/pauvres se généralise, où fondent les classes moyennes, ces fameux « nantis » partis en grève en novembre 1995. Une société de la « déchirure » qui se propage, menaçant à terme tout un chacun, et non une « fracture » bien nette entre « inclus » et « exclus », comme on voudrait nous le faire croire.

Trois notions caractérisent ce phénomène : polarisation, précarisation, exclusion.

Elles découlent des choix économiques menés par des élites productivistes et libérales confrontés au développement sans pareil des nouvelles technologies, indifférentes (ignorance ? mépris ? myopie ?) aux conséquences politiques, écologiques et humaines.

L'analyse de cette « brésilianisation » généralisée, à la fois historique et argumentée, abondamment illustrée de schémas et de statistiques (suffisamment commentés pour ne pas étouffer le lecteur sous le poids des chiffres bruts), le conduit bien sûr à comparer les différentes réponses qui furent et sont proposées, mais aussi celles qui restent encore à explorer.

De plus, l'auteur ne se contente pas d'un regard autocentré, mais mesure les effets de ce processus dans différents pays, dont les États-Unis et l'Amérique latine.

Et puis, chose rare dans un ouvrage aussi synthétique, il n'oublie jamais de prendre en compte les particularités des conditions socio-économiques des femmes, des jeunes et des personnes âgées, trop souvent négligées dans ces débats « sérieux ».

Partage du travail, développement d'un tiers secteur d'utilité écologique et sociale, réformes fiscales pour plus de solidarité, construction d'une Europe pour laquelle il propose des « critères de convergence » vers l'écologie et la solidarité : Alain Lipietz, lucide, concret, discerne ainsi les vraies et fausses contraintes, souligne les possibles réels et met en relief des voies à suivre sans tergiverser plus longtemps.

Les Vert(e)s reconnaîtront là, bien sûr, les positions mûries dans leurs débats. Mais aussi un vrai bréviaire des réponses à donner aux objections les plus fréquemment apportées à leurs propositions.

Comment mieux conclure que lui ?

« Les aspirations sont là, les solutions existent. Il manque la volonté politique de les mettre en oeuvre. Il manque de retrouver foi en la démocratie. Les travaux des chercheurs engagés peuvent indiquer des issues, mais seule peut changer le cours des choses la volonté du peuple, un peuple décidé à voir le bout de ses actes, de ses luttes, de ses choix. Comme l'écrivait René Dumont dans son dernier livre : Libéralisme ou démocratie (2), aujourd'hui il faut choisir. »

 

(1) La société en sablier,

Le partage du travail contre la déchirure sociale, Alain Lipietz, Éditions La Découverte, 1996, 33 p., 145 F,

Diffusion Ecodif – 107, avenue Parmentier, 75011 Paris – Tél. : 01 43 55 10 01.

(2) Misère et chômage,
Libéralisme ou démocratie,
René Dumont et Charlotte Paquet,
Editions du Seuil,
1994, 183 p., 99 F,
Diffusion Ecodif.