Texte intégral
Mme Sinclair : Bonsoir à tous.
Nous sommes à quinze jours du premier tour des élections législatives, et je vous propose un 7 sur 7 particulier. En période électorale, la loi et le CSA font obligation à TF1 et à 7 sur 7 de recevoir les partis représentatifs à l'échelon national.
Ce soir, ils sont quatre et vont débattre deux par deux.
Tout à l'heure, Dominique Voynet, porte-parole des Verts, et Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France.
Dans un instant, un premier débat opposera Jean-Pierre Chevènement, président du Mouvement des citoyens, et Bruno Mégret, délégué du Front national.
De ces projets radicalement opposés, les hommes et la femme politique présents ce soir devront débattre entre eux. Mon rôle consistera, ce soir, à faire respecter scrupuleusement les temps de parole. Dans un instant, le premier débat opposera M. Chevènement et M. Mégret. À tout de suite.
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Mme Sinclair : Avant de commencer les deux débats que je vous annonçais tout à l'heure, on va regarder une minute trente d'images de la campagne électorale. Une semaine de campagne, Claire Auberger et Joseph Pénisson.
Mme Auberger : Espoir à gauche, doutes à droite, et vice et versa. Le moral des partis politiques suit les courbes très fluctuantes des sondages. Déçus par le bilan de Jacques Chirac, les Français semblent perplexes. En début de semaine, la gauche paraissait en mesure de l'emporter. En fin de semaine, la droite semble reprendre une confortable avance.
Mme Sinclair : Vous êtes donc à 7 sur 7, non pas à 7 sur 7 normal, mais un premier débat entre M. Chevènement, président du Mouvement des citoyens, et M. Mégret, délégué du Front national.
Je vais vous laisser débattre de la politique d'abord et de la crise que traverse la France. Et je me contenterai de vous rappeler scrupuleusement vos temps de parole.
Première question, peut-être, pour tous les deux : comment jugez-vous les interventions qui ont marqué la semaine, celle de Jacques Chirac et celle de Lionel Jospin ? Comment les jugez-vous, l'un et l'autre ?
Jean-Pierre Chevènement.
M. Chevènement : De Jacques Chirac, je dirais que « plus c'est gros, mieux ça passe ». Jacques Chirac nous a annoncé que l'ardoise était près d'être soldée, il oublie simplement que le Trésor a lancé 500 milliards d'emprunts, que la dépense de soins progressait raisonnablement. Il ne sait sans doute pas que le trou de la Sécurité sociale atteindra 50 milliards, il déplore que l'école ne soit pas ouverte sur l'entreprise, mais il oublie qu'en 1985, c'est moi qui ai lancé, qui ai créé les baccalauréats professionnels et qu'il y a chaque année, en France, 70 000 baccalauréats professionnels, c'est-à-dire des jeunes qui travaillent par alternance. Donc, j'ai l'impression que le président de la République n'est pas très au courant de ce qui se passe.
Quant à Lionel Jospin, j'ai trouvé positif le fait de dire qu'il fallait faire vivre l'esprit de la République, car c'est, là, le cœur de la question à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés. Maintenant, on pourrait discuter de ce que sont les conditions du Parti socialiste à la monnaie unique, mais je dirais qu'il y a tout de même une évolution positive de la position du Parti socialiste par rapport à la question de la monnaie unique.
Mme Sinclair : M. Mégret.
M. Mégret : Je crois que les uns et les autres se sont noyés dans des généralités, ont évoqué de grands principes, mais n'ont rien précisé de tangible pour les Français. Et je crois que c'est bien à l'image de ce qu'est ce pseudo-débat qu'on essaie de mettre en scène à travers les médias et sur la scène politique française, comme s'il y avait un choix à faire entre le RPR et l'UDF, d'un côté, et le PS et le PC de l'autre. Alors qu'en réalité, les Français, au fond, le savent bien, les uns et les autres mènent la même politique, ont mené la même politique et mèneront la même politique si les uns ou les autres ont à nouveau la majorité demain. Et c'est occulter le vrai débat, le véritable enjeu qui est de savoir si, oui ou non, on va poursuivre la marche forcée, la mondialisation à tout-va de notre pays quoiqu'il en coûte pour les Français, quelle que soit la régression sociale majeure qui en résulte pour nos compatriotes.
Si c'est cela le vrai débat, à ce moment-là, l'enjeu, il est clair, il est entre la classe politique et le Front national, car c'est le Front national qui est le seul mouvement à incarner une autre politique, une politique de défense des intérêts nationaux et de retour à la souveraineté nationale pour pouvoir résoudre les problèmes des Français.
Mme Sinclair : Vous voulez répondre à cela, M. Chevènement.
M. Chevènement : Je ne partage pas du tout ce point de vue car je pense que le Front national a prospéré sur le terreau d'un chômage de masse, d'une crise de la citoyenneté depuis 1983. Je pense que le Front national a profité d'une certaine démission de nos responsables politiques. Je disais que la politique libérale conçue, jadis, par M. Barre a été, malheureusement, mise en œuvre dans les années 80 par des gouvernements à direction socialiste, mais c'est une politique de droite. Et je pense que c'est cette politique-là qu'il faut changer et que si la gauche revient aux affaires, comme je le crois, comme je l'espère, ce n'est pas pour faire du rafistolage, parce que ce serait ouvrir, en effet, un boulevard au Front national. Donc, il faut s'attaquer aux problèmes et faire en sorte qu'ils soient résolus, au premier chef, évidemment, l'emploi, mais redonner à la France et à l'Europe des armes de la compétition mondiale, bien évidemment.
Mme Sinclair : On va venir à l'emploi, un mot.
M. Mégret : Sur l'emploi ?
Mme Sinclair : Là-dessus, peut-être, répondre à Jean-Pierre Chevènement.
M. Mégret : Je suis très heureux que M. Chevènement abonde dans mon sens. C'est, en effet, parce que les partis politiques, la classe politique, qui se sont succédé au pouvoir ont été incapables de résoudre les problèmes de notre pays que le Front national émerge et qu'il incarne la véritable alternative et qu'il incarne un espoir pour nos compatriotes.
Si je prends le problème de la mondialisation, on vient d'apprendre une décision ahurissante : l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, à l'instigation des Américains, vient de rendre illégale une décision de la Commission de Bruxelles qui interdisait l'importation des viandes élevées aux hormones de croissance, car c'est dangereux pour la santé publique, selon nous. On voit bien comment on en est arrivé à une situation totalement absurde. La France ne maîtrise plus rien, l'Europe qui est censée se substituer à la France ne maîtrise pas davantage et c'est, finalement, à Washington, à New York ou à Hong Kong, que les choses se passent.
Si on en reste dans cette logique, vous pourrez dire tout ce que vous voudrez, vous ne résoudrez aucun problème, quand on voit que le président de la République, lui-même, est incapable de modifier le taux de TVA d'un produit aussi, finalement, banal maintenant que les produits multimédias.
Mme Sinclair : Je vous propose de répondre d'un mot là-dessus et puis peut-être d'enchaîner sur la crise profonde du pays, et les réponses que chacun de vous d'eux veut y apporter.
M. Chevènement : Soyons clairs, ce qui différencie complètement M. Mégret et le Front national, d'une part, et puis, d'autre part, les positions que nous soutenons et que nous essayons de faire prévaloir à gauche, c'est une question simple : c'est la France, c'est la République.
M. Mégret : C'est notre affaire, M. Chevènement. La France et la République, c'est nous.
M. Chevènement : Mais non, vous êtes le contraire de la République parce que la République, c'est l'idée du peuple souverain, c'est l'idée de citoyens qui sont capables…
M. Mégret : Oui, c'est exactement notre conception.
M. Chevènement : … d'influer sur la politique de leur pays, et c'est une conception généreuse de la France qui réconcilie le sentiment de l'appartenance nationale et l'exigence des valeurs universelles. Or, ces valeurs, vous les piétinez. Vous donnez de la France exactement la version de Pétain…
M. Mégret : Mais non, monsieur, je ne vous permets pas de dire cela. Le Front national ne se reconnaît pas dans des mouvements antérieurs.
M. Chevènement : Mais quand vous dites que l'identité française se définit par le sang, je l'ai lu dans votre programme et cela figure dans les 50 mesures que vous avez publiées, quand vous dites que l'identité de l'Europe est chrétienne et blanche, c'est là, typiquement, une idéologie fascisante. C'est l'idéologie de Vichy. Et, moi, je pense que c'est dans la mesure…
M. Mégret : Alors écoutez, si vous vous placez sur ce terrain, M. Chevènement, vous qui êtes l'allié des communistes…
M. Chevènement : Non, je dis que c'est dans la mesure…
Mme Sinclair : Un instant, pas en même temps tous les deux. Jean-Pierre Chevènement termine et, après, vous avez la parole.
Chevènement : C'est dans la mesure où on laisse dépérir l'identité républicaine de la France, qui définit un Français de manière très simple, non pas par sa race, mais simplement comme citoyen français, participant au débat républicain, à partir de ce moment-là, on vous permet, en effet, de faire apparaître une identité totalement mythique à mes yeux, celle d'une identité de souche, d'une communauté de Français de souche, ce qui n'avait aucun sens, par opposition aux immigrés que vous désignez comme boucs émissaires. Or, ça, on le connaît parce qu'on l'a vu dans le passé…
M. Mégret : D'accord, d'accord.
M. Chevènement : … c'est-à-dire que vous désignez l'ennemi, c'est l'immigré. Et là-dessus, vous apportez évidemment une fausse réponse aux problèmes que nous connaissons parce que vos solutions ne sont pas des solutions. Je peux le démontrer très facilement.
Mme Sinclair : Vous avez une minute et 20 secondes d'avance, M. Chevènement. À vous.
M. Mégret : M. Chevènement a dit beaucoup de choses.
D'abord, je crois que, sur le terrain des valeurs républicaines, M. Chevènement n'a vraiment pas de leçons à nous donner, lui qui est l'allié des communistes, communistes qui, je le rappelle, constituent un parti qui est directement responsable de quelque chose comme 250 millions de morts dans le goulag. De ce point de vue là, vous devriez être plus modeste.
D'autre part, M. Chevènement, je vous pensais plus intelligent car, évidemment, à combattre l'image que vous faites du Front national, vous ne risquez pas d'être très efficace puisque vous brossez, vous-même, le portrait, comme vos collègues de la classe politique, d'un Front national mythique qui ne correspond à la réalité, qui est pratique parce qu'on peut lui taper dessus facilement, mais ce n'est pas cela le Front national. Et la vérité, c'est que les Français, de plus en plus nombreux, se rendent compte de ce qu'est réellement le Front national, et c'est la raison pour laquelle ils se tournent vers nous pendant que vous combattez des moulins à vent.
Le Front national est un mouvement républicain, c'est inscrit dans nos statuts. Si je reprends la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 2 définit les droits imprescriptibles et inaliénables que sont la liberté, nous sommes pour et nous sommes les principaux défenseurs de la liberté, aujourd'hui, en France, la propriété, nous sommes pour, pas vraiment les socialistes, la sûreté, nous sommes les seuls à défendre la sûreté de nos compatriotes et la sûreté de notre pays quand ils sont bafoués par le laxisme des gouvernements en place, et la résistance à l'oppression, nous sommes victimes d'une forme larvée d'oppression et nous résistons contre elle.
Lorsque je constate que, dans notre pays, M. Chevènement, dans notre pays prétendument encore républicain, on a interdit plus de syndicats, depuis deux ans, qu'on en a interdit depuis le Second Empire, lorsque je constate que plus de 15 % des Français qui se retrouvent dans un grand parti politique ont été jusqu'à présent interdits de représentation à l'Assemblée nationale, lorsque je constate qu'au nom d'une prétendue lutte anti-raciste, on bâillonne un certain nombre d'opinions politiques, c'est-à-dire qu'on rétablit un délit d'opinion dans notre pays, que tout cela est le fait de cette classe politique, eh bien, je dis que vous n'avez aucune leçon de républicanisme à nous donner.
Et je conclurai en disant que « la différence entre vous et nous, c'est que non seulement nous sommes les vrais défenseurs de la République, mais nous sommes aussi les vrais défenseurs de la France ». Parce que, pour nous, M. Chevènement, la France, ce n'est pas une construction intellectuelle et purement juridique, la France, c'est, certes, la République, mais la France n'est pas née en 1789, c'est une réalité charnelle faite, en effet, d'un peuple de chair et de sang, enracinée dans un terroir, dans un territoire, et sublimée par l'Histoire. C'est notre conception, nous en sommes fiers parce que c'est elle qui permet à notre peuple de traverser les siècles.
Mme Sinclair : C'est vous qui avez du retard. Jean-Pierre Chevènement, vous poursuivez sur ce terrain ou on passe à l'économie.
M. Chevènement : Au-delà d'une idée charnelle, c'est aussi une idée. Ce sont des valeurs universelles. Et quand vous décrétez que certains enfants venus d'ailleurs sont inassimilables, parce que vous l'avez écrit là aussi...
M. Mégret : Inassimilables en grand nombre, M. Chevènement.
M. Chevènement : Non, inassimilables...
M. Mégret : En grand nombre.
M. Chevènement : Mais la République a été capable d'assimiler des réfugiés venus, par exemple, de l'Europe centrale entre deux guerres et qui ont beaucoup apporté...
M. Mégret : Oui, tout à fait !
M. Chevènement : Pourquoi ne serait-elle pas capable d'intégrer à son projet et à sa dynamique des enfants...
M. Mégret : Vous avez changé de mot déjà, c'est un signe !
M. Chevènement : ... des enfants qui sont des fils d'ouvriers qui ont reconstruit la France ou des petits-fils de soldats, de tirailleurs, qui se sont faits tuer pour libérer notre patrie, je pense que c'est, là, une vision raciste du monde. D'ailleurs, on peut penser que, quand vous inspirez l'interview que votre femme a donnée à un journal allemand, il n'y a pas très longtemps, sur l'inégalité des races, ce n'est pas tout à fait innocent, c'est que vous partagez cette conception. Et vous devez bien partager aussi la conception de Jean-Marie Le Pen quand il parle de l'holocauste comme un détail de l'Histoire.
M. Mégret : Écoutez, M. Chevènement...
M. Chevènement : ... non ? Croyez-vous que ce soit républicain ?
M. Mégret : J'en reviens à la conception...
M. Chevènement : Moi, j'ai rétabli l'éducation civique à l'école, je vous le rappelle, en 1985...
M. Mégret : Non, mais c'est très bien !
M. Chevènement : ... et l'éducation à la citoyenneté comme ensemble indissociable de droits et de devoirs. Et j'ai une certaine idée de la France que, moi je considère comme totalement antagonique avec la vôtre. Je considère qu'il y a autant de choses en commun entre nous qu'entre la France de la résistance de De Gaulle et la France de Pétain.
M. Mégret : M. Chevènement, vous évoquez le problème de l'assimilation et puis, imperceptiblement, vous êtes passé au mot d'intégration, parce que l'assimilation, aujourd'hui, elle ne marche plus, elle n'est pas possible. Elle n'est pas possible parce que, contrairement à ce qui s'est passé au début du siècle ou à la fin du siècle dernier où il y avait, c'est vrai, une assimilation des populations européennes venues sur notre sol et où ces gens-là sont devenus français comme vous et moi, aujourd'hui ce sont des population venues d'autres continents, qui procèdent d'une autre civilisation et qui ne s'assimilent pas parce qu'ils sont en nombre beaucoup trop important, dont on dit qu'ils doivent s'intégrer et qui, en réalité, s'installent…
M. Chevènement : Et Mimoun ? et Isabelle Adjani ? Et combien d'autres ?
M. Mégret : … s'installent sur notre sol et veulent engager une colonisation à rebours, c'est-à-dire un phénomène où ils essaient de nous imposer leurs propres coutumes, leurs propres mœurs et leurs propres lois.
Le tchador qui met en cause la laïcité républicaine, M. Chevènement…
M. Chevènement : … mais vous confondez l'islam et l'intégrisme…
M. Mégret : Mais je constate aujourd'hui…
Mme Sinclair : Jean-Pierre Chevènement a une minute de retard.
M. Chevènement : Je considère que l'extrême droite exploite systématiquement les passions basses. Effectivement, il y a des problèmes dans notre pays. Il y a le problème du chômage...
M. Mégret : C'est de la langue de bois.
M. Chevènement : Mais non, le problème du chômage est écrasant.
M. Mégret : Je sais, M. Chevènement, qu'on vous reproche d'avoir repris un certain nombre de points du Front National. Vous avez beaucoup à vous faire pardonner.
M. Chevènement : Si vous supprimiez le problème du chômage, je pense qu'il n'y aurait pas de problème, aujourd'hui, au niveau de l'immigration. Je constate que, quand même, la machine à intégrer fonctionne, et elle fonctionne, heureusement, à travers l'école, à travers les mariages mixtes, que vous le vouliez ou non. Il y a la deuxième génération, il y a un quart des jeunes filles d'origine immigrée qui se marient avec des Français...
M. Mégret : Tout va bien ! Les Français vous écoutent.
M. Chevènement : Mais non. Il faut donner du temps au temps, et surtout il faut faire reculer le chômage en posant correctement le problème de l'insertion de l'Europe dans la compétition mondiale, en desserrant le carcan des critères de convergence de Maastricht, en menant des politiques industrielles ambitieuses, en faisant en sorte que, à travers une relance de la consommation, un programme d'équipements qui cible clairement sur un certain nombre de priorités, par exemple, reconstruire les banlieues, donner une priorité au logement social, développer les nouvelles technologies dans les PMI, eh bien, notre pays retrouve le dynamisme qui est parfaitement à sa portée, parce que notre croissance potentielle est très supérieure à notre croissance réelle.
Je pense que c'est toute une politique qui a enfermé notre politique dans la stagnation, notre économie dans la stagnation. C'est de là qu'il faut sortir et c'est ainsi qu'on pourra vous combattre. Premièrement, en faisant reculer le chômage ; deuxièmement, en rétablissant le lien de citoyenneté. C'est cela qui, finalement, vous ramènera à votre état naturel qui est d'être un petit groupuscule fascisant de l'ordre de 2 % de la population, étant donné que vous avez rallié un certain nombre de gens qui se sont égarés, qui ont perdu leurs repères, qui se jettent dans vos bras en désespoir de cause, mais il faut faire revivre la République pour leur redonner l'espérance.
M. Mégret : Pour l'instant, le petit groupuscule, M. Chevènement c'est le vôtre. Le Front national représente 16 % des voix dans les derniers sondages alors, remettons les choses à leur place.
Ensuite, je suis étonné de vos propos. Si j'ai bien compris, il faut résoudre le problème du chômage pour combattre le Front national. Apparemment, le Front national serait le problème numéro 1 de notre pays ? Soyons, là aussi, sérieux.
M. Chevènement : Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que vous prospériez là-dessus, en exploitant les angoisses.
M. Mégret : De toute façon, la lutte contre le chômage, c'est la rengaine de toute la classe politique, c'était soi-disant la priorité numéro 1 de tous les dirigeants…
M. Chevènement : Mais ça ne l'a jamais été, vous le savez très bien ! C'est un solde d'ajustement.
M. Mégret : … qui se sont succédé. Or, précisément, il faut bien voir les choses clairement. Il n'y a pas 36 politiques possibles, on ne peut pas à la fois ouvrir les frontières de notre pays à tout-va, réduire le chômage, maintenir le pouvoir d'achat, il faut choisir. Si on laisse ouvertes les frontières, on peut, c'est vrai, tenter de maintenir le pouvoir d'achat mais, à ce moment-là, le chômage se développe. C'est la politique qui existe actuellement, c'est la politique qui a été choisie par les uns comme par les autres, par vos amis comme par ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle le chômage se développe. Ce n'est pas une politique anti-chômage qu'ils mènent ? c'est une politique qui consiste à considérer le chômage comme une variable d'ajustement, en effet.
La deuxième politique possible, c'est d'ouvrir les frontières, de réduire le chômage, mais d'accepter la baisse du pouvoir d'achat. C'est ce que certains ultra-libéraux préconisent. Aucune de ces deux politiques n'est la nôtre. Nous voulons réduire le chômage et maintenir et si possible, bien sûr, développer le pouvoir d'achat…
M. Chevènement : En renvoyant les immigrés.
M. Mégret : … mais, pour cela, il faut rompre avec la politique mondialiste et rétablir une régulation des échanges. C'est la lutte contre le mondialisme que nous préconisons et qui doit aller de pair bien sûr, avec la lutte contre l'étatisme, c'est-à-dire avec la baisse des charges, des prélèvements obligatoires et donc des dépenses publiques.
Mme Sinclair : Je vous rappelle que vous êtes, M. Mégret, que vous êtes à 8 minutes 55, c'est-à-dire quasiment 9 minutes, que le débat se termine quand vous avez votre contingent de 11 minutes. Vous, M. Chevènement, vous êtes à 7 minutes 45, et si vous voulez, vous pouvez poursuivre le débat sur les réformes économiques à faire pour l'emploi et contre le chômage.
M. Chevènement : Oui, je pense que la fermeture des frontières est une aberration. Ce qu'il faut faire, c'est mieux insérer la France dans la compétition mondiale, lui donner ses chances et, par conséquent, maîtriser le libre-échange, par exemple, avec une politique monétaire qui rompt avec la surévaluation de la monnaie par rapport au dollar. Chacun sait qu'en accrochant le franc au mark, qui est surévalué de 30 % par rapport au dollar, nous privons nos produits d'une capacité compétitive – par exemple, nous avions, domaine que je connais bien – face à la concurrence américaine.
Il est clair aussi que, par rapport à des pays à très bas salaire, il serait possible d'instaurer une clause sociale d'importation de façon à favoriser les progrès du droit du travail dans ces pays-là. Mais on ne peut pas fermer l'économie française, c'est aberrant ! cela n'a pas de sens. Ce qu'il faut faire, c'est donner à notre pays une vigoureuse dynamique, et cette dynamique ne peut être que politique.
Il faut qu'il y ait un soutien populaire à une politique réellement nouvelle. Il faut que la gauche, premièrement, ait une idée juste de ce qu'elle doit faire et une volonté, une pédagogie, un soutien populaire. Et croyez-moi, dans la situation actuelle, si la gauche l'emporte dans cette élection législative, le président de la République ne pourra pas dissoudre, le pouvoir sera à Matignon pendant un an. Nous prendrons, je le pense, un certain nombre de mesures qui contrasteront, heureusement, avec toutes celles qui ont été prises depuis longtemps. Et, à partir de là, je pense que la confiance populaire rétablie nous permettra de lutter contre vous, parce que vous savez très bien que votre adversaire…
M. Mégret : C'est une obsession décidément.
M. Chevènement : Non, non, mais vous savez très bien ce que vous voulez faire. Vous voulez, en quelque sorte, hégémoniser les droites. Vous voulez que le Front national, un jour, se retrouve en position de recours et vous voulez imposer, en plus, des solutions ultra-libérales.
M. Mégret : C'est un objectif légitime, M. Chevènement. Quand on est un parti politique représentatif, son objectif est d'arriver au pouvoir.
M. Chevènement : D'accord ! mais en plus des solutions ultra-libérales, vous voulez imposer des solutions qui reviennent à une sorte d'apartheid, qui reviennent à renvoyer chez eux des immigrés, alors que vous savez très bien que ce n'est pas possible parce qu'ils sont français à 80 %...
M. Mégret : C'est tout à fait possible.
M. Chevènement : Et il faut une politique active.
M. Mégret : Non, ils ne le sont pas tous.
M. Chevènement : Pour les 4/5e au moins. Par conséquent, votre politique manque totalement, je dirais, de vision. C'est une politique qui m'effraie, qui est une politique malthusienne. Vraiment, je trouve que l'extrême droite dessert la France, son image dans le monde. L'extrême droite est une verrue sur le beau visage de la France.
Mme Sinclair : Vous concluez parce qu'il doit vous rester à peu près une minute, M. Mégret.
M. Mégret : M. Chevènement vous n'êtes pas très sérieux quand vous dites cela, surtout vous qui avez collaboré au Parti socialiste…
M. Chevènement : Collaboré, c'est un mot qui irait mieux avec vous.
M. Mégret : … qui est loin d'avoir fait honneur à notre pays. On voit ce que c'était que ce régime socialiste ; les écoutes téléphoniques, le sang contaminé, les affaires Urba-Gracco, la corruption généralisée, l'impuissance…
M. Chevènement : Moi, je n'oublie pas ce qui a été fait dans le domaine de la culture, de l'éducation, de la recherche.
M. Mégret : Laissez-moi parler, s'il vous plaît ! L'impuissance et la corruption, ce sont les deux caractéristiques principales de cette classe politique à laquelle vous appartenez ou vous avez appartenu, très bien ! c'est-à-dire des gens qui non seulement ne servent à rien, mais qui en plus se servent au passage. Alors, je n'ai aucune leçon à recevoir de vous sur ce terrain-là.
Je voudrais simplement dire, encore une fois, que le Front national ne réclame pas la fermeture des frontières, le Front national réclame le maintien des frontières…
M. Chevènement : C'est ce qu'on avait cru comprendre.
M. Mégret : … maintien des frontières. Une frontière, M. Chevènement, c'est fait pour laisser passer ce qui est bénéfique et c'est fait pour empêcher de passer ce qui est néfaste. Cela doit fonctionner comme une écluse, c'est destiné à maintenir les plans d'eau à des niveaux différents tout en laissant passer les bateaux.
M. Chevènement : Enfin, c'est du blablabla tout ça.
M. Mégret : Non, ce n'est pas du blablabla, c'est ce que font les Japonais et, que je sache, nous avons beaucoup d'exemples à prendre au Japon.
Pour le reste, M. Chevènement, le Front national est partisan…
Mme Sinclair : Il vous reste une minute.
M. Mégret : … d'une grande politique de renouveau social, parce que nous subissons une régression sociale majeure. Avec les socialistes, on croyait que l'ère du social arrivait, cela a été la catastrophe sociale, une régression sociale comme on n'en a jamais connu depuis la Seconde Guerre mondiale, avec le chômage, mais avec la baisse des bas salaires, avec la précarité, avec l'arrivée de nouveaux pauvres.
Nous préconisons une politique sociale en rupture avec le mondialisme et une politique sociale non socialiste, la propriété populaire. Les Français doivent pouvoir devenir propriétaires, disposer d'un petit patrimoine, même ceux qui ont des revenus modestes. Le revenu parental de libre-choix pour permettre aux familles qui le souhaitent, et aux pères ou mères de famille qui le souhaitent, de se consacrer à plein temps à l'éducation de leurs enfants, ce qui est la forme socialement utile et familialement bénéfique du partage du travail.
Nous sommes pour le relèvement des bas salaires et pour l'élèvement du Smic. Ce qui est possible dans notre programme, ce qui ne l'est pas dans le vôtre parce qu'on ne peut le faire qu'à l'abri des frontières.
Mme Sinclair : Je vous arrête, M. Mégret.
M. Chevènement il vous reste une minute et dix secondes.
M. Chevènement : Je crois que le bon système, c'est effectivement le taux de change qui exprime une solidarité nationale de tous les acteurs de la production et de tous les consommateurs. Je pense qu'on peut jouer là-dessus. On peut jouer aussi sur la ressource humaine, l'intelligence, la cohésion sociale, penser à faire une Europe indépendante, une Europe de nations solidaires dans un monde multipolaire.
Tout cela est un projet qui tient la route alors que le projet du Front national ne tient pas la route. Il est démagogique, il est d'ailleurs contradictoire. Vous prétendez défendre un programme social, vous proposez l'abolition de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire un impôt progressif.
M. Mégret : Il y a beaucoup de gens qui seraient contents si on le fait.
M. Chevènement : Bien entendu ! mais ce sont les riches qui seront contents.
M. Mégret : Pas seulement !
M. Chevènement : Un parti qui est dirigé par un milliardaire peut, quand même, difficilement apparaître comme un parti vraiment social.
M. Mégret : Vous n'avez pas épousé une fille de banquier, M. Chevènement ?
M. Chevènement : Je regrette infiniment, cela fait partie des légendes colportées par l'extrême droite.
M. Mégret : Je me mets sur votre terrain, M. Chevènement, c'est tout !
Mme Sinclair : Je vous en prie M. Mégret. M. Chevènement, vous concluez.
M. Chevènement : Elle ne m'a apporté que ses qualités humaines.
M. Mégret : Mais moi je ne m'en préoccupe pas.
Mme Sinclair : On va arrêter ce débat. Je vous remercie tous les deux.
Une page de publicité et, dans un instant, Dominique Voynet et Philippe de Villiers.
Mme Sinclair : Retour à 7 sur 7, deuxième débat de la soirée.
Dominique Voynet, porte-parole des Verts, et Philippe de Villiers du Mouvement pour la France et candidat de la droite indépendante puisque vous êtes allié au Centre national des indépendants et des paysans.
Avant de commencer le débat, je voudrais apporter une précision que m'a demandé de faire Jean-Pierre Chevènement, contrairement à ce que M. Mégret a dit tout à l'heure, le père de la femme de M. Chevènement était agent d'assurances.
Bien. Précision faite, pour vous aussi deux questions politiques : « Comment jugez-vous, d'abord l'intervention, dans la campagne, de Jacques Chirac et la réponse de Lionel Jospin ? ». Qui veut commencer ? Dominique Voynet ?
Mme Voynet : J'ai l'impression que l'intervention de Jacques Chirac, dans la campagne, est une sorte de non-intervention ou, en tout cas, d'une intervention avec un contre-emploi.
Le président de la République a passé beaucoup de temps à justifier la dissolution, beaucoup de temps à démolir le bilan de ceux qui ont été au gouvernement avant lui, comme s'il était le challenger dans cette affaire. Et puis je crois que l'essentiel, finalement, c'est qu'il n'a pas montré quel était son projet pour l'avenir.
Alors, le connaissant, on peut imaginer qu'il ne le sait pas tout à fait, ce qui est grave ! S'il le sait, cela peut être encore plus grave pour les Français puisque l'on peut s'attendre à un certain durcissement des politiques publiques : moins d'État, moins d'impôts, a dit Alain Madelin, sans être réellement démenti. Cela me semble assez grave.
Cela dit, entre Alain Madelin et Philippe Séguin, toutes les tonalités vont s'exprimer encore au cours des deux semaines à venir. « Libéralisme, toute » ou « plus d'État, plus de protection », nul ne le sait, et le président de la République n'a pas éclairé ces enjeux.
Mme Sinclair : Philippe de Villiers, comment avez-vous pris ces deux interventions ?
M. de Villiers : Il y a le choix entre la résignation et la régression, et je dois dire que la réponse de Lionel Jospin m'a laissé sur ma faim.
En fait, il y a trois questions qui se posent aujourd'hui, en tout cas, moi, je les pose, et beaucoup de Français : « Est-ce qu'on va, oui ou non, rétablir l'honnêteté publique ? ».
La deuxième question : « Est-ce qu'on va, oui ou non, baisser les impôts et comment, pour libérer les entreprises ? ».
La troisième question : « Est-ce qu'on va, oui ou non, sortir de Maastricht, c'est-à-dire d'une Europe qui, aujourd'hui, nous précipite dans le chômage et qui, demain, peut se faire contre l'idée européenne du départ, qui était une Europe des nations, pour reprendre une expression chère au général de Gaulle ? ».
Voilà les trois questions qui sont posées.
Je trouve que, dans le dialogue de ce que les politologues appellent les blocs centraux, il y a une querelle stérile, il y a, d'un côté, l'immobilisme et, de l'autre côté, l'archaïsme, l'archaïsme des alliances et l'archaïsme des propositions puisque l'on voit bien que ce que propose la gauche ne peut pas nous sortir de la situation dans laquelle nous sommes. Ce ne sont pas les 35 heures payées 39 heures. Ce n'est pas l'embauche forcée de 700 000 jeunes. Mais il faut dire aussi qu'il y a la nécessité de proposer un autre choix, et c'est pour cela que la droite indépendante est là, pour proposer un autre choix sur la question nationale, sur la question libérale et sur la question de la moralisation de la vie publique.
Mme Sinclair : Avant peut-être d'entrer directement dans le débat économique et savoir quelles propositions vous faites, l'un et l'autre, pour l'emploi, qui est le sujet majeur de préoccupation des gens, est-ce que vous pourriez chacun réaffirmer peut-être les valeurs sur lesquelles vous vous battez, le camp auquel vous appartenez, pour que ce soit quand même bien clair pour les uns et pour les autres, et puis comment vous jugez les valeurs de votre adversaire.
Alors, Dominique Voynet, vous avez une minute de retard.
Mme Voynet : Je crois qu'il faut aller plus loin que les discours et les affirmations de campagne. Libre à chacun de mettre en avant telle ou telle valeur, après il faut que les politiques publiques suivent et que les actes suivent les discours, ce qui n'est pas toujours le cas de part et d'autre.
En ce qui me concerne, en ce qui concerne les Verts ? Je crois que notre souci prioritaire, aujourd'hui, est d'allier la plus grande responsabilité, la plus grande autonomie possible pour les individus, avec le choix de la solidarité et de la non-violence pour faire évoluer les sociétés.
Responsabilité à l'égard de soi-même, d'abord, ce qui suppose, effectivement, l'intégrité en politique et l'intégrité dans ses relations avec les autres.
Responsabilité dans ses relations avec les autres, ce qui induit évidemment la solidarité et le fait que l'on regarde le premier problème des Français, non pas de façon désinvolte comme le faisait Bruno Mégret tout à l'heure, mais comme un vrai problème à prendre sérieusement, avec les moyens concrets, chiffrés, argumentés.
Et responsabilité à l'égard de ceux qui viendront après nous. Je crois que c'est quelque chose que l'on oublie trop souvent, surtout dans une campagne très courte. Il y a, à travers le monde, des centaines de millions de personnes qui ne jouissent pas du fruit de leur travail, qui vivent dans des climats dévastés par les erreurs que nous avons commises pendant très longtemps.
Nous avons nous-mêmes des comportements tout à fait irresponsables en ce moment, qui risquent de faire connaître à nos enfants et petits-enfants des problèmes quotidiens majeurs, par exemple en ce qui concerne leurs ressources en eau. Je crois que ce sont des choses qui ne sont pas à prendre avec des pincettes et surtout pas à calculer selon des critères économiques de court terme, comme peuvent l'être par exemple les critères qui fondent le PNB.
Mme Sinclair : Alors, vous, Philippe de Villiers, est-ce que je me trompe quand je dis que le libéralisme, c'est la pierre angulaire sur laquelle repose votre credo, votre pensée ?
M. de Villiers : Je crois que pour répondre à l'inquiétude des Français sur la question du chômage, qui est vraiment la priorité qui devrait être au cœur de cette campagne, il faut faire trois choses :
- la première, mettre en place une protection douanière européenne, je dis bien européenne parce que nous avons le plus grand marché du monde. Moi je suis un libéral, pour répondre à votre question, à l'intérieur et protecteur à l'extérieur, protecteur au sens où il ne faut pas se laisser gruger, disqualifier par les Américains, par exemple, ou les Canadiens, parce que, pendant que nous, nous abaissons nos droits sur la chaussure à 3 %, ils les montent à peu près à 25 %.
Donc, une protection européenne pour retrouver l'idée d'une communauté de protecteurs et de consommateurs, c'est-à-dire que l'on commence par consommer chez nous ce qui est produit chez nous, parce que sinon, naturellement, c'est tout le problème des délocalisations. Et on le voit partout, dans tous nos départements ;
- deuxièmement, il faut baisser les impôts, et donc baisser la dépense publique et donc prendre des mesures nouvelles pour aller beaucoup plus loin, pour chasser les gaspillages et, sans doute, réduire le nombre des postes administratifs en France.
- troisièmement, il faut mettre la monnaie au service de l'emploi et non l'inverse. Or, en transférant notre souveraineté monétaire en mars 1998, je crains que l'on ne se défasse de toutes nos manettes nous permettant de faire une politique économique et monétaire de lutte contre le chômage. Si vous n'avez plus la manette budgétaire, si vous n'avez plus la manette fiscale, si vous n'avez plus la manette monétaire, si vous n'avez plus la manette sociale, eh bien vous êtes condamné à devenir une province. Nous sommes condamnés, nous serions condamnés à devenir une province de Rmistes où tout, sécurité, normes sociales, normes fiscales, se déciderait ailleurs et nous n'aurions plus que nos yeux pour pleurer et des banderoles pour manifester.
Donc, si l'on fait ces trois choses-là : la baisse des impôts, la monnaie au service de l'emploi, renversement de perspectives et non l'inverse, et la protection douanière européenne, le pays repart et reverdit, si vous me passez cette expression.
Mme Sinclair : Vous avez une minute trente de retard, est-ce que vous pouvez peut-être répondre à Philippe de Villiers, puis commencer à énoncer, vous aussi, les mesures que vous jugez indispensables à prendre pour l'emploi ?
Mme Voynet : Je suis évidemment en assez complet désaccord avec ce que vient de dire Philippe de Villiers, d'une part parce que je crois que ce n'est pas l'Europe qui déracine les familles et qui supprime les emplois comme vous l'affirmiez dans votre journal de campagne au moment des élections européennes mais que c'est le libéralisme.
M. de Villiers : Droite de Bruxelles, l'Europe de Bruxelles.
Mme Voynet : Ce que les ouvrières de l'entreprise Julien, par exemple, viennent de connaître ces derniers jours, est quelque chose qui préfigure ce qui pourrait être la règle si l'on décide, comme le veulent les libéraux, de mettre, finalement, chacun d'entre nous en compétition avec tous les autres, sans protection, sans salaire minimum, sans durée maximale du travail.
Ce qui se passe au niveau de l'Angleterre en ce moment est assez…
M. de Villiers : Vous n'êtes pas pour la clause sociale ?
Mme Voynet : … net à cet égard. Des semaines de travail qui vont jusqu'à 48 heures par semaine, des enfants de 14 ans qui travaillent, ce n'est pas acceptable.
M. de Villiers : Non, bien sûr.
Mme Voynet : Ce que leur patron a proposé…
M. de Villiers : Mais la clause sociale, par contre, la clause sociale, il me semble que les Verts l'avaient demandée à…
Mme Voynet : C'est la première fois, Philippe de Villiers, que je vous entends plaider pour l'Europe sociale, pour l'Europe peut-être de l'environnement…
M. de Villiers : Mais l'Europe sociale, c'est l'Europe de l'emploi, Dominique Voynet.
Non, mais simplement la question que je voudrais vous poser, c'est la suivante.
Mme Voynet : Est-ce que je peux terminer mon intervention ?
M. de Villiers : Allez-y ! Pardon. On y reviendra sur la clause sociale parce que c'est important.
Mme Voynet : Je voudrais rappeler que le patron de l'entreprise Julien a eu le culot de proposer à ses salariés des emplois en Tunisie, au Portugal pour des salaires de 1 000 ou 2 000 F par mois.
M. de Villiers : C'est ce que je dénonce. C'est exactement ce que je dénonce.
Mme Sinclair : Laissez terminer Dominique Voynet.
M. de Villiers : C'est ce que je dénonce, on est d'accord là-dessus.
Mme Voynet : Donc ce n'est pas l'Europe de Maastricht qu'il faut agonir d'insultes, c'est l'absence d'une Europe avançant aussi vite que l'Europe des marchandises et des capitaux. Nous souhaitons bien évidemment une Europe sociale, avec une durée maximale du travail qui ne dépasse pas ce que nous connaissons ici, avec un âge minimum de travail pour les enfants, qui soit aligné sur ce qui s'est mis en Europe, avec une harmonisation des législations sociales vers le haut. Nous souhaitons également une harmonisation fiscale au niveau européen. C'est tout à l'inverse de ce que souhaitent les libéraux. Les libéraux, c'est : moins d'État, moins d'impôts, moins de réglementation protectrice, moins de service public livré au marché, avec, souvent, le développement de services à deux vitesses.
Moi, je suis désolée, mais je crois que la priorité des priorités, si l'on veut lutter contre le chômage et l'exclusion, c'est aussi de lutter contre les conséquences de ce chômage sur la vie quotidienne des gens, cela veut dire mettre les moyens nécessaires pour réparer les déchirures sociales : plus d'instituteurs dans les classes, plus d'éducateurs de prévention spécialisée, plus d'infirmiers et d'assistants sociaux – je crois que c'est absolument indispensable – mais plus aussi, peut-être, de policiers faisant face à des missions de prévention et de proximité, parce que l'insécurité, la vraie insécurité que connaissent les Français, c'est le chômage, ce que n'a pas compris M. Mégret tout à l'heure.
M. de Villiers : Je voudrais juste revenir sur ce que disait Dominique Voynet. L'exemple que vous avez pris tout à l'heure est absolument scandaleux, vous avez raison.
Qu'est-ce qui se passe en ce moment, avec un salarié dans votre région, une entreprise, si elle délocalise au Pakistan, elle peut en avoir 80 et 120 si c'est en Chine, et il y a 200 millions d'enfants esclaves, notamment en Inde, et qui fabriquent les produits que l'on trouve dans nos grandes surfaces. Donc, il ne faut pas s'étonner si, ensuite, on a la désertification de nos artisans, par ailleurs accablés d'impôts, et de nos commerçants qui ferment leur boutique. Voilà pour la première remarque.
La deuxième, sur ce que l'on pourrait appeler un libéralisme à la française, moi, je crois qu'il faut retrouver et faire rayonner les grandes libertés modernes qui sont la liberté d'entreprendre. Aujourd'hui, les gens qui travaillent ou qui voudraient travailler sont pris à la gorge par une espèce de bureaucratie, une technocratie qu'il faut faire reculer.
Troisièmement, il faut la liberté de choix aussi, par exemple la liberté de choix de prescription pour les médecins. Moi, je récuse tout à fait l'idée des sanctions collectives. La liberté de choix de l'école, je pense que l'on peut ouvrir des nouvelles formations, des nouvelles filières, si l'on sort d'une situation un peu bureaucratique et centralisée. Et puis aussi la liberté d'aller et venir qui n'est même plus garantie dans notre pays, et à cet égard je dirais que je suis tout à fait…
Mme Voynet : … surtout pour les étrangers, d'ailleurs.
M. de Villiers : À cet égard, je dirais que j'étais un petit peu scandalisé de voir que, dans votre programme, vous proposiez la légalisation de la drogue. Pour moi, la drogue, c'est un véritable fléau et je dirais que la première chose à faire, c'est de rétablir les contrôles internes aux frontières européennes parce que nous n'avons pas la même législation que les Pays-Bas. Et quand vous parliez tout à l'heure d'unification des différentes législations, moi, je tiens à ce que la France garde, pour ce qui concerne la lutte contre la drogue, sa propre législation et je ne veux pas que nos pouvoirs glissent à Bruxelles ou, demain, à Francfort pour notre politique économique, pour pouvoir mener notre politique contre le chômage, pour pouvoir mener une vraie politique pour la sécurité des Français.
Mme Sinclair : Dominique Voynet, peut-être une réponse sur la drogue, et puis venir aux mesures économiques aussi : les impôts, la baisse des charges, et puis ce que vous proposez, vous, la réduction du temps de travail.
M. de Villiers : On a le record d'Europe des charges.
Mme Sinclair : Dominique Voynet.
Mme Voynet : Très vite sur les charges, je pense qu'il n'y a rien de commun entre la situation des grandes entreprises pour lesquelles le premier moyen de faire des profits confortables, c'est de dégraisser leurs effectifs et de supprimer des bras.
M. de Villiers : Et de délocaliser.
Mme Voynet : En revanche, il est absolument indispensable de faire baisser les charges qui pèsent sur le travail humain, non pas pour les supprimer simplement, mais pour les répartir de façon plus juste sur l'ensemble des richesses.
Aujourd'hui, les biens produits par les machines ne paient pas de Sécu. Les revenus du capital, les revenus de l'immobilier ne paient pas de Sécu. Donc, une CSG élargie, perçue sur l'ensemble des revenus, me paraîtrait beaucoup plus juste que cette assurance-maladie pesant sur les salaires et sur le travail des hommes.
Deuxième chose, la drogue. Vous le savez, je suis médecin. J'ai vu beaucoup de détresse, beaucoup de jeunes dont la vie avait été détruite non pas par la drogue, mais par le chômage et par la dilacération de leurs liens sociaux qui les avait entraînés à regarder la toxicomanie comme une échappatoire possible.
Ce que l'on sait, c'est que les budgets consacrés à la lutte contre la drogue n'arrêtent pas de monter et que l'on y consacre des moyens qui sont toujours centrés davantage vers les petits consommateurs et vers les petits dealers plutôt que vers les grands trafiquants.
Alors, ce que je souhaite, aujourd'hui, c'est que l'on arrête de considérer les toxicomanes comme des délinquants et qu'on les voit plutôt comme des malades à prendre en charge, à soigner, à entourer…
M. de Villiers : Par contre, la guerre aux trafiquants.
Mme Voynet : Pendant que l'on mènerait, effectivement, une guerre sans relâche aux grands trafiquants qui sont souvent liés, d'ailleurs, avec la mafia et les réseaux du crime organisé.
M. de Villiers : Et vous accepter le fait que le trafic de drogue arrive des Pays-Bas sans aucun contrôle ?
Mme Voynet : Le trafic de drogue est un débat compliqué. Il n'y a pas que les Pays-Bas. Les plus grosses quantités de drogue arrivent dans des cales de navires, dans les soutes des avions, dans les poches des passeurs…
M. de Villiers : Parce qu'il n'y a plus de contrôle.
Mme Voynet : Non, il y a beaucoup de contrôles.
M. de Villiers : Il n'y a plus de contrôle fixe.
Mme Voynet : Simplement, aujourd'hui, les moyens que l'on met en œuvre, ils sont dirigés exclusivement, pour faire du chiffre, vers les petits consommateurs et vers les petits dealers qu'on pique place Stalingrad ou dans les bois qui entourent Paris. Je crois que c'est se tromper d'ennemis, vraiment ! La jeunesse a autre chose à attendre de nous qu'une simple politique de répression.
En ce qui concerne la lutte contre le chômage, je crois que l'on est tous conscients du fait qu'il y a un certain nombre de recettes, traditionnellement de droite, la baisse des charges, traditionnellement de gauche, la relance, qui ont pour partie échoué.
Je crois que le mouvement de diminution du temps de travail, que nous avons noté et constaté depuis le début de la révolution industrielle et qui s'est traduit par un passage, à coup de luttes sociales, de la semaine de 70…
M. de Villiers : Cela a été essayé.
Mme Voynet : … ou 80 heures, 12 heures de travail par jour, 6 jours sur 7, sans congé annuel, au début du siècle, dans les filatures, à la situation actuelle, n'a pas de motif d'être interrompu.
Je crois que si l'on ne passe pas rapidement à la semaine de 4 jours pour permettre à la fois de travailler moins mais aussi de créer beaucoup d'emplois et de retrouver du temps pour vivre, on va arriver à une espèce de crise de civilisation absolument inédite.
Retrouver du temps, c'est vraiment un enjeu majeur : du temps pour faire de la politique proprement, en prenant les gens au sérieux, du temps pour s'occuper de ses enfants, quand on est un homme ou quand on est une femme, je sais que cela vous tient à cœur ; du temps aussi pour se cultiver, pour faire du sport. Je crois que c'est absolument fondamental à l'aube du XXIe siècle.
Mme Sinclair : Philippe de Villiers, sur la réduction du temps de travail, vous y croyez ou pas ?
M. de Villiers : Pas du tout, c'est-à-dire que je pense que la réduction du temps de travail peut se faire au rythme de chaque entreprise, comme cela s'est fait, d'ailleurs, depuis des décennies…
Mme Voynet : Non, non, cela ne s'est pas fait comme cela !
M. de Villiers : Attendez, mais telle qu'elle est prévue dans le programme du Parti socialiste, c'est à hurler, c'est-à-dire que cela va nous conduire à la faillite : 35 heures payées 39 heures, cela a été essayé en 1981. D'ailleurs, tout ce que les socialistes proposent, cela a été essayé en 1981. On a vu déjà les résultats. On sait très bien qu'aujourd'hui on a les prélèvements les plus élevés d'Europe et que, moi, ce que je reproche à tous ceux qui se sont succédé, c'est de ne pas avoir posé les vraies questions.
Et les vraies questions, il y en a deux :
1. Est-ce que la France va redevenir libre dans une Europe des nations pour pouvoir mener une politique de lutte contre le chômage et garantir nos propres libertés ?
2. Est-ce que l'on va retrouver l'idée moderne de la liberté pour faire bouger la France, pour faire entrer dans la modernité ? Cela veut dire, c'est vrai, une vraie politique de la famille, c'est-à-dire un vrai choix pour la femme qui veut concilier sa vie éducative et sa vie professionnelle, cela veut dire aussi une vraie politique de liberté d'école, parce que bientôt la France demeurera le seul pays au monde où l'école est cogérée par les syndicats et par le Parti socialiste, cela veut dire aussi et d'abord la liberté de ceux qui créent les emplois.
Vous avez dit tout à l'heure une chose juste, ce ne sont pas les multinationales qui créent les emplois, elles, elles s'en foutent les multinationales, elles délocalisent à tour de bras. C'est tellement plus facile d'aller exploiter une main-d'œuvre avec des très bas salaires, et sans syndicats et sans vacances.
Par contre, tous ceux qui créent des emplois, les petits artisans, les commerçants, les professions libérales, tous ceux qui, aujourd'hui, sont étranglés par la bureaucratie et la technocratie, tous ceux qui ont cru aux promesses de 1995 et qui se sentent trahis, ceux-là veulent un autre choix. Et moi, c'est cet autre choix que je veux proposer à la fois à ceux qui disent : non, l'euro, cela nous conduit nulle part, cela nous conduit à l'immobilisme et à la mutilation de notre souveraineté et à ceux qui sont mécontents et qui veulent faire du premier tour du 25 mai un tour d'avertissement et de sanction consistant à dire : cette dissolution a été un dépôt de bilan, vous n'avez pas tenu vos promesses : vous aviez dit que vous baisseriez les impôts, vous ne les avez pas baissés, vous aviez dit que vous lutteriez contre la corruption, que vous feriez une politique de la famille, un référendum sur l'école, un référendum sur l'Europe, vous ne l'avez pas fait, eh bien l'on choisit d'autres candidats.
Mme Sinclair : Philippe de Villiers, il va vous rester une minute trente, alors je vous avertis des compteurs qui tournent.
M. de Villiers : Merci de me couper pour pouvoir préparer une conclusion.
Mme Sinclair : Dominique Voynet, je vous propose peut-être de répondre sur la faisabilité de la réduction du temps de travail puisque c'est ce que mettait en cause Philippe de Villiers ?
Mme Voynet : Aujourd'hui, il y a des millions de personnes qui perdent leur vie à la gagner et qui sont d'ailleurs, en général, contraintes à accepter de nombreuses heures supplémentaires, soit qu'elles les aient choisies ou acceptées, soit qu'on leur impose, parfois sans les déclarer et sans les payer, et puis des millions de personnes qui vivent dans des conditions de précarité importantes parce qu'elles n'ont pas de travail du tout.
Donc le partage du travail se fait de la façon la plus cynique et la plus sournoise possible. C'est tout pour les uns, rien pour les autres.
Le coût du chômage est tel qu'on peut l'imaginer, en activant des sommes considérables qui sont consacrées à l'indemnisation passive du chômage, créer de nombreux emplois.
Et je vous suggère tout de suite deux pistes, en plus de la diminution du temps de travail :
- la mise à la retraite des personnes qui ont d'ores et déjà accumulé leurs 40 années de cotisations, elles sont 200 000 ; et quand elles n'ont pas 60 ans, elles doivent continuer à travailler, ce qui prive 200 000 jeunes de la possibilité de rentrer dans la vie active ;
- et puis la deuxième piste, c'est l'interdiction de la notion même d'emplois réservés, qui conduit souvent au cumul de retraite et d'emploi, c'est quelque chose qui est une sorte de maladie bien française, qui est très choquante pour les personnes qui n'ont rien, qui sont invitées à attendre 25 ans quand elles n'ont pas l'âge légal pour toucher le RMI ou qui sont invitées à faire un petit stage de plus qui ne les mènera jamais ou presque jamais à l'emploi.
Mme Sinclair : Philippe de Villiers ?
M. de Villiers : Juste un moment à Dominique Voynet, on n'est pas d'accord du tout sur le partage du travail, parce que d'abord c'est démoralisant, cela veut dire qu'il n'y a plus d'emplois et qu'on est condamnés à se les partager. J'ai une vision beaucoup plus offensive, conquérante des emplois. On va en créer demain. On en crée tous les jours. On devrait pouvoir en créer si l'on avait un peu de protection pour lutter contre la concurrence inégale des pays à bas salaires, une vraie baisse des charges et des impôts dans un pays vraiment libéral, qui donne sa chance à ceux qui créent, et puis, naturellement, arrêter le « veau d'or » de la monnaie.
Et, moi, je voudrais dire en conclusion que la modernité, c'est la liberté pour la France.
La France, c'est un mot moderne, c'est un mot d'avenir. La France est un grand pays et je ne veux pas qu'on se glisse dans le statut d'une province, d'un land, où l'on s'appauvrirait chaque jour et où l'on pleurerait nos libertés disparues, et puis la liberté des Français et puis les valeurs.
Tout à l'heure vous nous demandiez quelles sont nos valeurs :
- première valeur : la responsabilité plutôt que l'assistanat ;
- deuxième valeur : le civisme, on a des droits parce qu'on a des devoirs ;
- troisième valeur : la famille, parce que, quand il n'y a plus la famille, il y a l'exclusion et la misère, les paysages désolés de la détresse humaine ;
- et quatrième valeur : la nation. La nation parce que c'est une manière d'aimer le monde et de préparer la citoyenneté. On n'est pas directement citoyens du monde. Il faut, pour faire l'Europe, l'Europe des nations, d'abord retrouver l'idée de nation française dans sa souveraineté et dans son identité. Je ne crois pas prudent de faire de la France une société multiculturelle.
Enfin, je voudrais dire ceci : il serait paradoxal d'élire des députés, représentants du peuple souverain, dans quelques jours, pour voir ensuite le peuple souverain assisté…
Mme Voynet : Il est en train de manger mon temps de parole, M. de Villiers…
Mme Sinclair : Non, non, ne vous en faites pas.
M. de Villiers : … impuissant au transfert de la souveraineté, dans un an.
Mme Sinclair : Philippe de Villiers, je vous arête.
Dominique Voynet, votre conclusion ?
Mme Voynet : Je voudrais qu'on ne laisse pas croire aux Français, d'une part, que tous les emplois sont menacés par la délocalisation, d'autre part, que l'on ne peut rien faire dans l'attente du jour où l'on aura abattu ce monstre théorique, que vous décrivez si bien.
Deux exemples :
- le premier, c'est qu'il y a aujourd'hui, dans l'Éducation nationale, un nombre d'heures supplémentaires terrifiant, plus de 800 000 par an, qui laisse à penser que l'on pourrait créer des dizaines de milliers de postes dans l'Éducation nationale, si on acceptait que l'État, ce n'est pas seulement un monstre qui nous vole notre argent, mais que c'est aussi des moyens pour financer des politiques publiques et pour faire en sorte que les enfants, auxquels vous êtes si attachés, quand ils sont dans le ventre de leur mère, soient aussi, une fois mis au monde, des enfants qui apprennent dans des classes où il n'y a pas 30 élèves ;
- le deuxième exemple, ce sont tous ces emplois qui vont être créer dans les secteurs en devenir, dans les secteurs des économies d'énergie, de l'isolation des logements mais aussi de l'aide aux personnes âgées. Il y aura quasiment 1 million de personnes de plus de 80 ans en l'an 2000 dans ce pays, beaucoup de femmes d'ailleurs, et ce seront, pour l'immense majorité d'entre eux, des gens qui n'accepteront pas d'être parqués dans une maison de retraite ou dans un mouroir, mais des gens qui exigeront de rester à la maison, ils auront bien raison.
Pour tous ces gens-là, je crois qu'il y a aussi à inventer des formules d'accès à des services qui ne seront peut-être pas des services publics, au sens où on l'entendait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais qui seront en tout cas des services qu'il faudra aider et encourager, d'une façon financière, grâce à la solidarité nationale. Là encore il y a beaucoup de gisements d'emplois. Ce ne sont pas des petits boulots, ce sont de vrais métiers en devenir.
On a besoin d'inventivité mais aussi d'accepter l'idée que notre impôt, c'est aussi un outil formidable et essentiel de redistribution de richesses, de cohésion sociale. Simplement il faudrait qu'il soit plus juste et qu'au lieu de baisser la tranche supérieure d'impôt sur le revenu…
M. de Villiers : Moins d'impôt ; moins d'impôt…
Mme Voynet : d'augmenter la CSG, le RDS, etc.
M. de Villiers : Moins d'impôt ; moins d'impôt…
Mme Voynet : … que l'on mette en place un impôt qui soit plus juste et qui fasse payer davantage…
M. de Villiers : Les gens qui nous regardent en ce moment, disent : « moins d'impôt ».
Mme Sinclair : Non, non, c'est fini.
Mme Voynet : … les hauts revenus, les revenus du capital et de la spéculation.
M. de Villiers : Mieux utiliser l'impôt.
Mme Voynet : C'est l'un des enjeux de l'élection.
Mme Sinclair : Merci à tous les deux.
Merci Dominique Voynet. Merci Philippe de Villiers.
Encore deux 7 sur 7 pour clore cette campagne électorale : dimanche et lundi de Pentecôte :
- le dimanche 18, je recevrai Robert Hue ;
- et lundi 19, je recevrai François Léotard.
Dans un instant, le journal de 20 heures, Jean-Claude Narcy à Paris et Claire Chazal, en direct de Cannes. Claire Chazal recevra Gérard Depardieu.
Merci à tous
Bonsoir.