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Le Parisien : Vous appelez à nouveau à manifester dans la rue demain « pour l’emploi ». Concrètement, ça sert à quoi ? Avec vous, c’est « toujours plus » ?
Robert Hue : Je ne joue pas les Monsieur Toujours Plus. Dès qu’il y a un chômeur de moins en France, je m’en réjouis. Mais qu’on ne compte pas sur moi pour me taire devant les injustices ! La gauche plurielle est, aux affaires, mais le mouvement populaire ne lui a pas, pour autant, confié une sorte de délégation de pouvoirs pour trancher de tout dans les salons feutrés des cercles d’initiés. Des millions de gens sont au chômage ou victimes de la précarité : le gouvernement doit les entendre. Il doit entendre tout ce qui bouge dans le mouvement social. Il faut cesser de considérer que les mouvements sociaux sont un handicap pour le gouvernement. Il faut transformer les emplois jeunes en emplois stables
Le Parisien : Vous demandez quoi ?
Robert Hue : Nous voulons, d’abord, une loi qui stoppe plans sociaux et licenciements. Je suis scandalisé que, trois semaines avant Noël, on annonce brutalement, mardi dernier, la fermeture de la Lainière de Roubaix, où 6 000 emplois avaient déjà été supprimés en dix ans. Il faut un moratoire destiné à examiner, avec tous les partenaires concernés, les moyens de sauver les emplois, voire d’en créer de nouveaux. Je souhaite ensuite que, à partir du 1er janvier 2000, soit amorcé le processus de transformation des emplois jeunes en emplois stables.
Le Parisien : Lionel Jospin et Martine Aubry viennent de donner un coup de pouce aux minima sociaux…
Robert Hue : Je ne boude pas ce coup de pouce, mais je ne peux pas m’en satisfaire. Alors que l’on voit exploser les richesses et les profits, beaucoup ne comprennent pas que cette augmentation soit limitée à 2 %. Car cela signifie quoi ? Un tiers de baguette de pain de plus par jour ! Il y a, au bas mot, 30 milliards de recettes fiscales supplémentaires dans le budget de l’État : il faudrait, au minimum, débloquer tout de suite 5 milliards.
Il y a une terrible sous-estimation de la souffrance que vivent une partie de nos concitoyens. Si on ne la prend pas en compte, tout peut arriver. Si on avait voté contre la loi Aubry, Jospin aurait été obligé de présenter sa démission
Le Parisien : Le 2 novembre dernier, le groupe communiste avait décidé de voter contre la loi sur le financement de la sécurité sociale de Martine Aubry. Mais vous avez joué les pompiers de service et, grâce à vous, le groupe communiste s’est contenté in extremis de s’abstenir. Est-il exact que, ce jour-là, la majorité a failli exploser ?
Robert Hue : Tout d’abord, sachez-le, je n’ai nulle vocation à jouer les pompiers de service, ni d’ailleurs à attiser inutilement les braises. Permettez-moi de dire qu’à aucun moment je n’ai freiné nos revendications sur cette question. Nous, élus communistes, restons extrêmement mécontents de la procédure suivie et de l’absence totale de prise en compte de nos amendements. Ce qui est vrai c’est qu’un vote négatif aurait conduit à une crise gouvernementale. Lionel Jospin n’aurait plus eu de majorité sur un texte fondamental, et il aurait dû remettre sa démission au président de la République. C’est d’ailleurs ce qu’il m’a dit. Nous étions en colère, mais souhaitions-nous à cette occasion une pareille crise ? Certainement pas. Je le dis clairement : si, un jour, nous devions envisager de mettre un terme à notre participation au gouvernement, nous commencerions par consulter les militants communistes. Ce n’est pas le rôle du groupe parlementaire de prendre une telle décision.
Le Parisien : Vous avez donc cédé…
Robert Hue : Non. Mais l’affaire doit servir de leçon. Ce qui se passe, ces jours-ci, dans les hôpitaux parisiens montre que nous avions totalement raison en réclamant des moyens supplémentaires pour la santé. Dans une démarche de gauche, c’est le critère social et humain qui doit prévaloir, et non le critère strictement comptable qu’à fait jouer Martine Aubry. Dans ce cas de figure, on est dans la logique de société de marché que Lionel Jospin dit pourtant rejeter.
Le Parisien : Êtes-vous favorable au vote des résidents étrangers aux élections locales ?
Robert Hue : Oui. Ce serait un facteur important d’intégration. Je trouve anormal que ces citoyens qui contribuent au développement de la nation soient exclus au moment des municipales. Ne s’agit-il pas d’une promesse de François Mitterrand qui a maintenant près de vingt ans ? Il serait temps qu’elle soit tenue.