Ensemble des rapports présentés lors de la réunion du Comité national du PCF, sur la préparation du 30 ème congrès, l'ordre du jour, les perspectives et les engagements des communistes face à la crise de la politique, Paris les 22 et 23 novembre 1999, publiés dans "L'Humanité" du 25 novembre.

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Circonstance : Réunion du Comité national du PCF les 22 et 23 novembre 1999

Média : L'Humanité

Texte intégral

Le comité national du PCF, réuni lundi et mardi, a entendu un rapport de Paul Espagnol. Sous la présidence successivement de Patrick Le Hyaric, Pierre Blotin, Sylvie Jan, Francette Lazard et Nicole Borvo, le comité national, qui a arrêté une méthode de préparation du 30e congrès (adopté moins les voix contre de Rolande Perlican et Jean-Claude Danglot), a débattu, amendé et adopté les sept textes soumis aux militants.

Sont intervenus dans la discussion : Rolande Perlican, Patrick Le Hyaric, Henri Garino, Joëlle Greder, Jean-Marc Coppola, Alain Bocquet, Janine Jambu, Nicole Borvo, André Gerin, Jacky Hoffmann, Antoine Casanova, André Lajoinie, Richard Dethyre, Gérard Lalot, Maxime Gremetz, Jean-Claude Danglot, Annick Matighello, Jacques Perreux, Francette Lazard, Roger Martelli, Charles Marziani, Bernard Calabuig, Patrick Hatzig, Henri Malberg, Patrice Cohen-Seat, Michel Duffour, Éric Dubourgnoux, Pierre Blotin, Annick Legoff, Robert Hue, Claude Pondemer, Claude Gindin, Gilles Bontemps, Denis Duvot, Nicolas Marchand, Lucien Marest, Paul Boccara, Michelle Guzman, Pierre Zarka, Sylviane Ainardi, Francis Wurtz, Sylvie Mayer, Claude Cabanes, Jack Ralite, Elisabeth Gauthier, Danielle Sanchez,  Brigitte Dionnet, François Auguste, Yves Dimicoli, Jean-Marie Martin, Serge Guichard, Michel Laurent, Alain Hayot, Guy Carassus, Joël Biard (75), Michel Dauba, Martine Durlach, Sylvano Marian, Bernard Birsinger, Manuela Gomez, Roland Favaro, Marie-Pierre Vieu, Jean-Michel Bodin, Christophe Hodé, Gérard Streiff, Dominique Grador, Marc Brynholes, Claude Billard, Roland Jacquet, Paul Lespagnol, Alain Zoughebi, Jean-François Gau, Marie-France Vieux, Jean Wloss, Jean-Claude Gomez, Daniel Brunel, Bernard Violain, Richard Béninger, Pierre Mathieu, Jean-Louis Le Moins…

Un collectif pour l’élection des directions au 30e Congrès, présidé par Robert Hue et dont le rapporteur est Paul Espagnol, a été élu (une voix contre, celle de Rolande Pélican). Il comprend : Philippe Arcamone, François Auguste, Claude Billard, Alain Bocquet, Gilles Bontemps, Jean-Paul Boré, Daniel Brunel, Marie-Christine Burricand, Bernard Calabuig, Jean-Claude Danglot, François Duteil, Denis Duvot, Roland Favaro, Simone Fayaud, Jacqueline Fraysse-Cazalis, Jean-Claude Gayssot, Paule Gécils-Fonte, Dominique Grador, Joëlle Greder, Annie Guillaumet, Robert Hue, Christophe Hodé, Roland Jacquet, Janine Jambu, Jacques Ledigabel, Jean-Louis Le Moing, Jacqueline Léonard, Paul Lespagnol, Jean-Paul Magnon, Pierre Mathieu, Sylvie Mayer, Brigitte Meunier, Gisèle Moreau, Jean-Charles Nègre, Claude Pondemer et Marjolaine Rauze.

Réunion du Comité national des 22 et 23 novembre 1999
Rapport introductif de Paul Lespagnol

 

Cher(e)s camarades,

Au cours de la précédente réunion de notre comité national, nous avions proposé un ordre du jour et une modalité de préparation du congrès soumis au vote des communistes à partir du débat qui s’était engagé sur la première phase de préparation du congrès. Conformément à nos engagements, cette réunion du comité national doit donc prendre acte du vote très majoritaire qui nous a mandaté pour rédiger sept textes à partir des sept ensembles de questions retenues. C’est l’objet principal de cette réunion du comité national. Dans cette introduction, je me limiterai donc à tirer les enseignements de ce vote, des observations inscrites par 20 % des votants sur leur bulletin et des propositions pour la seconde phase de préparation du congrès. Je situerai évidemment l’ensemble de nos débats dans le contexte politique de l’heure où les communistes sont engagés dans de multiples initiatives.

I. - Solidarité avec les populations du Sud de la France, de la Martinique et de la Guadeloupe victimes des intempéries

Mais en commençant notre réunion, je voudrais en votre nom renouveler notre solidarité aux familles des disparus, aux populations du Sud de la France durement touchées par la récente catastrophe.

Une délégation de solidarité organisée par l’Association nationale des élus communistes et républicains et des parlementaires se rendra dans les trois départements prochainement.

Ni la perte d’êtres chers, ni même celle d’une maison, de souvenirs, d’objets familiers ne peuvent être compensées par une indemnisation, qu’elle qu’en soit sa hauteur. Pourtant elle est indispensable. Le gouvernement s’est engagé en ce sens. Tout doit être mis en œuvre pour permettre à toutes les victimes d’être soutenues, entourées matériellement et psychologiquement. Tout doit être fait pour qu’elles soient très rapidement et correctement indemnisées. La récente revalorisation de la prime de solidarité associée à toute assurance multirisque, porte à 6 ou 7 milliards supplémentaires le montant de ce que touchent annuellement les assurances. Elles ont donc les moyens d’indemniser les victimes au plus près de la valeur des biens perdus.

Une nouvelle fois, nous nous devons de souligner le dévouement remarquable des personnels d’EDF, de la SNCF, de l’équipement, des pompiers, de l’armée qui ne comptent ni leur temps ni leur peine au service des populations. L’ampleur de la solidarité locale et nationale entre les populations et les élus est également remarquable et remarquée.

Il convient maintenant d’urgence de tirer les enseignements de cette nouvelle catastrophe et de se donner les moyens d’éviter le renouvellement de tels drames. Même si de pareils évènements climatiques sont exceptionnels, même si les inondations sont des phénomènes naturels, le fait qu’elles se répètent avec une telle ampleur ne relève pas complètement de la fatalité.

Les témoignages de maires des villages sinistrés, d’ingénieurs de l’équipement, de scientifiques, montrent que les déboisements, le bétonnage, l’absence d’entretien des berges de rivières dues à la désertification, la non-surveillance des digues et des ponts, conséquence de l’affaiblissement des services publics sont directement en cause. Ces tendances lourdes créent des conditions plus propices à ces catastrophes.

Il serait donc particulièrement malvenu et injuste de faire porter tout le poids des responsabilités sur les élus locaux. Si des plans de prévention des risques n’ont pas été mis en place partout, c’est en général faute de moyens financiers pour opérer les investissements préventifs.

Rappelons que le 1er février 1995, les parlementaires communistes avaient déposé une proposition de loi relative, je cite, à « la prévention des inondations et à l’indemnisation juste et totale de toutes les personnes qui en sont victimes ». Nous proposons que la majorité de gauche s’en saisisse. Cette proposition vise à améliorer la prévention, l’indemnisation, l’aide totale aux victimes, l’organisation des secours, les actions à entreprendre après des inondations pour conserver la mémoire de l’évènement.

Les communistes, les élus communistes contribuent à développer des actions de solidarité en s’associant et en organisant eux-mêmes des collectes. Ils vont les poursuivre.

De même, nous exprimons notre solidarité avec les populations de Martinique et de Guadeloupe qui viennent de subir un cyclone meurtrier qui a provoqué des morts, des disparus, d’énormes dégâts puisque des centaines de personnes dont la plupart des marins pêcheurs ont tout perdu. Nous allons nous adresser au gouvernement pour que l’aide annoncée par le ministre de la coopération ne soit qu’une première mesure d’urgence qu’il faudra compléter pour compenser les pertes subies et reconstruire ce qui doit l’être.


II. - Les communistes ont décidé de l’ordre du jour de leur congrès

Notre réunion du comité national va lancer une nouvelle phase de la préparation inédite du congrès.

Débuté fin juin, le débat s’est développé dans un premier temps sur la base de quatre textes. Puis au lendemain de la fête de l’Humanité, les communistes ont décidé des questions sur lesquelles ils veulent débattre dans la préparation de leur congrès. C’est ce cheminement qui nous a permis de décider en commun de l’ordre du jour du congrès et de ses modalités de préparation. Notre responsabilité est maintenant de créer les conditions pour que les adhérents élaborent ensemble leur projet communiste et décident du type de Parti communiste à construire pour le porter. C’est l’objet de notre réunion. J’y reviendrai. Mais je voudrai au préalable m’arrêter sur les appréciations et la signification du vote des communistes.

Je veux rappeler d’abord que presse 60 000 communistes ont participé à ce vote. 88,84 % se sont prononcés pour la proposition d’ordre du jour et pour les modalités de préparation du congrès. 4,6 % se sont prononcés contre et 5,26 % des bulletins étaient blancs.

Les communistes ont été majoritairement très satisfaits de la manière dont le comité national a restitué leurs débats et se sont retrouvés dans les questionnements établissant l’ordre du jour du congrès. Ils ont donc pu vérifier que ce qu’ils ont dit a été écouté, débattu, pris en compte. Ils ont pu vérifier qu’ils comptent chacun pour un, que leur voix, leur opinion comptent. Une dynamique démocratique s’est enclenchée. Elle s’est amplifiée, au-delà de ce que nous pouvions espérer nous-mêmes avant le début du vote.

On peut considérer que nous venons de réussir une initiative extrêmement importante pour la vie démocratique de notre parti lui-même et peut être pour la vie politique dans notre pays.

En ce moment de crise aggravée de la politique et de ses conséquences sur le militantisme politique, il n’est pas anodin de noter que 60 000 adhérents aient participé au vote. Ce chiffre est supérieur à celui du nombre de votants qui se sont prononcé sur la participation gouvernementale. J’ajoute que cette consultation n’avait pas le même caractère puisqu’il s’agissait en juin 1997 de répondre par oui ou par non dans le cadre d’un débat que nous avions déjà eu au 29e congrès et dans la campagne des législatives. Cette fois, le débat porte sur des choix politiques qu’ensemble nous devons élaborer dans le cadre d’un congrès et sur l’organisation à construire pour porter notre projet.

On note avec satisfaction qu’il y a souvent des taux de participation élevés dans de nombreux quartiers populaires et dans les entreprises. Par contre - et c’est un enseignement pour la suite - le niveau de participation est lié à l’animation politique et à la diversité des possibilités offertes aux communistes pour s’exprimer.

Environ 20 % des camarades ont utilisé l’emplacement que nous avions mis à leur disposition pour qu’ils fassent part de leurs observations. En général, celles-ci trouvent leur place dans les sept questions. Elles manifestent la volonté des communistes de s’inscrire rapidement dans le débat préparatoire au congrès, d’apporter leurs réponses aux grandes questions qui se posent à l’humanité, à notre pays, à la gauche, à notre parti.

Je crois qu’il est très encourageant et stimulant que des milliers d’adhérents de notre parti se passionnent ainsi pour les grandes questions politiques au moment où beaucoup d’efforts sont déployés pour dévaloriser la politique. Notre démarche démocratique est un signe que nous pouvons donner à la société sur une autre conception de la politique. Jamais autant de communistes ne se sont sentis ainsi associés dès le départ à la préparation d’un congrès. Cette démarche que nous avons initiée, voulue, n’était pas gagnée d’avance. On a bien senti que la novation de la première phase a parfois eu du mal à se frayer son chemin. C’est bien normal. D’abord parce que nous n’avons jamais procédé ainsi. Ensuite parce qu’il y a eu aussi de l’incrédulité sur notre démarche, car les communistes ne se sont pas retrouvés dans de précédentes consultations. Nous venons donc d’accomplir un acte qui en quelques semaines a peut-être plus d’impact sur la richesse de notre vie démocratique, que ce que nous avons tenté de faire par des méthodes de travail traditionnelles sur une longue période.

Cette première phase préparatoire montre qu’en s’appropriant la rédaction de l’ordre du jour de leur congrès, les communistes sont en train de faire émerger ensemble une nouvelle citoyenneté communiste. C’est cette démarche que nous voulons poursuivre maintenant avec le travail que nous voulons impulser sur la rédaction des réponses.

L’analyse des observations contenues sur les bulletins de vote confirme la satisfaction ressentie par les participants au vote. Cependant, de nombreux adhérents ont aussi dit que le temps de la consultation était trop court. Plusieurs fédérations nous font part également de l’opinion de plusieurs camarades critiquant le nombre de questions et la complexité des textes. Nous aurons à en tenir compte dans la rédaction des documents que nous allons produire.

D’autres ont regretté que le comité national n’ait pas donné suffisamment de précisions sur l’organisation du congrès. Regret contradictoire, à mon sens, avec notre démarche qui précisément vise à ce que du début de la discussion jusqu’aux décisions finales du congrès, ce soient les adhérents qui en soient les maîtres du jeu. D’autres camarades ont réclamé la mise en place de collectifs assurant la transparence et l’animation des débats. Il me semble qu’ils ont satisfaction puisque leurs préoccupations correspondent à ce que nous avons décidé à la précédente réunion du comité national. D’autres questions viennent pour insister sur des préoccupations qui sont déjà contenues dans le questionnement qui a été décidé et le mode de préparation du congrès. C’est le cas de l’exigence de démocratie, de la demande que la direction sortante donne son avis, de l’élection des collectifs de direction, de la représentation des communistes au congrès national, de la définition de la force communiste, du concept de congrès fondateur, avec la volonté qu’au-delà des mots en s’engage dans la construction d’un nouveau Parti communiste, du mode d’élection des directions et du secrétaire national, du rôle des élus communistes et de leur lien avec le parti et la population, du bilan de l’expérience de la liste aux élections européennes, du bilan de notre activité depuis le 29e congrès, de notre action dans les domaines de l’environnement, des sans-papiers, contre la violence et le racisme, l’insécurité. D’autres camarades ont posé la question de la nécessité d’une grande campagne de recrutement. Les communistes expriment leur souhait d’ouvrir leurs débats, mais ils manifestent le souci de ne pas être dépossédés des décisions finales. Cette crainte se conjugue avec celle concernant l’avenir de l’organisation elle-même.

Les groupes de travail chargés de proposer des projets de réponses aux sept questions qui constituent l’ordre du jour du congrès ont tenu compte de toutes ces observations et les ont intégrées dans la rédaction des textes. Et la « commission sur les directions » que nous allons élire au cours de nos travaux devra prendre en compte les observations qui la concernent. Mais il est important que le comité national dispose de l’ensemble de ces éléments pour son travail.

Ainsi, je crois que le débat que nous avons eu durant l’été à partir des quatre textes, puis le débat qui a conduit à décider ensemble de l’ordre du jour, les journées de vote ainsi que les observations émises durant ce vote constituent un ensemble d’actes démocratiques qui nous permettent de dire que jamais sans doute nous n’avons donné autant de possibilités aux communistes d’élaborer leur politique. Cela fait partie des fruits de notre mutation. Ces actes récents et forts de notre direction nationale pour la préparation du congrès, pour le lancement et la réussite de la manifestation pour l’emploi du 16 octobre, après le succès de la fête de l’Humanité créent un nouveau climat et placent le Parti communiste comme une force qui compte dans la société.


III. - La situation politique : aggravation de la crise de la politique et force des urgences sociales

Pendant la consultation de la première phase préparatoire du congrès, beaucoup de communistes se sont inquiétés, à juste titre, des effets de l’inquiétante aggravation de la crise de la politique. Et malheureusement, depuis, chaque jour apporte son lot d’évènements qui aggravent encore les choses. Le sondage annuel de la Sofres sur l’image de la politique chez les français montre l’ampleur de l’accentuation de ce divorce entre les hommes politiques et les citoyens à tel point que désormais 57 % de nos concitoyens contre 38 % il y a un an, considèrent que la politique « n’est pas une activité honorable ». Une large majorité exprime de la méfiance à l’égard des hommes politiques. Les trois quarts d’entre eux refusent de s’identifier à un homme ou à un parti politique. Ainsi les symptômes de cette crise auxquels il faut ajouter la forte abstention aux élections comme cela a été encore le cas lors des européennes, le recul du militantisme, se sont encore considérablement aggravés. Et le spectacle donné par une droite qui n’en finit pas de s’entredéchirer sur fond de rejet de ses thèses ne contribue pas à redonner goût à la politique. Au contraire. C’est préoccupant. Préoccupant pour la démocratie car chacun sait qu’une telle situation peut ouvrir la voie aux pires dérives populistes. Nous ne sommes bien sûr pas les seuls à nous inquiéter de la détérioration de la vie politique et d’une crise dont de nombreux commentateurs, comme nous, considèrent qu’elle peut saper durablement les fondements mêmes de la démocratie. Mais, comme parti politique qui a fait le choix irrévocable de demander à être jugé désormais sur sa capacité à contribuer, précisément, à élargir la démocratie et les libertés à tous les niveaux de la société, nous sommes, plus que d’autres, interpellés au plus profond de notre personnalité. Interpellés quand nous voyons nos concitoyens se détourner de la « chose politique », jusqu’à perdre confiance dans la possibilité de modifier la situation qui leur est faite. Interpellés par cette « américanisation » de la France évoquée par Alain Duhamel. Pouvons-nous nous contenter d’être inquiets et interpellés ? Non et je considère qu’un des rôles essentiels de notre parti, une des finalités majeures - identitaires même - de son activité, c’est de multiplier les initiatives et les actes qui permettent l’investissement citoyen qui seul peut redonner ses lettres de noblesse à la politique. Certes, nous avons déjà progressé en ce sens tout récemment encore avec le 16 octobre et aussi, dans une certaine mesure, avec la préparation de ce congrès. Mais il nous faut faire plus et mieux. Il y a urgence si l’on prend en considération le lot presque quotidien d’évènements qui ne font que détourner davantage les françaises et les français de la chose publique.

En même temps, ce refus d’une conception de la politique qui apparaît étrangère aux préoccupations des citoyens - dont certains hommes politiques disent de surcroît qu’elle est impuissante à agir sur l’économie - se combine avec la volonté de l’immense majorité de nos concitoyens d’être écoutés, de pouvoir intervenir efficacement pour transformer les choses. Ces mêmes aspirations se retrouvent dans le mouvement social dans lequel on défriche des méthodes nouvelles pour l’élaboration des revendications et la conduite des actions. Pour leur part, les maires, les élus communistes expérimentent des façons inédites de favoriser la démocratie participative. Il n’en reste pas moins que notre parti doit prendre encore avec plus de persévérance et d’ampleur la mesure de cette crise pour changer tout ce qui doit l’être dans son fonctionnement comme dans son comportement dans la société. C’est indispensable si nous voulons atteindre l’objectif que nous nous sommes assignés : contribuer à faire vivre une citoyenneté politique moderne, qui permet à chaque individu de compter pour un et de participer à la construction d’un projet de transformation sociale, adapté à notre temps.

En effet, on ne peut dissocier cette crise de la politique de l’aspiration très forte de nos concitoyens à ce que la politique gouvernementale soit bien ancrée à gauche ; à ce que le gouvernement prenne des mesures radicales pour faire reculer vraiment le chômage, la précarité, pour lutter contre l’insécurité. C’est ce que confirme un sondage de l’IFOP pour le Journal du Dimanche qui montre que 43 % des français souhaitent que « la politique économique menée par le gouvernement soit plus à gauche qu’au cours de ces deux dernières années ». Et ce sont 75 % des sympathisants de gauche et 62 % des jeunes de 18 à 24 ans qui réclament une telle évolution. Autrement dit, les soubresauts liés aux « affaires » étalées sur la place publique ces dernières semaines n’effacent pas les exigences des citoyens à s’attaquer vraiment à la fracture sociale. C’est ce que confirme la permanence du mouvement social dans ses formes multiples. Je pense notamment à l’action contre la logique de l’organisation mondiale du commerce et pour la sécurité alimentaire, aux luttes contre les plans sociaux, pour une bonne application des lois sur les 35 heures, pour moderniser la protection sociale et augmenter les retraites. Et l’annonce de nouveaux records à la Bourse la manière dernière, de profits des entreprises qui dépassent les 2 000 milliards ne rend que plus insupportable la persistance d’un chômage de masse, d’une précarité en hausse, de l’exclusion qui touche des milliers de nos concitoyens et l’accroissement des inégalités.

Le récent film du réalisateur américain Mickey Moore, baptisé fort à propos « The big one » illustre crûment les sinistres mécanismes de ce capitalisme financier en posant la question « Vous faîtes des profits et vous licenciez ? ».

C’est dans ce contexte que la manifestation nationale pour l’emploi du 16 octobre reste un grand évènement qui continue de marquer la vie politique française et les réflexions de nos concitoyens. Les organisations qui s’y étaient engagées vont maintenant lui donner des prolongements avec l’organisation de rassembles dans les régions et les villes le 11 décembre prochain sur la base d’un appel qui formule un certain nombre de propositions pour faire cesser les plans de licenciement, faire reculer le chômage, octroyer de nouveaux droits aux salariés, de nouveaux pouvoirs de contrôle de l’argent public, pour pérenniser les emplois jeunes, pour que la réduction du temps de travail se traduise par la création d’emplois. La préparation de cette journée est maintenant bien engagée dans la plupart des régions avec une diversité d’initiatives pour en assurer la réussite. Comme la manifestation du 16 octobre à Paris, elle va permettre l’expression du mouvement populaire pour ancrer les choix à gauche, son expression dans la politique, en direction du gouvernement, contre les ravages du capitalisme. En ce sens, elle constitue pour tous ceux qui ont porté la gauche au pouvoir un moyen de peser et d’élaborer des solutions neuves répondant aux exigences sociales. On se souvient que la préparation de la manifestation du 16 octobre ainsi que sa tenue ont permis de faire bouger le premier ministre et d’obtenir quelques dispositions plus positives dans la loi sur la réduction du temps de travail. La poursuite de cette action unitaire permet précisément à ceux qui le veulent de se faire entendre et d’exiger qu’on réponde à leurs attentes, à celles de la société tout entière. En prenant ces initiatives, nous faisons la démonstration que l’intervention citoyenne et la politique peuvent être utiles et efficaces. Nous donnons du sens à l’intervention politique à un moment où sa revalorisation est devenue une question cruciale.

En même temps, ces initiatives contribuent à rendre plus concrète, plus lisible l’utilité d’un Parti communiste, pleinement dans la majorité et pleinement dans le mouvement populaire, pour contribuer à créer les conditions d’avancées sociales et démocratiques nouvelles et pour faire reculer les idées de fatalité. Elles ouvrent aussi des perspectives pour une évolution de la majorité de gauche en faisant grandir le poids des forces qui veulent un changement profond, des réformes de structures, une politique qui soit bien à gauche. Les communistes, dans la consultation, ont souhaité approfondir leur réflexion sur cette question qui fait l’objet du cinquième texte.

Construire ensemble la réussite des initiatives régionales pour l’emploi du 11 décembre est d’autant plus nécessaire que la question de l’emploi reste la principale préoccupation de nos concitoyens. En effet, malgré un recul annoncé du nombre de chômeurs en septembre, le niveau du chômage reste très élevé ; au-dessus de 11 % de la population active. Les annonces de plans sociaux se poursuivent comme à Michelin, Yoplait, ELM-Leblanc, des menaces pèsent sur Alsthom. Les fusions-acquisitions dans le pétrole, dans le secteur bancaire, dans l’aérospatiale, à Rhône Poulenc ou aux anciennes usines Roussel Uclaf devenues Hoechst-Marion-Roussel (HMR), se traduisent toujours par des milliers de suppressions d’emplois. Cela ne fait que renforcer notre proposition d’un moratoire sur tous les plans de licenciements afin d’explorer d’autres solutions comme la réduction du temps de travail, le développement d’activités nouvelles, le développement de la formation. De ce point de vue, la décision du tribunal des prud’hommes d’Amiens annulant le plan social de Yoplait constitue un point d’appui. Il montre que les salariés ne sont pas impuissants face à la dictature de l’argent. Évidemment, comme nous le réclamons, une grande politique pour l’emploi passe aussi par des pouvoirs nouveaux pour les salariés et les populations notamment pour une réorientation de l’argent vers l’emploi et la production. De nouveaux espoirs aussi pour contrôler l’argent public obtenu dans le cadre de la réduction du temps de travail, de telle sorte que cela se traduise vraiment par des créations d’emplois stables et bien rémunérés. Dans le même ordre d’idées, nous réclamons la mise en place de fonds régionaux qui permettraient d’impulser un système de crédits favorables à l’emploi. A l’échelle du pays, nous mettons en avant la mise en place d’une commission nationale de contrôle des fonds publics et le vote d’une loi sur les plans de licenciements comme l’ont proposé les parlementaires communistes. Au plan européen, nous proposons la révision de la directive sur les droits des comités d’entreprises et la tenue des engagements qui ont été pris au sommet européen de Luxembourg sur l’emploi. Cette intervention des salariés, des privés d’emploi, des jeunes est d’autant plus nécessaire que le Medef fait pression sur le gouvernement pour que soient reniés des acquis de la loi sur les 35 heures. Il veut, par exemple, faire revenir le gouvernement en arrière sur la définition du temps de travail effectif. Or, il est au contraire nécessaire d’améliorer encore cette loi à l’occasion de la seconde lecture notamment pour les cadres, pour l’augmentation du Smic ou la formation. De même, il serait inadmissible et inefficace que les 25 milliards de francs supplémentaires qui vont être alloués pour alléger les charges sociales en l’an 2 000 au nom des 35 heures et les réductions des contributions des entreprises au budget de l’État servent encore à augmenter les profits et les spéculations financières. Il faut que l’État dégage les moyens suffisants pour amplifier le dispositif des emplois jeunes et pour pérenniser ces emplois en leur offrant les formations nécessaires. Il convient également d’apporter une riposte au niveau qu’il convient, au chantage permanent du Medef tant sur la sécurité sociale, que pour l’indemnisation du chômage. Au contraire, les communistes proposent une modernisation de la protection sociale qui doit être dotée des moyens supplémentaires que lui donnerait une réforme des cotisations patronales mettant à contribution les revenus financiers des entreprises, avec un système de modulation lié à la création d’emplois et au relèvement des salaires. La protection sociale ne doit pas être considérée comme un coût à réduire mais comme un atout pour mieux répondre aux besoins sociaux et impulser le développement économique. Les communistes et leurs élus sont dans l’action avec d’autres pour s’opposer au plan de fermetures d’un certain nombre d’hôpitaux et de maternités de proximité.

De même, les communistes auront à cœur d’apporter leur contribution au mouvement des chômeurs pour augmenter les minima sociaux, pour obtenir une prime de fin d’année et pour initier une politique audacieuse permettant le retour à l’emploi de ceux qui en sont aujourd’hui privés, en développant notamment la formation. De ce point de vue, les entreprises doivent contribuer à l’insertion par l’emploi et à la formation. Nous proposons que pour répondre en urgence à la détresse des personnes et des familles en situation d’exclusion, on y consacre une partie des surplus de recettes au budget de l’État, évalués entre 20 et 30 milliards par rapport aux recettes initiales. Nous proposons qu’une partie de ces excédents serve à revaloriser les minima sociaux, dans le cadre d’un collectif budgétaire de fin d’année.

De même, les mobilisations citoyennes contre les logiques de l’Organisation mondiale du commerce prennent de l’ampleur. Elles connaîtront un temps fort samedi prochain 27 novembre avec l’organisation d’une manifestation place de la Bourse à Paris et de plusieurs rassemblements dans les régions. Les militants communistes sont partie prenante de ce mouvement qui refus la mondialisation capitaliste et qui agit au contraire pour une mondialisation de progrès humain, de partage, de co-développement durable, de paix et de sécurité. On retrouve ces enjeux dans le premier texte. À l’unisson de ce mouvement, le Parti communiste qui va déposer un texte mémorandum à l’ouverture de la conférence ministérielle de Seattle réclame qu’un bilan contradictoire des impacts sociaux et environnementaux du précédent cycle de négociations internationales soit établi. Ce bilan pourrait être réalisé dans le cadre de conférences nationales débouchant sur une conférence mondiale avec les institutions, les organisations non gouvernementales, les syndicats, les associations de consommateurs, les mouvements civiques. Durant ce débat, un moratoire sur l’ouverture de ce cycle de négociations pourrait être décidé. Ce débat devrait permettre de déboucher sur un projet de transformation de l’Organisation mondiale du commerce pour de nouveaux objectifs sociaux environnementaux et de développement durable. À l’unisson du mouvement social qui prend une ampleur internationale, nous considérons que le monde n’est pas qu’un marché. Ainsi, l’éducation, la santé, le principe de précaution alimentaire ou environnementale, la culture, le patrimoine génétique de la planète ne peuvent être accaparés par les grandes multinationales. Nous agissons pour une autre organisation internationale du commerce qui intégrerait prioritairement dans sa démarche les êtres humains, l’emploi avec la possibilité de lancer - du local au mondial - de grands projets pour une sécurité d’emploi et de formation pour toutes et tous, pour combattre la misère et la famine, pour imaginer des projets de co-développement en annulant la dettes des pays en voie de développement et en leur permettant d’accéder à un crédit peu cher, et à des transferts de technologies. C’est en ce sens qu’une délégation du Parti communiste et de parlementaires communistes se rendra à Seattle pour y rencontrer les organisations qui participent au contre-sommet, pour y rencontrer d’autres parlementaires d’autres continents.

C’est également en ce sens que dans les jours qui viennent les militants communistes vont contribuer à la réussite des actions prévues dans notre pays. Leur démarche est cohérente : ils agissent en même temps pour ancrer la politique nationale à gauche, pour une réorientation progressiste de la construction européenne et pour une transformation et une démocratisation des institutions internationales.

L’ensemble de ces mouvements qui se développement en France, en Europe et à l’échelle de la planète se situe à contre-courant des conclusions du congrès de l’internationale socialiste qui - malgré ses débats internes - a une nouvelle fois prôné des politiques visant à la baisse des coûts salariaux, à la flexibilisation du travail. Sa déclaration finale qui est une synthèse des approches françaises et anglo-allemandes déclare, je cite, que « l’économie de marché constitue dorénavant un système de production des richesses indispensables supérieur à tout autre ». Et ce n’est pas la présence de Bill Clinton au sommet dit « des modernisateurs de la gauche » à Florence aux côtés de dirigeants socialistes, qui peut nous convaincre que la troisième voie soit celle d’un projet alternatif à l’ultra libéralisme. Or, le double mouvement qui caractérise l’évolution du monde aujourd’hui, c’est à dire la crise de la mondialisation capitaliste d’une part, et la montée des résistances et des critiques de ce système d’autre part appelle non pas un aménagement du capitalisme mais son dépassement. Nous aurons évidemment l’occasion d’y travailler beaucoup dans la préparation du congrès, notamment à partir du premier texte.

Les élus communistes et républicains qui viennent de réussir un important congrès où ces grandes questions de la place des communes dans la mondialisation capitaliste, leur rôle pour répondre aux besoins, pour un développement équilibré des territoires, pour gagner les moyens nécessaires à assurer la sécurité des habitants, pour des choix nationaux et municipaux favorables à la jeunesse, à l’éducation, à l’emploi ont été largement débattues. Elles vont déboucher maintenant sur de nouvelles initiatives en direction du gouvernement pour que le budget national permette aux collectivités locales de faire face aux besoins des populations et des personnels municipaux. De plus, ce congrès national a mis en évidence la multitude d’initiatives que prennent les élus communistes, notamment dans les communes, pour associer plus et mieux les citoyens aux choix de gestion, à l’élaboration de projets de ville et aussi aux actions nécessaires pour lever les obstacles à la mise en œuvre des programmes municipaux. En ce sens, les élus communistes travaillent en lien avec les populations pour répondre aux urgences sociales et à la crise de la politique.

A ce propos, chacun voit bien que toutes les forces politiques sont entrées dans la préparation des élections municipales qui auront lieu en 2001. Ce scrutin de liste comprenant une dose de proportionnelle constitue un enjeu politique important. Il se tiendra un an avant les élections législatives et présidentielles et sera couplé avec les cantonales.

Ces élections peuvent être un montant important de la lutte contre la droite et l’extrême droite. Un moment privilégié aussi pour ancrer les politiques municipales, départementales et nationales à gauche. Avancer en ce sens appelle à débattre avec les forces progressistes et le mouvement associatif d’objectifs de progrès social, de démocratie au service des populations.

Nous proposons la constitution dès le premier tour, de listes de large union de la gauche plurielle, élargies si possible à d’autres forces politiques de gauche et au mouvement associatif. Pour y parvenir, nous proposons aux fédérations de prendre les initiatives permettant des discussions avec tous nos partenaires. Ces discussions sont relayées par des rencontres nationales.

Nous abordons ces élections municipales et cantonales dans un esprit conquérant. Cela nécessite de s’en occuper dès maintenant. Cela demande d’engager le débat dans le parti tant sur la conception et le contenu de cette bataille électorale que dans la recherche des hommes et des femmes qui seront candidates et candidats en étant attentifs à la parité et à la présence de celles et ceux qui font vivre le tissu associatif au quotidien, dans chaque localité.

Comme pour la préparation de notre congrès, les maîtres mots de celle de la préparation des municipales doivent être transparence, démocratie, association des adhérents aux choix.

Dans le même ordre d’idées, je me permets d’attirer l’attention du comité national sur la nécessité d’une préparation minutieuse des élections partielles à venir. Les résultats de celles-ci participent de l’évolution du rapport des forces dans le pays.

 

Je veux terminer cette partie de mon introduction en évoquant une grave question internationale : le sort des populations tchétchènes. Elles sont victimes d’une part, de clans aux activités souvent mafieuses et, d’autre part, des calculs cyniques de Boris Eltsine et de son dauphin Poutine… qui recourent à l’intervention brutale des forces armées pour détourner l’attention de leur corruption et de la situation catastrophique où ils ont plongé la Russie, pour peser lourdement sur les prochaines échéances électorales. Il est de l’intérêt des populations russe et tchétchène de trouver vite une solution négociée, par la discussion avec le président tchétchène élu, afin de parvenir à un accord sur l’avenir de la Tchétchène et sur la définition de ses rapports avec la Fédération de Russie.

Dans l’immédiat, il est urgent de venir en aide à la population tchétchène et d’autoriser l’OSCE, ce qui n’a rien à voir avec une intervention dans les affaires intérieures russes, et les organisations humanitaires à apporter tout leur concours, sans entraves. Il s’agit d’initier une action de solidarité internationale.


IV. - Une préparation du congrès de plain-pied dans la vie

Nous allons entamer maintenant une nouvelle phase de la préparation de notre congrès. Dans le prolongement de la dynamique démocratique que nous avons réussi à impulser pour associer un maximum de communistes à la détermination de l’ordre du jour et des modalités de préparation, nous avons l’ambition maintenant de lancer une dynamique de travail en commun, de débat ; de réflexion commune ; pour ensemble apporter des réponses aux questions que nous nous sommes posées. La commission que nous avons élue lors de notre dernière réunion a beaucoup travaillé collectivement y compris en défrichant des méthodes nouvelles d’échanges, en associant d’autres communistes non membres de cette commission quand elle l’a jugé nécessaire pour élaborer les sept projets de textes qu’elle avait mandat d’écrire.

Notre discussion doit évidemment permettre encore de les améliorer. Ces textes comportent des éléments d’analyse et de bilan, la formulation des termes principaux des choix que nous avons à faire tels qu’ils figuraient dans le bulletin de vote des communistes. Naturellement, le comité national y indiquera les orientations pour lesquelles il se prononce. Il s’agit de propositions de réponses aux questions que les communistes se posent et sur lesquelles ils souhaitent prendre position et prendre des décisions. C’est ce que les communistes ont fortement manifesté tout au long de la phase de discussion précédente. Ces textes comportent un certain nombre d’idées nouvelles que nous n’avons pas jusque-là débattues ici même. Mais ils émergent des débats dans le parti. Il est donc de notre responsabilité de les prendre en compte. L’ensemble de ces documents constitue donc un point de départ pour cette dynamique d’élaboration par les communistes eux-mêmes de leur projet politique et de construction de leur parti. L’expérience positive que nous venons de vivre nous conduit à vous proposer de poursuivre et d’amplifier la dynamique d’élaboration collective des choix et de la politique du Parti communiste par ses adhérents eux-mêmes. C’est en ce sens qu’au lieu de décider aujourd’hui de textes qu’il s’agirait d’amender, nous proposons une démarche plus vivante, plus collective, plus dynamique, pour mettre en commun les réflexions des communistes. Ainsi, nous proposons que les sept textes soient le point de départ d’un processus de débats, d’échanges, de réflexions qui permettrait une véritable co-élaboration par tous les communistes des décisions qu’ils ratifieront par des votes. En ce sens, l’organisation de la seconde phase de préparation de notre congrès pourrait si nous en décidions ainsi se dérouler de la manière suivante :

- nous inviterions les adhérents du parti à débattre des textes que nous allons retenir jusqu’à la fin du mois de janvier. À partir de ceux-ci, dans des formes qu’ils décideront souverainement partout, nous leur proposons, de faire connaître leurs idées, leurs propositions, ainsi que les débats qu’ils auront eus entre eux et aussi avec tous ceux qui veulent enrichir notre réflexion collective. Les collectifs élus au niveau national et dans les départements seraient chargés d’animer ces débats, de favoriser les réflexions, les élaborations, d’assurer la circulation interactive des informations sur l’ensemble de cette réflexion et d’en informer le Comité national ;
- à partir de l’ensemble de ces réflexions, le comité national adoptera dans les premiers jours du mois de février, de nouveaux textes issus des propositions résultant de ce travail d’élaboration sur les sept questions à l’ordre du jour. Ceux-ci constitueront la base commune permettant aux communistes de faire des choix et de se prononcer ;
- en février et mars, ces documents seront soumis à la discussion et au vote des assemblées de cellules, de conférences de sections, des conférences fédérales et enfin au congrès lui-même ;
- durant toutes cette période, les moyens de communication du parti avec leurs spécificités seront chargés de favoriser la circulation des idées, des points de vues, des propositions, de telle sorte que tous les communistes disposent de tous les éléments des débats. Évidemment, pour la part qui lui revient, l’Humanité y contribuera de manière originale.

Avec cette démarche, nous proposons vraiment aux communistes d’élaborer ensemble dans le débat et la réflexion commune leur projet politique ainsi que le nouveau parti communiste pour le porter :
- conformément au vote majoritaire des adhérents, nous proposerons, au cours de cette session, d’élire au sein du comité national une commission spécifique qui aura pour mission de procéder à une évaluation de l’activité des directions en général et de la direction nationale en particulier. Elle réfléchira également aux modifications des structures et à la répartition des responsabilités pour des directions mieux en prise avec les adhérents. Elle assurera également la transparence sur les candidatures proposées ou déclarées. De telles commissions doivent également être élues dans les sections et les fédérations ;
- le bureau national propose que nous décidions de convoquer notre 30e congrès national du 23 mars 2000 à 14 heures au 26 mars à 13 heures dans la ville de Martigues. Conformément aux nombreux vœux qui se sont exprimés dans les discussions notre congrès pourrait travailler en séance plénière et en ateliers. Comme pour le 29e congrès, sa composition pourrait être de cinq délégué(e)s par fédération ; plus un(e) délégué(e) par tranche de 500 adhérents sur la base du nombre d’adhérent(e)s recensé(e)s à la fin de cette année 1999 ;
- dans cette période, où beaucoup de questions sont posées qu’il s’agisse de la nature de la mondialisation capitaliste et de ses effets, des évolutions de la société française, des débats autour du communisme, de la visibilité et de la crédibilité d’un projet communiste pour la France, de notre appréciation de la politique menée depuis l’accès de la gauche au gouvernement, de l’identité communiste et du type de Parti communiste à construire pour un projet communiste de notre temps, ainsi que des débats qui ont lieu sur les missions de l’Humanité, des relations qu’on les communistes avec elle, ainsi que de la circulation de l’information interne dans le parti, nous proposons de favoriser une véritable dynamique de réflexion et d’échanges libérant toutes les capacités de création des adhérents du parti. Nous avons l’ambition d’un progrès sans précédent de la démocratie communiste pour nous donner les moyens de relever le défi d’un véritable renouveau du communisme français. Chacun comprend bien qu’une telle démarche implique qu’à tous les niveaux les collectifs de direction déploient des efforts nouveaux pour créer les conditions permettant à tous les communistes ensemble de relever ce défi.

Évidemment cela impliquera dans les prochains jours de prendre les dispositions pour porter à la connaissance de chacun les textes ; d’organiser des réunions sous des formes multiples, de rencontrer les membres du parti et d’autres qui s’intéresseront à nos débats ; d’imaginer des formes nouvelles de circulation des informations et des idées qui seront émises ; d’aider les adhérents à s’exprimer sous différentes formes, à écrire, à faire part aux collectifs d’animation et directement au comité national s’il le juge nécessaire de leurs opinions. Chacun l’aura compris, c’est un véritable foisonnement d’initiatives pour impulser ce débat que nous souhaitons.

Cela implique donc de prendre des dispositions nouvelles pour rencontrer des communistes qui jusque-là n’ont pas encore été associés au débat et de leur remettre leur carte. Toute en allant jusqu’au bout de la remise de la carte 1999, nous proposons de commencer la remise de la carte 2000 dès la semaine prochaine pour créer les conditions de la rencontre des communistes entre eux, de telle sorte qu’ils puissent décider souverainement des formes de leurs débats. Relever le défi démocratique de la participation de tous les adhérents appelle un effort renouvelé pour la remise de la carte. En même temps, la question du nombre de communistes dans la société française pour réussir les initiatives dans lesquelles nous sommes engagés, notamment les manifestations du 11 décembre pour l’emploi comme celle du 27 novembre contre les logiques de l’Organisation mondiale du commerce est très importante et décisive. Elle est décisive aussi pour favoriser l’intervention citoyenne et créer les conditions pour que notre peuple se dote d’un grand projet de transformation sociale.

Telles étaient cher(e)s camarades, les idées et réflexions émanant de plusieurs réunions du bureau national comme du collectif national de préparation des textes du congrès que j’étais chargé de vous présenter. Elles sont animées d’une même démarche offensive, dynamique, ouverte, démocratique.

Décision du comité national sur la deuxième phase de préparation du 30e congrès

Dans une démarche absolument nouvelle, les communistes ont débattu et décidé eux-mêmes de l’ordre du jour de leur 30e congrès. Avant l’été, le comité national avait proposé à la réflexion quatre textes de questionnements qui ont servi de point de départ à cette consultation. Chacun a pu constater combien de processus démocratique, associant plusieurs dizaines de milliers de militants, avait permis d’enrichir la réflexion sur les questions aujourd’hui posées à notre parti, et de cerner celles qui doivent faire entre nous l’objet de débats, d’élaborations et de choix. Il s’agit d’une avancée démocratique très importante et, inséparablement, d’un considérable progrès d’efficacité politique ;

Fort de cette expérience et à partir du mandat qui lui a été donné par le vote des communistes, le comité national décide de poursuivre et d’amplifier la dynamique d’élaboration collective des choix et de la politique du Parti communiste par ses adhérents eux-mêmes. Le collectif qu’il a élu en son sein a rédigé sept textes portant sur les questions mises à l’ordre du jour. Ils comportent des éléments d’analyse et de bilan, la formulation des termes principaux des choix à faire, et naturellement l’indication de ceux pour lesquels se prononce aujourd’hui le comité national. Plutôt que des textes à amender, nous proposons qu’ils soient là aussi le point de départ d’un processus de débat, d’échanges et de réflexions permettant une véritable co-élaboration par tous les communistes des décisions qui seront soumises à leurs votes.

Le comité national décide donc d’organiser la seconde phase de préparation du congrès de la manière suivante :

Les communistes sont invités à débattre jusqu’à la fin janvier à partir des textes proposés. Sous les formes qu’ils décideront souverainement partout, ils élaborent et feront connaître leurs idées et leurs propositions, ainsi que les débats qu’ils auront eus entre eux comme avec tous ceux qui veulent contribuer à enrichir la réflexion collective. Les collectifs élus au niveaux national et fédéral seront chargés d’animer ces débats, de favoriser l’approfondissement, d’assurer la circulation interactive des informations sur l’ensemble de cette réflexion, d’en informer le comité national.

Les 2 et 3 février, le comité national, comme pour l’adoption de l’ordre du jour, fera le bilan de la discussion de tout le parti. Il formulera à partir de là sur les 7 points à l’ordre du jour, dans des textes courts, les questions en débat, les options entre lesquelles choisir les propositions résultant de ce travail d’élaboration collective. Dans les jours qui suivront, ces textes seront soumis au vote des communistes. À l’issue de ce vote, il s’agira alors à proprement parler d’une « base commune » leur permettant de se prononcer et de faire des choix dans le cadre statutaire : assemblée de cellules, conférences de section et fédérations, et en fin congrès.

Durant toute cette période, les moyens de communication du parti seront tout particulièrement chargés de favoriser la circulation des idées, points de vues et propositions, et la connaissance par tous les communistes de tous les éléments des débats. L’Humanité y contribuera avec sa spécificité.

Le 30e congrès est convoqué à Martigues du jeudi 23 mars 2000 14 heures au dimanche 26 mars 2000 13 heures. Les délégations seront composées de 5 délégué(e)s par fédération, plus un(e) délégué(e) par tranche de 500 sur la base du nombre d’adhérent(e)s recensé(e)s à la fin de cette année 1999.

Dans une période cruciale pour l’avenir du communisme, le comité national propose de favoriser ainsi une véritable effervescence de réflexion et d’échange permettant de libérer toutes les énergies et capacités créatrices du parti. Il s’agit, par un progrès sans précédent de la démocratie politique, de nous donner tous les moyens de relever le défi d’un véritable renouveau du communisme français.

30e congrès du PCF, textes préparatoires

Texte n° 1

Quel monde voulons-nous ? À quelles questions nouvelles sommes-nous confrontés avec la « mondialisation », la révolution informationnelle, le capitalisme d’aujourd’hui et son inhumanité ? Quels points d’appui pour remettre en cause la diminution capitaliste ? À quels types de luttes, de rassemblements devons-nous travailler ?

Le monde bouge, il bouge vite et en profondeur. Par leur portée et leurs implications, les mutations en cours, avec la révolution informationnelle et la mondialisation, confrontent celles et ceux qui luttent pour libérer l’humanité de la domination capitaliste et de toutes les dominations à des questions nouvelles. Ce mouvement porte en lui de formidables potentialités de progrès et de coopération, le besoin d’une nouvelle civilisation, mais avec le capitalisme, il génère instabilité, régressions, risques, angoisse, souffrances. La domination hégémonique du capitalisme s’est renforcée, mais face à elle, montent résistances et critiques du libéralisme, recherches d’alternatives. Loin de diaboliser la mondialisation, les communistes ne limitent pas leur action à la nécessaire résistance à ce qu’on pourrait qualifier de nouveau type d’impérialisme ; ils l’inscrivent dans la perspective universaliste d’une mondialisation de progrès humain à construire, une mondialisation de partage, de co-développement, de paix et de sécurité.


I. - La mondialisation capitaliste, ses conséquences, ses défis

La mondialisation n’est pas un phénomène nouveau : ce processus a une histoire. Mais il a franchi depuis quelques années un seuil qualitatif.

Les nouvelles conditions de production, les besoins de coopération, les nouvelles technologies de l’information et de la communication tendent en effet à bouleverser l’économie et la société. Elles font tomber les remparts de la distance, des frontières et du temps. Elles font des exigences accrues de formation et de qualification des conditions d’efficacité, et tendent à rendre nécessaire le partage des coût croissants de recherche-développement et de tous les savoirs.

Nous vivons là les premières décennies d’une nouvelle révolution technologique, la révolution informationnelle. Des possibilités nouvelles se trouvent ouvertes pour le développement des individus et des sociétés. Mais avec le capitalisme, ce ne sont pas les êtres humains qui priment : c’est l’argent pour l’argent. Les forces de l’argent utilisent ces transformations pour accroître leur taux de profit, avec une mise en concurrence exacerbée des salariés. Pour dominer en répondant aux exigences nouvelles de partage et de financement, elles multiplient les fusions, restructurations et acquisitions. Elles mobilisent à cet effet des ressources gigantesques sur les marchés de capitaux dont le poids s’accroît, ainsi que l’exigence de dividendes toujours plus élevés. La pression de la rentabilité financière dans les gestions des entreprises fait des ravages au détriment de l’emploi et de l’investissement productif. La surexploitation des salariés s’accentue : abaissement des « coûts salariaux », dégradation des conditions de travail, précarisation et flexibilité imposée.

Certes des rebonds de croissance et des reculs plus ou moins importants des taux de chômage sont obtenus dans les pays industrialisés. Mais, avec une précarité grandissante et une financiarisation accrue, ces mouvements sont fragiles et contradictoires. Au total, la demande mondiale demeure insuffisante. La guerre économique s’intensifie. Les affrontements s’aiguisent dans les négociations et concertations internationales.

C’est ainsi qu’au gré des « libres » mouvement de capitaux et des exigences de profits, de crises éclatent, des entreprises ferment ou se délocalisent, des économies s’effondrent, des désastres écologiques se produisent, l’instabilité s’installe dans un monde déséquilibré.

Ces dernières années, les inégalités ont explosé, l’écart a encore grandi entre « pays pauvres » (ceux d’Afrique particulièrement) et « pays riches », et au cœur de ces derniers la « fracture sociale » s’est accentuée. Le chômage massif est devenu mondial.

Cette situation nourrit les pires insécurités : guerres, violences, marchandisation des êtres humains, exploitation des enfants, prostitution, trafic des armes et des drogues, poussées obscurantistes et nationalistes, épuration technique.

Les marchés boursiers, les groupes multinationaux ne sont pas pour autant les seuls maîtres du monde. Le capitalisme a besoin des états pour réaliser ses objectifs, pour apporter à la société les transformations que cela exige.

Les états, en particulier les plus puissants jouent un rôle actif pour leurs actes politiques. Ils interviennent, légifèrent et construisent à l’échelle nationale, zonale et mondiale. Ils agissent le plus souvent sous l’influence ou la pression des groupes multinationaux et des marchés financiers qui poussent à des politiques néolibérales : baisse de leur impôts, réduction des dépenses publiques, privatisations, déréglementation dans tous les domaines.

Dans un monde à bien des égards unipolaires, les récents événements mettent brutalement en évidence une évolution des rapports de force contraire aux intérêts des peuples : violation du droit international, instrumentalisation des institutions internationales et de leur action, stratégie impérialiste des USA avec l’élargissement de l’OTAN et l’extension de ses missions, banalisation de l’usage de la force.

Les États-Unis dont l’hégémonie est flagrante et les pays les plus développés tendent de plus en plus à se comporter en gouvernement mondial, en même temps qu’ils rivalisent entre eux.

Ils dominent les institutions internationales, et n’hésitent pas à recourir aux pires pressions économiques et à la guerre. Que penser de la notion d’ingérence humanitaire ? Nous partageons l’exigence civilisatrice montante : rien ne saurait conduire à justifier le droit d’exaction que s’arrogent des États contre des populations. Mais nous ne sommes pas favorables à une banalisation de l’idée même d’ingérence. Cela pose de nouvelles questions : quels principes nouveaux, quelles actions, quelle conception de la souveraineté, quel cadre institutionnel lui opposer pour faire prévaloir le droit des populations et des individus ?

Des ensembles zonaux se construisent. Tout en faisant écho au besoin d’un monde multipolaire, et de coopérations nouvelles, ces constructions, édifiées sur des bases ultra-libérales, tendent à encourager la croissance des marchés financiers, la déréglementation, le chômage, la guerre économique. Aussi, au lieu de rivaliser avec les États-Unis pour attirer les capitaux, l’Union européenne pour tous les peuples, d’une organisation multilatérale, universaliste des relations internationales.


II. - Montée du mouvement de critique, recherche d’alternative

L’accélération de la mondialisation capitaliste et de ses ravages suscite la montée d’un mouvement de critique, de contestation, de résistance, et aussi d’une recherche plus forte d’alternative politique au capitalisme.

La mondialisation ne se réduit pas à la conception capitaliste qui la domine aujourd’hui. Des processus positifs émergent : avec la révolution informationnelle et l’essor des échanges, s’affirment un processus de rapprochement des peuples et des cultures, des facultés nouvelles de communication, de savoirs, d’expression et de mise en commun. Les nouveaux moyens de communication sont d’ailleurs de plus en plus utilisés comme vecteurs d’information, de débat, et d’action militante.

Des enjeux de dimension planétaire surgissent (SIDA, effet de serre, mouvements de population, sécurité nucléaire, alimentaire, etc.) et posent en terme nouveau l’exigence de démocratie.

Ces données nouvelles rendent plus insupportable encore la mondialisation capitaliste. C’est pourquoi elle suscite des résistances et des luttes qui lui opposent des obstacles, des propositions et qui parviennent à marquer des points. Elle nourrit des besoins nouveaux, la montée de nouvelles solidarités, d’une nouvelle conscience internationale. Elle porte des exigences fortes, notamment : respect et développement des droits de l’homme, un ordre international plus juste, régi par des règles et des valeurs universelles. La mise en cause des marchés financiers, l’exigence d’une autre utilisation de l’argent, du crédit, celle de droits nouveaux grandissent en liaison avec des mouvements pour l’emploi tel celui du 16 octobre 1999 en France. Des objectifs aussi divers que la taxe Tobin, la réforme profonde des institutions internationales (ONU, OMC, FMI, etc.), l’annulation de la dette, l’égalité des hommes et des femmes, la parité politique, la culture, la solidarité avec le journaliste noir américain Mumia Abu Jamal suscitent de fortes mobilisations internationales. La mise en échec de l’AMI par une mobilisation citoyenne internationale est un précédent significatif.

Les exigences de progrès trouvent des résonances dans les institutions et les grandes conférences internationales (par exemple concernant les enjeux sociaux, environnementaux, la situation des femmes, les droits des enfants) ; ONG, associations, réseaux, mouvements sociaux et citoyens y jouent un rôle grandissant. La coopération internationale des syndicats, les mouvements sociaux de dimension internationale se développent, tandis que les luttes dans chaque pays prennent une résonance internationale plus forte.

Au plan politique aussi s’expriment dans différents pays des mouvements de rejet des politiques ultra-libérales, tandis que les réponses marquées par le social-libéralisme s’avèrent loin de correspondre aux attentes.

Tout invite à la construction d’une autre conception de la mondialisation.


III. - Quelles perspectives ?

Une question se pose : dans ces conditions profondément nouvelles, quelles perspectives pour le progrès humain ?

Est-ce la « fin de l’histoire » ? Et pour ceux qui refusent en avant ultralibérale, la seule perspective est-elle limitée à l’alternative socio-démocrate : se rallier à l’économie capitaliste de marché, la considérer comme un cadre indépassable qu’il suffirait de réguler ? Rien ne nous conduit à le penser.

La politique, les choix politiques jouent tout leur rôle dans les processus actuellement à l’œuvre. L’action politique des États, les mobilisations et les interventions citoyennes et sociales peuvent à l’inverse modifier le cours des choses, faire reculer la dictature des marchés financiers et des multinationales jusqu’à s’en émanciper, civiliser l’international, promouvoir un développement humain durable et équilibré, et de nouvelles sécurités, les droits nouveaux d’une démocratie participative à l’échelle de la planète, jusque dans les entreprises et les institutions internationales. Il s’agit aussi de faire avancer d’autres règles de partage de ressources, de pouvoir et d’information. Cela concerne pleinement l’Europe, qui peut et doit être autre chose que l’Europe des marchés financiers. Sa construction autrement orientée, son élargissement peuvent être une chance pour répondre aux aspirations en matière d’emploi, de progrès social, de formation, d’accès à la culture, de démocratie, de paix et de solidarité.

L’heure n’est pas à renoncer à changer de société, au moment où, dans la nouvelle phase de son évolution, le capitalisme d’aujourd’hui révèle de manière plus aiguë son inhumanité, son inefficacité pour assurer le progrès humain, offrir l’avenir de bonheur, son inefficacité pour assurer le progrès humain, offrir l’avenir de bonheur, de liberté et de sécurité auquel les individus aspirent.

Dépasser ce système, en en combattant pied à pied tous les méfaits, et en agissant à tous les niveaux de la société et des institutions pour des réformes de transformation qui tendent à en abolir les règles par l’établissement graduel de nouvelles : voilà l’objectif qui est selon nous à l’ordre du jour pour les peuples de la planète. Voilà les fondements modernes de la raison d’être du Parti communiste français.

Face à la mobilisation capitaliste, notre nouveau projet communiste ne doit-il pas faire toute sa place au projet d’un autre cours de la mondialisation et d’un nouveau rôle actif de la France et de l’Europe, de notre peuple et de notre parti ?

Désormais la dimension européenne et internationale de notre action revêt une portée nouvelle. Nous avons avec notre peuple, avec les forces progressistes un rôle à jouer dans la mondialisation des résistances et des luttes, pour relier luttes locales, nationales, européennes et mondiales et les articuler à une perspective de changement.

Des forces nombreuses sont disponibles.

Nous le vérifions au niveau européen avec le rassemblement qui s’est opéré au sein du groupe de la gauche unitaire européenne.

Tout en respectant les différences, des possibilités d’action commune ou de convergences existent ; elles doivent être recherchées et développées avec les autres forces politiques démocratiques et progressistes, avec les composantes du mouvement social.

Et concernant plus particulièrement les partis issus de ce que l’on appelait naguère le mouvement communiste ? Ils ont connu des évolutions diverses et pour certains contradictoires avec nos valeurs. Mais nombre d’eux se réclament toujours de l’exigence de transformation révolutionnaire. Nous avons renoncé depuis longtemps déjà à la conception d’un mouvement communiste international et commencé à construire des relations nouvelles. Toutefois, dans le contexte de la mondialisation, ne nous faut-il pas débattre des nouvelles initiatives à prendre pour développer le dialogue, les réflexions, les recherches, le renforcement de la coopération et de l’action commune ?

Plus largement, ne devons-nous pas développer dans ce but nos relations et nos actions avec toutes les forces qui contestent l’ultralibéralisme, rechercher résolument tout ce qui peut rapprocher, favoriser les rassemblements, les convergences les plus larges, les initiatives politiques pour marquer tous les points qui peuvent l’être ?

Texte n° 2

Est-ce le communisme qui a échoué en ce siècle ? Quelles leçons en tirons-nous pour le renouveau du communisme français ?

L’histoire du communisme n’a pas commencé au 20e siècle ; mais au lendemain de la boucherie de la grande guerre, avec la révolution d’octobre 1917, en Russie, on a pu croire que l’espérance de la justice, enfin, parvenait à ses fins. Le communisme n’était plus seulement une idée généreuse : il devenait une société. Au nom du communisme, des millions de femmes et d’hommes se sont engagés sans compter, ont donné corps aux valeurs de solidarité ont aidé aux mobilisations populaires, ont contribué au mouvement du monde. Ils ont ainsi pris une part essentielle dans les grands acquis du siècle.

Or si le modèle soviétique a réduit les inégalités, protégé le travail et institué des droits nouveaux, il a reproduit des systèmes de dominations ; il n’a pas libéré l’être humain. La jeune démocratie soviétique est devenue l’un des appareils étatiques les plus oppressifs du monde. La dictature stalinienne a piétiné les droits de l’homme et bafoué l’idéal. L’enthousiasme initial a fait place au rejet, confondant stalinisme et communisme dans un même opprobre.

L’arriération de la Russie, l’héritage étatique autoritaires et l’intervention armée des puissances occidentales ont pesé sur des conceptions et des pratiques qui ont été érigées en principes universels. L’assimilation de la lutte de classes à une logique de guerre, comme la division du monde en blocs et en camps, ont contribué à justifier un commandement par le haut, une discipline de fer, la soumission de l’individu, la méfiance à l’égard de toute différence considérée comme déviance ou trahison, le culte de l’unanimité. Dans ce contexte, la volonté d’un « rattrapage » industriel et militaire a reproduit et même poussé jusqu’à leurs limites des traits du capitalisme qu’il s’agissait pourtant « d’abolir » : société centralisée et hiérarchisée, productivisme, conception « tayloriste » du travail, etc. Moralisme, contrôle de l’art et des esprits, ignorance des besoins individuels sont devenus des composantes de la société, empêchant de développer les potentialités émancipatrices que la révolution d’octobre avait déclenchées.

Toutes ces conditions ont ainsi favorisé des pratiques qui, dans trop de cas, sont allées jusqu’au crime. Cependant, ces pratiques ont des racines plus profondes encore. En effet, les conceptions révolutionnaires qui ont dominé notre siècle portent les marques d’une époque et d’une histoire. L’expérience, notamment française, des 18e et 19e siècles a focalisé l’attention sur le moment brusque de la prise du pouvoir, mettant l’accent davantage sur les changements dans l’État que sur les transformations en profondeur de toute l’organisation sociale. Le critère même de la révolution s’est identifié au caractère soudain d’une « abolition » de l’ordre ancien devant permettre une construction « à table rase ». La nécessité de la violence révolutionnaire fut théorisée et déboucha sur la « dictature du prolétariat ». D’immenses progrès de civilisation - l’État de droit, la démocratie - ont été combattus comme « bourgeois » et se sont vu opposer des conceptions « prolétariennes ». La liberté fut ajournée au nom d’une certaine conception de l’égalité et du progrès social. Conçu comme une « étape », le socialisme tourna en fait le dos aux finalités du communisme, renvoyant ses exigences à un horizon lointain.

De même la délégation de pouvoirs - qui prolonge jusque dans la démocratie la division séculaire entre une élite « savante » et un peuple « ignorant », entre un État tout puissant et une société qui doit tout en attendre - a été reprise dans la conception d’un parti d’avant-garde détenant la science révolutionnaire et dans un étatisme hypertrophié. De véritables États-partis ont réuni tous les pouvoirs, privant le peuple de toute capacité d’initiative, dans un rôle dirigeant de quelques-uns, jusqu’au culte de la personnalité. Cette extrême centralisation des décisions a progressivement privé les appareils bureaucratiques d’un lien réel avec les besoins sociaux, et paralysé un système nourrissant l’irresponsabilité et le désengagement des acteurs politiques, économiques et sociaux.

L’échec de ces sociétés était-il inéluctable ? À plusieurs reprises, des tentatives eurent lieu, à Moscou à différentes périodes comme à Budapest ou à Prague, qui ouvraient la voie à un développement plus démocratique et plus humain. Ces tentatives se heurtèrent aux blocages de appareils de pouvoir et aux cultures héritées de la période antérieure. Leur échec, comme les atteintes persistantes aux droits de l’homme dans des pays se réclamant encore du communisme, témoignent de la prégnance et des limites du modèle fondateur.

L’héritage des communistes français s’enracine dans celui des luttes et des espoirs populaires. Ils ont joué un grand rôle dans l’histoire nationale, dans la constitution des grands acquis sociaux et démocratiques de notre histoire récente. Ils ont été au premier range ces grands combats pour la liberté qu’ont été l’antifascisme, la résistance, les luttes anticoloniales. Mais ils ont approuvé ou préféré taire les violations des libertés commises dans de nombreux pays socialistes, puis ils en ont longtemps sous-estimé l’ampleur et les conséquences. Eux-mêmes ont provoqué dans leurs rangs la mise à l’écart et la douleur irréparable de trop de communistes. Au-delà, ils ont largement partagé, avec beaucoup d’autres, une culture et une conception révolutionnaires qui ont inspiré leur action : étatisme, délégation, sous-estimation des grandes exigences portées par le féminisme ou l’écologie, méfiance a priori à l’égard des idées ou des savoirs n’ayant pas le label du parti.

Nous sommes-nous totalement dégagés de cet ensemble d’idées, de mentalités et de pratiques ? Il est nécessaire de les dépasser radicalement. C’est nécessaire pour que les communistes soient utiles aujourd’hui comme ils ont su l’être en d’autres périodes. Ils ont su nourrir l’esprit d’alternative pour des millions de personnes et construire ainsi leur utilité pour la France et pour ses habitants. Le moment est venu où ils peuvent inventer les formes contemporaines de leur utilité.

Faut-il considérer que Lénine, voire Marx préparent Staline, que le nom de communisme est dès lors trop lourd à porter ? Faut-il au contraire penser qu’il n’y a chez Lénine aucune préfiguration de ce qui est advenu par la suite, et que le retour aux principes du « léninisme » est la condition d’un parti réellement révolutionnaire ? Il y a rupture de Lénine à Staline. Mais Lénine a partagé certaines des conceptions qui ont joué un rôle indéniable dans les drames ultérieurs. Elles étaient cohérentes avec ce que l’on pensait être à l’époque la mission d’un parti révolutionnaire. L’histoire, comme les exigences de notre temps, conduisent à penser que la transformation de la société, et donc la conception du parti communiste doivent obéir à d’autres principes que ceux qui fondaient les formes bolcheviques d’autrefois.

Jamais la fin ne peut justifier les moyens : on ne favorise pas la libération des êtres humains en restreignant même provisoirement leurs libertés. Il est illusoire de penser que la justice peut l’emporter si les individus ne peuvent maîtrise leur vie et leur avenir : changement social et développement de la démocratie et de la liberté sont inséparables. Tourner la page historique du capitalisme exige de faire reculer partout les rapports d’exploitation, de domination et d’aliénation. Cela suppose de partir de la société telle qu’elle est ; de s’appuyer sur ses acquis pour aller au-delà : de lutter pour développer la capacité et le droit des femmes et des hommes à décider eux-mêmes de tout : c’est un processus de dépassement. Aller au bout de cette démarche doit nous conduire à inscrire dans une cohérence nouvelle projet, stratégie politique et principes même d’organisation.

Les communistes français ne manquent pas de racines, du Moyen-Âge à nos jours, de Babeuf et Fourier à Jaurès, de la créativité des luttes populaires à celle des travaux issus de Marx. Ils ont été profondément marqués par le stalinisme qu’ils ont condamné en 1975, mais, depuis longtemps, ils ont cherché à améliorer leur propre fonctionnement et à renouveler leur pensée. Pourtant, leurs avancées mêmes ont été en partie prisonnières des conceptions initiales. Pour valoriser ces atouts, il ne suffit donc plus désormais d’améliorer l’état existant. Une conception du communisme a échoué en ce siècle, mais l’exigence d’émancipation humaine, plus grande que jamais, rend plus actuelle encore la visée communiste. Dans un monde et une société française profondément transformés, redonner souffle à notre idéal impose de travailler ensemble à un nouvel âge du communisme.

Texte n° 3

Quelle est notre analyse des évolutions de la société française, du travail, des rapports sociaux et humains, des classes sociales ? Quelles forces devons-nous travailler à rassembler ? Que faut-il entendre par « crise de la politique » ? Quels rapports construire entre mouvement social et politique ? Quelles initiatives prendre pour favoriser le développement du mouvement populaire et l’intervention citoyenne, levier de la transformation sociale ?

Véritable révolution des produits et des outils, explosion des connaissances et des possibilités de communication, nouveaux besoins et nouveaux défis ? La France fait partie du petit nombre de pays leaders de la modernité, du petit nombre de « pays riches ». Et il suffit de voyager pour constater qu’aux yeux de milliards d’êtres humains, notre sort apparaît comme enviable. Pourtant, dans ce pays aux atouts si nombreux, toute une partie de la société vit désormais dans la pauvreté. Pour plusieurs millions de personnes, tout se cumule : chômage, précarité, flexibilité, échec scolaire, ségrégations, déstructuration familiale, insécurité.

Nous vivons aussi dans un pays de culture, de créativité, où grandissent les aspirations à la responsabilité, au partage des savoirs et des pouvoirs, au respect des droits de l’homme et de l’éthique, aux moyens de « vivre ensemble » dans son quartier comme sur la planète. Les modes de production et d’échanges sollicitent désormais l’ensemble des qualités des individus. Pourtant, le plus grand nombre continue d’être exclu des mécanismes de décisions. Le mépris de ce besoin de respect d’être exclu des mécanismes de décisions. Le mépris de ce besoin de respect et de démocratie nourrit de profondes frustrations. Il est un facteur de développement de tous les replis - individuels, communautaires, nationalistes -, du racisme, de la violence, de la drogue. Le nombre croissant d’adolescents en rupture sociale de fait, en détresse, n’est-il pas un des symptômes les plus probants de cette réalité ?

Comment l’interpréter. Pour nous, les chômeurs, les salariés précarisés ou déqualifiés ne sont pas les laissés pour compte inévitables de la modernité : le processus de rejet et de ségrégation qui les frappe est le cœur même du fonctionnement de la société. On le voit à l’œuvre, au-delà des « exclus », avec la situation de préconisation généralisée imposée à la jeune génération, avec la remise en cause du droit à la retraite et, de façon générale, avec l’accroissement des inégalités sociales en tout domaine : une des caractéristiques majeures de la période est que l’augmentation des richesses est allée de pair avec l’aggravation de la précarité de la vie, l’accroissement de l’écart entre les plus riches et les plus pauvres, la rémunération sans cesse croissante du capital au détriment de celle du travail.

La contradiction qui oppose les besoins, les aspirations, les potentiels humains aux logiques, aux choix capitalistes est au centre de la crise de la société. Crise, c’est à dire phase d’exaspération des contradictions entre l’ancien qui résiste et les nouveautés qui le perturbent et le mettent en cause, où les choses ne peuvent plus rester en état mais où les issues ne sont pas encore perçues. Sortir de cette crise, c’est promouvoir d’autres logiques, d’autres choix.

C’est à cela que nous voulons contribuer. Cela implique d’abord de mesurer les bouleversements de cette société et ce qu’ils font émerger en termes non seulement de difficultés mais d’aspirations, tant dans les modes de vie, les rapports hommes/femmes, adultes/enfants, français/immigrés, que dans les phénomènes liés à l’urbanisation, ou encore à l’environnement, à l’insécurité, à la toxicomanie ? Ces questions doivent être débattues. Ce texte ne souligne que celles qui figurent dans l’ordre du jour que nous avons choisi ensemble.

Le travail. Il fait l’objet d’un débat de fond qui traverse toute la société. Le fait que le chômage est le problème numéro un pèse nécessairement très lourdement. Ainsi, l’idée que « le travail n’est pas tout dans la vie » est - légitimement - de plus en plus partagée, mais elle peut aussi être détournée afin de justifier le traitement social du chômage. De même, parler des « changements dans le travail » en général peut être utilisé pour banaliser l’aggravation de l’exploitation : précarité, flexibilité, bas salaires, déqualification ? Et comment dépasser l’opposition entre la proposition d’un revenu d’existence hors travail et le revenu des travailleurs provenant seulement de l’emploi ?

Si le rapport de forces le lui permet, le patronat peut, certes, utiliser la loi des 35 heures pour aggraver les conditions de travail. Une mobilisation est donc nécessaire pour que la réduction du temps de travail soit synonyme d’un progrès et d’un mieux-être pour tous. Celle-ci n’est-elle pas une aspiration très puissante ? Le besoin grandit dans la société d’une harmonisation nouvelle entre travail « intéressant » ; activité sociale, culturelle ; et temps consacré à soi, à sa famille. Quelles conséquences en tirons-nous ?

Les modes de production se sont profondément modifiés. Il y a de plus en plus imbrication des activités de production, de services, de recherche-développement, de gestion et de formation. N’est-ce pas une profonde modification de la division sociale du travail ? Avec la complexification des produits et des outils, la part du travail intellectuel dans le processus de travail grandit. Celui-ci appelle davantage de savoirs, de créativité, d’interactivité, de polyvalence, de dépenses pour le développement de toutes les capacités humaines. Mais la rentabilité financière pousse à l’intensification du travail, au rejet des travailleurs peu qualifiés dans le chômage et à la dévalorisation des plus qualifiés, à la segmentation accrue des tâches. Autant de dispositions à combattre. Mais, nous, comment prenons-nous en compte, dans nos pratiques, ces besoins de partage, de communication, de responsabilité, de démocratie au travail ?

Les classes sociales. Elles avaient « disparu » : les revoilà ! De nombreux essais, articles, études traitent du « retour de la lutte des classes ». À cet égard, l’idée que le premier ministre a avancée d’une « nouvelle alliance » entre « classes moyennes, classes populaires et exclus » ne peut être la nôtre : les cadres ne formant pas avec les professions libérales une classe sociale distincte des autres salariés ; et les « exclus » ne sont pas une classe à part des couches populaires, mais la partie la plus en difficulté de celles-ci. De même, l’actionnariat salarié - dont le développement connaît des limites - ne supprime pas les contradictions d’intérêts de classe fondamentaux des salariés et des capitalistes ! Il ne concerne qu’une part infime du capital et ne donne actuellement pratiquement aucun pouvoir sur son utilisation. Peut-on envisager cependant qu’il prenne des formes plus progressistes ?

Pour nous, la notion de classe est liée à un type d’organisation historique de la société et ne constitue donc pas une donnée éternelle. Les communistes visent, par le dépassement du capitalisme, l’avènement graduel d’une société sans classes. Dans la société capitaliste, cette notion renvoie à une place déterminée par rapport à la contradiction capital-travail, entre exploiteurs et exploités. Pour autant, la notion de classe ne se confond pas avec une « catégorie socioprofessionnelle » : elle a une dimension politique. Être en position et en capacité de mener la lutte des classes implique conscience d’intérêts communs, action collective, solidarité.

Il y a au moins une classe qui a conscience d’être telle : c’est la classe dirigeante de la société, la classe capitaliste. Discrète par nature, elle est poussée, du fait des difficultés de la droite, à intervenir plus directement sur le terrain des idées et de la politique, au moyen du MEDEF. Mais elle demeure, comme classe, largement méconnue. Mieux mettre en lumière sa réalité - et tout simplement son existence - devrait être une de nos fonctions.

Et les autres classes ? Puisque les ouvrières et les ouvriers sont plusieurs millions dans notre pays, doit-on en déduire que la réalité de la classe ouvrière n’est pas contestable ? Mais le fait est que de moins en moins d’entre elles et eux ont un sentiment d’appartenance à la « classe ouvrière ». Et c’est encore plus vrai des catégories de salariés que nous avons considérées comme partie intégrantes d’une « classe ouvrière élargie ».

Le 29e congrès avait indiqué que, désormais, c’est « à l’immense majorité du monde du travail, dont 90 % sont salariés, que sont infligés - naturellement sous des formes et à des degrés différents - le rapport social d’exploitation et l’aliénation ». Ces « formes et degrés différents » d’exploitation délimitent-ils une frontière de classe entre la classe ouvrière et les autres salariés ? Ou ne doit-on pas penser plutôt que la classe ouvrière est une classe constitutive de la révolution industrielle, et que les transformations de la division du travail dans la société à l’heure de la révolution informationnelle induisent une modification de la structuration de classes ?

La lutte des classes est une réalité bien vivante. Mais, comme le soulignait le 29e congrès, elle prend « une dimension et des contours nouveaux ». Est-ce qu’on ne peut pas les discerner au travers des grandes luttes qui ont marqué ses dernières années, tout à la fois par leur ampleur, leur portée et la sympathie majoritaire qui les a entourées : mouvement de 1995, actions des privés d’emploi, de nombreuses catégories de salariés, des intellectuels, des lycées et étudiants, mobilisations féministes, pour les sans-papiers et les droits de tous les « sans », contre le racisme, l’homophobie, la « malbouffe » et la mondialisation capitaliste ?

Toutes ces exigences se heurtent à la nature capitaliste de la société, beaucoup des questions qu’elles expriment se trouvent bien sûr posées sur le lieu de l’exploitation, le lieu de travail ; et, dans le même temps, c’est sûr de nouveaux terrains que se mènent des conflits de classe. Ne devons-nous pas mieux tenir compte de cette réalité, dans l’entreprise et au dehors, qui nous fait renoncer à classer les exigences de libération humaine en « principales » et « secondaires » ? De même, ne faut-il pas mieux prendre en compte le fait que les dominations s’exerçant dans la société ne relèvent pas toutes de sa nature capitaliste, particulièrement les rapports de domination de sexe ? Ce désir d’émancipation qu’on retrouve partout est au cœur de ce que, depuis 1995, on appelle le « mouvement social ».

Celui-ci a une grande diversité d’expressions organisées : syndicats, associations, partis politiques. Aucune ne le représente dans sa totalité. Il est divers par ses sensibilités, ses objectifs et ses traditions. Il n’est pas sans contradictions importantes, dont certaines ont à voir avec l’alternative : s’adapter ou transformer ? Mais il est plus qu’une simple addition de mouvements sociaux disparates, catégoriels. Ses refus et ses demandes sont autant de contestations des dominations à l’œuvre dans la société et de leviers de la transformation sociale. Car il y a davantage, avec les exigences dont il est porteur, que des critiques : il y a beaucoup d’aspirations convergentes à une autre façon d’organiser la société, à l’invention d’une autre politique.

C’est la nature même de ces exigences du mouvement social qui porte l’intervention populaire à ne pas se cantonner à la revendication sociale, mais à l’investir pleinement le champ politique. Cette question est posée au mouvement social. C’est aussi par la réponse qui lui sera apportée que s’offrira une issue à la crise de la politique et de la citoyenneté.

Nouveau rapport entre mouvement social et politique ? Oui, cette question est posée dans la vie. Nous avons entrepris d’y travailler, avec la constitution de la liste Bouge l’Europe ! avec la manifestation du 16 octobre et ses prolongements. Cette volonté se heurte à de nombreux obstacles. Et elle fait débat entre nous. Est-ce qu’elle heurte l’exigence légitime d’autonomie du mouvement syndical et associatif, ou, à l’inverse, l’autonomie du parti, de son identité ? Sa condition est tout au contraire le respect intransigeant de l’indépendance des uns et des autres : aucune relation fructueuse n’est envisageable hors de ce principe. Et aucun progrès réel n’est désormais possible dans le « chacun chez soi », qui dresse des panneaux de sens interdit à l’intervention populaire.

Crise de la politique et de la citoyenneté ? Les symptômes de celle-ci sont connus : discrédit des partis et des hommes politiques, méfiance à l’égard de la représentation et, au-delà, des institutions, qui entraînent recul du militantisme et abstention massive. Le refus grandit d’une conception de la politique qui se montre étrangère aux préoccupations des citoyens, sur laquelle ils n’ont pas prise, qu’on dit de surcroît impuissante et réservée à un « personnel politique » de plus en plus perçu comme corrompu. Certains s’accommodent de cette américanisation de la vie publique, où, de fait, l’électorat populaire est de plus en plus exclu de la vie publique, où une majorité de nos concitoyens perd confiance dans ses représentants. Ne pas percevoir les dangers de cette évolution pour la démocratie, pour la République, c’est faire preuve d’un invraisemblable aveuglement.

Mais ces risques ne sont pas toute la réalité. Cette sévérité du jugement sur « la politique » est à la mesure de l’aspiration à faire autrement. Il n’y a pas, en effet, désintérêt pour les « vrais » débats politiques, ni désengagement citoyen. Tout au contraire, le besoin grandit d’une conception neuve de la politique, fondée sur l’honnêteté, la transparence, la proximité, l’efficacité pour répondre aux attentes du pays, faisant droit à la volonté d’être écouté, de compter pour un, d’intervenir efficacement, de mieux partager le savoir, le pouvoir, les compétences tant dans les partis que les institutions.

On retrouve ces mêmes aspirations dans les caractéristiques les plus neuves du mouvement social : les exigences d’éthique et de compétence, la démocratie dans l’élaboration et la conduite de l’action, l’établissement d’un lien entre le spécifique et l’intérêt général, la primauté donnée au libre choix des individus, le respect des différences.

C’est à partir de tout cela que peut se construire un mouvement populaire se donnant des exigences transformatrices, sans lequel il ne peut pas y avoir de changement de la société, une dynamique sociale et politique fondée sur les pratiques démocratiques et les exigences émancipatrices actuelles. C’est le choix que nous avons effectué au 29e congrès d’« une révolution humaine, citoyenne, solidaire, par le mouvement de notre peuple et la force de la démocratie ».

N’avons-nous pas, en outre, à contribuer à répondre au besoin d’intervention des citoyens eux-mêmes sur le terrain politique ? C’est ce que nous voulons faire, notamment en contribuant à la création d’espaces citoyens. Il s’agit d’offrir une possibilité inédite aux citoyens de se réapproprier la politique et de peser sur les choix. Plusieurs centaines de ces espaces se sont ouverts. Nombre d’entre eux ont une vie réelle. Mais d’autres n’ont plus tenu de réunions depuis plusieurs mois. Comment apprécier cette expérience ? Doit-on, à une plus grande échelle, sortir du champ de l’expérimentation pour en faire un mode de vie politique dans la durée ? Faut-il inventer d’autres formes ?

Texte n° 4

Quel est le sens de notre projet communiste ? Sa démarche ? Pourquoi accordons-nous la primauté à l’individu ? Qu’entendons-nous par « dépassement du capitalisme » ? Quel est le contenu de notre projet ? Comment vaincre le chômage et la précarité ? Quelle est l’idée de sécurité d’emploi et de formation ? Quelle est notre conception du travail ? Quelle est notre conception de la propriété ? Des services publics ? Quelle est notre conception de l’utilisation de l’argent ? Quelle est notre conception d’une société de justice, de liberté, d’épanouissement humain ? Du développement durable ? Quelle est notre conception de la nation ? Des institutions mondiales ? De l’Europe ? D’un monde de paix ? Quelle est notre conception de l’égalité hommes-femmes ? Quelle est notre conception du partage du pouvoir ? De la démocratie ?

Attention : suite à une erreur de frappe, ce texte a été modifié depuis sa première édition. La correction est en gras.


I. - Une société libérée du capitalisme

Nous vivons dans le monde des extrêmes. Jamais l’humanité n’a disposé d’autant d’avoirs, de savoirs, de pouvoirs. Et pourtant les inégalités, les fractures sociales se creusent, les dominations deviennent insupportables, les conflits se multiplient. Cette contradiction menace la survie de nos sociétés. Elle freine et appauvrit l’aventure humaine.

Ce monde doit changer.

Une conséquence majeure de la révolution informationnelle est la nécessité de promouvoir toutes les ressources humaines, de tourner la société vers la mise en valeur des potentiels humains, vers la satisfaction des besoins de notre temps.

« À chacun selon ses besoins » devient un objectif moderne, atteignable. Notre projet entend relever ce défi de la libération humaine, afin de rendre aux peuples le droit à la décision démocratique et à la politique sa noblesse. Il veut inverser les priorités du capitalisme : les progrès doivent servir les êtres humains. La mondialisation doit être celle des peuples, le développement doit être universel, planétaire et durable. Nous voulons l’émancipation de l’individu, le droit à une vie meilleure, l’accès à la connaissance, à la culture et aux soins pour tous, le droit à la différence et à la laïcité.

Le capitalisme impose la concurrence entre les individus. Nous voulons qu’ils assument ensemble la souveraineté. Nous voulons construire une société d’individus solidaires plutôt que concurrents, intervenant plutôt que délégant.

Nous agissons pour un communisme de la liberté, universel et démocratique. Il ne s’agit pas d’organiser un petit groupe d’individus « éclairés » chargés de libérer la société. Il s’agit de nous affranchir « tous ensemble » de l’oppression capitaliste. Nos propositions s’inspirent du sensible, du vécu, elles s’élaborent à partir du refus croissant de l’exploitation, des exigences montantes d’humanité, des formes nouvelles du mouvement social. Elles s’adressent à la jeunesse, au rejet croissant du capitalisme dans les générations montantes.

Nous ne voulons pas « aménager » le capitalisme, mais en libérer la société. Nous voulons son dépassement démocratique. Nous voulons changer de société.

Pour nous, dépasser le capitalisme, c’est supprimer ses maux, aller au-delà de ses propres conquêtes. C’est contester jusqu’à la remplacer sa logique dans un mouvement continu vers une autre société, construire au jour le jour à partir de celle dans laquelle nous vivons. C’est améliorer, dès maintenant, la vie de tous. Dans ce processus, la rupture avec l’ordre ancien s’appuie sans cesse sur ce qui émerge, sur les débats, les luttes, le suffrage universel.

Nous cherchons à concrétiser le courant émancipateur des désirs des peuples, à faire émerger des majorités d’idées, des majorités politiques. Plus qu’un moyen, la démocratie est un moteur d’une transformation qualitative, révolutionnaire, autogestionnaire voulue par et conçue pour la population.

Notre projet est celui de la construction en commun d’une société non seulement « meilleure » mais « différente ». Une société où les moyens de production et de création sont au service des êtres humains, et non pas le contraire. Une société de justice, de plein emploi, de partage des richesses, des savoirs, des pouvoirs, une société de respect et de sécurité, solidaire et démocratique.


II. - Une société-monde responsable et solidaire

A. - Le plein emploi, un nouveau rapport au travail, une sécurité d’emploi et de formation

Le chômage et la précarité, qui constituent des souffrances intolérables pour les individus et un immense gâchis pour la société, sont au centre de la stratégie capitaliste. Ils lui sont essentiels pour garantir la rentabilité des capitaux, culpabiliser les actifs, fragiliser le corps social. Pour faire reculer le chômage, l’exclusion, la précarité, c’est au cœur du capitalisme qu’il faut s’attaquer. Une régulation des marchés seule ne suffit pas. Il faut un autre type de régulation afin de maîtriser les marchés et commencer à les dépasser. Il faut inverser les fins et les moyens, en remettant l’économie au service des individus. La justice sociale et le développement économique vont de pair.

La révolution technologique informationnelle pourrait permettre une satisfaction élargie et originale des besoins humains, un accroissement du temps libre, ce temps libéré pour la citoyenneté, la culture, l’épanouissement personnel.

Nous voulons une société du plein emploi, d’un emploi de qualité et bien rémunérée pour tous. Un plein emploi ne saurait s’accommoder d’un volant de chômage incompressible et d’une extension de la précarité. Y parvenir, c’est utiliser l’argent public, le crédit, la fiscalité, de façon à inciter la création d’emploi et la formation plutôt que la réduction des activités. C’est responsabiliser les entreprises, c’est arrêter l’hémorragie des licenciements, c’est réduire le temps de travail, transformer les emplois précaires en emplois stables, améliorer la santé et les conditions de travail. C’est enfin s’appuyer sur la relance de la consommation notamment par l’augmentation des salaires. Le plein emploi passe par l’action pour changer le travail.

Pour conquérir cette nouvelle émancipation humaine que constituerait le dépassement du marché du travail, nous proposons une sécurité d’emploi et de formation, permettant à chaque individu d’avoir la garantie d’un emploi et d’une formation de qualité. Avec la maîtrise par les salariés, les privés d’emploi et les jeunes de l’organisation et des conditions de passage entre l’emploi et la formation, pour assurer une mobilité choisie et positive, une progression professionnelle tout au long de la vie. L’argent de l’indemnisation du chômage doit être orienté progressivement vers l’emploi et la formation, pour travailler tous, travailler moins, travailler mieux.

Le travail n’est ni en voie de disparition, ni la seule finalité de l’existence humaine. L’emploi est un droit. Il doit être conçu autrement que l’exploitation des hommes, des femmes et des enfants. Il doit permettre de libérer des responsabilités et des qualifications nouvelles, pour l’autonomie et la dignité de chacun. Il ne doit plus être synonyme de flexibilité contrainte et de stress pour les uns, de précarité et d’exclusion pour les autres. Il doit s’ouvrir à tous les jeunes, notamment avec la transformation des emplois jeunes et des emplois précaires en emplois stables, et une incitation plus forte à l’embauche des jeunes. Nous voulons un travail ouvert à la démocratie, à l’exercice de droits et de pouvoirs nouveaux d’intervention des salariés.

Nous sommes pour la création de richesses, pour une politique industrielle et de servies, moderne et ambitieuse. Nous sommes pour que l’argent aille au travail et non à la spéculation, à la création et non à l’exploitation. La fuite en avant capitaliste vers le « tout financier » met en cause l’économie réelle : au-delà du salariat, elle menace le tissu économique de nos sociétés, les créateurs de richesses matérielles et culturelles, l’environnement. Les économies comme les sociétés sont handicapées et fragilisées par la finance et le grand patronat. Nous luttons pour fixer comme but à l’économie l’efficacité sociale durable. En ce sens, nous sommes le parti des entrepreneurs et des créateurs : nous voulons révolutionner le travail.


B. - Une mixité public/privé utilisant l’argent autrement

Nous sommes pour transformer la société au moyen d’une économie mixte à prédominance sociale. Nous refusons l’étatisme. Nous voulons changer l’État, vers un État plus transparent, qui restitue ses pouvoirs à la société. Nous sommes contre les privatisations : nous sommes, ni pour une économie administrée, ni pour se soumettre à la « loi du marché ».

Ni la redistribution, ni l’appropriation sociale dans la forme étatique ne suffisent : nous souhaitons de nouveaux rapports public/privé, où chacun soit responsable de la satisfaction des besoins humains, de la société. Il n’est pas dit que par nature, toute mixité public-privé doivent toujours se faire au profit de la logique du privé. L’intervention citoyenne pour conquérir de nouveaux droits est déterminante pour que les critères de rentabilité du privé ne fassent pas la loi, pour que prédomine des critères de gestion d’efficacité sociale, pour une autre utilisation de l’argent, favorable à l’emploi, à la formation et à la recherche. À propos de toutes ces réflexions il s’agira de prolonger les débats ayant abouti au document du comité national de janvier 1999 sur les services publics.

Les services et les entreprise publics, porteurs d’efficacité, de protection, de cohésion sociale, sont des atouts décisifs et d’avenir au service de l’emploi, du développement harmonieux du territoire, du dynamisme de notre pays, de sa modernisation. Ils sont également l’une des assises du sentiment de citoyenneté et de l’égalité républicaine.

Aujourd’hui, nos besoins s’élargissent et se diversifient. Faire face à la mondialisation, avoir des projets à long terme, répondre à des enjeux planétaires de développement implique de libérer l’économie des marchés financiers. Parce que l’intervention publique et nationale est nécessaire à une politique économique efficace et durable, le champ des entreprises et services publics ne saurait être limité a priori.

La société a besoin non pas de moins, mais de plus de services publics. Elle a besoin de services publics rénovés, démocratisés, coopérant au plan national et international poursuivant un but social d’ensemble. Leur essor implique de dépasser la gestion étatique du secteur public, en favorisant un rôle actif des salariés, des usagers et des populations, des élus avec de nouveaux droits et pouvoirs dans les gestions.

Le budget de l’État s’élève à 1 700 milliards de francs. Les profits de l’entreprise à 2 100 milliards de francs et les crédits bancaires accordés aux entreprises à 6 000 milliards. On ne peut pas demander à l’État de faire face, seul, aux énormes dépenses nécessaires à la nation. Ces dépenses constituent pourtant des investissements indispensables à la bonne marche du pays, de son économie et de ses entreprises. Dès lors, il est juste que tous les acteurs économiques et financiers soient sollicités.

La voie la plus originale est certainement celle du crédit à l’économie. Avec le crédit, il peut être possible d’amener les entreprises à placer leurs profits ailleurs que dans la finance, à les utiliser au contraire pour des investissements créateurs d’emplois et de richesses nouvelles. Les fonds publics doivent être contrôlés afin que l’argent aille à l’emploi et aux services utiles.

Dans ce sens, les banques et institutions financières publiques et semi-publiques, à but non lucratif ou à vocation mutuelle, peuvent coopérer au sein d’un pôle public pour développer de tels financements, notamment par une création monétaire, en faveur de l’emploi et de la création de richesses. Simultanément, une réforme en profondeur de la fiscalité doit encourager tous les acteurs économiques qui créent de l’emploi et inciter à une nouvelle efficacité de l’argent des entreprises.


C. - L’épanouissement humain et le développement durable

Le capitalisme engendre les inégalités, les injustices, les souffrances et les peurs. Il façonne des sociétés violentes, dangereuses, instables. Il veut faire de tout une marchandise, y compris du corps humain ou du patrimoine génétique.

Nous voulons une société humaine. Cela ne peut aboutir que si les énergies et les créativités individuelles, écrasées par la concurrence entre individus, les exclusions, le mépris, sont libérées. Nous voulons que l’esprit de la communauté républicaine soit reconstruit par l’exercice de droit, l’ouverture à la culture de l’autre et le respect de la personne, la solidarité et l’intégration citoyenne substituée à l’isolement et aux violences de l’incivilité.

Les buts de cette solidarité, de cette fraternité, en sont aussi les moyens. Il s’agit d’assurer pour tous des revenus pour vivre décemment, à commencer par les plus démunis. D’avoir l’audace de vivre ensemble, de revendiquer comme un atout la mixité sociale et ethnique, le mélange qui fait la France. De proposer à la jeunesse une place élargie dans la société. De garantir les mêmes droits pour tous, à la justice, à la santé, à la protection sociale, à la retraite ; de lutter pour la régularisation des sans-papiers, une nouvelle politique vis à vis des migrants fondée sur le respect des droits humains fondamentaux et pour le droit de vote des immigrés aux élections locales et européennes.

La condition du développement est qu’il soit durable, qu’il rende indissociable l’économique, le social et l’environnement. C’est pourquoi nous rejetons tous les productivistes, y compris celui de la finance. Nous soutenons les formes économes de production, les services rendus aux personnes, l’investissement dans les dépenses de recherches et de développement, la protection de l’environnement. Notre lutte contre l’exploitation de l’être humain va de pair avec une lutte contre la surexploitation de la nature.

Une croissance saine ne peut exister que si elle s’appuie sur une consommation soutenue et responsable, un recul des précarités, un dynamisme social, la recherche d’un développement économe en ressources naturelles, écologique.

C’est dans le sens d’un développement humain de long terme que nous luttons pour une école de la réussite pour tous, pour une ville esthétique et solidaire, pour le droit à la sécurité, pour des transports en commun économiques et de qualité, pour une politique du logement juste et préoccupée du beau, pour la culture.

Chaque progrès dans la qualité quotidienne de la vie de chacun est un acquis révolutionnaire.


D. - Une France, une Europe, un monde de co-développement et de paix

La Nation française demeure un lieu original d’exercice de la démocratie et d’élaboration politique, forte de son poids économique, de sa position dans les institutions internationales, de son rayonnement politique et culturel. Nous militons pour une France souveraine, ouverte sur le monde, mobilisant les citoyens pour faire avancer les grandes causes touchant à l’émancipation humaine, pour l’annulation de la dette et le co-développement mondial. Une France qui mesure ses responsabilités particulières vis à vis des conséquences de la colonisation et de l’esclavage.

Dans le même temps, du fait de l’interdépendance des économies, l’interpénétration des sociétés, l’interaction des cultures, la mise en réseau, l’action au seul niveau national ne peut plus suffire, toutes les décisions importantes impliquent une relation avec l’ensemble du monde. Cette interdépendance est aujourd’hui dominée par les « marchés », contraignant la « société monde » aux exigences de la rentabilité financière, aux rapports de dominations, à l’arrogance de l’hyperpuissance américaine.

L’inhumanité de cette forme de mondialisation appelle à construire des résistances locales, nationale et internationales. Les grands enjeux qui déterminent l’avenir de nos sociétés et de l’espèce humaine exigent la mise en commun d’atouts, de ressources, de capacités, le partage des responsabilités. Contester seul l’ordre mondial actuel manque d’efficacité. Unies à celles de ces partenaires, les initiatives et la créativité de chaque nation décuplent leur chance de modifier le cours de la mondialisation.

Nous militons pour une structuration démocratique de l’espace public mondial. Nous voulons rapprocher les peuples pour qu’ils se libèrent, ensemble, de ce qui les oppresse en commun. Nous voulons être partie prenante des réseaux progressistes internationaux. Nous voulons investir et transformer radicalement les institutions mondiales vers plus d’universalisme et de solidarité, notamment dans le domaine monétaire avec la création d’une monnaie commune mondiale pour favoriser un autre crédit dans tous les pays. Nous préconisons la transformation radicale de l’OMC, du FMI et de la Banque mondiale. Nous soutenons la taxation sur la circulation des capitaux spéculatifs. Nous voulons renouveler le dialogue Nord-Sud, en un dialogue non seulement d’État à État, mais de société à société, une authentique coopération entre partenaires, pour contribuer à la convergence des solidarités.

Nous agissons pour le respect des principes du système des Nations unies et pour renforcer son rôle et son autorité en vue de libérer l’humanité de l’actuel désordre mondial.

L’Europe est à la fois une chance et un immense gâchis. C’est aujourd’hui un territoire où domine le « libéralisme », un éloignement accru des centres de décision, l’abaissement du « coût du travail » et des dépenses publiques, la flexibilité, les déréglementations, les privatisations. L’Europe doit devenir au contraire un lieu de mise en commun, une zone de développement, de sécurité collective, un exemple encourageant pour le monde et doit pour cela se dégager de la seule logique de guerre économique.

Nous voulons « bouger l’Europe » vers une Europe plus sociale, plus démocratique, plus jeune, plus solidaire, en rupture avec l’actuelle loi du plus riche et du plus fort. Une telle construction européenne ne saurait être une forteresse. Elle n’est concevable qu’ouverte sur les autres nations du continent, volontariste à l’égard de l’exigence de développement des peuples du Sud, et prête à coopérer avec tout pays, y compris les États-Unis, dès lors qu’ils acceptent les règles d’un partenariat équitable.

Le recul social et le chômage de masse, la montée des nationalismes, des intégrismes, le gâchis écologique, les guerres dites locales, façonnent un monde instable et dangereux, un sanglant « nouveau désordre mondial ». Ce n’est pas le résultat de la nature humaine, mais bien celui de la nature du capitalisme.

Nous agissons pour le désarmement multilatéral, pour un monde sans arme nucléaire, pour un monde de paix. À l’opposé de la logique de l’OTAN, nous proposons de substituer une grande politique de prévention des conflits, de sécurité collective et coopération, notamment au travers de l’OSCE. Nous luttons contre les trafics de drogues, d’armes ou d’organes, contre la prostitution internationale. Nous refusons la mondialisation de la finance, des multinationales et des mafias. Nous agissons pour une mondialisation contrôlée du co-développement humain.


III. - Une société citoyenne du partage

Une société qui fonde la richesse de quelques-uns sur l’accroissement des inégalités du plus grand nombre est d’une société vouée à l’éclatement, au déclin. Chacune et chacun veut la maîtrise de sa vie. Nous voulons une société qui lui en donne les moyens. Nous refusons l’uniformisation, y compris libérale et l’égalitarisme, y compris celui de la pensée unique. Pour nous, la différence est une richesse. Et c’est au nom de l’épanouissement de chacun que nous militons pour l’égalité des droits pour tous.

Le féminisme est une dimension identitaire de notre projet communiste, de la recherche et de la construction d’un monde humain. Les discriminations, les multiples violences, les dominations persistent à l’encontre des femmes. Elles freinent l’ensemble de la société. Seul un effort collectif encourageant l’évolution des comportements et des mentalités peut permettre d’avancer vers plus d’humanité. Le choix de l’égalité entre les sexes au travail, dans la cité, dans la famille, conditionne une libération plus générale de la société. La parité politique permet de changer la politique elle-même, en ne privant plus l’humanité de la moitié de ses compétences. L’ambition du communisme n’est pas de prendre le pouvoir, mais de le rendre aux citoyens. Nous sommes pour le partage. Des richesses, parce que leur accumulation sur un nombre toujours plus restreint de « nantis » divise, appauvrit et démotive le corps social. De la culture, parce qu’elle est une condition de l’appropriation collective du monde. Des cultures, parque que leur ignorance mutuelle nourrit l’intolérance et le racisme. Des savoirs, parce que leur confiscation crée l’exclusion. Des pouvoirs, car sans ce partage la démocratie n’existe pas.

Ces partages permettent de redonner espoir, d’agir pour une société d’autonomie, d’initiative et de responsabilité, une société citoyenne.

Nous voulons moderniser la démocratie représentative, forme traditionnelle de la politique, tout en la stimulant par la démocratie directe, forme nécessaire de l’intervention citoyenne.

Le présidentialisme, clé de voûte de la cinquième République, contribue par son centralisme, son opacité à étouffer l’aspiration à la participation. Nous voulons libérer la nécessaire ingérence démocratique des citoyens dans la société. Nous voulons activer la citoyenneté là où elle est passive, introduire des droits là où il n’y a que des interdits, responsabiliser les citoyens là où ils sont bridés dans leurs aspirations. Nous voulons encourager l’esprit critique, décentraliser les pouvoirs, élargir le nombre des décideurs.

Nous proposons de remanier les institutions en profondeur (parité politique, revalorisation du rôle du Parlement, proportionnelle dans toutes les élections), revitaliser le lien entre représentants et représentés (cumul des mandats, statut de l’élu-e), aller vers plus de démocratie directe, d’implication (référendum d’initiative populaire, accès des citoyens à l’élaboration des lois).

Nous voulons ouvrir le chantier d’une nouvelle Constitution, pour une République moderne.

Nous travaillons dans un processus à une avancé de civilisation, une transformation historique validée à chaque étape par les choix des citoyens. Affranchie de ses illusions de raccourci historique, d’un illusoire Grand Soir, notre démarche révolutionnaire s’enrichit de la diversité du débat, intègre dans son projet la façon d’y parvenir, l’intervention et la décision populaire, la démocratie.

Notre visée n’est pas un modèle préétabli, mais un refus de la fatalité, un mouvement, une utopie créatrice. Nous voulons, tout simplement, réinventer le monde.

Texte n° 5

Quelle est notre appréciation de la politique menée depuis 1997 ? Et de notre propre action ? Faut-il rester dans la majorité, au gouvernement ? Comment articuler notre intervention dans les institutions et dans le mouvement populaire ? Où en sont les autres forces politiques, la social-démocratie, française et internationale ? A quelles formes de rassemblements à gauche faut-il travailler ?

En 1996, au 29e congrès, les communistes ont confirmé leur choix du 28e congrès : agir en faveur d’« une nouvelle construction politique, associant dans une majorité au Parlement et dans un gouvernement toutes les forces de gauche et de progrès pour mettre en œuvre avec le peuple, la politique de changement choisie par lui ». Ils ont alors insisté sur la double nécessité d’une intervention permanente des françaises et des français pour faire entendre avec clarté et précision leurs exigences et d’une audience accrue de la composante communiste dans la gauche.

C’est bien d’une nouvelle construction politique qu’il s’agissait. Il fallait tirer enseignement des expériences du « programme commun » et de l’union de la gauche autour des options du président de la République élu en 1981, qui avaient nourri des illusions paralysant l’intervention citoyenne, et occultant la nécessité d’un poids plus grand du parti communiste pour garder le cap à gauche. La « rupture » de 1984, avec le départ des ministres communistes, n’avait ensuite suscité ni le développement de luttes pour le respect des engagements, ni un progrès de l’audience du Parti communiste. Elle s’était accompagnée, au contraire, de l’isolement de celui-ci, d’une accentuation des sentiments de « fatalité » d’une politique considérée comme « la seule possible », et d’une aggravation de la crise de la politique.

Le 29e congrès s’attacha donc à souligner avec force que, pour réussir la nouvelle construction politique envisagée il faudrait un développement nouveau et permanent de l’intervention citoyenne. C’est dans le même esprit qu’une éventuelle participation à un gouvernement pour une politique de changement fut envisagée. Non plus, dans la « tradition » ancienne, comme un moyen d’accéder au pouvoir afin d’y impulser, en position dominante, une transformation sociale dont les modalités et les étapes auraient été « d’en haut » définies à l’avance. Pas comme un but en soi mais comme un élément d’une fonction communiste nouvelle, une dimension de notre stratégie pour la transformation de la société dans notre visée communiste. Avec un Parti communiste prenant ses responsabilités pour gagner avec le peuple tout ce qui peut l’être. Et pour contribuer à ce que celui-ci fasse l’expérience de ses propres capacités à conquérir des avancées afin de répondre à ses urgences et de l’utilité pour cela d’un Parti communiste moderne, ouvert, dynamique, plus fort et plus efficace.

En avril 1997, 4 mois après le 29e congrès, ce furent les élections législatives anticipées et la défaite de la droite, dans la foulée du mouvement social de 1995. Le temps avait manqué aux communistes pour mener le débat sur les conditions politiques du changement. La déclaration commune PC/PS du 29 avril 1997 n’était pas un accord de gouvernement. Elle notait des convergences, tandis que des divergences demeuraient sur des questions essentielles.

Pour répondre aux attentes des français, avec la volonté d’ancrer à gauche la politique du gouvernement, les communistes ont décidé, par un vote, de prendre leur responsabilité en participant à la majorité plurielle et au gouvernement.

La décision fut majoritaire. Mais des désaccords se sont exprimés, ainsi que des inquiétudes fortes aussi bien parmi ceux qui se prononçaient « contre », que parmi ceux qui votaient « pour ».

Le Parti communiste serait-il efficace dans une majorité dominée par le Parti socialiste ? Sa présence au gouvernement n’allait-elle pas freiner les luttes, l’intervention citoyenne ? N’allait-il pas se social démocratiser et trahir les espoirs placés en lui ?

C’est au regard de tout cela qu’il nous faut apprécier la politique menée depuis 1997, et notre propre action. Et en prenant pleinement compte les interrogations, les inquiétudes, les critiques qui s’expriment.

Peut-on dire que, depuis 1997, c’est « pareil qu’avant », quand la droite gouvernait ? Certes, des choix inquiétants sont effectués, que le Parti communiste désapprouve : privatisations, coups portés à la protection sociale, refus d’augmenter les minima sociaux, retraites et salaires, poursuite de la politique de « cadeaux » aux grandes entreprises au nom du dogme de « la nécessité diminution du coût du travail », acceptation de fait des contraintes du pacte de stabilité européen, etc. Les français en sont préoccupés et inquiets. Ils se souviennent aussi des projets de la droite et mesurent tout le mal que la poursuite et l’aggravation programmée de sa politique leur aurait fait.

Dans le même temps, malgré les résistances de la droite et du MEDEF des réformes ont été entreprises auxquelles les communistes ont pris leur part. En matière économique et sociale. Et pour faire reculer les inégalités, les discriminations dans la société - comme l’ouverture du chantier de la parité, la loi antidopage, le PACS, etc. Les communistes ont en permanence un double souci : en améliorer, voire en modifier le contenu pour qu’elles répondent mieux aux attentes populaires, et inscrire dans les lois des dispositions dont le mouvement social pourra se saisir pour de nouvelles avancées. Ainsi des emplois-jeunes, avec les dispositions sur la formation et la pérennisation des emplois créés, qu’il faut maintenir obtenir. Ainsi de la loi contre les exclusions et l’adoption de la couverture maladie universelle. Il faut en faire vivre par l’action, l’application intégrale et offensive contre la pauvreté et la précarité. Ainsi de la réduction du temps de travail et l’obligation de création ou préservation d’emplois pour obtenir les aides aux entreprises, et le contrôle de l’utilisation des fonds publics. On peut, dans le même esprit, évoquer la loi d’orientation agricole, ou certaines mesures fiscales positives obtenues dans la discussion du budget 2000, les efforts pour défendre et promouvoir les services et entreprises publiques en France et en Europe, comme à propos des chemins de fer. Les ministres communistes font, chacune et chacun dans son domaine d’activité, la preuve de la possibilité d’un apport original fondé sur de réels progrès sociaux et démocratiques - en matière d’emploi, de formation, de valorisation de la dignité humaine et de construction de rapports nouveaux avec les citoyens et le mouvement social et associatif. Leur efficacité reconnue s’appuie sur la volonté de ne pas céder aux pressions du libéralisme et leur capacité à dialoguer, à coopérer avec d’autres - y compris au niveau européen - pour des solutions neuves, porteuses d’avenir.

La majorité des françaises et des français qui ont porté la gauche au pouvoir affirment une opinion positive sur l’action menée depuis 1997. Mais leurs attentes demeurent toujours aussi fortes. De l’inquiétude, de mécontentement s’installent et grandissent parmi celles et ceux qui sont les plus touchés par les difficultés, et qui sont aussi pour beaucoup l’électorat de la gauche. La progression de l’abstention, en témoigne. La bonne opinion à l’égard de la participation communiste au gouvernement, s’accompagne d’interrogations, de doutes, de critiques : le Parti communiste fait-il tout ce qu’il faut pour que les espoirs de 1997 ne soient pas déçus ; pour que la politique suivie soit bien ancrée à gauche ? Préparant leur 30e congrès, les communistes ne manquent pas de réfléchir à ces données sur l’action menée depuis 1997 et sur l’opinion qu’en ont les français, à ce qu’elles impliquent pour eux et leur parti.

Un premier constat peut nourrir cette réflexion : si les attentes de 1997 demeurent, c’est parce que le Parti socialiste, en position dominante, se refuse à engager les réformes structurelles profondes qui permettraient d’y répondre, et que les communistes ne cessent de proposer. Par exemple : réformes de la fiscalité et du crédit pour orienter l’argent non plus prioritairement vers la finance mais vers l’emploi, la formation, le progrès social et humain ; conquête de droits nouveaux pour les salariés dans la gestion des entreprises et l’orientation de l’économie ; réorientation des dépenses publiques pour la modernisation et le développement des services publics et pour l’élévation du niveau et de la qualité de la vie… Autant de réformes totalement opposées aux exigences du capitalisme et de sa mondialisation. Le parti socialiste n’en veut pas.

Il se fixe pour objectif non pas de mettre en cause le capitalisme mais de réguler à la marge ses « excès », en limitant si possible les dégâts sociaux qu’ils provoquent, mais sans s’attaquer aux causes des inégalités. Pour lui, le capitalisme et sa mondialisation sont l’horizon indépassable de l’humanité. On peut les considérer de façon critique, en déplorer et contester les conséquences au nom des valeurs de gauche, mais il faudrait s’y adapter, et y adapter la société française. C’est là que le « volontarisme politique » affirmé par le Parti socialiste trouve ses limites. Elle se traduisent d’ailleurs dans l’objectif prioritaire, et proposé aux Partis socialistes européens, de rechercher un compromis syndicats - mouvement/social/gouvernement/patronat auquel les décisions politiques devraient s’ajuster. La volonté politique est alors appelée à s’effacer derrière une « négociation sociale » dans laquelle le mouvement social est privé d’un point d’appui décisif puisque l’État, les partis politiques, la représentation nationale sont priés de ne pas intervenir, et sommés de ne pas toucher aux « équilibres » ainsi établis sous peine d’être accusés d’atteinte à l’indépendance des « partenaires sociaux ». Le patronat très mobilisé en tire profit pour refuser au Parlement le droit d’introduire dans la loi des dispositions plus avancées que celles retenues dans certains accords négociés. C’est un handicap pour la conquête d’avancées sociales, et cela concoure à aggraver la crise de la politique.

À partir de ces conceptions, Lionel Jospin s’est efforcé, durant l’été 1999, de définir une nouvelle doctrine sociale-démocrate à la française. Elle doit être, à ses yeux, le fondement de la seconde phase de son action gouvernementale, et la base de rassemblement, autour du Parti socialiste, de la majorité de gauche plurielle. Le Parti communiste ne partage évidemment pas ces objectifs. D’autant qu’il mesure les pressions, en France et en Europe, en vue d’orienter les politiques des États participant à la construction européenne vers les thèses néolibérales du « manifeste » de Tony Blair et Gérard Schroeder, relayées au sein du Parti socialiste et du gouvernement. Comme la campagne menée, après les élections européennes, pour prolonger la candidature Cohn-Bendit vers l’émergence d’une force d’une 3e gauche, en fait une force social-libérale présentée comme pouvant devenir la seconde force de la majorité, en marginalisant le Parti communiste. Un social-libéralisme qui prétend répondre aux exigences de novation mais qui, refusant de s’en prendre à la domination de l’argent, ne peut que conduire à l’impasse.

Ces pressions ne sont pas sans effet. Mais, en sens contraire, des réalités s’imposent à tous. A la différence des autres pays européens gouvernés par des Partis socialistes ou socio-démocrates, il n’y a de majorité de gauche en France qu’avec les communistes. L’alignement sur le social-libéralisme européen en provoquerait l’éclatement. Par ailleurs, cette majorité ne s’est pas constituée autour du choix par les électeurs d’une politique social-libérale, mais autour du rejet du libéralisme et de l’attente clairement exprimée d’une politique de gauche. Enfin, depuis 1997, - et la présence des communistes au gouvernement n’y est pas pour rien - les idées qui grandissent dans notre pays ne sont pas celles de la soumission au capitalisme mais celles de sa contestation, avec, en direction du gouvernement, une forte demande de volonté politique et actes de changement. Et dans de nombreux domaines, on constate une intervention plus forte du mouvement populaire dans ce sens. C’est aussi un sujet de réflexion pour les « stratèges » en élection présidentielle qui affirment qu’un candidat de gauche ne pourrait gagner qu’au centre - c’est à dire plus à droite - en ignorant que ce serait le meilleur moyen de perdre à gauche des électeurs déçus, tandis que la droite et l’extrême-droite - certes en situation de crise - s’efforceront de procéder aux recompositions nécessaires pour regagner leur électorat.

Dans ces conditions, comment apprécier l’action des communistes depuis 1997 ? Comment la concevoir pour l’avenir ? Pourquoi ne nous a-t-il pas été possible d’obtenir l’engagement des réformes structurelles nécessaires et urgentes ? La question fait naturellement débat entre les communistes. Le fait de participer au gouvernement avec un Parti socialiste dominant et imposant ses vues nous en empêcherait-il ? La « solidarité gouvernementale » aurait-elle pris le pas sur l’identité protestataire et transformatrice du parti communiste ? N’avons-nous pas manqué d’audace, d’initiatives politiques, notamment pour travailler à regrouper et à faire s’exprimer une opinion de gauche pour « radicale », plus exigeante vis à vis du gouvernement ? Ne faut-il pas compléter notre participation à la gauche plurielle, par l’objectif d’un rassemblement politique de toutes les forces alternatives, radicales ? Est-ce la faiblesse du mouvement social qui nous aurait privé d’un point d’appui pour obtenir davantage ? Une décision gouvernementale n’est-elle pas d’abord le résultat du rapport des forces dans le pays ? Mais avons-nous fait tout ce qui dépendait de nous pour qu’il se développe ? Comment mieux faire de notre comportement et de nos actes dans les institutions un levier pour contribuer à faire évoluer ce rapport des forces ?

Ces questions traversent aussi les débats du comité national. Au-delà des différences d’appréciation sur la stratégie choisie en 1997, c’est sur la nécessité d’une meilleure maîtrise de sa mise en œuvre par tout le parti - ses militants, ses élus, ses responsables nationaux, ses groupes parlementaires, ses journaux - que la majorité des membres du Comité national souhaite mettre l’accent.

Il y a eu, et il y a incontestablement des difficultés persistantes à prendre les problèmes suffisamment « en amont » des décisions gouvernementales ou des débats parlementaires, afin de préciser les positions et propositions communistes, d’exposer publiquement les enjeux, de mettre en débat les solutions alternatives, de créer les conditions de l’intervention, est loin d’être toujours alternatives, de créer les conditions de l’intervention citoyenne. La « lisibilité » de nos positions, critiques, propositions, interventions, est loin d’être toujours assurée. Nous n’avons pas réussi à lier suffisamment en permanence nos choix, nos initiatives et prises de positions quotidiennes avec les objectifs fondamentaux qui caractérisent notre visée communiste d’émancipation humaine. Et nous n’avons pas non plus toujours fait suffisamment pour saisir la société et le mouvement populaire des problèmes qui tiennent au rapport de forces politiques dans lequel s’inscrit notre action au sein de la majorité plurielle et au gouvernement. Des incompréhensions, des doutes, du mécontentement en découlent. Et la confusion sur la nature et les objectifs de notre participation à la majorité, au gouvernement, ne facilite pas la nécessaire intervention citoyenne.

N’y a-t-il pas eu, par exemple, confusion sur la conception des communistes comme « relais-citoyen » ? L’« utilité » du Parti communiste ne peut se réduire à « relayer » dans les institutions des aspirations, des attentes, voire des mécontentements. Et dans les faits elle ne s’y réduit pas. Le souci de prouver cette utilité est légitime. Il faut davantage montrer l’apport communiste sur les décisions et réformes positives, le travail des ministres communistes. Au-delà des efforts constants à produire pour améliorer les décisions gouvernementales et ancrer du Parti communiste à être dans le mouvement populaire pour contribuer à l’expression des refus et des attentes ; pour y impulser un vaste débat sur les enjeux, la possibilité et la faisabilité d’autres choix ; pour lui apporter des propositions novatrices, claires, convaincantes et mobilisatrices ; pour prendre des initiatives rassembleuses afin que s’exprime une volonté populaire sur laquelle appuyer son intervention dans les institutions ?

Peut-on faire cela en restant dans la majorité, au gouvernement, alors que Lionel Jospin, face aux aspirations à mettre en cause le capitalisme, avance l’objectif pour les années à venir d’une politique sociale-démocrate de « régulation », acceptant comme étant « la modernité » la mondialisation capitaliste ? Et n’est-ce pas dangereux pour l’identité, et pour l’existence même du Parti communiste quand des voix s’élèvent, dans les milieux dirigeants du parti socialiste, pour affirmer que la gauche plurielle, en se regroupant autour de cet objectif, doit en fait cesser d’être « plurielle » pour devenir un « mouvement » dans lequel les partis actuels deviendraient de simples « sensibilités » d’une même formation politique ?

Ces questions doivent évidemment être sérieusement examinées.

Plus qu’en 1984, le départ des ministres communistes serait aujourd’hui considéré comme un recul face aux difficultés et à nos responsabilités ; voire un aveu d’impuissance renforçant l’idée de la « fatalité » d’une politique social-libérale. Par contre, la manifestation du 16 octobre a montré que le Parti communiste parce qu’il est au gouvernement et compte dans la majorité, peut jouer un rôle nouveau pour susciter et impulser le développement du mouvement populaire. Elle a montré qu’en prenant des initiatives politiques, il peut contribuer à créer des conditions inédites pour modifier les rapports de force en faveur de solutions anticapitalistes, dans le refus du compromis social-libéral. Des modifications qui, au plan des idées et du nombre de citoyens qui s’engagent, créent des possibilités d’action nouvelles et plus efficace aux organisations du mouvement social afin qu’elles soient mieux entendues, et pour que, dans les institutions, les communistes puissent à leur tour être plus efficaces.

La manifestation du 16 octobre a également montré que la réalité de la gauche plurielle - notamment du fait de la présence des communistes - est bien différente de la vision que veulent en donner les partisans de l’effacement de ses composantes dans une « nébuleuse » social-démocrate : les forces qui la composent existent chacune avec leur identité, sans accepter l’hégémonie de qui que ce soit, mais avec les apports singuliers de tous, et la possibilité de s’appuyer sur un mouvement populaire attaché à faire valoir ses exigences. Ajoutons que pour ce qui concerne le Parti communiste, ce sont des adhérents et eux seuls qui décident de son avenir. Et ils ne l’envisagent nullement dans son ralliement à la social-démocratie !

L’expérience de la manifestation du 16 octobre n’ouvre-t-elle pas des perspectives nouvelles pour un Parti communiste pleinement dans la majorité, et pleinement dans le mouvement populaire, contribuant à créer les conditions pour arracher des avancées sociales et démocratiques, et faire reculer les idées de « fatalité ? » N’ouvre-t-elle pas des pistes nouvelles pour faire évoluer les rapports entre mouvement social et construction politique, au bénéfice de l’un et de l’autre, et au service d’une dynamique de changement ? N’ouvre-t-elle pas des perspectives de multiplier les initiatives d’action avec tous ceux qui, à gauche, le souhaitent - qu’ils soient ou non aujourd’hui dans la majorité ? N’ouvre-t-elle pas aussi des perspectives pour une évolution de la majorité de gauche par un équilibrage, avec un poids plus grand des forces qui veulent un changement profond, une politique bien à gauche ?

Faut-il alors décider de rester au gouvernement « quoi qu’il arrive » ? Ce n’est pas ce que propose le Comité national. Tout ne dépend pas en effet de nous : il y a le mouvement populaire, et ses capacités à se développer ; et il y a les autres forces politiques de gauche, et les choix qu’elles feront. S’il fallait constater l’impossibilité de créer des rapports de forces permettant de s’opposer aux abandons sociaux-libéraux et de promouvoir les réformes de fond nécessaires, c’est aux communistes qu’il appartiendrait de prendre les décisions appropriées, par une consultation semblable à celle de juin 1997 par laquelle ils ont décidé l’entrée au gouvernement. L’échec de la majorité de gauche plurielle serait un échec pour le peuple de gauche, pour la démocratie, pour la France. Il faut tout faire pour l’éviter. Le comité national propose de redoubler d’efforts politiques pour mieux allier travail dans la majorité, au gouvernement, dans tous les lieux de pouvoir et présence dynamique dans le mouvement populaire, afin de créer les conditions de la réussite par des avancées répondant aux attentes de notre peuple. Cela implique de savoir construire avec d’autres, dans le respect de chacun, des rassemblements dans la lutte des idées et dans l’action concrète. Des rassemblements avec des forces différentes selon les objectifs et les modalités des actions entreprises. Mais concourant tous à faire naître et développer une dynamique exprimant la volonté politique de notre peuple : une « dynamique majoritaire de changement » dont nous proposons de faire l’objectif majeur de l’action politique des communistes.

C’est, à nos yeux, la voie pour changer réellement les choses en France, et contribuer du même coup à ce qu’elles changent en Europe, et dans le monde. C’est la voie aussi pour que la politique reprenne ses droits est sa noblesse. Pour que notre parti joue tout son rôle de Parti communiste moderne et efficace. Et pour que s’ouvre la perspective d’autres rapports de forces politiques permettant d’avancer dans la transformation sociale, pour que la société se libère du capitalisme.

Texte n° 6

Quel parti communiste construire pour un projet communiste de notre temps ? Avec qui ? Identité communiste et mutation du PCF. Quel « état des lieux ? » Qu’entendons-nous par fonction communiste moderne ? Que devons-nous changer pour, notamment : rendre plus efficace le militantisme des communistes dans leur environnement, sur leur lieu de travail, dans la société ? Accroître l’exercice de leur souveraineté ? Favoriser l’apport individuel et la diversité ? Construire réellement le parti avec les jeunes ? Assurer la parité ? Quel rôle, quelle forme, quel comportement des directions ? Quels moyens financiers se donner ? Qu’entendons-nous par « force communiste » et quelle relation entre elle et le parti communiste ?

Attention : suite à une erreur de frappe, ce texte a été modifié depuis sa première édition. La correction (ligne 6) est en gras. Devant les questions inédites que pose le monde d’aujourd’hui, les impératifs de renouveau qu’appellent l’examen de ce qu’il est advenu du communisme au 20e siècle, les évolutions de la société française, les appréciations de la politique menée depuis 1997, une alternative et une fonction communiste modernes s’élaborent.

Suffit-il de faire mieux fonctionner le parti tel qu’il est, ou chercher à construire un nouveau Parti communiste, le parti du nouveau projet communiste ?

Le Parti communiste est en France une force qui compte. Les communistes sont à la fois fiers de la place qu’ils occupent dans l’histoire de notre pays et dans la société tout en étant lucides sur les difficultés qu’ils rencontrent. Le Parti communiste a pour raison d’être - pour fonction - d’oeuvrer à la mise en mouvement autonome du peuple pour transformer la société. C’est en regard de cette ambition que la question de son utilité et de son efficacité est posée, et que l’exigence de sa transformation apparaît. Il doit être à la hauteur des évolutions et des aspirations de la société d’aujourd’hui, mieux lié à elle pour mieux la transformer et mettre en cohérence son projet, sa démarche, son mode de vie.

En décidant de l’ordre du jour du congrès, les communistes viennent de manifester leur souveraineté dans la détermination des finalités et les modes de vie de leur parti. C’est la base commune pour avancer. Elle concrétise la mutation du PCF : celui-ci n’est plus, dans une vision de la transformation sociale « par le haut », un parti défini a priori par des « principes ». Elle exprime l’exigence qu’il devienne pleinement le parti des communistes. Or un constat est établi. Entre la diversification des situations, des aspirations comme des formes de l’engagement politique et la réalité de la vie du parti, l’écart se creuse.


I. - L’émergence d’un nouveau parti communiste

Malgré d’importants efforts pour moderniser la vie du Parti communiste, il faut constater le recul des effectifs, la difficulté de la vie de trop nombreuses cellules, l’insuffisance des structures communistes de proximité pour développer ces nouvelles formes de militantisme auxquels aspirent les jeunes, les femmes, les salariés ; la tendance à faire vivre le parti sur lui-même, trop souvent en repli.

Ne convient-il pas de mesurer, pour nous-mêmes, les effets de l’inquiétante aggravation de la crise de la politique, de la contestation de l’utilité des partis, y compris par ceux qui en sont membres et dont les aspirations butent sur la réalité du fonctionnement de leur organisation ? Pour changer la politique, pour donner sens et force collective à la multiplicité des expériences et des apports individuels, nous considérons que l’organisation en parti politique est nécessaire. Les formations politiques qui ne trouveront pas les réponses novatrices au regard des exigences d’aujourd’hui s’enfonceront dans la crise.

Confrontés à cet état des lieux comme à l’expérience des efforts faits pour y remédier, les communistes en ont beaucoup discuté dans la consultation. Une idée se dégage : il ne s’agit plus seulement de carences ou d’une insuffisance attention portée à la vie du parti. C’est la conception même du parti, son mode d’organisation, de direction, et son mode de vie qui sont en question. La rigidité de cette conception et du fonctionnement des structures d’organisation et des instances de direction révèle son inadaptation. C’est cette rigidité qui est en cause - et non, comme certains l’ont craint - les cellules dès lors qu’elles vivent en collectifs de proximité… La réponse n’est évidemment pas de supprimer ce qui vit ! Le problème posé est de permettre à chaque communiste, tel qu’il est, telle qu’elle est, de prendre du plaisir à militer, d’apporter toute sa personnalité, sa compétence, sa créativité et sa liberté d’esprit à la réflexion et à l’action du collectif humain que constitue son parti. Il contribue ainsi à la construction d’une fonction communiste nouvelle dont l’ambition n’est pas de rallier la société à un projet élaboré en dehors d’elle, mais bien de le réaliser avec elle.

La très large majorité des adhérents a ratifié un ordre du jour qui pose la question d’ouvrir en grand le parti à la société pour y faire vivre un projet de transformation sociale.

Depuis plusieurs années, les communistes ont beaucoup discuté, réfléchi au rythme des initiatives prises à tous les niveaux, des hésitations, des blocages constatés, ou des difficultés du passage à la réalisation.

Cette mutation qu’ils ont engagée crée les conditions pour l’émergence d’un nouveau parti communiste en phase avec leurs ambitions.


II. - Proposer à chacun de décider où et comment s’impliquer dans l’activité communiste

C’est l’adhérent, et non pas la structure, qui est acteur et souverain dans la vie du parti. La diversification, la multiplication des activités proposées et leur ouverture permettent la promotion des personnalités. Et c’est à titre personnel que chaque communiste doit être à même d’exprimer sa souveraineté dans l’élaboration de la politique de son parti, la prise de décision, sans que l’étagement des instances y fasse écran.

Donner au communiste le pouvoir de décider de son cadre et de son mode d’activité est un changement très important. L’adhérent se trouve aujourd’hui affecté dans une cellule, cadre unique « de base », pour y exercer à la fois son activité et sa souveraineté. Ensuite, c’est dans la pyramide des instances de direction que la mise en commun des expériences, des informations et des initiatives s’opère. Le « pouvoir » d’élaborer et de décider des questions politiques nationales se trouve de fait délégué au sommet. L’adhérent, dans cette conception, reste « en bas ». L’innovation des récentes consultations est à cet égard pleine d’enseignements. Elle montre tout ce que met en mouvement l’appel à la prise de décision personnelle de l’adhérent.

Cela nous conduit à proposer de modifier toute la conception de nos structures. Les communistes sont attachés à l’idée d’une activité de proximité. Le Parti communiste ne serait plus un parti national si l’ensemble du territoire national n’était pas couvert par des structures communistes, dans les localités, les quartiers et les entreprises. Est-ce le cas, et quelles mesures doivent-elles être prises pour y parvenir ? Mais la proximité, n’est-ce pas aussi bien le lieu d’habitation, le lieu de travail que le centre d’intérêt, le réseau de contacts personnel, professionnel ou social ? Cela implique de réfléchir avec les adhérents aux cadres et aux formes d’activité proposés, qui peuvent être multiples.

Il nous faut créer partout ces différentes possibilités afin de permettre à celles et ceux qui décident d’adhérer au PCF de choisir où et comment s’impliquer dans l’activité communiste. C’est au collectif de multiplier les modes d’activité librement construits, librement ouverts.

Cette ouverture des structures de proximité permet aux communistes - qui s’y retrouvent avec d’autres pour réfléchir, débattre, élaborer, agir, se solidariser pour la transformation sociale - d’inventer individuellement, tous ensemble, un militantisme d’aujourd’hui, d’élargir par la qualité des activités communes, le nombre des adhérents.


III. - Souveraineté des communistes

La diversification des structures d’accueil et des apports militants doit s’accompagner d’un cadre démocratique rigoureux d’exercice de la souveraineté des communistes sur leur parti. Il doit permettre un développement de la citoyenneté communiste mieux adapté à la mise en commun des expériences, des analyses, des connaissances comme à la qualité des échanges d’opinions et de la prise de décisions.

Cette mise en commun est la condition de l’activité d’un parti politique. Elle permet la mise en cohérence des choix qu’appelle cette activité et la rigueur de l’expression du choix démocratique de celles et ceux qui décident, en adhérant au PCF, d’agir sur le terrain même de la politique, y compris pour la transformer.

L’expérience de récentes consultations montre l’intérêt d’un cadre territorial adapté à la diversité des situations départementales et locales, comme celui de la multiplicité possible des modalités d’expression de la souveraineté. Cela ne coïncide plus avec le mode unique de perception des cotisations. Cela n’implique-t-il pas d’en diversifier les modes à tous les niveaux du local au national, du contact personnel au virement à une association de financement du parti départementale ou nationale ?


IV. - Expérimenter à grande échelle des modes de travail en commun

À la lumière des premières expériences, la notion de « force communiste » s’est déjà modifiée et enrichie. Un mouvement en gestation pour un dépassement du capitalisme grandit autour de nous. Nombreux y sont celles et ceux qui se reconnaissent dans le communisme, et bien d’autres, divers dans leur rapport à la référence communiste comme à l’engagement politique.

Comment fait-on pour que ceux qui le souhaitent trouvent leur place dans la construction du nouveau parti communiste ? Peut-on le faire sans leur participation et leurs apports ? Comment faire pour que ceux qui aspirent à travailler avec les communistes puissent s’associer dans telle ou telle activité au niveau adapté à son objet ?

Faut-il les associer aux décisions ? Une autre approche se dégage largement du débat : la conviction que la transformation de leur parti par la décision des adhérents eux-mêmes permet d’expérimenter des modes de travail communs à toutes celles et ceux qui peuvent s’associer pour donner sa pleine vitalité du projet communiste.

Le respect de chacun permet d’envisager avec audace des activité décidées ensemble et construites dans la durée. Des expériences sont en cours : espaces citoyens, collectifs autour de centre d’intérêt, réseaux comme cherche à l’organiser la jeunesse communiste. D’autres sont à inventer. Et pourquoi pas la tenue de conventions y compris nationales organisées régulièrement sur différents thèmes de société, d’avenir ?

Tout cela suppose d’ici le congrès et le congrès et après expérimentation, imagination, encouragement, publicité, réflexion sur les résultats.

Les liens créés incitent à la prise d’initiative des communistes dans la construction qui leur appartient des fondations d’un Parti communiste nouveau. N’est-ce pas le sens d’un congrès fondateur ?


V. - Transformer la conception des directions

La transformation de la conception du parti et de ses modes de vie appelle la transformation de la conception des directions elles-mêmes.

Le dépassement de la délégation de pouvoir est au cœur du projet communiste. Il s’agit d’en concrétiser l’ambition, de la crédibiliser par nos pratiques et de réaliser l’objectif de parité, la prise de responsabilité de la jeune génération, l’expression du métissage de la société ; de dépasser l’étagement vertical des instances, leur multiplicité, de trouver des façons directes et souples de mise en relations, en réseaux.

Les commissions élues vont faire circuler avis et propositions afin d’organiser la consultation des communistes sur la démarche, sur la fonction des collectifs à élire comme sur les hommes et les femmes qui vont être proposés à leurs suffrages, à tous les niveaux. En ayant en vue un critère primordial : la capacité à donner pleinement l’information et le pouvoir aux adhérents, à coordonner et impulser les dynamiques collectives, à les fédérer.

Des camarades se sont interrogés sur la nécessité de décider de nouveaux statuts au congrès. Il faudra de nouveaux statuts, mais on peut raisonnablement considérer que la tâche du 30e congrès est de décider des orientations, des principes de vie et d’organisation. Le congrès devra avancer et décider quand et comment proposer aux communistes de discuter et de voter de nouveaux statuts.

Les changements à opérer ne vont pas de soi. Il s’agit d’inventer ensemble une façon de s’organiser, penser, travailler, décider et agir qui donne corps, crédibilité et visibilité au projet communiste.

Texte n° 7

Quelle idée avons-nous de la mission de l’Humanité des autres titres de la presse communiste, de leur apport aux communistes ? Comment répondre au manque d’information et de communication internes dans le parti ?

Il faut un grand quotidien communiste d’aujourd’hui : l’Humanité. C’est un atout fort dans notre combat pour la transformation sociale, pour le pluralisme, la démocratie. Fin 1998, les communistes ont discuté du devenir de leur journal. Certes, cette consultation a été marquées par des insuffisances. Il faut donc approfondir le débat, mais les termes d’alors demeurent un élément de référence. Ainsi, les communistes ont décidé de relever le défi de conserver et de développer l’Humanité, et cela, dans un contexte de crise aigüe de la presse écrite, au-delà de l’information et de la politique. Pour faire face à cette situation, le couplage avec l’Humanité Hebdo a été retenu.

Dès lors la réussite du projet était soumise à deux conditions :
- élaborer une conception novatrice du journal qui, avec cette qualité nouvelle, permettrait de conserver les lecteurs existants et d’en gagner de nouveaux ;
- parvenir à une mobilisation exceptionnelle des adhérents, des progressistes autour du journal : diffusion, souscription, réseaux de soutien.

Que dit le Comité national de décembre 98 ?

D’abord que nous voulons un journal communiste. Un journal utile pour la société, le mouvement social, les communistes pour toutes celles et ceux qui aspirent à changer la vie. Un journal d’ouverture, combatif, qui cherche à comprendre le monde pour mieux le transformer, à éclairer les enjeux, un journal à l’écoute de ce qui bouge et se transforme dans la société. Un journal porteur des valeurs fondatrices de la visée communiste et que d’autres que les membres du Parti communiste font leur. Il s’agit au fond de réaliser le journal de Jaurès de notre temps.

Nous voulons un quotidien qui soit lié à l’actualité pour mieux la hiérarchiser, l’analyser, la comprendre, qui s’enrichisse de sources alternatives, qui donnent une information autre, celle qui émerge du terrain du mouvement social et qui valorise l’apport original du Parti communiste.

Il s’agit devant chaque problème de contribuer à former des majorités d’idées en tenant compte qu’à une époque où chacun veut être maître de son jugement, partir de l’état d’esprit des gens auxquels on s’adresse, informer, confronter les idées sont les voies de l’engagement.

Ces orientations gardent leur validité. Il faut les approfondir. Il ne s’agit pas de revenir en arrière.

Où en est-on ?

L’attachement des communistes à l’Humanité demeure extrêmement fort : tous les procès-verbaux des fédérations demandent qu’il en soit discuté au congrès. Certaines modifications intervenues quant au contenu et à la conception du journal sont appréciées. Beaucoup voient des évolutions intéressantes dans la dernière période. Cela dit, pour beaucoup de communistes, la tonalité dominante est l’inquiétude, la perplexité, ?????, dont les motivations sont diverses et parfois contradictoires : certaines concernent les aspects de la mutation du parti communiste, d’autres le journal lui-même.

Ces exigences portent beaucoup sur la nécessité d’accorder davantage de place à la vie politique, à la politique du Parti communiste en particulier, à son activité sous différentes formes. Il y a également la volonté de voir mieux apparaître le lien entre le traitement des questions quotidiennes et le projet communiste. Des opinions diverses sont exprimées sur les nouvelles relations entre les communistes et l’Humanité : c’est un processus nouveau, et donc un travail commun de recherche.

Il faut noter que le mécontentement est aiguisé avec les graves et persistants problèmes d’acheminement des journaux.


La diffusion

Après un essor notable dans la période qui a suivi le lancement du nouveau journal (indicatif de potentialités réelles), une inflexion est intervenue avant l’été. Elle nous amène aujourd’hui à des niveaux de diffusion inférieurs à ceux d’avant la transformation.

Les difficultés sont sérieuses. Elles touchent tous les modes de diffusion, vente en kiosque, abonnements postés ou portés. La tendance lourde à la fermeture de CDH et à la diminution de la vente militaire de l’Humanité Hebdo se poursuit. Après les ajustements liés au couplage, celle-ci est en recul.

Le pari que nous avons lancé est donc loin, très loin d’être gagné. Il y a urgence à tenter ensemble de résorber les sources d’insatisfaction. Un sursaut s’impose pour rétablir le lien de confiance entre les communistes et l’Humanité.

Pour cela, il faut essayer de répondre à de très forts questionnements que l’on retrouve un peu partout : l’Humanité n’est plus l’organe central du Parti communiste français, mais c’est un journal communiste. Qu’est-ce-que ça signifie ? Quels rapports avec le parti ? Quel contenu, quel sens donner à la diffusion militante ?

Nous étions convenus, à juste raison, que la fonction du parti et la fonction du journal ont chacune leur singularité, distinguant presse et communication propre du parti. Le parti est l’éditeur. Son rôle est d’exprimer les attentes des communistes.

Afin de préciser ces nouveaux rapports, un conseil de surveillance a été créé : il a pour rôle de contribuer à définir les orientations fondamentales qui sont de la compétence de l’éditeur (donc du parti) et d’en suivre la mise en œuvre. Il faudra mieux faire connaître ses travaux.

L’Humanité journal communiste : nous l’avons dit, il doit exprimer son identité en étant porteur de perspective, porteur des valeurs de la visée communiste.

Des opinions plus précises ont été exprimées. Ce doit être un journal combattant, qui s’indigne, qui combat le capitalisme, révèle son actualité, ses ravages, ses responsabilités.

Ce doit être un journal ouvert à tous les engagements, réflexions et débats qui peuvent converger dans la construction d’une alternative, notamment avec le mouvement social. Le journal doit être un carrefour permanent de ces débats et de ces expériences : les idées communistes sont elles-mêmes en construction en mettant en rapport notre visée communiste est l’expérience, les savoirs divers des hommes et des femmes qui sont à la recherche de solutions nouvelles pour eux-mêmes et pour la société.

Ces ambitions passent par la valorisation permanente de la pratique, de la réflexion, des idées et de l’expérience communiste. Et indissociablement par sa mise en résonance avec d’autres.

Dans le cadre de l’actualité, il est fortement demandé que soit donné à voir ce Parti communiste, nouveau qui se construit, ce qu’il dit, ce qu’il fait. C’est pour certains une manière de réhabiliter la politique et d’aider à ce que soient mises en œuvre de nouvelles pratiques militantes. À ce sujet, la réussite de la manifestation du 16 octobre revient comme un exemple de possibilités exceptionnelles pour le parti et l’Humanité. Ce n’est pas un hasard : l’Humanité rayonne à chaque fois qu’elle est en intimité avec les rendez-vous réels de la société. Plus largement l’idée de valoriser les succès qui donnent espoir dans l’action politique est souvent reprise.

Une autre idée. : les communistes souhaitent que le journal montre également un parti qui cherche, qui débat, et permette de rencontrer des femmes et des hommes unis par un idéal, et en même temps vraiment divers. Bien sûr, l’idée de faire place à la confrontation et au débat est plus large, elle concerne toutes les questions qui agitent notre société. Il faut un journal dynamique, tonique, qui suscite la réflexion et permette à chacun de se forger son idée à partir des éléments qui lui sont fournis.

En bref, l’actualité communiste doit être traitée, mais elle ne peut être traitée comme un monde à part. Aujourd’hui, l’information est bien plus appréciée lorsqu’elle apparaît comme transparente et rencontrant le cheminement de la réflexion, du sentiment des gens.

Tout cela pose une grande question : si nous réaffirmons justement que nous voulons nous adresser à un lectorat bien plus large que les adhérentes et les adhérents, les électrices et les électeurs du PCF, ne faut-il pas en même temps avoir le souci constant que ceux-ci se retrouvent dans l’Humanité, et y puisent des raisons de se mobiliser ? Cela vient souvent comme une condition de la réussite. La conception même du journal doit contribuer à élargir l’audience des idées communistes.

En retour, le parti doit se mobiliser pour le journal dont il est l’éditeur. Avec la volonté de voir ces exigences prises en considération, un effort considérable de mobilisation est en effet nécessaire. Il concerne l’abonnement : ce travail a fait la preuve de son efficacité, il faut s’y atteler partout en conjuguant aux moyens propres du journal les démarches militantes appropriées. Il concerne le portage qui aide et peut aider à la fidélisation de nombreux lecteurs. Il concerne la vente militante : avec les CDH de nouvelles pratiques peuvent être mises en œuvre, auxquelles il nous faut réfléchir comme nous réfléchissons à l’ensemble de l’activité militante.

On peut également penser que de nouvelles formes de promotion du journal peuvent être inventées en liaison avec l’actualité. Il convient d’innover, de faire preuve d’originalité et de détermination pour avancer dans la mise en place, à tous les niveaux, de nouveaux liens entre les lecteurs et le journal. Inventer un nouveau rapport au lectorat est indispensable pour contribuer dans la durée et de manière dynamique au développement et au rayonnement du journal dans tous ces aspects (contenu, promotion, diffusion).

Enfin, les moyens dont dispose l’Humanité ne sont pas à la mesure du grand quotidien communiste moderne dont nous avons besoin. L’effort du parti est primordial pour le financement puisque nous sommes engagés dans une souscription de plusieurs années.

De toute façon, les communistes impliqués dans cette bataille souhaitent vivement être associés à la réflexion sur l’effort à mener et les nouvelles pistes à explorer.

En final : en disant haut et fort leurs exigences, les communistes souhaitent discuter à nouveau, être entendus, mais il semble qu’ils veulent tous conserver, améliorer, promouvoir l’Humanité. Ils veulent parvenir à gagner cette grande bataille.

La presse communiste : différents autres titres existent les Cahiers du Communisme, la Terre, Économie et Politique et Regards qui a pris sa place comme mensuel communiste.

Nous sommes amenés à réfléchir à l’ensemble de ce qu’édite le PCF en revues, publications, bulletins spécialisés. Il est nécessaire de mieux cerner la cohérence de cet ensemble, la possibilité de coopérations plus régulières entre les différentes rédactions et les impératifs politiques et financiers qui doivent prévaloir. Il s’agira de faire tous ensemble des choix pour donner du sens et de l’efficacité à ce qu’éditera dans l’avenir le PCF.

Comment répondre au manque de communication interne ?

Le besoin d’être informé, de communiquer, grandit de manière considérable. C’est une donnée de notre temps, moderne, qui traverse toute la société. De plus, les avancées réalisées et celles que nous entreprenons dans le mode de vie de notre parti suscitent des exigences nouvelles. L’Humanité, telle que nous la concevons, même si elle traite de l’actualité communiste ne peut répondre à cette demande de communication interne. Or, il y a un réel déficit d’informations et d’échanges que les communistes ressentent. Chacune, chacun a besoin d’avoir davantage de connaissances sur la vie de son organisation, le pourquoi de telle ou telle orientation, sur le cheminement des idées, et des actes… De nombreuses fédérations et sections ont d’ailleurs pour répondre à cette demande démultiplié les efforts d’information et de communication internes. La fréquentation grandissante des sites internet témoigne également de la volonté d’échange et de maîtrise des individus communistes.

Informer, favoriser l’expression de la diversité, mettre en commun des expériences, telle pourrait être l’ambition d’une nouvelle publication bimensuelle dont le comité national propose la parution. Elle s’adresserait aux communistes, à celles et ceux qui s’intéressent de près à ce que fait et dit le PCF. Elle rendrait compte de l’activité de la direction et du parti lui-même. Elle favoriserait l’échange entre communistes et entre communistes et acteurs de la vie sociale.

Ce nouveau journal - dont il faudra réfléchir au mode de financement - pourrait comporter huit pages. Il contribuerait à inspirer, relayer, nourrir l’activité communiste.