Déclaration de M. Paul Lespagnol, membre du comité national du PCF, sur les suites des travaux du Comité national du PCF et la préparation du 30 ème congrès du PCF, Paris le 13 décembre 1999, publiée dans "L'Humanité" du 15 décembre 1999.

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Circonstance : Réunion du Comité national du PCF les 22 et 23 novembre 1999

Média : L'Humanité

Texte intégral

Dans le cadre de cette introduction, je me limiterai à une analyse des aspects les plus neufs de l’évolution de la situation depuis la dernière réunion de notre comité national et aux enseignements que nous en tirons. Avant toute chose, je me propose de procéder à un examen de la manière dont le parti a reçu les travaux de l’importante réunion que nous avons tenue il y a trois semaines, consacrée à la préparation de notre congrès.

I. - Les suites du dernier comité national

Au cours de cette dernière session de notre comité national, nous avons ensemble mis à la disposition des communistes sept textes, portant sur les questions qu’ils ont décidé de mettre à l’ordre du jour du congrès.

Je rappelle que ceux-ci comportent des éléments de bilans et d’analyses, la formulation des termes principaux des choix à faire et naturellement l’indication de ceux pour lesquels s’est prononcé notre comité national.

Ni point de départ d’une préparation qui a commencé en juin dernier, ni base commune soumise à la discussion et à l’appréciation des adhérents, ces sept textes, je le rappelle, se veulent incitatifs à une participation du plus grand nombre possible de camarades à l’élaboration de la politique de leur parti, participation qui leur garantisse, de bout en bout, la maîtrise des choix opérés.

En plus de la parution de nos travaux dans l’Humanité, les 140 000 communistes dont nous avons les adresses en auront pris connaissance grâce au numéro spécial de Transparence qu’ils ont reçu par la poste. Ce numéro est également à la disposition de chacune et chacun dans les sièges des fédérations et des sections.

Où en sommes-nous ?

70 réunions départementales des bureaux fédéraux ou des comités fédéraux sont prévues à ce jour, ainsi que de nombreuses réunions de sections.

La participation aux premières réunions qui ont eu lieu est intéressante mais il reste beaucoup d’efforts à faire pour que plus de responsables s’investissent dans l’animation du débat, afin d’associer le maximum de communistes.

De ces premières réunions se dégage très majoritairement une appréciation positive sur les dispositions que nous avons proposées ainsi que sur le calendrier. Cependant - et il faut les prendre en compte pour l’avenir - des critiques sont émises sur la longueur et la complexité des textes. Des craintes s’expriment aussi sur l’insuffisance de temps prévu pour l’étude et les débats sur les textes d’ici la fin janvier. D’autre part, des fédérations nous ont fait part des difficultés à ce que les adhérent(e)s s’approprient le contenu des sept textes et insistent donc pour que la base commune de la troisième phase de discussion soit constituée de textes plus courts permettant de bien repérer les choix essentiels à effectuer. La crainte existe aussi parfois que des communistes ne discutent que d’une partie des textes, ce qui conduirait à empêcher d’en voir la cohérence d’ensemble et de percevoir les principaux défis auxquels nous sommes confrontés. Raison de plus pour que les équipes d’animation des fédérations et des sections - à qui le comité national doit apporter une aide sans précédent - redouble de vigilance et d’aide pour tenir les dates que nous nous sommes fixées et pour aider à la compréhension et au débat sur les textes. Il est en effet souhaitable d’organiser le maximum de réunions de communistes avant les fêtes de fin d’année. Nous nous permettons donc d’insister une nouvelle fois sur les efforts qu’il nous faut produire, sans attendre, pour créer partout les conditions du débat et de l’exercice de la citoyenneté communiste. Sans doute, comme nous avons commencé à le faire depuis le mois de juillet, faut-il défricher des moyens nouveaux permettant d’associer le maximum de communistes à la réflexion et au débat.

Des fédérations ont pris des dispositions pour la circulation des informations, pour l’organisation de premières discussions, pour l’ouverture des débats à d’autres qu’aux membres du parti. Tout cela est indispensable. Il nous faut l’amplifier.

Des pouvoirs transférés à l’ensemble des communistes

D’autres fédérations ont prévu l’organisation d’assemblées départementales ou par groupes de sections, d’adhérents dès les premiers jours de janvier. Cette démarche pourrait être généralisée. Elle devrait l’être en lien avec la remise de la carte 2000 au maximum de communistes de telle sorte qu’ils puissent participer au débat jusqu’à la fin janvier à partir des textes proposés. Voyons bien que nous avons décidé de transférer à l’ensemble des communistes des pouvoirs qui jusqu’ici étaient de faits réservés à un nombre trop restreint de camarades dirigeants. Nous l’avons fait jusqu’à leur permettre de fixer l’ordre du jour du congrès lui-même, en y incluant les questions touchant à la conception de l’activité des directions et à leur composition. En même temps, ne sous-estimons pas les efforts qu’il nous faut accomplir à tous les niveaux pour que l’ambition de voir se déployer pleinement une nouvelle « citoyenneté communiste » entre dans la vie. Et d’abord pour permettre, d’ici la fin janvier, à tous les communistes de décider ensemble de la base commune dont ils souhaitent se doter pour conduire leur réflexion et opérer leurs choix. Cela implique de les rencontrer, de les réunir et de trouver toutes les formes susceptibles de les associer au débat pour décider de cette base commune qui doit être soumise dans la phase finale de préparation aux amendements et au vote des assemblées de cellules, des conférences de sections et fédérales ainsi que du congrès.

Je le répète parce qu’à nos yeux la question est décisive : nous avons l’ambition de permettre à chaque femme, à chaque homme, membre de notre parti, de disposer du pouvoir réel d’élaborer et de décider de la politique du parti communiste. Y parvenir est pour nous un impératif si nous voulons que les individus communistes et leur parti contribuent toujours plus efficacement à élargir la démocratie et les libertés dans la société jusqu’à permettre à notre peuple de se fixer l’objectif d’en dépasser l’organisation capitaliste. Un impératif donc mais surtout un atout maître pour pousser jusqu’à son terme la mutation engagée, jusqu’à jeter les fondations du nouveau parti que nous avons décidé de construire et qui devrait émerger de notre prochain congrès.

Il est urgent de répondre à la crise politique

Et prétendre y parvenir en ces temps de crise politique et militante accrue n’est qu’un paradoxe apparent puisque cette crise prend précisément racine dont le décalage croissant entre les aspirations citoyennes à vouloir décider de son sort et de son avenir et les pratiques dominantes de l’activité politique qui y tournent le dos. En d’autres termes, la crise ne fait pas disparaître l’aspiration : elle ne fait que souligner l’urgence d’y répondre. À l’évidence, il ne s’agit donc pas de faire mieux que d’habitude. Il s’agit de faire tout autrement pour répondre à ce qu’espèrent les adhérentes et des adhérents de notre parti. Cela suppose donc que tous les membres du Parti communiste, quelles que soient leurs situations aujourd’hui vis à vis des structures auxquelles ils appartiennent, quelle que soit leur opinion vis à vis des modes de vie actuels du parti, qu’ils aient participé ou non à la première phase de la discussion du congrès, puissent exercer leur souveraineté. Leurs expériences, leurs suggestions, leurs questions, leurs réflexions, leurs critiques, leurs espoirs sont indispensables pour construire du neuf.

Cela suppose d’abord de leur remettre les documents leur permettant de participer au débat ainsi que leur carte 2000 pour qu’ils puissent élaborer et voter la base commune puis décider dans les assemblées de cellule, les conférences de section, fédérales et au congrès.

Une remise de carte 2000 inédite

Nous l’avons souvent dit, mais aujourd’hui moins que jamais, la remise de la carte 2000 ne saurait être un acte administratif. Elle doit au contraire être la concrétisation de tout ce qu’il y a de plus inédit dans la préparation du 30e congrès. Je pense bien sûr, à cette ambition, à cette volonté unanimement partagée ici de revaloriser la place, le rôle, la responsabilité et la souveraineté des individus communistes jusqu’à leur conférer les pouvoirs réels de décider de l’avenir de leur parti. Remettre sa carte à chacune et à chacun en l’incitant à travailler avec ses camarades à un nouvel âge du communisme, c’est au fond lui dire combien sa personnalité, sa singularité sont nécessaires et sa contribution irremplaçable. Je vous propose d’aller à la rencontre des adhérent(e)s dans cet état d’esprit et de prendre, à tous les niveaux, les dispositions pour que vive cette démarche.

Sept textes pour impulser un processus de débat et de discussion

Il n’est pas inutile de revenir sur les décisions que nous avons prises sur la seconde phase de préparation du congrès ainsi que sur le calendrier que nous avons décidé. D’abord, nous sommes convenus, je le répète, que chacun des textes devrait bien être conçu comme le point de départ d’un processus d’échange et de réflexion, de débat qui doit permettre une véritable collaboration par tous les communistes des choix qui seront soumis au vote. Nous ne sommes donc pas dans une phase d’amendement de textes. Il s’agit de les enrichir, de prendre en compte et de relever chaque opinion, chaque réflexion nouvelle afin que le respect de la diversité des opinions émises permette effectivement de déboucher sur une base commune, admise comme telle par toutes et tous.

Cette étape durera jusqu’à la fin du mois de janvier. Les communistes sont donc invités à faire part de leurs idées, de leurs propositions ainsi que des débats qu’ils ont entre eux et avec d’autres pour enrichir cette réflexion collective. L’Humanité et l’ensemble de notre presse doivent jouer tout leur rôle pour la transversalité et la publication de ces débats. C’est au terme de cette étape, les 2 et 3 février de l’an prochain, c’est à dire dans sept semaines, que notre comité national fera le bilan de cette discussion et proposera à partir de celle-ci sur les sept questions à l’ordre du jour des textes courts comprenant les questions en débat, les options et les propositions résultant du travail d’élaboration collective.

Une base commune construire avec l’apport de chacun

Et dans les jours qui suivront, ces textes qui auront alors pour ambition de constituer notre base commune de travail, seront soumis au vote des communistes dans le cadre des assemblées de cellules, des conférences de sections et de fédérations, et enfin du congrès. Ils éliront les délégués qui traduiront dans les choix du congrès les décisions qu’ils auront prises par ces votes.

Nous voulons faire ainsi la démonstration en actes de notre capacité à faire de la politique autrement en permettant aux adhérentes et aux adhérents d’être des co-élaborateurs et des codécideurs de leur politique. Et avec ces actes, nous commençons, dans la vie, à transformer le parti lui-même en permettant l’exercice de la primauté de la citoyenneté communiste. N’est-ce pas ainsi que nous pourrons réaliser notre ambition de libérer toutes les énergies et capacités créatrices des adhérentes et des adhérents et relever le défi d’un nouvel âge du communisme ? Sincèrement nous pouvons le penser !

Afin d’aider les fédérations et les sections à amplifier ce processus, nous leur conseillons de se servir de Transparence qui précise le mode de préparation, le calendrier et porte à la connaissance des adhérents les sept textes. Afin d’en faire un premier bilan et d’impulser cette dynamique démocratique, nous proposons d’organiser une réunion des premiers secrétaires de fédérations avec les membres de tous les collectifs de préparation du congrès le 5 janvier prochain. À notre connaissance, les dates de 37 conférences fédérales sont fixées. Afin de bien organiser les calendriers dans les fédérations et les sections, il importe maintenant de décider dans chaque département de la date de la conférence fédérale.

II. - La permanence des mouvements sociaux et les enseignements que nous en tirons

Notre congrès se prépare évidemment à partir des aspirations des mouvements de la société.

L’une des données de son de la situation que nous avons analysée lors de la dernière réunion est la permanence et l’amplification des mouvements sociaux.

Ceux-ci sont évidemment très divers, mais tous ont en commun d’être largement soutenus par la population.

Ils ont pris une importance particulière avec le mouvement d’octobre-novembre 1995 contre le plan Juppé, pour la défense des services publics et de la protection sociale. On se souvient que ces mouvements ont été le signal fort d’un refus de la politique ultra-libérale d’austérité que voulait imposer le gouvernement Juppé, un an et demi à peine après que Jacques Chirac se soit fait élire sur la base d’un refus de la fracture sociale.

Le soutien de l’opinion

Depuis, ces mouvements - qu’il s’agisse de ceux des enseignants, des routiers, des internes, des chômeurs, des luttes contre l’insécurité dans les transports publics, de celles des lycéens ou encore du mouvement des agriculteurs - sont soutenus par une large majorité de la population car ils sont vécus, à juste titre, comme des actions utiles à l’ensemble de la société pour refuser des régressions sociales et pour réclamer des choix progressistes. Ainsi, la grève des routiers en novembre 1997 était soutenue par 79 % de la population, celle des chômeurs en janvier 1998 par 70 % de nos concitoyens, celles des lycées en octobre 1998 comme en octobre 1999 par 83 % tandis que l’action des agriculteurs à la fin de cet été était soutenue par 81 % des gens.

Des enjeux de société et de civilisation

Contrairement à d’autres périodes, les actions sociales ne sont pas perçues seulement comme une défense de tels ou tels intérêts, de telle ou telle corporation mais comme des enjeux politiques pour se donner les moyens de vivre mieux et de changer la société dans le sens du progrès. Au fond, derrière chaque lutte, n’y-a-t-il pas, par-delà les revendications mises en avant, des enjeux de société et parfois même de civilisation sans que leurs acteurs en soient forcément conscients. De ce fait, une des responsabilités majeures de notre parti n’est-elle pas précisément de contribuer à en faire prendre conscience pour que grandisse l’exigence immédiate de transformations sociales profondes qui ne soient plus renvoyées à un idéal toujours inaccessible ? C’est l’un des enjeux du débat de notre congrès.

Et contrairement aussi à d’autres périodes durant laquelle la gauche exerçait des responsabilités gouvernementales, les luttes sociales ne sont plus considérées comme une gêne pour le gouvernement ou comme un risque de contribuer à faire revenir la droite aux affaires. Au contraire, il semblerait que le fait que nos concitoyens sentent la droite affaiblie et en difficulté les conduit à être audacieux pour réclamer que les engagements de la gauche soient tenus. C’est le cas aujourd’hui même avec le mouvement des chômeurs, des personnels de santé ou des agriculteurs. Et ce d’autant que les progrès même de la croissance font grandir l’idée qu’ils doivent être équitablement partagés.

Le mouvement social est un atout

S’il est vrai que les sentiments de fatalité sur la possibilité de changer réellement les choses demeurent, le fait que des larges franges de la population, voire des majorités de nos concitoyens soutiennent, comme disent les spécialistes, les actions « par procuration », montre que la grande majorité de l’électorat de gauche dans sa diversité est prête à s’engager pour, précisément, ancrer les choix gouvernementaux véritablement à gauche. Cela confirme ce que nous disons depuis plusieurs mois : le mouvement social n’est pas un handicap pour le gouvernement de gauche. Au contraire, il est un atout pour amplifier les réformes progressistes favorables au peuple et à notre pays.

Les inégalités progressent

C’est ainsi que les communistes ont à cœur d’apporter leur pierre aux luttes sociales et revendicatives qui se succèdent avec dynamisme. Celles-ci sont nombreuses depuis quelques semaines. Elles concernent les salariés des transports urbains, de La Poste et des Télécommunications demain, des sapeurs-pompiers, des hôpitaux, des banques, des personnels communaux, du commerce, les mineurs de Lorraine, des cadres pour une bonne application des 35 heures, des sans-papiers, des chômeurs, des agriculteurs. Alors que de toutes parts on se vante que la croissance est de retour, les salariés et les chômeurs refusent l’aggravation des inégalités et de la précarité. Au-delà des bons chiffres de la croissance qui nous sont annoncés et d’un début du recul du chômage, il convient de prendra la mesure de l’écart grandissant entre le niveau de vie de l’immense majorité de la population et l’explosion des revenus financiers et de la Bourse. Au regard de la progression des indices boursiers, la majorité de nos concitoyens profite peu ou pas du tout des effets de la croissance. Par contre, les profits atteignent 2 100 milliards de francs et la Bourse aura battu un nouveau record de plus de 40 % depuis le début de l’année. Ajoutons qu’aux comtés des trois millions de chômeurs recensés, plus de trois millions d’autres personnes gagnent beaucoup moins que le SMIC. Le centre d’études économiques et sociales du CREDES estime que sept millions de personnes vivent avec moins de 60 francs par jour. Et la diminution du chômage annoncée s’accompagne d’une explosion d’emplois à statut précaire qui touche d’abord les femmes et les jeunes. Les salariés et les chômeurs ont donc raison de demander la part qu’il leur revient de la croissance annoncée, c’est à dire une amélioration du pouvoir d’achat, l’amélioration de l’emploi et le refus de la précarité grandissante.

C’est pour cela que la mise en place des 35 heures quand elle s’accompagne de perte de pouvoir d’achat et de mise en cause des conditions de travail, provoque la colère et l’exaspération des salariés dans plusieurs secteurs d’activités. Ils réclament à juste titre que l’argent public permettant de réduire le temps de travail serve vraiment à la création d’emplois et au progrès social. Ils perçoivent de mieux en mieux que le développement économique va de pair avec le progrès social. C’est aussi le sens de l’action des chômeurs pour une prime de Noël et un don d’indemnisation. Nous avions déjà souligné l’acuité particulière de ces questions lors de notre précédente réunion.

Des mesures insuffisantes

Depuis, le gouvernement vient d’annoncer quelques mesures que nous ne voulons pas négliger. Mais il faut le dire tout net, cela est loin de faire le compte. Cela a amené Robert Hue à faire une série de propositions constructives de réponses urgentes : d’abord, le Parti communiste réaffirme sa proposition d’une prime de fin d’année pour les chômeurs et d’une revalorisation de tous les minima sociaux. Pour cela, le gouvernement pourrait utiliser une partie des 20 à 30 milliards de recettes fiscales supplémentaires du budget de l’État. En dégageant 5 milliards sur cette somme, il serait possible de répondre mieux aux revendications des chômeurs. De plus, nous proposons de mettre à plat tout le système d’indemnisation du chômage qui n’a cessé de se dégrader du fait du désengagement du patronat. Il est urgent de le reconstruire afin qu’il garantisse aux sans-emplois un revenu décent et stable, et en créant les conditions d’une plus grande pénalisation des licenciements. Il y a également urgence, et c’est notre deuxième proposition, à donner un coup d’arrêt à la précarisation de l’emploi. Nous proposons à cette fin de mettre en place des mécanismes dissuasifs rendant coûteux l’abus des contrats précaires. D’autre part, nous proposons que dès le début de l’an 2000 on s’engage dans un processus de transformation des emplois jeunes en emplois stables. Ces emplois correspondent à des besoins. Le moment est donc venu de passer à une nouvelle étape, celle de la pérennisation de ces emplois en y affectant les moyens financiers indispensables pour leur transformation en véritables métiers. Enfin, nous réitérons notre proposition de mise en place d’un moratoire sur tous les plans de licenciements, d’un vote par le Parlement d’une loi anti-licenciement ainsi que la mise en place d’un mécanisme de contrôle des fonds publics de telle sorte qu’ils servent réellement à l’emploi. Nous nous félicitons d’ailleurs que deux propositions de nos groupes parlementaires sur ces questions seront discutées par l’Assemblée nationale les 18 et 25 janvier.

Notre démarche vise donc à la convergence des mouvements de salariés qui refusent les plans de licenciements, de ceux qui agissent pour que la réduction du temps de travail se traduise par des créations d’emplois stables et bien rémunérés, de ceux qui luttent pour transformer les emplois précaires en emplois stables, des jeunes qui agissent pour une formation et un emploi et de tous ceux qui réclament une amélioration de leur pouvoir d’achat. Chacun sait que la relance de la consommation est favorable à la production et donc à l’emploi. La majorité de gauche a été élue pour cela en juin 1997. Elle sera jugée sur sa capacité à réduire la fracture sociale et à développer l’emploi. Notre proposition d’augmentation de l’impôt sur les grandes fortunes est toujours bien d’actualité quand on sait que 10 % des ménages les plus riches détiennent la moitié des fortunes dans notre pays, alors qu’un tiers des ménages ne possède presque rien.

Avec le 16 octobre, une dynamique nouvelle est née

C’est en ce sens que nous avions pris l’initiative de la manifestation du 16 octobre dernier qui a eu des prolongements intéressants dans chaque région samedi dernier au cours d’une nouvelle journée nationale d’actions unitaires réunissant des forces de gauche, des mouvements de chômeurs et des associations. Une dynamique est ainsi née : des organisations qui ne se connaissent pas forcément se sont rencontrées, ont débattu, ont agi ensemble. Cette convergence du politique et du social et porteuse d’avenir.

Contrairement à ce que certains avaient annoncé avant la manifestation du 16 octobre, nous n’avons pas organisé une opération politicienne ou un coup. Nous avons contribué à lancer une bataille de grande ampleur et de longue haleine sur la question qui préoccupe au premier chef nos concitoyens, celle du recul du chômage et de la création d’emplois. Cette initiative que nous avons mise à la disposition de tous ceux qui le souhaitaient a mis en mouvement beaucoup d’associations et de partis politiques et a permis au mouvement populaire de franchir un nouveau cap dans une dynamique d’actions et de débats. Elle nous a permis également de nous enrichir de l’apport d’autres forces tout en mettant nos réflexions et nos propositions à la disposition de ce mouvement populaire. Cette initiative que nous avons eu le courage de prendre continue d’avoir un puissant impact sur la société. Elle agit comme si elle avait permis de libérer avec encore plus d’ampleur l’initiative du mouvement social.

Les mouvements sociaux actuels comme ceux qui se déroulent autour des 35 heures, de la prime pour les chômeurs et les minima sociaux, permettent de donner de la force à nos concitoyens face à l’arrogance et au chantage du grand patronat qui se comporte en fer de lance de l’opposition et en véritable parti de l’argent. Ce faisant, notre démarche ne vise pas à mettre en difficulté le gouvernement mais au contraire face aux pressions du patronat et des marchés financiers, elle a pour objectif de lui permettre de répondre aux urgences sociales en ancrant plus est mieux la politique à gauche. D’ailleurs les mouvements de chômeurs qui ont conduit la ministre de la solidarité nationale et de l’emploi à faire un premier geste font la démonstration que l’argent existe pour satisfaire les attentes sociales. Mais du même coup, l’insuffisance du geste qu’est amené à faire le gouvernement au regard des attentes « saute aux yeux » et ne peut donc conduire qu’à un regain des actions pour la revalorisation des minima sociaux et pour une grande politique contre le chômage et pour l’emploi.

L’hôpital malade de l’austérité

Il en est de même de la lutte des personnels hospitaliers. Elle a conduit Martine Aubry à débloquer cinq millions de francs. Ce qui est nettement insuffisant et redonne de la vigueur à ce mouvement. Les causes de la grève qui s’étend dans les hôpitaux de Paris et dans plusieurs villes de province sont doubles et remontent au plan Juppé : l’austérité budgétaire qui est imposée année après année et les restructurations. Depuis cinq ans, elles se sont déjà traduites par 14 000 fermetures de lits et le ministère vient d’annoncer qu’il voulait en supprimer à nouveau 24 000 pour les cinq années qui viennent. Les parlementaires communistes ont dénoncé avec force l’autoritarisme et l’austérité qui président à la gestion de l’hôpital public. Les luttes actuelles créent des conditions nouvelles pour nous permettre de reposer la question de ressources nouvelles pour la sécurité sociale avec la taxation des revenus financiers des entreprises et aussi de moyens nouveaux pour les hôpitaux avec nos propositions de baisse de la TVA, de prêts à taux nuls et de la suppression comme pour les collectivités locales de la surcompensation que doivent payer les hôpitaux et les communes à la caisse de retraite des agent hospitaliers et communaux sans aucun bénéfice pour ceux-ci.

« Économie de marché » ou « société de marché » ?

Le principe de « précaution sanitaire » appliqué avec bonheur par le gouvernement quand il décide de maintenir l’embargo sur les importations du bœuf britannique ne devrait-il pas guider aussi sa politique hospitalière ? Pour notre part, nous considérons que si la santé a un coût, elle n’a pas de prix. Il y a là un domaine où nos concitoyens souhaitent que soit clairement établi ce qui différencie une « économie de marché » d’une « société de marché » pour illustrer un dilemme cher à Lionel Jospin. La distinction est claire s’agissant, par exemple, de l’embargo sur les importations de viande britannique ou encore de l’instauration de la couverture maladie universelle qui va permettre à 6 millions de personnes en difficulté d’accéder à des soins gratuits. Elle l’est beaucoup moins quand on se réfère aux moyens financiers attribués aux hôpitaux ou encore aux privatisations intervenues dans la dernière période.

L’exigence de réformes de structures

D’une façon générale, qu’il s’agisse des chômeurs, des hôpitaux ou encore tout récemment des paysans, les actions menées permettent certes d’obtenir certains résultats mais, en général, appréciés comme très insuffisants par les intéressés. A nos yeux, cela met en évidence au moins deux questions : d’une part celle du caractère incontournable de réformes de structure qui contrecarreraient la logique dominante des marchés et, d’autre part, que ce problème qui conditionne la réponse aux revendications et aux attentes portées par le mouvement social ne doit pas être la « chasse gardée » des formations politiques mais qu’il concerne aussi les organisations syndicales et plus largement tout le monde associatif.

Le lien nécessaire entre la politique et le mouvement social, illustré par le 16 octobre et le 11 décembre avec la manifestation commune avec les chômeurs, est l’objet de débats - comme on l’a vu dans notre pays, par exemple dans la lutte contre le contenu du sommet de Seattle. Ces débats opposent les défenseurs de l’ordre capitaliste établi qui craignent que l’irruption de la « politique » accentue le caractère anticapitaliste des luttes et la recherche d’autres solutions au libéralisme et tous ceux qui dans le mouvement social disent de plus en plus nettement la nécessité de faire une autre politique pour répondre à leurs revendications.

La mondialisation capitaliste contestée

J’en viens maintenant aux enseignements qui peuvent être tirés du mouvement qui se déroule depuis plusieurs mois contre les objectifs et les méthodes de l’Organisation mondiale du commerce qui a abouti, vous le savez, à une suspension de la conférence ministérielle de Seattle. Il s’agit d’un événement extrêmement important. Après la victoire de l’action contre l’accord multilatéral sur les investissements (l’AMI), - concrétisé solennellement à l’Assemblée nationale par la réponse de Lionel Jospin à Robert Hue - , après la victoire contre l’importation de viande hormonée américaine, contre la volonté de la firme multinationale américaine Monsanto de mettre sur pied une semence stérile, les peuples du monde viennent de faire la démonstration que des institutions internationales qui se prétendent toutes puissantes et qui veulent prendre leurs décisions à l’abri des yeux et des oreilles des citoyens peuvent être mises en échec lorsque ces derniers interviennent.

Souvenons-nous en effet, que ce cycle de négociations baptisé pompeusement « Round du millénaire » par ses initiateurs visait à franchir un nouveau cap dans la libéralisation totale des échanges de capitaux, de marchandises et de services pour faire du monde entier une marchandise.

L’irruption des citoyens à la table des négociations a bousculé la donne. Les multiples débats et les manifestations organisées en France, en Asie et aux États-Unis même, combinés à l’émergence des peuples du Sud dans ces débats a conduit peu à peu les citoyens à prendre confiance dans l’idée qu’on peut faire bouger les situations. C’est ce que sous-tend l’ensemble des textes préparatoires à notre congrès. De plus en plus de gens dans le monde entier font le lien concret entre d’une part des aspects de leur vie quotidienne qu’ils jugent inacceptables comme la pression sur le « coût du travail », les attaques contre les protections sociales, les déréglementations, les délocalisations, mais aussi l’insuffisante sécurité alimentaire, la nécessaire réorientation du développement agricole, la préservation des identités culturelles, et d’autre part les orientations stratégiques ultra capitalistes dont le nouveau cycle de négociations de l’Organisation mondiale du commerce était le symbole. En ce sens, il s’agit bien d’une irruption nouvelle des citoyens du monde contra la mondialisation capitaliste dont les ravages éclatent chaque jour un peu plus au grand jour. Il s’agit bien d’une irruption citoyenne sur le terrain politique contre une instance politique internationale qui prétendait régenter toutes les activités humaines y compris celles des générations futures. Contrairement à ce qui s’est parfois dit ici ou là, il ne s’est pas agi d’une manifestation d’anti-américanisme mais au contraire de l’union de citoyens européens, américains, asiatiques, africains et latino-américains, ayant des intérêts communs face à la dictature des marchés financiers alors que leurs dirigeants se disputaient pour accélérer encore la guerre économique. Cette émergence citoyenne contre la mondialisation capitaliste renforce, je crois, les responsabilités d’un Parti communiste moderne pour contribuer à ce que cette mobilisation trouve un débouché politique.

Un mouvement qui vient de loin

Notons aussi qu’elle vient de loin. Elle est le résultat des efforts de notre parti et de beaucoup d’associations et de syndicats, personnalités progressistes pour révéler les enjeux exacts de la conférence ministérielle de Seattle.

Notre parti avec d’autres a organisé de nombreux débats à travers le pays. Les parlementaires communistes ont été actifs à l’Assemblée nationale, au Sénat comme à l’Assemblée européenne en réclamant et en obtenant des débats publics avec le gouvernement pour en permanence veiller au mandat des négociateurs européens. La publication du manifeste du parti pour transformer l’Organisation mondiale du commerce est maintenant une base de discussion que nous soumettons à l’ensemble de nos concitoyens et aux forces progressistes engagées dans cette bataille pour l’enrichir de propositions neuves visant à dépasser la mondialisation capitaliste pour une autre « société-monde » de co-développement durable, de sécurité et de paix. L’Humanité et notre presse ont pris toute leur part dans cette action.

Poursuivre après Seattle

La suspension de la conférence ministérielle doit être mise à profit pour des débats approfondis dans chaque pays sur un bilan contradictoire des effets des décisions de l’Organisation mondiale du commerce ; pour inventer ensemble les moyens de la transformer et de la subordonner aux chartes internationales des droits de l’homme et de la préservation de l’environnement. Ces débats dans le cadre de conférences nationales pourraient déboucher sur une grande conférence mondiale ou des États généraux planétaires associant gouvernements mais aussi syndicats, associations, élus nationaux et organisations non gouvernementales pour inventer une autre organisation mondiale du commerce.

Les communistes seront partie prenante de toutes les actions à venir pour amplifier encore ce combat notamment le meeting unitaire qui va se dérouler le 15 décembre à Paris ainsi que les initiatives qui vont avoir lieu dès le mois de janvier.

En tout état de cause, nos organisations vont continuer à organiser des débats et des initiatives décentralisées sur les conséquences de l’échec de Seattle et les moyens maintenant de donner un nouvel élan à l’action. Voyons bien qu’après Seattle, des responsabilités nouvelles nous incombent pour contribuer à ce que les aspirations des peuples s’expriment avec suffisamment de force jusqu’à modifier ??? choix politiques en cause.

Avec Seattle, des éléments nouveaux de confiance prennent corps. Ce qui était encore présenté il y a peu comme inaccessible, incontournable et fatal devient davantage à portée d’intervention humaine et citoyenne. Cette conscience, cet état d’esprit est un atout considérable pour toutes celles et ceux qui, comme les communistes, veulent révolutionner le monde. Et quand le gouvernement en prend la mesure pour s’appuyer sur les aspirations populaires, ses décisions renforcent son autorité en France et dans le monde. Il en est ainsi à propos de l’embargo sur le bœuf anglais et de la couverture maladie universelle. La même observation peut être faite s’agissant de la lutte antidopage, du combat contre la loi de l’argent dans le sport ou de l’harmonisation par le haut des normes sociales en Europe, notamment dans les transports ; ou encore de la partie ou d’avancées nouvelles en matière de droit des enfants et ses aspects positifs en matière de santé.

Chacun le voit bien : ces questions qui émergent de la société sont au cœur des débats de notre 30e congrès.

L’avancée vers la parité

La loi constitutionnelle pour progresser vers la parité hommes/femmes dans les élections politiques illustre aussi mon propos. Elle est une avancée permise par la mobilisation des femmes et sa prise en compte par la gauche. Elle peut permettre de franchir une étape historique. Elle peut faire progresser les enjeux de société que représente l’égalité des hommes et des femmes, la démocratie et la modernisation de la vie politique. Dans le débat parlementaire de nouveaux progrès peuvent être obtenus notamment sur l’alternance des candidatures dans les scrutins de liste et une vraie mixité dans les scrutins législatifs.

Le vote des étrangers aux élections locales

C’est en ce sens aussi que le groupe communiste à l’Assemblée nationale a déposé une proposition de loi constitutionnelle pour le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections municipales dès 2001. Il s’agit d’une mesure de justice et de démocratie. Les étrangers interviennent déjà dans la vie sociale, culturelle et économique de leur ville. Il n’est pas normal qu’ils soient privés de leur citoyenneté politique. Participant souvent à la vie de la cité, ils revendiquent le droit légitime d’élire leurs représentants et d’être élus comme le souhaitent 52 % de nos concitoyens. D’autres forces politiques de la gauche plurielle veulent aussi déposer un texte de loi. Mais le Parti socialiste ne veut rendre effective cette décision qu’en 2007 après l’élection présidentielle.

Nous serons également très attentifs au résultat de la réunion interministérielle avec les élus de la Corse. Cette initiative positive en soi, doit selon nous déboucher sur des actes concrets pour le développement de l’île et la justice sociale. Mais tout avancée en ces domaines est incompatible avec la poursuite de la violence et du terrorisme, négations de la démocratie et des libertés.

Des résultats électoraux encourageants

Lors de la dernière réunion du Comité national, nous avions proposé de poursuivre avec nos partenaires les discussions préparatoires aux prochaines élections municipales et cantonales et de commencer à en débattre dans le parti en rendant les adhérents souverains sur les décisions des listes de candidats que nous serions amenés à présenter. Nous avions également alerté sur la nécessité de bien préparer toutes les élections partielles car elles étaient constitutives du rapport de forces. Nous sommes en mesure de faire un examen comparatif des résultats de 15 élections cantonales partielles qui se sont déroulées. Celles-ci confirment le haut niveau d’abstention de 50 à 70 % confirmant l’analyse que nous avons faite de la crise de la politique. Dans les 11 cantons où il est possible de comparer les résultats de ces dernières semaines avec ceux que nous avons recueillis en 1998 ou en 1994, nous enregistrons malgré des inégalités un gain global de 2,5 % puisque nous recueillons 13,98 % des suffrages contre 11,4 % précédemment. Nous nous félicitons de la conservation de notre siège de Perpignan et du gain de celui de Langon en Gironde où nos candidats ont fait hier la démonstration de leur capacité à rassembler largement. Ainsi que l’excellent résultat obtenu par le candidat communiste dans l’élection législative partielle du 20e arrondissement de Paris. Ces résultats sont le fruit d’une bonne mobilisation du parti et d’une campagne électorale très active. D’autre part, c’est avec satisfaction que nous notons la confirmation du recul des candidats d’extrême-droite de manière très importante - 8,7 % à Perpignan, - 8 % à Lattes dans l’Hérault et ???? à Tarascon. Le Parti socialiste qui gagne le canton de Mennecy dans l’Essonne obtient 23 % des voix contre 24,6 % dans ces mêmes 11 cantons en 94 et 98. A titre indicatif, nous pouvons comparer les résultats des Verts dans 13 cantons par rapport à leur score aux élections européennes. Dans les cantons où ils ont réalisé 15,13 % aux européennes, ils obtiennent 8,87 % et dans les 6 cantons où on peut comparer avec leurs résultats aux élections de 94 et 98 ils passent de 10,95 à 9 %. La droite perd des sièges et se maintient en voix tout en ne récupérant que très partiellement les voix du Front national. Si ces tendances se confirmaient pour notre parti, elles signifieraient que nous assistons depuis quelques semaines à un sensible progrès de notre influence électorale dans ces cantons où les comparaisons sont possibles. Sans doute, ces résultats encourageants sont-ils à mettre en rapport avec l’activité que nous développons depuis plusieurs mois, les initiatives que nous avons prises depuis la fête de l’Humanité qui donnent une meilleure lisibilité de notre politique, une meilleure compréhension de notre utilité dans la société, dans le mouvement populaire et dans les institutions.

Quelques appréciations sur la situation internationale

Un carnage insupportable en Tchétchénie

Lors du dernier comité national, nous en avions appelé à une action de l’OSCE pour permettre aux organisations humanitaires de venir en aide aux populations tchétchènes. Cette demande est devenue encore plus pressante aujourd’hui car la situation s’est encore aggravée avec les bombardements, les massacres et les déportations organisées par Eltsine et son premier ministre pour de sordides calculs politiciens. Nous ne pouvons supporter cet abominable carnage. Nous avons pris plusieurs initiatives de rencontres et de solidarité avec les populations et les élus tchétchènes. Nous réclamons d’urgence une nouvelle fois l’arrêt des bombardements, l’arrêt des massacres et la recherche d’une solution politique à ce conflit. Les autorités internationales et européennes doivent faire pression en ce sens auprès du gouvernement russe. L’un des moyens de le faire serait de suspendre tous les prêts et les moyens financiers accordés à la Russie. Ces derniers jours, une délégation du comité national a reçu une délégation de parlementaires et d’élus de Tchétchénie. Nous avons participé vendredi dernier au rassemblement de soutien au peuple tchétchène à la Bourse du travail. Et nous appelons à un rassemblement avec le comité Tchétchénie devant l’ambassade de Russie, dans les prochains jours.

D’autre part, nous nous félicitons de la constitution d’un gouvernement de coalition en Irlande du Nord où y participent pour la première fois des Républicains, même si des inquiétudes liées au désarmement de l’IRA continuent de subsister. Par contre, en Espagne, la décision de l’ETA de réactiver la lutte armée après la trêve de 14 mois est très inquiétante car elle porte un coup d’arrêt au fragile processus de paix qui était engagé. À propos de la Turquie, avec l’opinion publique en France, en Europe et ailleurs, nous protestons contre la décision de la cour de cassation turque confirmant la peine de mort pour Abdoula Okalan. Cette décision est contraire à la convention européenne des droits de l’homme et s’inscrit dans le processus de poursuite de la négation des droits politiques et culturels du peuple kurde.

Après le sommet européen d’Helsinki

Les décisions du sommet européen d’Helsinki qui s’est tenu en fin de semaine dernière auront d’importantes conséquences sur lesquelles il nous faudra revenir. La mise en place d’un corps d’armée européen de 60 000 hommes d’ici 2003, sous commandement unique, est porteur de nombreuses contradictions. Dès lors qu’il agirait dans le cadre de l’OTAN, il ne pourrait qu’être un supplétif des forces armées américaines. Cette dérive est-elle inéluctable ? On ne peut le prévoir. Mais la constitution d’un conseil politique de cette force ne pourrait-elle pas ouvrir une brèche pour obtenir son autonomie sous la seule autorité de l’Union européenne dans le cadre de mandats exclusifs de l’ONU ? Resterait évidemment à en définir ses missions exactes ! La seconde décision de ce sommet visant à élargir l’Union européenne à six nouveaux pays de l’Europe de l’Est est également discutable dans les conditions actuelles pour les pays composant l’actuelle Union, comme pour ceux qui y sont candidats. En l’état, elle risque d’accélérer la mise en concurrence du monde du travail. Et la thérapie de choc imposée à ces pays pour respecter les critères drastiques des traités de l’Union européenne aggraveront encore la situation dans ces pays. Enfin, la proposition d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne est très critiquable puisque ce pays est loin de respecter les droits de l’Homme et les droits des minorités kurdes.

Ce sommet devait aussi discuter d’éléments d’harmonisation fiscale sur la taxation de l’épargne et de la fiscalité des entreprises. Il n’a pu en débattre du fait d’une opposition dure de la Grande-Bretagne qui refuse la taxation des euro-obligations. De plus, les mesures prises en discussion visaient non pas au développement de l’emploi mais à accélérer encore la libre circulation des capitaux sur le grand marché européen. Au total, l’ensemble des orientations de cet important sommet, qui méritera d’être plus analysé, n’a pas constitué un pas vers une réorientation progressiste de la construction européenne.

III. - Les propositions du collectif pour l’élection des directions au 30e congrès

J’en viens maintenant au compte rendu de la première réunion du collectif pour l’élection des directions que nous avons élues au dernier comité national. Celui-ci a eu une riche discussion de plusieurs heures et le bureau national a pris connaissance de ses travaux. C’est de ces deux réunions qu’est issu le texte que nous vous avons fait parvenir. Ce texte, que vous avez reçu à l’avance afin de vous préparer à la discussion comme cela devrait devenir le mode habituel de fonctionnement de nos directions, a été élaboré à partir de la réunion du collectif. Rappelons que la création qu’un tel collectif est issu du débat qu’ont eu les communistes au cours de la première phase de discussion quand ils ont décidé du contenu de leur bulletin de vote. Notons que c’est la première fois qu’un tel collectif est créé dans la préparation d’un congrès et qu’une réunion du comité national est consacré à cette question plus de trois mois avant la tenue du congrès. Évidemment, notre réflexion a pour base de travail le texte numéro six qui traite de la construction d’un nouveau Parti communiste. Il y a donc un lien très étroit entre ce texte et les réflexions que nous avons sur les équipes de direction. Ce que nous faisons aujourd’hui est le résultat d’un long cheminement du débat entre les communistes depuis plusieurs années.

Au grand jour

Mais maintenant, chacun sait bien qu’il nous faut passer aux actes tant pour la conception que nous avons du parti, du rôle des adhérents, de la citoyenneté communiste que pour les équipes d’animation de la vie du parti lui-même. Et nous voulons de plus mettre en débat au grand jour ce qui se faisait souvent de manière frustrante dans les commissions des candidatures qui se réunissaient toujours quelques heures avant l’élection des directions. Dès lors que nous voulons construire notre parti à partir des adhérents, de leurs choix, de leurs motivations, de leurs centres d’intérêts, il nous faut réfléchir à modifier voire à inverser ce qui existait jusque-là c’est à dire des structures qui étaient décidées à partir des directions sortantes. Cependant, ce que nous voulons faire ne peut pas se régler en commençant par la question des structures. Au contraire, les structures et les directions découlent de nos choix politiques fondamentaux, de notre démarche et du type de vie que nous voulons impulser pour le parti. Plus précisément, il s’agit de traiter de la question des structures de notre parti en fonction de la manière dont nous concevons notre activité dans la société, notre visée communiste, notre projet, notre stratégie et donc le nouveau parti que nous voulons construire.

Les questions qui viennent

De nombreuses questions sont venues dans les discussions du collectif et plus généralement dans le parti. J’en cite quelques-unes : la nécessité de faire une plus grande place aux jeunes ; celles d’équipes de direction reflétant bien la réalité sociologique de la France et de sa société métissée ; celle d’une rotation plus grande des cadres ; celle de la nécessaire réduction du cumul des mandats ; celle de l’égalité des droits entre dirigeants ; celle de la parité ; celle qui concerne les moyens de légitimer les structures transversales. D’autres questions sont également à examiner : dans un parti qui se transforme, comment permettre aujourd’hui même à des femmes et des hommes qui souhaitent participer à nos débats et à la construction de ce nouveau parti d’y prendre sans attendre toute leur place, de participer au congrès et aux organismes de direction ? D’autre part, la vie politique en général a besoin de se dé-professionnaliser. Nous l’avons déjà noté au dernier congrès. Mais cette question vaut aussi pour notre parti. Comment dans ces conditions, peut-on donner les moyens à plus de non-permanents d’être membres des équipes de direction notamment nationales ? Enfin, le mode d’élection du secrétaire national et du bureau national par le comité national qui avait pour objectif de ne pas donner de pouvoir exagéré au secrétaire et au bureau est aujourd’hui discuté. Il est vrai que ce système visait à faire du secrétaire national et des membres du bureau national des camarades qui ne soient pas au-dessus des autres. On connaît les dangers que recèle la présidentialisation à outrance de la vie politique. Cependant n’y-a-t-il pas de ce côté-là des modifications à faire ? Cette question est venue. Comme aucune autre elle ne doit être « tabou ». Là aussi, le débat peut s’engager.

La question des statuts

Enfin, la question des statuts qui avait été évoquée par plusieurs fédérations doit être débattue. Faut-il mettre en place ces formes nouvelles de souveraineté des communistes, soumettre aux débats du congrès l’adoption de nouveaux statuts ? Lors du comité national des 22 et 23 novembre, nous avions émis l’opinion qu’il faudrait à l’évidence de nouveaux statuts, mais que la tâche du 30e congrès était de décider des orientations, de principes de vie et d’organisation et qu’il devrait décider quand et comment proposer aux communistes de voter de nouveaux statuts. Il me semble que cette façon de procéder reste la bonne, si les communistes la confirment dans le cadre qu’ils ont adopté pour la préparation du congrès.

Mais la réflexion du « collectif pour l’élection des directions au 30e congrès » conduit à faire aujourd’hui des propositions qui, pour certaines d’entre elles, nécessiteraient d’ores et déjà quelques adaptations des statuts. Il en est ainsi de la proposition de mise en place d’un cadre d’exercice de la souveraineté adapté aux situations différentes des cellules, sections et fédérations, et de la substitution aux comités, bureau et secrétariat national de nouvelles structures : conseil national (autrement composé et de fonction nouvelle), collège exécutif et secrétaire national élus par le congrès.

Les communistes décideront de ce qui doit être intégré à la base commune

Il conviendra donc que les communistes discutent de ces questions et que le comité national des 2 et 3 février prenne acte des positions et des débats qui auront lieu afin de les intégrer dans la base commune soumise dans les jours qui suivront à leurs suffrages, avec les propositions correspondantes de modifications ponctuelles des statuts. Ainsi le congrès pourrait souverainement décider non seulement des conditions dans lesquelles les communistes élaboreront et voteront de nouveaux statuts, mais également des dispositions permettant de mettre en place dès maintenant les changements pour lesquels ils se seront prononcés.

D’autres pistes de réflexion

D’autres pistes de travail sont venues dans la réunion de notre collectif comme celle de la nécessité de rapprocher les lieux d’activité et de souveraineté des communistes de la géographie électorale ; celle de la remise des cartes. Certains camarades avancent l’idée de ne plus remettre les cartes chaque année mais de réfléchir à un contrat entre les adhérents et leur parti qui ne puisse se rompre qu’à la demande des adhérents. De nombreux camarades évoquent en effet l’inconvénient d’un parti qui vit pour une part sur lui-même et où des animateurs passent beaucoup trop de leur temps à faire vivre les structures. Des camarades évoquent aussi la nécessité de réduire les niveaux de décision et de préciser la nature et les missions de chacun de ces niveaux. La question de la revalorisation du rôle de la section est également évoquée.

Autant de questions sur lesquelles nous allons continuer à débattre mais déjà le projet de texte que nous vous avons soumis est le résultat de l’ensemble de ces discussions.

Construire le parti à partir de ses adhérents

Je vous en résume la philosophie qui consiste comme le note le texte numéro 6 à construire le parti à partir des adhérents et donc à progresser vers un renversement de la conception de nos structures de direction. Cette nouvelle conception conduit à donner aux adhérents et à ceux qui veulent le devenir les moyens de décider de la forme de leur activité et du lieu où ils l’exercent. Cela nous a conduit à proposer deux entrées possibles dont l’une n’est pas plus noble que l’autre. Seulement leur fonction n’est pas la même. D’abord nous proposons que l’activité des membres du parti dans la société puisse revêtir diverses formes à leur choix, c’est ce que nous appelons les lieux de proximité et d’activité. Évidemment, qu’il s’agisse de cellules, de réseaux, de collectifs à thèmes il sera nécessaire d’envisager les conditions de leur animation. D’autre part, nous proposons un cadre d’exercice de la souveraineté que les sections et les fédérations devront définir en fonction des spécificités locales. Ces cadres de souveraineté devraient pour des raisons d’efficacité se rapprocher de la géographie électorale. Dès lors que ces structures locales d’exercice d’activité et de la souveraineté construites à partir des adhérents, seraient mises en place, cela nous conduit implicitement à nous interroger sur les structures nationales d’animation de la vie du parti. Celles-ci devraient avoir pour mission de faire régulièrement le point de la situation politique, de coordonner nos prises de position, notre action et l’activité des différentes structures. Elles devraient également favoriser la meilleure circulation possible des informations et prendre les dispositions nécessaires pour associer tous les communistes à la vie du parti et les consulter quand cela s’avère nécessaire. C’est en ce sens que la principale structure nationale en dehors des congrès serait un conseil national différent de celui qui existe aujourd’hui dans sa composition et ses missions et différent aussi de notre actuel comité national qu’il remplacerait. Ce conseil national serait composé de tous les secrétaires fédéraux de droit, des responsables des groupes parlementaires, de maires des villes importantes, des présidents des conseils généraux, des présidents des groupes communistes dans les régions. Des camarades proposent également d’y ajouter les secrétaires des comités régionaux du parti. Ces camarades seraient membres du droit du conseil national. D’autres camarades - autour de 80 - seraient élus par le congrès lui-même. Ce conseil national qui se réunirait régulièrement serait à chaque fois préparé par des commissions décidées en fonction des thèmes à l’ordre du jour et par communication préalable à chacun de ses membres des documents permettant d’y participer dans les meilleures conditions. La seconde proposition que nous faisons vise à la mise en place d’un exécutif plus collégial qui remplacerait le bureau national. Celui-ci serait composé d’une quarantaine de membres comprenant des secrétaires nationaux chargés de l’animation permanente du parti et des responsables de projets. Il serait aussi élu directement par le congrès. Une équipe de coordination permanente serait chargée de favoriser le bon fonctionnement de ce nouveau dispositif national. Comme il a été proposé précédemment sur la base du vote des communistes, le congrès pourrait décider de dispositions statutaires transitoires et de la mise en place d’une équipe nationale mandatée pour travailler aux nouveaux statuts qui seraient soumis au vote des communistes. Dans les fédérations et les sections, conformément aux statuts, les comités de section et fédéraux élus seraient chargés de mettre en place les nouvelles structures et de permettre aux communistes de prendre place dans celles qu’ils souhaitent.

Quelques principes pour l’élection des équipes de direction

Conformément à ce que j’ai dit tout à l’heure à propos de la réunion de notre collectif, nous proposons de respecter un certain nombre de principes dans l’élection des équipes de direction : la parité hommes/femmes, un effort significatif pour que les structures reflètent le métissage de la société et soient ouvertes aux jeunes, la présence de camarades non permanents, une meilleure rotation des responsabilités de direction et refuser autant que faire se peut le cumul des mandats. Enfin comme nous l’avons déjà dit, les collectifs départementaux et nationaux chargés de cette question de l’élection des directions devraient assurer l’information, la transparence et la discussion sur les candidatures proposées ou déclarées tout au long de la préparation depuis les assemblées de cellules jusqu’au congrès.

De plus, nous le voyons bien, beaucoup de femmes et d’hommes nous regardent avec attention dans la préparation de notre 30e congrès. Plusieurs d’entre eux nous disent vouloir participer à cette construction d’un nouveau Parti communiste pour passer l’alternative du projet communiste au débat du nouveau siècle. C’est pour cela que nous vous proposons de discuter et de décider aujourd’hui également de la création de lieux d’accueil aux plans national et départemental pour recueillir les adhésions à notre parti d’hommes et de femmes engagés dans le mouvement social ou se sentant proches de notre parti et qui souhaitent préparer avec nous notre congrès et y compris prendre des responsabilités dans notre parti.

Tel est l’état de notre réflexion en commençant cette réunion. Nul doute que le débat que nous allons avoir va permettre de l’enrichir encore et de faire des propositions que nous allons soumettre à l’ensemble des communistes.