Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à "RTL" le 24 novembre 1999, sur la préparation du 30ème congrès en mars 2000 et les mutations du PCF, la participation au gouvernement et ses contraintes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Depuis la manifestation du 16 octobre dernier, le soufflé semble retombé du côté du parti communiste. Il semble en prise avec des contradictions internes.

« Non, non. Non Seulement le soufflet n'est pas retombé après la manifestation du 16 octobre, qui a bougé beaucoup de choses dans la gauche plurielle, et plus généralement d'ailleurs dans les rapports qui existent entre les institutions et le mouvement populaire, mais nous allons aller à une nouvelle initiative importante le 11 décembre prochain, avec les organisateurs de la manifestation du 16, toujours sur les grandes questions de l'emploi, du chômage, de la lutte contre les licenciements. Le Parti communiste est engagé dans une importante initiative, celle de son congrès. Un congrès, pour le Parti communiste, c'est toujours important. Pour toutes les forces politiques d'ailleurs. »

Q - Congrès en février 2000 ?

« En mars 2000. »

Q - Et vous ne parlez plus de congrès fondateur ?

« Si, si, tout à fait. Je parle de congrès fondateur. Mais toutes les forces politiques, voyez-vous, doivent aujourd'hui s'interroger sur la réalité de leur fonctionnement, de leur vie. Depuis plusieurs années, le Parti communiste est engagé dans une profonde mutation qui a remis en cause ses choix stratégiques passés. Avec la préparation inédite du 30e congrès, c'est une véritable révolution culturelle qu'a entrepris le Parti communiste. »

Q - De quelle nature ?

« Nous avons commencé à fonder ce que nous voulons obtenir en mars prochain, à savoir un nouveau Parti communiste. C'est le sens de la préparation et du caractère fondateur de ce congrès. C'est la conception même du parti, son mode d'organisation, de direction, son mode de vie trop rigide, trop pyramidal qu'il faut changer. »

Q - P. Braouezec, qui était à votre place il y a quelques semaines, écrit dans un livre qu'il doute de votre volonté réelle de réformer le mode de fonctionnement du Parti communiste.

« Je ne vais par parler de P. Brazouezec en particulier. »

Q - Pourtant, lui il parle.

« Oui, il parle beaucoup. Il est dans un courant des refondateurs du Parti communiste. Mais lui ne participe pratiquement pas aux travaux. C'est pourtant moi qui lui ai proposé de devenir membre de la direction du Parti communiste. Hier encore, il est venu quelque dix minutes, je crois, pour parler avec quelques journalistes au comité national du parti. Par contre, les refondateurs connus, comme R. Favaro, R. Martelli, ont participé tout au long de ces deux jours aux fondations qu'on est en train de mettre en place de ce nouveau Parti communiste. La mutation engagée a créé les conditions – parce qu'une mutation, ça n'est pas permanent, on est en mutation vers quelque chose – pour nous conduire à un nouveau parti. »

Q - Il n'y a plus de traces du tout du centralisme démocratique au Parti communiste ?

« Il en reste, des traces ! J'ai parlé  de révolution culturelle à conduire. Vous savez, je ne me défausse pas par rapport à la réalité du parti. Il faut que les communistes soient des citoyens communistes. Jusqu'à maintenant, il y avait un pouvoir, d'une certaine direction, de décider et de l'ordre du jour du congrès, et de son contenu. Il faut renverser cela. Perdre un peu de son pouvoir, vous savez, ça n'est pas facile. Il faut avoir le courage de le faire. »

Q - Vous êtes comme Mao Tse-Toung : la révolution permanente !

« Non, pas permanente. Mais en tout les cas, une profonde évolution culturelle est nécessaire. Je dois dire que je le fais avec d'autant plus de force pour le Parti communiste que, je le pense, elle se pose pour toutes les forces politiques. Dans la crise de la politique que nous connaissons, avec la confiance mise en cause à l'égard des partis politiques, la crise de l'engagement du militantisme, nous sommes dans une situation gravissime, pour les partis politiques eux-mêmes, mais cela n'aurait pas grande importance si ça ne l'était pas plus largement pour la démocratie française. Tout le monde doit faire un effort d'imagination en faveur des forces politiques françaises, pour l'intérêt de la démocratie, parce que la politique est nécessaire et qu'il faut des partis. Mais il faut se réformer profondément. »

Q - Il semble quand même que beaucoup de militants du  Parti communiste mettent en cause la participation du parti au Gouvernement, trouvant que finalement, cela limite ses capacités d'action.

« Je ne crois pas, vraiment, très sincèrement. Je pense même que ceux qui étaient interrogatifs sur la participation des communistes au Gouvernement en 1997 sont moins nombreux. Il est acquis aujourd'hui que la participation au Gouvernement s'inscrit dans la durée pour le Parti communiste. Là aussi, c'est un choix stratégique nouveau. »

Q - Il y a eu un épisode important, début novembre, à l'Assemblée nationale, quand le groupe communiste avait émis le désir de voter contre la loi de financement sur la Sécurité sociale et puis finalement il a renoncé et s'est abstenu. Que s'est-il passé ce jour-là ? C'était le sort du gouvernement de la gauche qui était en jeu ?

« Non, mais… »

Q - Non ?

« Je vais vous dire puisque cela a été évoqué à plusieurs reprises cet épisode… »

Q - Non mais c'est important de savoir ce qui s'est passé…

« Oui, oui c'est important, je vais vous le dire, j'ai participé aux différentes étapes. Voilà : il y a 35 députés communistes à l'Assemblée nationale, c'est à la fois important mais pas beaucoup par rapport à la majorité plurielle, et à une forte hégémonie, du suffrage universel, mais des députés socialistes. Or lorsqu'il y a des dossiers importants, sur lesquels nous souhaitons que le Gouvernement entende le point de vue des députés communistes, il y a des débats, des négociations. Lorsque cela n'aboutit pas – et pourtant nous pensons que ça doit aller dans ce sens, il y a des situations d'exaspération des députés communistes, qui voudraient que le Gouvernement les entende plus. Il peut y avoir effectivement, de leur part, une volonté de marquer une radicalité plus forte. Mais, mais à partir du moment où il s'agit du vote d'une question fondamentale pour la majorité gouvernementale et sa solidarité, et je pense effectivement que le  budget de la France, comme celui de la Sécurité sociale sont des questions sur lesquelles il faut effectivement s'interroger quant à la solidarité gouvernementale. Là, se pose le problème qu'une décision des députés communistes puisse remettre en cause le Gouvernement. Dans ces conditions, si un jour il devait se poser ce problème, je ne crois pas que ce serait aux seuls députés communistes de prendre la responsabilité de décider de quitter le Gouvernement de la France ou de mettre en situation de minorité le Gouvernement. »

Q - Ce jour-là, Lionel Jospin vous a-t-il placé face à vos responsabilités, vous disant : si vous votez cela, le Gouvernement tombe ?

« Non, non, non. Lionel Jospin, ce jour-là, a pose les problèmes qu'il pose dans ce genre de situation. Il a effectivement dit qu'il lui fallait une majorité ; qu'il ne pouvait pas, sans majorité sur une question essentielle, comme celle-là, continuer. Il a posé la question. Mais les communistes prennent toujours leurs responsabilités lorsqu'il le faut. »

Q - Il ne pouvait pas continuer sans cela ? Ca veut dire : je m'en vais ?

« Ca c'est la responsabilité du Premier ministre. Il prend ses responsabilités en fonction d'une politique qu'il a décidée. Nous, nous ne déterminons pas par rapport à Lionel Jospin, ni par rapport au PS. Nous nous déterminons par rapport à ce que nous pensons être les intérêts du pays et les intérêts de l'électorat qui nous a conduits à l'Assemblée. »

Q - Un dernier mot : on a appris, hier, la démission de J.-M. Le Guen. Un certain nombre de responsables socialistes se mettent en congé de parti ou de leur fonction parce qu'ils vont être mis en examen, ils sont cités dans un certain nombre d'affaires. Vous-même allez sans doute comparaître en correctionnelle pour des problèmes de financement du PC. Avez-vous songé à vous mettre en réserve du parti ?

« Pas du tout, pas du tout, parce que nous sommes pas du tout confrontés aux mêmes problèmes que le PS. Je ne porte pas un jugement sur la méthode qu'a décidée le PS de mettre en congé les responsables qui sont ou supposés être mis en cause dans des affaires, car pour le moment la plupart ne sont pas en examen. D'ailleurs cela pose un vrai problème du rapport à la présomption d'innocence. Je crois qu'il ne faut pas céder en la matière. Le choix fait par le PS de mettre en congé en quelque sorte ses responsables ne me semble pas répondre à ce qu'il faut faire. Cela ne répond pas aux problèmes posés. Je pense qu'il faut la transparence totale de la situation financière et patrimoniale de tous les élus, de tous les responsables des partis. Il faut la transparence. On a besoin de réconcilier les Français avec les partis politiques. Jouons à fond la transparence. Moi, je n'ai pas d'inquiétude. Je suis maire depuis 22 ans. Je suis député, j'ai été conseiller général. Je n'ai jamais touché un centime de mes indemnités. Le PC a des défauts, mais ses élus ont cette qualité que les Français doivent connaître : ils reversent systématiquement toutes leurs indemnités au parti. Et moi j'ai la paye d'un ouvrier professionnel hautement qualifié et je ne touche pas mes indemnités. Donc, je ne crains pas cette transparence. Il faut que tout le monde fasse la même chose. Voilà mon sentiment. »