Extraits d'une déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à Paris le 17 octobre 1996, publiés dans "L'Humanité" du 18 octobre 1996, sur la mise en examen de dirigeants du PCF, et sur les mécanismes de financements du parti.

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Circonstance : Mises en examen de MM. Hue, secrétaire national du PCF, Marchais, ancien secrétaire général, Sotura, trésorier, et Béninger, ancien trésorier, pour "recel de trafic d'influence", le 10 octobre 1996

Média : L'Humanité

Texte intégral

Rencontre avec la presse. Rendez-vous traditionnel à l'occasion d'une réunion du comité national. Jeudi, le traditionnel a cédé la place à autre chose. La séance du comité est importante. Mais c'est pourtant sur les mises en examen que les questions fusent. Pas hors sujet pour autant.

Robert Hue est là. Visiblement à l'aise face aux journalistes venus en nombre des grands jours. Face ? Pas vraiment. Mais parmi eux. Impressions aussi que certains des représentants de la presse nationale partagent un peu l'indignation du dirigeant communiste. Une jeune femme : « Comment allez-vous M. Hue ? ». Robert Hue : « Moi, je vais très bien, vous savez. » « Vous paraissiez en colère lundi soir, sur France 2. » Elle sourit. Ajoute : « Va-t-on découvrir un Robert Hue un peu méchant ? » « On m'a dit, en effet, que je n'étais pas comme d'habitude. C'est vrai que j'ai exprimé toute mon indignation. C'est sans doute ce qui a été perçu. » Le secrétaire national propose de poursuivre à bâtons rompus. Pas question. Les journalistes veulent en savoir plus, approfondir. On s'installe donc autour d'une table. « C'est bien parce que c'est vous », dit Robert Hue, tout sourire, en s'asseyant. « Je n'ai pas prévu une conférence de presse ! »

« Avez-vous parlé des mises en examen en séance ? » « Oui, bien sûr. Le comité national a confirmé la déclaration du parti publiée lundi soir, après la mise en examen de ses dirigeants. » Il explique que le texte voté à l'unanimité montre que la mise en cause des premiers responsables est une intervention d'un niveau très politique. Que le comité a réagi à ce niveau-là. « Il y a une volonté d'attaquer le PCF parce qu'il dénonce en permanence l'argent-roi. C'est sa vocation. » Robert Hue évoque notamment les propositions pour une autre utilisation de l'argent. Puis, il insiste sur « le caractère totalement transparent du PCF ». Transparent ? « Pourtant, Claude Llabres dit le contraire dans Libération. Les micros se tendent vers le secrétaire national. « Je ne connais pas Claude Llabres », avoue-t-il. Il rappelle que l'ancien secrétaire fédéral de Haute-Garonne a été exclu du parti bien avant qu'il soit élu au bureau national. « Je ne le connais qu'en tant actuel collaborateur du maire UDF de Toulouse, Dominique Baudis », glisse-t-il. Un journaliste insiste : « Que pensez-vous de ses affirmations. » Robert Hue : « Je pense qu'il ment. » « Vous dites qu'il ment ? » « Oui, il ment. Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus ».

Des finances transparentes

Les questions se multiplient. Sur le thème « tous les partis font pareil. Avouez-le ». Le ton du secrétaire national se fait plus passionné : « Il faut bien comprendre que, précisément, on ne fonctionne pas comme les autres partis. Où trouvons-nous l'argent ? Je vais vous le dire. » Et de citer des chiffres : « Le budget du parti est d'environ 100 millions de francs. Il comprend 36 millions au titre du financement public des partis, 15 millions en provenance des cotisations des adhérents, 9 millions recueillis par diverses formes de souscription, y compris la vente du muguet et 40 millions correspondant aux reversements des indemnités des élus au parti ». La vente du muguet ? Sourires de plusieurs journalistes. Robert Hue : « Je suis certain que chacun de vous, autour de cette table, a été, à un moment ou à un autre, sollicité financièrement par un militant communiste. Muguet, souscription, collecte au drapeau. Quand on minimise cette source de financement, il y a souvent quelque chose de méprisant à l'égard de ces hommes et ces femmes qui prennent sur leur temps pour aller voir des gens dans leur quartier ou leur entreprise. »

Le secrétaire national s'efface derrière l'élu. Toujours à propos de comptes. « Je suis maire et conseiller général. Je touche à ce titre, entre 25 000 et 30 000 francs. Lorsque j'étais conseiller régional – j'ai abandonné ce mandat pour mieux me consacrer à mes autres tâches – je touchais en plus 15 000 francs. Soit au total, environ 40 000 francs ? Je reverse tout au parti. Lequel me donne 13 000 francs par mois et une voiture de fonction. »

Démonstration sans appel

Silence dans la salle. Robert Hue poursuit : « Dans quel autre parti politique cela se passe comme ça ? On ne trouvera pas ailleurs. Le reversement des indemnités d'élus est un principe quasi fondateur de la démarche du Parti communiste : il remonte à la commune de Paris. »

Un journaliste fait un parallèle entre URBA et GIFCO. Réponse : « Les collectivités locales participent à 70 % des investissements civils dans ce pays. Qu'il y ait des entreprises qui s'intéressent à ce marché et que les communes travaillent avec elles paraît normal. Qu'il y ait des entreprises qui fassent des affaires avec les collectivités locales ne conduit cependant pas au raisonnement que toutes fonctionnent comme URBA qui a financé le PS, et comme d'autres financent le RPR ou l'UDF, etc. ». Ajout en forme de nota bene : « Le PCF n'a jamais reçu un seul centime de GIFCO. Jamais. Je l'affirme. Et je le démontre. »

De la démonstration découle une évidence. « Vous estimez donc que c'est une attaque délibérée ? » Le secrétaire national fait un aveu : « Sauf pour le Loto, je ne crois pas au hasard ! » Il rappelle que l'annonce des mises en examen, dans une enquête qui dure depuis des mois, intervient au lendemain du premier tour de l'élection de Gardanne. « Gardanne où, au second tour, le candidat communiste peut mettre le Front national à genoux, et ce n'est pas rien. » Réflexion : « Je m'interroge beaucoup. Je trouve que c'est vraiment contribuer à permettre le développement de la démagogie du Front national de manière trop délibérée pour qu'il n'y ait pas une inspiration politique. »

Gardanne. Le premier tour est-il de nature à valider le concept de « pôle de radicalité » ? « De plus en plus, les de gauche se retrouvent dans une dynamique progressive d'alternatives sur des questions concrètes. » L'objectif : aboutir à une dynamique de ce type mais plus globale ancrant bien la gauche à gauche. Il estime que l'idée d'un pôle de radicalité est dangereuse : cela revient à figer des forces par rapport à d'autres. « On n'ira pas à une union nouvelle en bipolarisant au coeur de la gauche : j'appelle à une multiplication de ces dynamiques progressistes. »

Questions d'actualité : la journée d'action de la fonction publique. « Nous soutenons totalement les salariés en lutte à l'appel de leurs syndicats. » Pourquoi le PCF n'est-il pas dans la manif ? « Les syndicats n'ont pas demandé aux formations politiques d'y être. Des milliers de communistes y sont au titre de leur rôle personnel dans la société : ils sont au coeur de ce mouvement. Mais il est hors de question pour le PCF d'essayer de récupérer le mouvement social. » Fin de la rencontre. On n'aura pas beaucoup parlé du 29e congrès. Du moins en apparence.