Interview de M. Michel Péricard, président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, à RMC le 29 octobre 1996, notamment sur les attentats en Corse et les accusations de M. Santoni, et sur les critiques de M. Léotard à l'encontre de la politique gouvernementale.

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P. Lapousterle : Comment mettre fin, à votre avis, à l'offensive du FLNC-Canal historique qui revendique vingt attentats en deux jours et dénonce des contacts qui auraient eu lieu avec des proches du Premier ministre ?

M. Péricard : Ce que je constate, c'est que l'opinion publique corse n'approuve pas ces attentats. J'entendais des personnes représentatives le dire. On a vu un sondage du Nouvel Observateur qui était très représentatif puisque 92 % - je ne me rappelle plus le chiffre, mais c'était un chiffre massif – de Corses ne souhaitaient pas l'indépendance. Mais ce qui est nouveau, c'est que la grande majorité des Corses ne souhaitent plus, non plus, la violence. C'est un peu le chant du cygne de Monsieur Santoni, et je crois qu'il n'a pas raison de se conduire de cette façon. Cela ne peut pas lui porter bonheur et en tout cas, cela fait le malheur de la Corse.

P. Lapousterle : Peut-on être sûr, Monsieur Péricard, qu'il n'y a rien de vrai dans les accusations de Monsieur Santoni ?

M. Péricard : Je n'étais pas en Corse. Je n'étais pas à Paris. Je n'ai pas été mêlé à ces affaires donc je n'aime pas beaucoup parler de que je ne connais pas. Mais je ne vois pas très bien pourquoi les choses se seraient déroulées comme cela. D'un côté, on a un Gouvernement qui est, quand même, fait d'hommes responsables, d'un autre, un terroriste qui ne connaît que le maniement de la mitraillette. Pourquoi le croirait-on plus que d'autres ? Et puis, je ne vois pas quel est l'intérêt d'avoir autorisé, même organisé dans les moindres détails cette conférence de presse qui a tellement choqué.

P. Lapousterle : On dit : « laissé faire » ?

M. Péricard : Qu'il y ait eu des contacts, peut-être, sans doute. Mais je dirais que c'était un peu normal. Mais qu'on en soit arrivé aujourd'hui à ce que prétend, pour sa défense, Monsieur Santoni, me semble tout à fait ahurissant.

P. Lapousterle : Pour finir sur ce sujet, vous avez parlé de sondage en disant que les Corses étaient dans leur grande majorité contre l'indépendance. Est-ce qu'il ne serait pas temps, à votre avis, qu'un vote sanctionne les sondages ?

M. Péricard : Je ne sais pas s'il faut le souhaiter. Je vais vous expliquer pourquoi. Beaucoup ont pensé au référendum. D'abord, il semble inutile en Corse car chaque élection confirme ce sentiment d'appartenance des Corses à la France. Mais vous savez que si un référendum était organisé sur l'ensemble du territoire national, comme cela devrait être le cas – car il n'y a aucune raison de n'interroger qu'une partie, même sur un sujet qui la concerne c'est ce qui s'était passé en Algérie -, eh bien, le risque existerait qu'en métropole, les gens ne veulent plus de la Corse et qu'en Corse, les gens veulent de la France. Alors, je ne crois pas qu'il soit tellement souhaitable d'arriver à ce résultat. Il faut que les Corses se rendent compte de la lassitude des métropolitains. Je connais la leur, je la comprends mais je crois qu'ils ne doivent plus se contenter de parler. Il faut qu'ils démontrent qu'ils ne veulent plus de violence, qu'ils veulent qu'on discute sur des problèmes économiques – tout le monde veut discuter sur des problèmes économiques. On peut parfaitement le comprendre. Mais il ne faut pas qu'ils aient ce raisonnement que certains leur prêtent en disant « finalement on en tire un petit bénéfice ». Parce que je crois que cela, ça va s'arrêter.

P. Lapousterle : Retour au continent. Comment avez-vous pris, Monsieur Péricard, le déluge de critiques de Monsieur Léotard à l'encontre du Gouvernement dimanche, devant des millions de Français ?

M. Péricard : Je ne dois pas être fait comme tout le monde. Je n'ai pas été scandalisé par ce qu'a dit Monsieur Léotard.

P. Lapousterle : Il n'a quand même pas ménagé le Gouvernement. Convenez-en ?

M. Péricard : Il ne le ménage pas. L'UDF ne l'a pas ménagé pour le Budget, cherchant à mettre un peu en difficulté tout le monde. Ça sent une période préélectorale. Il n'a pas ménagé le Gouvernement : ce n'est un secret pour personne qu'il n'est pas totalement en accord avec le Premier ministre. Il rappelle que le Président de la République a, à sa disposition, deux ou trois possibilités : le référendum, le remaniement, la dissolution. Il ne fait que rappeler des évidences. Tout le monde sait que le président de la République dispose de ces armes. Et tout le monde sait aussi que c'est à lui de décider d'en user, et de choisir le moment d'en user.

P. Lapousterle : Quand le président de l'UDF, deuxième force de la majorité, dit qu'il pense qu'à son avis, la crise politique est tellement sérieuse qu'il faut absolument que le président de la République prenne rapidement et urgemment des décisions, vous pensez qu'il a raison ?

M. Péricard : Il a dû le dire au président de la République. D'ailleurs, il me semble que c'est ce qu'il a voulu laisser croire. Nous parlons tous avec le président de la République. La différence c'est que moi, je ne fais pas de déclarations en sortant du bureau du Président. C'est contraire à la dignité et à la confiance qu'il me montre quand il veut bien me recevoir. Je crois qu'il a eu raison de dire ce qu'il pensait au président de la République. Il a moins raison de vouloir faire une peu le forcing sur le Gouvernement. Laissons-le réfléchir et décider en son âme et conscience.

P. Lapousterle : Pour les électeurs de votre majorité, Monsieur Péricard, qui nous écoutent et qui pensent que, dans la majorité, c'est un peu le « foutoir » avec les déclarations des uns et des autres, assez critiques vis-à-vis du Gouvernement, est-ce que vous pouvez les rassurer en âme et conscience ?

M. Péricard : Je leur dirais de regarder en arrière. Y a-t-il eu une période où il n'y ait jamais eu ce type de différence où certains veulent se singulariser ? Et puis, ça ne nous a jamais empêché d'être unis. Moi, je constate que les socialistes se déchirent aussi, et que personne ne s'en émeut parce que ça semble plus normal.

P. Lapousterle : Mais ils ont perdu les élections à cause de cela.

M. Péricard : Je regrette. Je préférerais que certains se taisent. Je préférerais que certains ne cherchent pas à faire un effet dont ils ne se rendent pas toujours compte de l'effet dévastateur que cela a produit. Mais ça n'est pas dramatique. Vous savez, j'assistais au dernier déjeuner de la majorité chez A. Juppé, l'atmosphère n'est pas au drame, loin de là.

P. Lapousterle : Est-ce que les mauvais sondages n'ont pas une influence politique et n'empêchent pas le Gouvernement de bien travailler ?

M. Péricard : Il est évident que la morosité, dont une bonne partie est inexplicable, n'arrange pas les affaires de la France. La morosité engendre la morosité. Les députés ne sont pas insensibles à cela. Mais ils ont appris à l'élection présidentielle une chose qu'ils ne sont pas près d'oublier : c'est que les sondages ne sont pas définitifs, que ça change. Ils n'ont pas le culte du mauvais sondage, ils pensent que les sondages peuvent redevenir bons si les résultats de la politique commencent à se faire sentir.

P. Lapousterle : Dernière question : à propos de Thomson, le groupe socialiste demande une commission d'enquête parlementaire sur les conditions de la vente de l'entreprise nationalisée. Est-ce que le président du groupe RPR partage cette demande ?

M. Péricard : Nous allons en discuter tout à l'heure à la conférence des présidents. Je ne peux pas prévoir ce qui se dira. Mais je peux vous donner ma position. Nous n'avons rien à cacher. Il y a une procédure en cours. Laissons se terminer la procédure de privatisation. Je ne sais pas si la commission s'est réunie. En tout cas, elle n'a pas rendu ses conclusions. Quand la commission de privatisation aura rendu ses conclusions, je ne vois que des avantages à ce qu'une commission d'enquête montre aux Français qu'il n'y avait rien d'anormal et rien à cacher, quelle que soit la décision de la commission de privatisation.