Texte intégral
Je m'adresse à vous avec le respect que l'on doit et l'admiration que je porte à ceux qui ont le courage de mettre leur vie en danger pour défendre leurs droits. Je m'adresse à vous aussi, avec humilité, conscient que c'est à vous et à vous seuls qu'il appartient de prendre une décision concernant la suite de votre mouvement. Mais j'ai, me semble-t-il, une certaine légitimité à donner mon point de vue, en raison des positions que j'ai prises, au cours de ces dernières années, au sujet de l'immigration, positions qui m'ont valu d'être insulté par certains de mes « amis » politiques et m'ont porté gravement préjudice – je ne regrette rien dans ce que l'on appelle « la carrière politique ».
Votre combat est un juste combat. Contrairement à ce que croit la majorité des Français, à ce que font semblant de croire ceux qui considèrent tout étranger sur notre territoire comme un ennemi qu'il faut combattre et chasser, vous n'êtes pas des immigrés clandestins, entrés irrégulièrement en France, vous êtes, pour la plupart d'entre vous, injustement victimes de dispositions ambiguës ou contradictoires de la nouvelle législation sur l'immigration. Mais, que nous le voulions ou non, aux yeux de la majorité de l'opinion publique, ce qui est en jeu dans cette affaire, c'est à la fois l'autorité du gouvernement et sa politique à l'égard de l'immigration clandestine. Le gouvernement ne peut donc pas céder sans donner le sentiment de capituler. Et le président de la République, auquel vous faites appel, peut difficilement désavouer son Premier ministre, ce qui l'affaiblirait gravement, au moment où il doit faire face à une situation économique et monétaire difficile.
En cessant la grève de la faim, avant que l'irréparable se produise, vous réjouirez tous ceux qui, en France et ailleurs, suivent votre courageux et douloureux combat avec sympathie et inquiétude. Une telle décision de votre part, décision difficile à prendre, j'en conviens, permettra aussi de créer les conditions d'un dialogue serein avec les pouvoirs publics, afin d'obtenir une application aussi humaine que possible des dispositions en vigueur et, s'il le faut certaines modifications de la réglementation. Dans ce nécessaire dialogue, vous pourrez alors compter sur le soutien, non seulement de ceux qui, ces dernières semaines, en dehors de toute arrière-pensée politique, vous ont apporté leur appui dans un esprit d'équité et par souci humanitaire, mais de beaucoup de ceux qui n'ont pas voulu intervenir publiquement dans ce bras de fer qui vous oppose au gouvernement. Quelle que soit votre décision, soyez assurés de mon profond respect.