Texte intégral
La négociation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT, pour Comprehensive Test Ban Treaty) est aujourd'hui presque achevée. Les négociateurs se sont quittés le 28 juin, à Genève, sur un texte quasi définitif. C'est un résultat dont la France a tout lieu de se montrer satisfaite.
Le CTBT revêt une portée politique considérable. Il répond à une aspiration profonde des opinions. Il représente un pas supplémentaire vers un état des rapports internationaux davantage fondé sur la confiance et la sécurité collective.
La France avait toutes les raisons d'en souhaiter la conclusion rapide. Encore fallait-il que ce fût un bon traité. Le texte du 28 juin, qui préfigure l'accord final, se présente plutôt bien. Certes, il ne correspond pas parfaitement à nos vues sur tous les points. Mais ses dispositions essentielles nous paraissent conformes aux conditions d'un accord équitable et efficace.
Équitable : il repose sans ambiguïté sur l'« option zéro ». La France, seule parmi les puissances nucléaires, a définitivement fermé son centre d'essais. Il est naturel qu'elle veuille que l'interdiction des essais soit établie par traité et s'applique aux autres puissances nucléaires.
Il était également nécessaire que soient interdits les « mini-essais », dont certains, y compris en France, à un stade antérieur de la négociation, avaient cherché à préserver la possibilité. L'option zéro, et donc la clarté dans l'interdiction totale des essais, représente le voeu de l'ensemble de la communauté internationale.
Il est non moins clair que les puissances nucléaires conserveront le droit et le devoir de garantir la sûreté et la fiabilité de leurs armes. Le CTBT n'est pas un traité programmant la disparition des armes nucléaires. Il assure pour les États nucléaires la possibilité de recourir à la simulation. La nécessaire combinaison de l'interdiction complète des essais, de tous les essais, et de la légitimité des activités de simulation est parfaitement exprimée dans le projet de traité.
Efficace : la clé, en ce domaine, réside dans le régime de vérification. Le Traité prévoit un maillage de quatre réseaux de surveillance, correspondant à quatre techniques de détection : sismique, radionucléide, hydroacoustique et infrasonore. Toute explosion ou tout événement révélateur d'un essai pourra être détecté partout, quel que soit l'environnement. Le système sera complété par un dispositif efficace d'inspections sur place. La question était difficile à résoudre : elle touche à la souveraineté des États. Les mécanismes à élaborer devaient à la fois garantir les États contre des inspections abusives et assurer qu'en cas d'infraction une inspection pourrait être déclenchée en temps utile et sans possibilité d'obstruction de la part d'un éventuel « tricheur ». Les solutions retenues par les négociateurs permettent d'atteindre ces deux objectifs.
Reste un problème non résolu : celui de la date de mise en application du traité. L'objectif à atteindre est que le traité soit universel, qu'il s'applique à tous les États, notamment à tous les États dotés de l'arme nucléaire ou ayant des capacités nucléaires. Cette préoccupation a d'abord conduit à subordonner l'entrée en vigueur à la ratification d'un certain nombre d'États, dont les cinq puissances nucléaires officielles et les trois États dits du seuil (Inde, Pakistan, Israël). Dans notre hypothèse, le risque existe que l'un des États dont l'adhésion est nécessaire tienne le traité en otage pour très longtemps : l'annonce par l'Inde de son intention de ne pas adhérer au traité peut transformer ce risque en réalité.
Or le CTBT doit pouvoir être appliqué à bref délai. La mise en oeuvre effective du traité peut même convaincre les Etats qui n'y auraient pas adhéré d'emblée de le faire. Il faudra donc trouver un équilibre entre l'objectif d'un traité universel qui contribue efficacement à la non-prolifération et le souci de n'en pas retarder indéfiniment la mise en oeuvre. C'est une solution de compromis qui devrait être dégagée, lors des ultimes négociations, d'ici au mois d'août. Nous allons tout faire pour y parvenir.
Quoi qu'il en soit, l'essentiel est désormais acquis : le traité d'interdiction complète des essais nucléaires sera ouvert à la signature de tous les Etats lors de la prochaine assemblée générale des Nations unies. Une avancée capitale.
D'autres objectifs doivent nous mobiliser dans le domaine du désarmement. La France ne ménage aucun effort pour les faire avancer. Nous souhaitons la ratification par les États les plus concernés – les États-Unis et la Russie – et l'entrée en vigueur rapide de la convention d'interdiction des armes chimiques. Nous travaillons, avec nos partenaires européens en particulier, à l'élaboration d'un régime de vérification de la convention d'interdiction des armes biologiques. Lors de la conférence d'examen de cette convention à la fin de l'année, nous proposerons une date-butoir pour la mise en place de ce régime.
Dans le domaine nucléaire, nous proposons qu'après le CTBT une autre convention soit rapidement négociée pour interdire la fabrication des matières fissiles pour les armes nucléaires.
S'agissant des armes conventionnelles, nous concentrerons nos efforts sur le théâtre européen. Nous avons ainsi favorisé la négociation de l'accord de maîtrise des armements en ex-Yougoslavie. Nous avons aussi obtenu, lors de la conférence d'examen du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), à Vienne, du 15 au 31 mai, que s'engagent des discussions sur l'adaptation de ce traité à la nouvelle réalité stratégique de l'après-guerre froide.
Enfin la France est à l'origine de la conférence de révision de la convention sur les armes inhumaines, qui a eu pour résultat de renforcer le régime des restrictions à l'emploi des mines antipersonnel. Notre pays, qui s'est interdit à lui-même la production et l'exportation de ces mines, fera tout pour convaincre le monde de rejeter cette arme dont les effets sont dramatiques.
La France contribue tout à la fois à l'émergence d'un monde plus stable et au renforcement de sa propre sécurité. Elle continuera de le faire. Le désarmement sera, plus que jamais, l'un des grands chantiers de notre diplomatie.