Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureuse de participer aujourd'hui aux travaux consacrés à la promotion du deux roues en tant que mode de transport à part entière en milieu urbain ainsi qu'à la remise du prix du « 2 roues pour la Ville ».
C'est d'abord l'occasion d'adresser à l'association « 2 roues pour la Ville » des félicitations bien méritées pour l'efficacité de son action. Je souhaite souligner le dynamisme des acteurs du monde du 2 roues et j'aurai encore l'occasion de le dire au prochain congrès des villes cyclables au mois d'octobre. Mais une raison plus profonde encore, motive mon intervention : à savoir la nécessité, qui s'impose aujourd'hui à tous les décideurs, de maîtriser les systèmes de déplacement urbain dans une approche globale. En termes pratiques, il s'agit de mieux harmoniser et équilibrer les différents modes de transport et dans cette logique, compte-tenu de la situation qui est actuellement la nôtre, il est impératif que les deux roues trouvent une place sensiblement plus importante que celle qui est la leur.
L'opinion publique, plus particulièrement dans nos villes, exprime très clairement des exigences légitimes pour tout ce qui concerne la qualité de la vie : réduction des encombrements ; limitation de la pollution atmosphérique et sonore ; amélioration de la sécurité ; commodité et efficacité des moyens de transport, etc. Chacun pour ce qui les concerne, les responsables de l'État et des collectivités locales, se doivent de fournir des réponses appropriées, dans le sens des principes d'action qui nous animent : conciliation des modes de transports entre eux sans sectarisme ni exclusive, responsabilisation des citoyens, souci des équilibres économiques et financiers, souci aussi du long terme en matière d'environnement et de cohésion sociale.
Cet objectif est réaliste mais il exige – vous le savez, Monsieur le président, – une politique volontaire et concertée et des efforts importants et continus. En cette matière, le « laissez faire » conduit inéluctablement à des effets pervers dont nombre de nos villes font une expérience douloureuse.
Cependant, et on ne saurait trop insister sur ce point, une telle politique de rééquilibrage des modes de transport urbain ne peut se conduire sans conditions et en particulier sans qu'une attention prioritaire soit accordée aux problèmes de sécurité.
L'amélioration et la diversification des modes de déplacement ne doivent en aucun cas avoir pour contrepartie une dégradation du niveau de sécurité et il existe des moyens pour que cette condition soit respectée. J'y reviendrai tout à l'heure.
Au titre de ministre de tous les modes de transport, ma préoccupation est que chacun puisse faire valoir ses atouts et se développer, non seulement dans le respect des autres, mais en pleine complémentarité avec eux. En milieu urbain, chaque mode déplacement : voiture individuelle, transports collectifs, deux roues motorisés, deux roues légers, marche à pied, à ses créneaux d'excellence, qu'il faut s'efforcer d'identifier, ce qui exige, entre autres, une réflexion approfondie sur la nature et les motifs des déplacements, sur la fonction et la hiérarchisation des voies de communication qui structurent nos villes. Force est de constater que nous avons dans ce domaine, qui relève de ce qu'il est convenu d'appeler la « modération de la circulation » un retard certain par rapport à d'autres pays européens.
C'est dans cet esprit que nous avons souhaité inviter les collectivités locales à se doter de plans de déplacements urbains. Le projet de loi sur l'air prévoit que c'est une obligation pour les communes d'une certaine dimension. Beaucoup d'entre elles, se sont déjà engagées dans cette démarche. J'ai donc demandé à mes services d'élaborer un guide des déplacements urbains qui vient de sortir dans lequel le 2 roues trouve évidemment sa place importante.
Je n'en veux pour preuve que le développement des « zones 30 km/h » qui se heurte en France à des obstacles qui, de toute évidence, ont été mieux surmontés en Allemagne ou aux Pays-Bas par exemple. C'est d'abord une affaire d'information et de pédagogie auprès des élus et des techniciens qui doivent prendre conscience que l'organisation des transports est avant tout un acte d'aménagement urbain. C'est le plus souvent la volonté et l'audace qui font le plus défaut. Certes, nous vivons une période particulièrement difficile pour les finances publiques mais beaucoup de réalisations permettant notamment le développement dans de bonnes conditions de l'utilisation des deux roues en ville n'exigent pas des investissements considérables. Il s'agit dans nombre de cas, non pas de faire plus, mais de penser et de faire autrement. De nombreux élus et récemment Jacques TOUBON évoquant le nouveau pont Charles de Gaulle m'ont relaté leurs difficiles dialogues avec les services techniques pour imposer des pistes cyclables. C'est une nécessité et c'est dans cet esprit, qu'à la demande du Premier ministre, Bernard Pons et moi-même avons demandé au service du ministère de l'Équipement la prise en compte systématique du 2 roues dans tous les aménagements routiers.
Une enquête de l'INSEE, dont les premiers résultats viennent d'être publiés, montre que parmi les ménages qui comptent un actif, 9 sur 10 disposent d'une ou plusieurs voitures, les trois-quarts d'entre eux l'utilisant pour aller travailler.
Ce simple constat laisser penser qu'il existe, encore une fois sans qu'aucune mesure réglementaire contraignante soit prise, une marge de développement pour d'autres modes de transport que la voiture individuelle, plus particulièrement les deux roues. Il faut rappeler que dans la plupart des cas, pour les niveaux de trafic proches de la saturation, une faible réduction de la circulation automobile se traduit par une forte diminution de l'ampleur et de la durée dans encombrements. Nos systèmes de déplacement urbain n'ont évidemment pas atteint leur équilibre optimal !
Le principe qui doit guider notre action est celui du « partage de la voirie ». Je n'ignore pas qu'en français, le mot « partage » se prête à deux interprétations, à certains égards contradictoires. D'une part, il est synonyme de séparation, voire de ségrégation, sur le thème « chacun chez soi » ; d'autre part, il signifie aussi usage en commun, convivialité, acceptation et respect de l'autre. Je n'ai pas besoin de préciser, devant un public aussi averti, que ces deux conceptions ont, en matière de transport et d'aménagement des infrastructures, des conséquences pratiques radicalement différentes.
Je n'ai pas besoin non plus d'affirmer que c'est bien la seconde acception du terme qui doit constituer notre référence fondamentale. Les villes mettent en place de véritables réseaux de déplacement pour les deux roues non motorisées, avec un authentique partage des espaces de circulation ou les diverses catégories d'usagers doivent se côtoyer harmonieusement par des aménagements sportifs qui sont innovants.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, si nous souhaitons que les 2 roues aient toute leur place dans notre vie quotidienne. Il faut également en tirer toutes les conclusions quant à l'augmentation du nombre de leurs utilisateurs et leur sécurité. Je pense aux enfants qui vont à l'école, aux citoyens dont c'est le mode de transport pour aller travailler, à ceux dont c'est l'outil de travail comme les coursiers, les livreurs de pizzas dont le nombre s'est fortement accru, ou encore aux simples amateurs sportifs ou promeneurs.
L'axe de la politique que Bernard Pons et moi-même menons en la matière est celui de la responsabilisation des usagers de la route, tant je suis convaincue que c'est essentiellement en agissant en profondeur sur les comportements que nous pourrons faire reculer significativement et durablement l'insécurité routière.
Cette politique, vous le savez, porte déjà quelques fruits puisque, depuis 12 mois, nous enregistrons une baisse continue du nombre de tués sur les routes.
Pour ce qui nous concerne plus directement ici, deux voies d'actions doivent être empruntées :
– l'aménagement de la voirie. Outre les équipements spécifiquement destinés à améliorer la sécurité, nous savons que les caractéristiques des infrastructures jouent un rôle essentiel car l'usager adapte son comportement en fonction de la manière dont il les perçoit et les comprend. Les dispositions constructives qui permettent d'induire des comportements plus apaisés et plus respectueux des autres usagers sont aujourd'hui bien connues et maîtrisées, mais leur champ d'application pratiqué reste encore trop étroit ;
– le second volet a trait à la formation des conducteurs et à cet égard je voudrais évoquer quelques points importants.
Bernard PONS et moi-même avions pris deux engagements qui viennent d'être concrétisés par des décrets en date du 4 juillet 1996.
D'abord, la possibilité offerte aux détenteurs d'un permis de conduire les automobiles (permis b) depuis au moins deux ans de conduire une motocyclette de 125 cm3.
Je tiens ici à remercier publiquement tous les partenaires qui ont répondu positivement à notre appel pour mettre en place des modules de formation et des actions d'initiation destinés à ceux, de plus en plus nombreux, qui vont bénéficier de cette nouvelle disposition en étant dépourvus d'expérience récente de conduite d'un deux-roues motorisé.
Ensuite, l'instauration du brevet de sécurité routière pour la conduite des cyclomoteurs entre 14 et 16 ans. Il reste à mettre effectivement en place – et là encore, tous les partenaires de la sécurité routière sont sollicités – la partie pratique dont l'objectif est d'alerter le jeune conducteur sur les dangers de la circulation et de le sensibiliser aux comportements de protection à adopter.
Par ailleurs, sur notre proposition, le Conseil des ministres du 26 juin dernier a décidé de mettre en place une table ronde qui doit élaborer des propositions en matière de formation initiale et continue de toutes les catégories de conducteurs. Les travaux vont débuter dans les tous prochains jours et devront être achevés dans un délai de l'ordre de six mois.
Enfin il importera aussi d'avancer sur la sécurité des conditions de travail de ceux qui utilisent le 2 routes comme outils de travail, avec les représentants de la profession et les salariés. Nous avons beaucoup à faire sur le sujet.
Voilà, rapidement esquissés, le contexte et les conditions dans lesquels l'utilisation des deux roues en milieu urbain peut et doit se développer. L'enjeu est d'importance et l'association « 2 roues dans la Ville » est évidemment partie prenante de ce défi, qui met en jeu toutes les dimensions de la qualité de vie dans nos villes. Ce sont évidemment nos jeunes qui sont les premiers concernés, mais aussi – et ceci est un phénomène nouveau – des gens plus âgés, séduits par la commodité du deux roues, qu'il soit motorisé ou non, pour échapper aux encombrements.
Je ne suis donc, Monsieur le président, que vous encourager à persévérer dans la voie qui est la vôtre et dont le présent colloque témoigne de la fécondité. Le deux-roues est un mode de déplacement moderne, résolument tourné vers l'avenir.
Soyez certain que vous trouverez en moi, non seulement un interlocuteur attentif, mais aussi un soutien actif. Le rôle de l'État, pour bien répondre aux besoins de nos concitoyens, est d'offrir un cadre technique et réglementaire clair apte à promouvoir le développement des deux-roues, et de veiller aux conditions générales de sécurité dans lesquelles ils sont utilisés.