Texte intégral
G. Leclerc : L’Express révèle que C. Hernu aurait été un agent de l’Est. Y. Bonnet exprimait son scepticisme. Quel est votre commentaire ?
G. de Robien : Je suis aussi très sceptique, parce qu’il est difficile d’être espion, à cette époque-là, pour trois pays comme la Bulgarie, la Roumanie et l’URSS. Je pense que c’est une information qu’il faut relativiser. En même temps, il ne faut pas accabler un homme qui n’est plus là pour se défendre.
G. Leclerc : A. Juppé a demandé hier que la majorité fasse bloc autour du Gouvernement. On sait que l’UDF s’est à plusieurs reprises démarquée. Etes-vous prêt à faire bloc ?
G. de Robien : Faire bloc et se démarquer, ce n’est pas incompatible. Il faut que majorité rime avec représentativité. Or les gens veulent être représentés par leurs députés. Les gens ne sont pas tous identiques. Il est donc normal que l’UDF exprime et soit représentative d’une majorité qui est parfois la majorité silencieuse qui veut que ses députés s’expriment, fassent des propositions. L’UDF, c’est une force de propositions et d’imagination. Je crois que l’on apporte ainsi une valeur ajoutée à la majorité.
G. Leclerc : Ça ne vous choque pas que des députés comme H. Novelli disent qu’à propos de la Sécurité sociale, c’est un monument de technocratie triomphante, que J.-L. Beaumont dise qu’il ne votera pas le texte ?
G. de Robien : Que les députés s’expriment à titre individuel, ça ne me choque pas, mais qu’ils ne soient pas porte-parole de l’UDF. Le président du groupe de l’UDF, c’est moi. Le président de l’UDF, c’est François Léotard. Il y a un porte-parole de l’UDF, P.-A. Wiltzer. Ceux-là expriment la synthèse des opinions de l’UDF. Ceux-là sont véritablement représentatifs d’une famille politique. Ensuite, dans la diversité, chacun peut s’exprimer en fonction de son caractère.
G. Leclerc : F. Léotard a été brutalement renvoyé dans ses cordes après avoir proposé que le président de la République utilise ou la dissolution, ou le référendum ou le remaniement pour relancer la majorité.
G. de Robien : Oui. Il a fait un panorama constitutionnel des possibilités.
G. Leclerc ; C’était une erreur ?
G. de Robien : Pas du tout. Il décrit la Constitution. Ensuite, c’est vraiment le président de la République qui décide. Que F. Léotard dise « lorsque le pays est en crise, on peut effectivement dissoudre l’Assemblée, changer de gouvernement ou faire un référendum », c’est inscrit dans la Constitution. Il ne fait que décrire la Constitution. Ce n’est pas une attaque en règle ni contre le Gouvernement, encore moins évidemment contre le président de la République.
G. Leclerc : Que les sondages soient aussi bas, c’est uniquement injuste, ou bien y a-t-il un problème de méthode du Gouvernement ?
G. de Robien : Vous parlez de sondages qui disent qu’il n’y a aucune alternative à gauche pour gouverner la France ?
G. Leclerc : Non, je veux parler des autres sondages de popularité, de confiance à l’égard du président de la République et du Premier ministre.
G. de Robien : Les sondages sont bas. Il y a un an, ils étaient plus hauts. Dans six mois, ils seront ailleurs. Vous savez, les sondages, c’est un baromètre. C’est intéressant. Ce n’est pas une méthode de Gouvernement.
G. Leclerc : A. Juppé a dit hier, à propos de Thomson, qu’il y aurait un grand débat. N’est-ce pas un signe de recul et qu’il y a un vrai malaise autour de cette privatisation ?
G. de Robien : Attendez : nous étions, à l’UDF, en train de réclamer le dialogue. A. Juppé nous propose le dialogue sur Thomson. D’abord, il faudrait dire que Thomson, c’est une entreprise formidable, pleine de technologies, pleine d’ingénieurs qui font des outils remarquables dans le domaine de l’armement et dans le domaine du multimédia.
G. Leclerc : Donc, ça vaut plus d’un franc ?
G. de Robien : Attendez : je ne veux pas parler de la valeur tout de suite. Dans un premier temps, que le Gouvernement exprime sa préférence pour former vraiment une entreprise – première entreprise d’armement – c’est très bien, et puis ensuite il y a Thomson Multimédia qui est une entreprise, là encore pleine d’ingénieries qui va, dans les années à venir, exploser même sur le plan des bénéfices.
G. Leclerc : C’est ce qu’a dit notamment son président hier.
G. de Robien : Je dirais peut-être qu’il faut une triple prudence. L’avis du Gouvernement est donné : c’est un avis de préférence. Deuxièmement, le Premier ministre l’annonce à l’Assemblée nationale : c’est la clarté. Et la troisième prudence, c’est l’avis de la Commission de privatisation. Alors, à ce moment-là, on verra si véritablement la solution Daewoo est une bonne solution. Là je dis : triple prudence.
G. Leclerc : Encore un attentat important cette nuit, en Corse, contre France-Telecom. A première vue, le Gouvernement joue la fermeté. Cela n’a pas l’air d’être très opérant ?
G. de Robien : Vous êtes sévère. Je vais vous dire pourquoi vous êtes sévère : devant le terrorisme corse – car c’est du terrorisme – il faut de la fermeté et le Gouvernement aujourd’hui montre de la fermeté.
G. Leclerc : Ce qui n’a pas toujours été le cas.
G. de Robien : Et puis, si vous le permettez aussi, devant des opérations terroristes, qu’elles viennent de l’extérieur ou qu’elles viennent de Corse, il faut l’unité nationale. Et donc, il faut faire confiance à un Gouvernement qui met tous les moyens disponibles pour arrêter ce terrorisme. C’est quand même un changement de politique considérable par rapport à la politique menée depuis quinze ans.
G. Leclerc : On va parler de la loi qui porte votre nom, qui aide financièrement les entreprises qui font de l’aménagement, de la réduction du temps de travail pour créer des emplois ou en sauver. Le CNPF a l’air assez réticent et puis un certain nombre de gens disent que ce n’est pas une bonne solution parce que ce sont des emplois subventionnés et que c’est la collectivité qui paye.
G. de Robien : Eh bien, les entreprises démentent les réticences du CNPF, c’est clair. Les entreprises s’engagent avec plaisir, les syndicats s’engagent avec plaisir dans des négociations qui démentent jour après jour que le CNPF, ou une partie du CNPF, fait fausse route et adopte là-dedans une attitude ringarde. C’est un outil formidable pour changer les rapports sociaux en France. Enfin, on peut se mettre autour d’une table et négocier le temps de travail, négocier la flexibilité, négocier la baisse des charges, négocier de nouveaux emplois ou le sauvetage d’emplois. Je souhaite que les entreprises continuent à submerger le CNPF de bonnes nouvelles qui sont les nouvelles que nous apprenons tous les jours dans les journaux : de nouvelles conventions passées dans les entreprises qui sauvent des emplois grâce à la réduction du temps de travail, grâce à l’abaissement des charges sociales et pour la première fois, c’est une aide avec une contrepartie. Tout le monde est gagnant : les entreprises parce qu’elles peuvent gagner des points de productivité, les salariés parce qu’ils ont un travail individuel un petit peu moins long et puis en même temps l’Etat parce que cela coûte moins cher que le coût du chômage.