Interviews de Mme Dominique Voynet, porte-parole des Verts, à TF1 le 16, RTL les 19 et 26 mai 1997, sur l'accord électoral Les Verts-PS et les principales propositions des Verts (réduction du temps de travail, traité de Maastricht, RMI à 18 ans, etc...).

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Circonstance : Elections législatives anticipées des 25 mars et 1er juin 1997

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

TF1 : vendredi 16 mai 1997

TF1 : Je rappelle que votre mouvement a passé un accord électoral avec le Parti socialiste. Est-ce que vous ne craignez pas de perdre un peu de votre identité avec cet accord ?

D. Voynet : Les choses sont parfaitement claires : nous avons une trentaine de candidats Verts, soutenus par le Parti socialiste, environ 70 candidats socialistes soutenus par les Verts et dans la totalité des autres circonscriptions ou presque, nous avons des candidats Verts présents sous la couleur des Verts, sous le programme des Verts et qui sont bien décidés donc à montrer que les Verts restent un mouvement parfaitement autonome et libre de ses choix politiques et stratégiques.

TF1 : Mais est-ce que vous trouvez que l’on a assez parlé d’écologie dans cette campagne ? Je dirais aussi bien à droite qu’à gauche, on n’a pas beaucoup entendu ces thèmes dans les programmes respectifs.

D. Voynet : Il est bien évident qu’une campagne aussi courte à tendance à radicaliser les camps autour des thèmes prioritaires pour les Français eux-mêmes. La lutte contre le chômage est un de ces thèmes, la lutte pour une rénovation de la démocratie et contre la corruption en est un autre. Cela dit, nous faisons tous les efforts possibles pour imposer dans la campagne un autre sujet de préoccupation : l’idée que les choix d’investissement doivent être systématiquement ceux qui à la fois créent des emplois bien sûr, mais aussi sont utiles aux êtres humains et ne détruisent pas leur environnement futur. Ça nous invite bien sûr à regarder de près l’efficacité économique, l’efficacité sociale du nucléaire qui est tout à fait mauvaise et à encourager d’autres solutions qui sont moins coûteuses pour les finances publiques, qui sont plus créatrices d’emplois et qui vont permettre de mieux respecter ceux qui viendront après nous, ne serait-ce qu’en évitant de leur léguer des masses considérables de déchets nucléaires dont nous ne savons et nous ne saurons que faire.

TF1 : Mais A. Waechter qui est un autre leader écologiste du Mouvement indépendant dit que vous êtes, au fond, favorables à une logique productiviste en étant alliés au PS et à son programme ?

D. Voynet : Par chance, le Parti socialiste a beaucoup évolué, il a su aussi intégrer ce que les écologistes disent depuis longtemps sur la nécessité de penser à un avenir qui soit soutenable pour la planète et soutenable pour ses habitants. Moi, je n’ai pas beaucoup de temps à perdre à critiquer les programmes des autres. J’ai envie de mettre en avant nos propres propositions pour créer des emplois, pour arrêter les gaspillages. J’ai envie d’insister sur l’intérêt des transports en commun pour reconquérir des villes vivables, où l’on puisse respirer, mais aussi pour faire transporter les marchandises sur de longues distances en ayant moins recours aux camions qui sont très polluants – on le sait bien – et qui exploitant beaucoup la peine des êtres humains qui les conduisent. Je crois que c’est important dans cette campagne de rappeler que l’on manque d’argent public et qu’investir c’est choisir pour l’avenir ce qui sera le plus utile, le moins dégradant, ce qui pourra le plus rapidement et le plus efficacement sortir des pièges dans lesquels trente ans de productivisme, de progrès mal maîtrisé nous ont condamnés.

TF1 : Quelle est votre espérance pour cette élection ? Vous espérez avoir, un, deux députés ?

D. Voynet : Rentrer à l’Assemblée, ce serait quelque chose déjà d’historique. Ça n’est jamais arrivé que les écologistes siègent à l’Assemblée. Constituer une majorité avec les partis progressistes, c’est bien sûr notre espoir car nous avons l’intention au cours des prochaines années de peser sur les politiques publiques et de faire en sorte que les idées fortes que nous portons depuis longtemps – le plaidoyer pour une agriculture paysanne avec beaucoup de paysans installés, avec des gens qui vivent dignement de leur travail, par exemple – soient portées très haut, très fort, pas seulement le temps d’une campagne électorale mais aussi chaque jour dans les locaux de l’Assemblée nationale et sur le terrain. Alors pour ça, il faut bien sûr des députés écologistes à l’Assemblée, des députés Verts. Il faut aussi des réseaux associatifs et militants mobilisés, des citoyens exigeants, des citoyens debout qui seuls, pourront garantir le respect des promesses de campagne. Les promesses engagent non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui les écoutent parce qu’il va de notre intérêt commun qu’elles ne restent pas des chiffons de papier ou des bulles de savon de campagne électorale.

TF1 : Et rapidement, s’il y a un gouvernement de gauche, une cohabitation, pouvez-vous en faire partie ? Espérez-vous en faire partie ?

D. Voynet : Je crois que ça n’est pas exclu mais que la décision ne sera prise qu’au soir du second tour, en fonction des rapports de force, en fonction de la possibilité concrète d’influencer l’évolution de la société. Un gouvernement progressiste, prenant en compte la diversité des sensibilités de la société française, ça serait quelque chose qui permettrait notamment de lutter contre le chômage de façon efficace en mettant en place non pas en quarante jours, parce que ça c’est de l’ordre des promesses de campagne démographiques, mais en quelques semaines ou quelque mois, une loi-cadre sur les 35 heures pour permettre vite des gens au travail et leur redonner vite leur place dans la société. Je crois que l’on pourrait comme ça non seulement travailler moins, travailler tous mais gagner beaucoup de temps pour vivre et pour faire autre chose de notre vie. Je crois que c’est un des enjeux de la campagne législative.


RTL : lundi 19 mai 1997

O. Mazerolle : Vous avez conclu une alliance avec le Parti socialiste dans plusieurs dizaines de circonscriptions pour ces élections législatives. Vous attendez combien d’élus Verts – ce qui serait une grande première car il n’y a jamais eu de députés Verts élus au scrutin majoritaire ?

D. Voynet : Vous l’avez dit, ce serait la première fois que des Verts entreraient à l’Assemblée. Ce qui est un événement en soi au-delà du nombre effectif des députés élus. Ils  ne seront que quelques-uns seulement et cela sera davantage symbolique qu’un nombre suffisant pour permettre de construire ou de déconstruire des majorités. Ce qui est important pour nous, au-delà de cette entrée à l’Assemblée, c’est le fait de peser sur le contenu d’une majorité progressiste grâce à un accord programmatique.

O. Mazerolle : Comment un nombre symbolique d’élus pourra-t-il peser sur la politique d’un gouvernement de gauche ?

D. Voynet : Je crois que les gros partis traditionnels à gauche ont peut-être compris qu’ils ne pouvaient pas faire rêver les Français en leur proposant simplement de revenir en arrière, aux années 1980, et qu’il leur fallait intégrer les faits qui sont têtus et qui ont souvent donné raison aux écologistes et notamment parce qu’ils ont suscité des inquiétudes et des attentes nouvelles de la part des citoyens, des usagers et des consommateurs. Mais aussi parce que les solutions d’hier ont montré leur inefficacité. On ne pourra pas se contenter, par exemple, de résoudre le problème du chômage en relançant la croissance et en faisant des gros travaux dont on sait très bien qu’ils produisent beaucoup de remue-méninges dans le paysage, beaucoup de mouvements de grosses machines et très peu de créations d’emplois.

O. Mazerolle : Mais vous croyez à votre influence ? Ne craignez-vous pas, comme d’autres, l’hégémonie du Parti socialiste ?

D. Voynet : Comme beaucoup, je sais qu’un rapport de forces politiques mais aussi citoyen est indispensable pour assurer le respect des engagements pris. Ce rapport de forces, nous nous sommes donné les moyens de le construire de deux façons. D’une part, en ayant quatre cents candidats Verts qui vont être présents aux législatives sous la couleur des Verts, le programme des Verts et avec l’intention de montrer que le mouvement écologiste existe bel et bien et représente des solutions nouvelles. D’autre part, nous sommes très présents aussi dans les mouvements sociaux, de décembre 1995 aux mouvements du printemps, contre le durcissement des lois concernant les résidents étrangers. Nous sommes présents et nous contribuons à faire en sorte que le débat politique soit vivant.

O. Mazerolle : Quelles sont les mesures que vous attendriez d’un gouvernement de gauche pour bien montrer que ce n’est plus la droite qui est au pouvoir mais la gauche qui est au pouvoir ?

D. Voynet : Soyons sérieux, il n’est pas question de faire des promesses démagogiques en quarante jours. Nous souhaitons vite une loi-cadre sur les 35 heures mais aussi l’abandon des projets qui constituent des gaspillages faramineux pour une utilité sociale nulle et un impact écologique souvent désastreux. Je pense notamment à Superphénix qui a quand même déjà coûté 50 milliards de francs ; le projet de canal Rhin-Rhône qui dévasterait plusieurs régions et mettrait en péril l’alimentation en eau de centaines de milliers de personnes. Je pense aussi bien sûr au remplacement des lois inefficaces et injustes qui frappent aujourd’hui les résidents étrangers qui résident normalement en France depuis des années, pour les remplacer par des lois tenant compte du fait qu’ils vivent en famille sur notre sol, qu’ils y travaillent et que les enfants y sont nés.

O. Mazerolle : Vous voulez même un droit de vote pour eux aux élections locales.

D. Voynet : Je constate d’ailleurs qu’une majorité de Français est désormais favorable au droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, là où ils payent des impôts, là où leurs enfants vont à l’école, là où ils sont parents d’élèves, salariés, votant aux élections prud’homales, etc. Il ne leur manque plus que cela pour être vraiment intégrés et citoyens.

O. Mazerolle : Pour la réduction du temps de travail, le Parti socialiste parle du passage aux 35 heures dans deux ou trois ans. Le programme des Verts dit : semaine des quatre jours, voire les 32 heures le plus rapidement possible. Est-ce une contradiction ?

D. Voynet : Le Parti socialiste dit ce qu’il veut, les Verts font campagne sur une dimension plus importante encore du temps de travail. L’accord passé entre les Verts et le PS prévoit les 35 heures tout de suite. Il n’y aura pas à renégocier quelque chose qui a été signé.

O. Mazerolle : La loi cadre, mais l’application va être plus longue.

D. Voynet : Il est évident qu’il faudra discuter des modalités d’application et ceci se fera par des négociations des branches. Là où il y a du travail posté, on ne va pas dire qu’il faut passer aux 35 heures sans mise en place d’une cinquième équipe par exemple. Là où les cadres font déjà 60 ou 70 heures par semaine, peut-être faudra-t-il négocier plus de congés annuels, de congés de formation qu’une diminution hebdomadaire de la durée du travail qui ne voudrait pas dire grand-chose.

O. Mazerolle : Vous voulez aussi l’instauration du RMI pour les jeunes à partir de 18 ans, point qui n’a pas été retenu par le Parti socialiste.

D. Voynet : Il fait partie de l’accord entre les Verts et le PS ! Il n’y aura pas à renégocier sur ce point. Un accord est un accord !

O. Mazerolle : Cela sera mis en application.

D. Voynet : Personne n’imagine que le RMI à 18 ans pourrait être une solution d’avenir pour les jeunes. Simplement, nous faisons le constat qu’il y a de plus en plus de jeunes qui ne trouvent pas de travail – neuf mois en moyenne entre la sortie du système scolaire et le premier emploi – qu’il y a de plus en plus de familles qui ne peuvent pas faire face parce qu’il n’y a plus d’allocations familiales à partir de dix-huit ans. Donc, la solution n’est pas dans la toxicomanie, la délinquance ou le désespoir mais elle est dans une aide ponctuelle d’urgence qui devrait permettre à une jeune d’attendre son premier emploi, sachant que ce dernier est évidemment la solution. Personne n’a envie d’installer les jeunes dans la précarité ou dans l’assistanat de long terme.

O. Mazerolle : Pour l’Europe et l’euro, le PS s’est inscrit dans des conditions posées à l’intérieur du traité de Maastricht et vous, vous parlez carrément de renégocier le traité de Maastricht et vous dites même…

D. Voynet : Non, non je vous arrête tout de suite. Le traité de Maastricht est signé. Cela engage la parole de la France, quel que soit le gouvernement qui est en place. Nous parlons de négocier un nouveau traité mettant notamment en place – enfin ! – une Europe sociale avec une harmonisation de la législation vers le haut. Il ne s’agit pas évidemment d’arriver à 48 heures par semaine pour tout le monde comme c’est le cas aujourd’hui, de façon maximale, dans la Communauté, ni de revenir au travail des enfants à quatorze ans mais c’est plutôt, au contraire, relever le niveau de protection.

O. Mazerolle : Dans le programme des Verts, vous dites tout de même que la Banque centrale européenne devra être contrôlée par les élus des peuples européens c’est-à-dire que vous mettez en cause l’indépendance de la Banque centrale, ce qui est contraire au traité de Maastricht ?

D. Voynet : Il ne s’agit pas de renégocier Maastricht mais de négocier un nouveau traité. Quand on a mis en place l’acte unique et qu’on s’est rendu compte qu’il y avait des manques et des insuffisances ou des effets pervers, on a dit : négocions un nouveau traité. Cela a été le traité de Maastricht. Aujourd’hui, on se rend compte que Maastricht n’a pas tout résolu et nous disons qu’il faut négocier un pas supplémentaire dans la construction européenne. Mais je ne parle pas de retour en arrière. Je parle d’aller de l’avant et de mettre en fin de compte en place non seulement l’Europe sociale mais aussi une Europe politique, grâce sans doute, dans un premier temps, à un gouvernement des États européens mais, au-delà, grâce à une Europe fédérale des peuples et des régions pariant davantage sur le Parlement européen. J’insisterai aussi beaucoup sur l’Europe de l’environnement, sinon rien n’empêchera que les installations les plus polluantes et les plus dangereuses s’installent dans les pays du Sud de l’Europe alors que les États qui ont aujourd’hui une bonne protection environnementale parce qu’ils sont riches pourraient les garder pour eux-mêmes.

O. Mazerolle : Vous imaginez qu’avec un Président de la République comme J. Chirac, un gouvernement de gauche pourrait mettre en œuvre une politique de gauche ?

D. Voynet : Rien ne s’oppose, dans les institutions actuelles, à un exercice très fort du rôle politique d’un gouvernement progressiste. Il n’y a pas de pré réservé, il n’y a pas de champ qui soit de la compétence exclusive du Président de la République. La présidentialisation des institutions, c’est une somme de dérives, d’usages qui se sont établis lentement. Je pense qu’il reviendrait à un Premier ministre et à un gouvernement progressiste de bien marquer sa différence et de tenir tête à un Président de la République qui ne semble pas d’ailleurs être en mesure de la faire seul. J. Chirac a prouvé par le passé qu’il pouvait être sensible à des préoccupations comme la réduction de la fracture sociale. Donc, parions qu’une influence forte d’une majorité progressiste à ses côtés serait de nature à le faire changer sur ce point.

O. Mazerolle : Votre programme prévoit d’autres points, comme l’immigration, la légalisation du cannabis et d’autres points. Constitue-t-il un atout pour la gauche pour qu’elle puisse obtenir la majorité ou au contraire un handicap parce que cela peut la priver des voix d’électeurs plus centristes et qui sont nécessaires pour apporter la majorité ?

D. Voynet : Les gros partis gestionnaires ont énormément de difficultés à rénover leurs analyses et leur réflexion pour des motifs électoraux. Nous n’avons pas ce problème. Je suis médecin et je vois très bien les ravages que fait la drogue tous les jours et je pense que ces ravages sont largement dus au fait qu’on met l’essentiel des moyens sur la répression des petits consommateurs et pas sur l’accompagnement social et médical des jeunes qui sont tentés par la toxicomanie. Bien sûr, il faut la répression du trafic sous toutes ses formes mais non à l’idée que l’on fasse du chiffre dans les brigades de police en s’acharnant sur les petits consommateurs alors qu’ils ont besoins d’une prise en charge sociale, d’un accompagnement médical, qu’ils ont besoin de trouver du travail, des familles qui leur permettent de s’épanouir et ce n’est pas le cas aujourd’hui alors que de plus en plus de parents sont menacés par le chômage et la précarité.

 

RTL : lundi 26 mai 1997, édition du soir

J.-M. Lefebvre : Le Premier ministre vient d’annoncer qu’il va quitter Matignon quels que soient les résultats de dimanche prochain.

D. Voynet : Les événements d’hier ont sans doute inspiré le Premier ministre. Il a pris conscience du fait que sa politique suscitait un important rejet. Je suis bien convaincue que ce n’est pas en changeant les êtres humains, mais la politique menée par le Gouvernement, qu’on pourra retrouver la confiance des Français. Pour changer de politique, encore faudrait-il changer les êtres humains qui l’incarnent, non pas au sein de la majorité, mais en changeant de majorité et en mettant en place un gouvernement qui incarne cette nouvelle majorité composée des forces de gauche et des écologistes.

J.-M. Lefebvre : Cette décision vous surprend-elle ?

D. Voynet : Disons que quand le bateau est en difficulté, on est tenté de chercher des responsables à la barre. Donc, A. Juppé paye sans doute aujourd’hui le très mauvais score des candidats de l’actuelle majorité hier soir. La solution, là encore, n’est pas là : ce n’est pas A. Juppé qui est en cause, c’est la politique qu’il mène et les mensonges qui ont été régulièrement tenus aux Français, qui comptaient sur l’équipe actuelle pour résoudre la fracture sociale et pour répondre aux attentes des plus modestes, alors que constamment ce Gouvernement a manifesté du mépris à leur égard.

J.-M. Lefebvre : Le teste commun signé avec le PS pour permettre aux Verts d’entrer à l’Assemblée ne risque-t-il pas de vous donner l’image d’alibi pour le PS ?

D. Voynet : Les résultats d’hier montrent que le jeu est très ouvert et qu’aucune grande force politique n’est en mesure aujourd’hui de négliger ou de mépriser les apports de forces plus modestes qui constituent le réel espoir de renouveau de la politique française. Sans les Verts, il y aurait bien peu de garantie pour mettre en place rapidement les 35 heures, pour interdire le cumul des mandats, pour mettre en place une réforme fiscale de grande ampleur, pour arrêter les projets les plus destructeurs comme Superphénix ou le canal Rhin-Rhône. Avec les Verts à l’Assemblée, cette garantie est naturelle.

J.-M. Lefebvre : Vous voulez aller plus loin que les 35 heures : vous voulez une loi-cadre avec la semaine de quatre jours dans le courant de la législature. C’est au-delà du programme du PS.

D. Voynet : Cela fait partie de l’accord programmatique passé entre les Verts et le PS. Il est sûr que nous avons réussi à convaincre le PS qu’une diminution trop modeste du temps de travail serait peu efficace en termes de création d’emplois. Si nous ne sommes pas capables d’inverser rapidement la courbe du chômage, de redonner confiance aux Français, de les convaincre que nous nous intéressons à leurs conditions de vie au quotidien et à leur qualité de vie, je pense qu’ils ne vont pas tarder à voter d’une autre façon, en descendant dans la rue et en reprenant la mobilisation qui s’était engagée notamment en décembre 1995.

J.-M. Lefebvre : Autre point de désaccord avec le PS : Maastricht. Vous, c’est carrément la négociation d’un nouveau texte, d’un correctif.

D. Voynet : Soyons clairs : le texte de Maastricht a été ratifié par la France. C’est un traité qui engage tous les gouvernements, quels qu’ils soient qui vont se succéder. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’abroger Maastricht, mais de rediscuter avec nos partenaires européens pour mettre en place notamment l’Europe sociale. C’était un débat un peu théorique il y a quelques semaines. Avec le changement de majorité en Grande-Bretagne, cela redevient tout à fait envisageable. Une majorité progressiste en France serait idéalement placée pour prendre une initiative en ce sens, pour la Conférence intergouvernementale ne s’intéresse pas qu’aux aspects institutionnels et qu’on aille vite vers une harmonisation vers le haut des conditions sociales sur le continent européen.

J.-M. Lefebvre : Quelle attitude préconisez-vous face au Front national ?

D. Voynet : Il faut bien faire la différence entre les animateurs du parti de J.-M. Le Pen qui exploitent de façon dramatique la misère et le sentiment de désespoir des Français et les électeurs de J.-M. Le Pen : à eux, je crois qu’il faut expliquer que ce n’est pas en désignant du doigt plus faible et plus fragile que soi qu’on va pourvoir s’en sortir, mais que c’est en s’attaquant aux causes de leurs problèmes. Ils souffrent du chômage : il faut leur trouver des emplois ; ils vivent dans les quartiers dégradés où le bruit et l’espace gênent leur liberté quotidienne : il faut rénover les quartiers dégradés et en faire de vraies villes avec des services publics, des transports publics, de l’animation et de la prévention. Je pense que ce sont des choses qu’une bonne partie des électeurs du Front national peuvent entendre. Lutter contre le chômage, c’est vraiment lutter contre l’insécurité sur le terrain.