Texte intégral
Date : 15 juillet 1996
Source : FRANCE INTER
Q. : Pouvez-vous nous expliquer la réaction des européens par rapport à la loi Helms-Burton ?
R. : Ce qui choque profondément les pays d’Europe, c’est que les Américains prennent une législation unilatérale qui régente le commerce international avec un pays, en l'occurrence Cuba. Un autre projet de loi en cours, que l'on appelle le projet D’Amato, concerne plusieurs pays du Moyen-Orient. Cet unilatéralisme américain est tout à fait contraire aux règles de base du commerce international qui sont essentiellement des règles multilatérales dans lesquelles il y a discussion, négociation et accord autour de la table.
Q. : Est-ce qu'il y a de nombreux intérêts européens à Cuba ?
R. : Il y a des intérêts européens à Cuba. Il y en a au Moyen-Orient. Donc toutes ces législations soulèvent de grands problèmes, très sérieux. À la fois des questions de principe nous ne pouvons pas accepter qu’un seul État, fussent les États-Unis, s’érige en professeur de morale du monde entier - et des questions d’intérêts qui concernent nos entreprises.
Q. : Est-ce que c'est plutôt une question de précédent ou une question de forme ?
R. : C'est une question de droit. C'est une question de sincérité des rapports mutuels du commerce international. Il n'y a pas de commerce international qui ne soit fondé sur des règles stables, fixées d'un commun accord par la communauté internationale.
Q. : Quelles mesures de contre rétorsion est-ce que les Européens pourraient inventer ?
R. : Les Européens y travaillent. Au niveau de l'Union européenne, le Président Santer a fait des premières propositions. Chaque État pourrait prendre des mesures. Je sais que les Britanniques y pensent et nous-mêmes, Français, travaillons à ce que pourraient être des mesures de rétorsion, qui seront de la même nature, mais appliquées aux entreprises américaines, que les mesures que les américains veulent appliquer aux entreprises internationales, françaises, canadiennes, européennes.
Q. : Y a-t-il unanimité des Quinze sur cette affaire ?
R. : Je crois qu'il y a une vraie cohésion de l'Union européenne sur ce point. C'est du moins ce que j'ai ressenti aujourd'hui.
Date : 15 juillet 1996
Source : télévision arabe « MBC »,
Q. : (Sur la déclaration de Florence)
R. : Belle et bonne déclaration puisqu'elle a permis aux quinze pays membres de l'Union européenne, sur la proposition française, de rappeler les principes sur lesquels est fondé le processus de paix, et auxquels les quinze pays européens marquent leur attachement permanent : le principe de la terre contre la paix, qui vaut pour le Golan ; le principe de l'application des accords conclus entre les Israéliens et Palestiniens, et l'engagement de poursuivre la négociation, y compris sur l'affaire de Jérusalem. Toutes ces questions qui sont essentielles ont été rappelées solennellement par les Quinze à Florence, à l'initiative française.
Q. : Quand vous irez au Moyen-Orient prochainement, est-ce que vous serez soutenus par vos partenaires de l'Union européenne, et quels sont les moyens de persuasion que vous avez ?
R. : Vous savez, personne ne peut hélas forcer à faire la paix des pays qui ne le veulent pas. Je crois que le désir de paix est sincère au Proche et au Moyen-Orient, et beaucoup plus généralisé qu'on ne le croit. Donc, j'irai en effet dans cette région du monde dans les jours à venir. Mon objectif est, au nom de la France, et sans doute aussi avec l'idée qu'une grande majorité de pays européens ont la même démarche à l'esprit, de favoriser la reprise de contact qui paraît, au lendemain des élections en Israël, assez difficile. Je crois que notre travail doit être, non pas d'élargir le fossé, mais de trouver le moyen de faire en sorte que ce processus reprenne. Ce ne sera pas simple. Je ne crois pas que ce soit une mission facile. Je crois qu'elle prendra du temps, mais je suis bien déterminé à m'y investir à fond.
Q. : Quelle est l'importance de l'accord que vous avez finalement obtenu entre Israël, les États-Unis et la Syrie ?
R. : C'est très important parce que cela fait suite au conflit entre Israël et le Liban il y a deux mois maintenant, qui a été si douloureux pour le Liban. Il s'agit de mettre en place un groupe de surveillance comprenant la Syrie, les États-Unis, la France, Israël et le Liban, et de faire en sorte que, co-présidé par la France et les États-Unis, ce groupe permette d'éviter l'accroissement de la tension dans cette partie du monde. Je crois que c'est une très grande décision. C'est la première fois depuis une dizaine d'années que l'on voit la signature de la France avec celle des États-Unis dans une affaire qui intéresse directement l'avenir du processus de paix. C'est donc à la fois un événement pour la région, une source de satisfaction pour la France.
Q. : M. Netanyahou vous a dit en revenant de Washington qu'il pourrait passer par Paris.
R. : Non, il n'y avait pas de décision formelle. C'est vrai que la chose avait été envisagée, mais finalement cela n'a pas pu se faire, tant du côté israélien que du côté français où nous ne pouvions pas le recevoir. Nous aurons certainement l'occasion d'avoir ce contact. Moi-même je vais en Israël et rencontrerai certainement M. Netanyahou. Il ne faut pas avoir l'idée d'autre chose que de garder le contact. Si l'on veut faire la paix, il faut être prêt à discuter. Naturellement, discuter c'est très important. Il faut être toujours ouvert à la discussion et ne renoncer à aucun des principes auxquels on tient.
Date : 15 juillet 1996
Source : Marchés Tropicaux
Q. : Comment voyez-vous le sommet de l'OUA ? Soutenez-vous pleinement l'organisation de ce sommet Europe-Afrique ?
R. : Bien entendu, la France a toujours soutenu ce projet qui est aussi important que l'a été le sommet euro-asiatique, et qui doit permettre de conforter le soutien que l'Europe apporte à l'Afrique. La France, qui vous le savez est très engagée au soutien des pays africains, qui a été à l'origine, à Cannes il y a maintenant un an, d'une grande bataille qui a permis de dégager les fonds nécessaires à l'application de la Convention de Lomé, est très engagée pour que ce sommet puisse voir le jour. C'est une très bonne initiative.
Q. : Quels seront les sujets prioritaires ?
R. : Ils seront très nombreux, mais ce sera essentiellement la question du développement africain.
Déclaration du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette (Paris, 16 juillet 1996)
La France accueille favorablement la décision du Président Clinton de suspendre l'application du Titre III de la loi dite Helms-Burton. Il s'agit incontestablement d'un geste en direction de l'Union européenne et des autres grands partenaires des États-Unis qui avaient exprimé leur préoccupation commune sur ce sujet sensible.
La France constate cependant que les autres dispositions de la loi Helms-Burton, et notamment son titre IV qui nuit à la libre circulation des personnes, restent d'application. Elle sera vigilante quant à l'utilisation qui en sera faite.
Plus généralement, la France reste opposée au principe même de telles législations unilatérales, de portée extraterritoriale, qui ne lui paraissent pas conformes aux règles multilatérales de l'OMC et à l'esprit de dialogue qui doit prévaloir dans de semblables domaines.
Elle se concertera avec la Commission européenne et avec ses partenaires de l'Union pour déterminer la ligne à adopter.