Article de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "La Vie à défendre" de mars 1998, sur la politique de l'emploi, la croissance économique et la nécessité de la négociation face au développement du travail précaire.

Prononcé le 1er mars 1998

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Texte intégral

Le contexte économique et social se transforme. La croissance donne des marges de négociations et d’action : saisissons-les. Elle est accompagnée par une politique de l’emploi et tout cela porte quelques fruits : 60 000 emplois ont été gagnés au 4e trimestre 97 (130 000 sur l’ensemble de l’année) et des jeunes ont profité de ce meilleur climat.
Les mouvements de chômeurs de cet hiver ont fait apparaître que le développement économique n’avait ni sens ni avenir s’il continuait de délaisser des millions de personnes. Le système Robien a donné le signal d’un changement en profondeur des relations sociales. Il permet des négociations équilibrées sur des sujets qui étaient jusqu’à présente le plus souvent du domaine réservé de l’employeur : l’organisation du travail, les embauches, l’affectation des gains de productivité… La loi Aubry va pérenniser et étendre cette ouverture à la négociation. La révolution des 4 jours peut se préparer parce que les esprits mûrissent.
Mais le solde net positif en emploi cache un accroissement de l’intérim et des CDD. Un plus grand nombre de gens passe d’un emploi à un autre, mais les chômeurs âgés ou de longue durée restent hors-jeu. En moyenne, le pouvoir d’achat des salaires bruts s’est un peu amélioré, mais les négociations d’entreprise et de branches ont nettement ralenti en 1997 et le risque de panne salariale est réel pour 1998, même si l’accord conclu dans la fonction publique apporte opportunément une note positive.
Des dirigeants patronaux menacent les conventions collectives. Des branches commencent à dénoncer. Les restructurations financières des groupes continuent à un rythme accéléré : cessions, prises de participations, regroupements. Ce journal évoque le cas de la chimie. Dans chaque cas, l’inquiétude et les risques sont réels pour les personnels. L’action syndicale doit donc s’intensifier. Et le débat au Conseil économique et social sur le rapport de notre ami Guy Naulin, concernant la prévention des conflits, a bien montré que la vieille lutte des classes n’avait pas dit son dernier mot. Bref, les chances et les risques sont réels. C’est pourquoi la CFTC a un rôle important à jouer.
Nous sommes en position de le faire après les débats du bureau et du Conseil fédéral suite aux élections prud’homales. L’insuffisance de notre présence sur le terrain se confirme comme étant notre problème dominant. Nous sommes unanimes à vouloir promouvoir, dans la CFTC, une culture de l’action permettant d’être présents et actifs partout. Priorité à nos délégués et élus, à nos syndicats et sections syndicales, à la vitalité de nos unions départementales : il s’agir de mouiller sa chemise sur le terrain en faisant preuve de fermeté et d’efficacité sur les dossiers. Toute une série de dispositions est prise dans ce sens.
Les instances confédérales affirmeront sans crainte l’originalité de la CFTC. Nous continuerons de moderniser notre image et de l’adapter au monde d’aujourd’hui, afin de rassembler dans l’action fondée sur les principes sociaux chrétiens. Nous savons que notre avenir n’intéresse pas que nous. C’est pourquoi nous veillerons au strict respect de notre indépendance : la CFTC déterminera son action indépendamment de tout groupement qui prétendrait l’influencer de l’extérieur.
Les débats dans nos instances ont heureusement montré de très fortes convergences sur les objectifs et les moyens, dans une vision largement partagée. C’est un facteur très positif à récupérer dans tout le mouvement, car il suffit parfois de quelques militants qui n’en font qu’à leur tête pour troubler l’image de la CFTC. Ne soyons pas naïfs. Le syndicalisme d’inspiration chrétienne est devant des défis considérables, nationaux et européens et l’unité dans l’action est notre seule chance de les relever. Cela suppose de dépasser les querelles, les ambitions et les intérêts personnels qui hypothèquent l’efficacité de nos équipes. Le refus de ces comportements est certainement un des traits dominants de nos débats de ces dernières semaines dans nos instances. C’est ce qui rend vos responsables confédéraux confiants en l’avenir de la CFTC malgré les difficultés qui sont devant elle.