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France Inter : Dernier épisode dans les affaires qui troublent la majorité, celle des écoutes. On est passé d'un climat de crise majeure à une sorte de classement sans suite dans l'intérêt de la majorité. Alors, où est l'erreur ? Qui l'a commise et quelles leçons en tirez-vous ?
J.-J. de Peretti : Ce sont des affaires sur lesquelles je ne souhaite pas beaucoup m'appesantir parce que ce n'est pas mon domaine de compétence mais je remarque trois choses. Première chose, les procédures ont été strictement respectées puisque les dates ont été données, les conditions dans lesquelles ces écoutes se sont faites sont celles de la loi. Deuxième chose, c'est qu'il y a eu d'abord un certain nombre de personnalités politiques qui se sont exprimées en s'étonnant de cette affaire. Et la troisième chose, c'est qu'après que Matignon ait dit ce qu'il avait commencé par dire au début et ce que recouvrent en fait ces procédures c'est que ce sont des écoutes qui étaient pratiquées et liées à la sécurité nationale, tout le monde a considéré que le dossier est clos. Donc c'est beaucoup de bruit pour rien. Il y a certainement eu des écoutes pour des raisons liées à la sécurité nationale. Donc je crois que tout ce qui a pu être sous-entendu participe un peu à l'esprit qui consiste aujourd'hui à mélanger les affaires, la politique, les résultats des uns et des autres, la démarche politique de telle ou telle personne et c'est profondément désastreux. Si le dossier a été clos aussi vite c'est qu'il n'avait pas lieu d'être ouvert.
France Inter : Mais ces écoutes sont tout de même assez inhabituelles puisqu'elles concernaient les membres du cabinet du ministre de la Défense ?
J.-J. de Peretti : Moi je ne peux pas vous dire pour quelles raisons ces écoutes ont eu lieu mais si elles ont eu lieu dans le respect de la loi et de nos procédures en la matière par décision de Matignon, cela veut dire qu'il y avait des raisons liées à la sécurité nationale. À ce moment-là, toutes les raisons liées à la sécurité nationale par définition ne sont pas motivées, ne font pas l'objet de titres dans les journaux ou d'affichages tapageurs.
France Inter : Des raisons que vous n'avez pas comprises immédiatement ?
J.-J. de Peretti : F. Léotard est un homme politique de la majorité. C'est un ami politique de l'ensemble des ministres de la majorité au sens de partenaires et à partir du moment où des anciens de ses collaborateurs sont mis sur écoute, si l'on jette la suspicion sur ces affaires-là, immédiatement, on en fait une affaire politique. À ce moment-là, doit-on dire que le gouvernement a utilisé des moyens légaux pour écouter des collaborateurs politiques de Monsieur Léotard ? Non, je ne crois pas. Donc à partir du moment où on décide d'ouvrir ce dossier, on prend un risque qui consiste à le refermer immédiatement après.
France Inter : Vous êtes aussi le maire de Sarlat, partagez-vous l'inquiétude de la majorité devant les résultats assez décevants de la politique du gouvernement, et le Sommet de Matignon sur le temps de travail n'a certainement pas rendu plus optimistes les troupes majoritaires ?
J.-J. de Peretti : Je ne sais pas ce qu'il faut faire parce que j'ai un peu l'impression que ce Sommet au contraire a donné lieu à un bon résultat puisque les syndicats, le patronat et à la fois le gouvernement se sont estimés satisfaits des conditions dans lesquelles s'est close cette première rencontre. D'ailleurs, j'ai vu qu'une deuxième était prévue avant la fin de l'année.
France Inter : On a davantage pris la mesure des difficultés que des succès de la négociation ?
J.-J. de Peretti : Oui, mais c'est ça, essayer d'avancer à la fois vite et conformément à l'état du terrain. Le malaise dans la majorité, qui n'est d'ailleurs pas particulier à la majorité - c'est l'état d'esprit des Français -, qu'est-ce qu'il se passe ? On est à l'époque des réformes alors quand j'entends certains de vos confrères qui parlent de bilan, peut-on faire le bilan d'un gouvernement au bout d'un an ? Je ne crois pas, on est en pleine traversée du gué, on est probablement dans les eaux fortes. Pourquoi ? Parce que partout il y a des réformes. Le Premier ministre ne peut pas à quelque moment que ce soit annoncer une bonne nouvelle à l'exception par exemple de la baisse des taux d'intérêt dont on ne parle pas parce que c'est trop technique mais qui fait qu'un certain nombre d'investisseurs peuvent aujourd'hui à nouveau le faire. L'investissement n'a jamais été aussi fort qu'aujourd'hui.
France Inter : Mais vous dites que la majorité est au pied du mur. Certains conseillent qu'on change les plans et le maçon.
J.-J. de Peretti : Oui, mais je ne crois pas. Changer, pour quoi faire ? Quelles sont les propositions, les alternatives qui sont proposées ? Du côté du PS, c'est le désert des Tartares, là, il n'y a vraiment rien : on attend, on ne voit pas venir. Il n'y a aucune proposition nouvelle, il n'y aucune architecture nouvelle. Certains nous disent : « on est engagé dans le libéralisme sauvage » ou je ne sais quelle autre chose. Nous, ce n'est pas du tout ça. Notre objectif, c'est remettre les finances en ordre pour parvenir à deux choses : la baisse des impôts et la reprise de la possibilité d'initiatives.
France Inter : On semblait en avril près d'un accord entre le FLNKS, le RPCR et l'État sur une nouvelle période transitoire qui permettait de repousser pour quelques années le choix entre l'indépendance et le maintien dans la République, choix prévu par les accords de Matignon de 1988, mais qui paniquait un peu tout le monde. Il y a eu une rupture des négociations. Le fil a été renoué. Que s'est-il passé ?
J.-J. de Peretti : Il y a d'abord eu beaucoup de malentendus en avril dernier. Il y a certainement eu la nécessité de la part du gouvernement de restituer les demandes du FLNKS dans une perspective historique, c'est-à-dire reconnaître l'histoire, l'acte unilatéral de prise de possession de 1853, ce qui n'empêche pas de parler également de ce qui s'est passé durant les 140 ans qui ont suivi, où la Nouvelle-Calédonie, si on regarde les États qui sont autour, est un pays développé, qui a les moyens de ses richesses et qui certainement a la possibilité de répondre à tous les défis qui sont face à elle.
France Inter : Vous avez rencontré la direction du FLNKS. Estimez-vous ses revendications globalement recevables ?
J.-J. de Peretti : Il faut comprendre dans quel état d'esprit est le FLNKS, notamment ses dirigeants, pour permettre une discussion qui aboutisse à une entente. Il y a deux limites qui sont clairement fixées par les accords Matignon : il ne peut y avoir indépendance que s'il y a autodétermination, donc vote des Calédoniens, et on entend par Calédoniens la population intéressée, c'est-à-dire l'ensemble des communautés qui vivent ensemble, qui sont sur le territoire. Là, le FLNKS est tout à fait d'accord. À partir de cela, si on veut un accord consensuel, il faut que ce soit un accord partagé par tout le monde. Rien n'empêche de le situer dans une perspective historique, parce qu'il y a un profond ressenti de la part du peuple kanak notamment. On me dit que ce sont des mots tabous : « ah, le peuple kanak, il ne faut pas parler de peuple ! ».
Mais la Constitution reconnaît les peuples d'outre-mer. Donc, il faut leur parler tels qu'ils sont, essayer de les comprendre, essayer, compte tenu de ces éléments, de répondre, non à toutes les attentes, mais à leur ressenti. C'est ce que j'ai essayé de faire.
France Inter : Quel est votre calendrier ?
J.-J. de Peretti : Essayer d'avancer le plus vite possible. Si on s'enferme dans un calendrier, on se plantera à nouveau. L'objectif aujourd'hui du FLNKS et de l'État, c'est d'engager des négociations bilatérales, également avec le RPCR, d'autres forces politiques, de manière à parvenir à créer le creuset de ce qui sera et qui pourra être un accord qui donnera stabilité, perspective de développement économique à la Nouvelle-Calédonie, parce que l'un des grands enseignements que l'on peut tirer des accords Matignon qui ont apporté la paix et beaucoup de bonnes choses, c'est que ces accords ne sont pas entrés dans les tribus. Il y a des tribus qui sont dans le plus grand dénuement.
France Inter : Le rééquilibrage ne s'est pas fait ?
J.-J. de Peretti : Il s'est fait au niveau des grandes infrastructures, mais il ne s'est pas fait concrètement. Dans la tribu de J.-M. Tjibaou, l'un de ses frères me disait : « Nous, le rééquilibrage, on ne l'a jamais vu venir ». Une autre jeune fille indépendantiste, à Poindimié, me disait : « Nous, le soir, on voit la petite lumière qui est à Poindimié, mais dans la tribu, on n'a rien de tout ça ». C'est un ressenti très, très fort Le rééquilibrage doit aller jusque dans ces foyers.
France Inter : Vous revenez optimiste de Nouvelle-Calédonie ?
J.-J. de Peretti : Je reviens optimiste, oui.