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Le Figaro : On ne vous a pas beaucoup vu à l'université d'été de l'UDF à La Baule. Assisterez-vous aux journées parlementaires de l'UDF ?
Charles Millon : Bien sûr, j'en suis membre. C'est ma famille. Elle a un rôle majeur à jouer dans le redressement de la France. Au-delà de ses convictions libérales, sociales et européennes, elle doit participer sans réserve à la mise en œuvre du projet politique porté par le Président de la République.
Le Figaro : Vous qui avez longtemps été président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, trouvez-vous qu'elle joue pleinement son rôle ?
Charles Millon : Il est vrai que l'UDF a du mal à trouver ses marques.
Le Figaro : Pourquoi ?
Charles Millon : La plupart de ses responsables raisonnent comme si une élection présidentielle n'était pas intervenue. On a l'impression que certains croient encore que nous sommes en période de cohabitation. Ils constituent des phalanges partisanes pour protéger ou porter des ambitions personnelles. Or la Ve République a sa logique. Elle appelle à la constitution d'une majorité présidentielle organisée et rassemblée derrière le président. Si l'on peut discuter des méthodes et des moyens, il est difficile de contester le principe.
Le Figaro : L’alliance du RPR et de l’UDF ne constitue-t-elle pas cette majorité présidentielle ?
Charles Millon : Une majorité présidentielle, ce n'est pas seulement la somme des partis la composant. C'est aussi une force d'entraînement.
Le Figaro : C’est le grand parti de la majorité que vous préconisez et la fin des vieilles structures RPR et UDF ?
Charles Millon : Lorsque François Mitterrand était à l'Élysée, Édouard Balladur, en 1988, et Valéry Giscard d'Estaing, en 1992, ont souhaité que se forge une organisation commune au RPR et à l'UDF. L'organisation de la majorité s’impose à l'évidence, encore plus lorsque le Président de la République porte nos convictions.
Le Figaro : Vous enterrez allègrement l’UDF. Vous fûtes pourtant un candidat éphémère à l’élection présidentielle au nom de l’identité UDF ?
Charles Millon : Je souhaite que l’UDF prenne toute sa part au renforcement de la majorité présidentielle en défendant les idées qui la fondent : décentralisation, Europe, État impartial. J'ai quelque qualité à le dire puisqu'en 1994, je fus le seul à défendre l'idée d'une liste autonome de la confédération aux élections européennes. L'UDF a alors préféré se fondre dans une liste commune où son message s'est affadi. Lors de l'élection présidentielle, en ne présentant pas de candidat, l’UDF a pris le risque d’être réduite à une force d’appoint. De ce fait, elle a du mal à affirmer son identité.
Le Figaro : Vous prônez d'autant plus facilement la fin des vieilles structures que vous n'avez pas de parti à votre dévotion ?
Charles Millon : Je suis défavorable au régime des partis. Sous la Ve République, le pouvoir n’émane pas des jeux partisans mais d’une volonté présidentielle.
Le Figaro : Vous dites tout haut ce que le Président de la République pense tout bas ?
Charles Millon : Je ne suis le porte-voix de personne. Mais le Président de la République ne pourra mener son action de redressement et de rénovation sans une majorité présidentielle « organisée » Cette majorité présidentielle « organisée » apparaîtra lors des prochaines élections législatives.
Le Figaro : Ne croyez-vous pas que la majorité ratissera mieux son électorat sur ses deux jambes RPR et UDF ?
Charles Millon : Si la majorité n'avait que deux jambes, peut-être, auriez-vous raison. Mais la majorité est devenue un mille-pattes. Quelle tristesse que de voir ces jeux de couples qui se font et se défont, et ces écuries présidentielles qui préparent déjà l'échéance de... 2009. Au lieu de se complaire dans leurs jeux tactiques, les élus de la majorité feraient mieux de combattre la neurasthénie ambiante, de faire cesser les jérémiades des pleurnichards et de soutenir sans état d’âme la politique courageuse du Premier ministre Alain Juppé.
Le Figaro : Pourra-t-on constituer une sorte de CDU à la française contre l'avis des principaux chefs de parti de la majorité ?
Charles Millon : Les Français attendent des hommes politiques qu'ils acceptent de prendre des risques. C'est ce qu'ils ont aimé chez Jacques Chirac quand, refusant de se rendre à Matignon en 1993, il a pris le risque d'être marginalisé. Aujourd'hui, le Président de la République a le droit d'attendre des hommes politiques qui le soutiennent qu'ils prennent les mêmes risques. À défaut, ils se comporteraient comme les « trotte-menu » que dénonçait naguère le général de Gaulle.
Le Figaro : Mais vous-même, vous n’avez pas oublié de vous emparer d’une petite structure qui vous appartienne en propre, la Cles…
Charles Millon : Raymond Barre m'a fait l'immense amitié de me demander d'animer la Cles qu'il avait fondée au lendemain de l'élection présidentielle de 1988. Ce n'est pas un parti politique, c'est un cercle qui voudrait allier conviction et convivialité au service d'un idéal politique.
Le Figaro : Vous êtes prêt à la mettre au pot commun de l’organisation future de la majorité présidentielle ?
Charles Millon : La Cles est un organisme un peu spécifique dans le paysage politique français, fidèle aux idées de Raymond Barre, fidèle aux idées libérales, sociales et européennes. Elle se situe bien évidemment dans la majorité présidentielle.