Article de M. Jean-Claude Gayssot, membre du secrétariat du comité national du PCF, dans "Economie et Politique" d'août 1996, sur la nécessité d'un changement de politique et la construction d'une alternative par "l'union des forces de gauche et de progrès".

Prononcé le 1er août 1996

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Média : ECONOMIE ET POLITIQUE

Texte intégral

D’un même élan, riposter et construire du neuf

Beaucoup de choses ont évolué en une année. En septembre 1995, les Français restaient dans l’attente de savoir ce qu’il adviendrait des promesses du Chirac « candidat » qui fustigeait la pensée unique en économie et suggérait de ne plus opposer les salaires à l’emploi. Puis, ce fut le retour aux dogmes libéraux et au moule maastrichtien, le virage vers l’austérité renforcée au nom de la réduction des déficits, la relance des privatisations déréglementations dans les services publics et des restructurations dans l’industrie dévastatrices d’emplois, l’annonce d’une réforme de l’État qui entérinerait le renoncement national au profit de l’Europe de la monnaie unique, s’attaquerait à l’emploi et au statut des fonctionnaires.

« La "morosité" s’avère un mot trop faible pour décrie ce qui domine parmi les salariés et les couches populaires (…). C’est de colère, de protestation et de volonté d’agir qu’il s’agit »

Le mouvement social de novembre décembre – au-delà des enjeux de la protection sociale et de la SNCF – a exprimé un profond refus de voir se dégrader davantage l’emploi et les acquis sociaux. En même temps, la conscience grandissait des causes et des enjeux, de plus en plus identifiés à la construction européenne et à la domination des marchés financiers. Ceux qui luttaient, comme tous ceux qui aspiraient à un changement de politique en sont souvent arrivés à se poser la question de la perspective, tant du point de vue du contenu d’une politique de rupture réelle que de celui des forces politiques susceptibles de se rassembler pour offrir une telle alternative.

Aujourd’hui, Alain Juppé et Jacques Chirac ont beau répéter que le plus dur est derrière nous et qu’on s’achemine vers la porte des difficultés : rien n’y fait. Même la campagne orchestrée autour de la réforme fiscale se solde par un échec dans l’opinion. La « morosité » s’avère un mot trop faible pour décrire ce qui domine parmi les salariés et les couches populaires : il est impossible de continuer ainsi… C’est de colère, de protestation et de volonté d’agir qu’il s’agit. Tous les observateurs diagnostiquent une société grosse de conflits sociaux majeurs.

Mais dans ce cadre, tout le monde sent bien que le problème de la perspective politique sera central. « Il n’y a pas d’autre politique possible », tel est sans doute l’argument le plus insistant qu’utilisent le chef de l’État et son Premier ministre pour empêcher que le mécontentement ne se traduise en luttes immédiates rassembleuses et efficaces. Et force est de constater qu’une telle alternative n’existe pas à gauche pour le moment.

Pour notre Parti, comme l’a rappelé Robert Hue, « l’urgence absolue », c’est précisément de favoriser la riposte la plus large aux choix destructeurs de la droite en montrant que d’autres solutions sont possibles par la mise en débat de nos propositions et en continuant à travailler à la construction d’une alternative progressiste.

« (…) on continue de vouloir ignorer le rôle central que jouent les marchés financiers dominateurs à l’échelle mondiale et que renforcerait en Europe la monnaie unique »

Les inquiétudes sont si fortes à voir le gouvernement maintenir farouchement le même cap que même dans la majorité s’expriment des interrogations et des doutes. Le Parti socialiste pour sa part s’en tient à une critique superficielle et réaffirme ses engagements maastrichtiens en même temps qu’il prône le « réalisme » économique. Si bien que le sentiment l’emporte qu’il s’agit de deux variantes d’une seule et même politique. Chacun sait bien que cette question ne se réglera pas par des simples discussions d’états-majors. Qu’elle implique un niveau d’intervention citoyenne qui soit capable de porter les exigences transformatrices avec la force nécessaire à leur prise en compte par les formations de gauche, de progrès et écologistes.

Le débat de politique économique qui domine la rentrée en apporte une nouvelle confirmation. Pour beaucoup, il ne s’agirait que d’assouplir les critères de Maastricht pour à la fois laisser aller légèrement les salaires, réduire les taux d’intérêts bancaires et permettre ainsi de relancer consommation et croissance.

« La situation actuelle rend possible la rencontre si nécessaire entre des solutions réellement novatrices et les acteurs du mouvement social lui-même »

Mais si ces déclarations de principe restent lettres mortes, c’est qu’elles se heurtent à la guerre économique et aux interdépendances mondiales, à l’impact immédiat – dérégulateur des échanges et des mouvements de capitaux – qu’aurait toute poussée inflationniste des prix. C’est parce qu’on continue de vouloir ignorer le rôle central que jouent les marchés financiers dominateurs à l’échelle mondiale et que renforcerait en Europe la monnaie unique.

L’opinion des communistes est qu’il n’y aura pas de politique alternative véritable sans s’attaquer réellement et résolument à cette domination des marchés financiers, aux privilèges et au rôle que joue « l’argent pour l’argent » dans notre société. Il n’y aura pas d’issue durable sans un renversement anti-capitaliste donnant aux salariés dans les entreprises et aux citoyens dans la cité, les moyens de contrôler l’utilisation des fonds, mettant la reconstruction d’un « nouveau plein emploi » garantissant la « sécurité de l’emploi et de la formation » pour tous au centre de toutes les réformes.

La situation actuelle rend possible la rencontre si nécessaire entre de telles solutions réellement novatrices et les acteurs du mouvement social lui-même.

C’est à la construction d’une telle alternative et à l’union des forces de gauche et de progrès que le PCF consacre tous ses efforts. Il l’a fait et continue de le faire avec le « pacte unitaire pour le progrès » qu’il a proposé à tous ; il l’a fait en organisant les « forums pour inventer un nouvel avenir » destinés à confronter les différentes analyses et propositions pour dépasser les divergences et s’unir.

Il continue de le faire aujourd’hui en préparant son 29e congrès d’une manière complètement ouverte : ouverte à la diversité des communistes eux-mêmes, considérée comme une richesse ; ouverte sur la société qui doit apporter et participer à la recherche de solutions, mais également mieux savoir ce que sont et ce que veulent réellement les communistes.