Texte intégral
Madame le ministre,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Les années se suivent et ne se ressemblent pas. L’année dernière, il faisait très chaud, vous étiez très nombreux. Cette année, vous êtes aussi très nombreux, mais il fait plutôt frais.
Vous êtes les bienvenus. C’est une cérémonie, une manifestation traditionnelle qui est amicale, j’allais dire chaleureuse. Elle l’est par les sentiments que nous éprouvons mutuellement, c’est-à-dire le plaisir, le bonheur, la joie de nous retrouver dans ces magnifiques jardins du Quai d’Orsay.
L’an dernier, je vous avais parlé de la permanence de l’État et de notre diplomatie. Peut-être vous rappelez-vous que je vous avais parlé des chênes de la forêt de Tronçay comme les symboles de cette permanence de l’État. Cette année, je voudrais parler du mouvement de notre diplomatie, car la vie d’une grande nation, c’est à la fois sa permanence et son mouvement. II est vrai que notre diplomatie a connu, depuis nos derniers entretiens ici, une période d’accélération et de mouvements grâce aux initiatives très nombreuses prises par le Président de la République qui a été, comme vous avez pu le constater, extrêmement actif sur le front de la politique étrangère française.
Je voudrais vous proposer, pour embrasser d’un vaste coup d’œil cette année passée, les quatre signes de ce mouvement.
Ce mouvement a d’abord été, et sera, celui de l’identité de la nation française et de ses intérêts. Nous les avons affirmés de façon forte avec la reprise de nos essais nucléaires, qui a surpris le monde. Nous avons bien compris que certains en ont été choqués, mais en vérité, je peux témoigner devant vous qu’à l’occasion de mes nombreux déplacements, j’ai constaté que, pour beaucoup de pays, c’était le signe d’un réveil de la France, l’expression, l’affirmation forte de ce que nous étions capables, dans le monde d’aujourd’hui, tout en étant attentifs aux grands intérêts du monde, d’être aussi soucieux de notre défense, de nos grandes préoccupations et en l’occurrence des préoccupations de sécurité de notre nation.
Et loin de déplaire, ce mouvement, cette détermination ont rencontré beaucoup de satisfaction et, au fond, une attente que j’ai ressentie dans nombre de mes déplacements. L’affirmation de cette identité de notre pays et de sa détermination, nous l’avons exprimée au Proche-Orient au moment du conflit qui a opposé Israël et le Liban, ou cette détermination a été l’écho des propos exprimés par le Président de la République, aussi bien à Beyrouth qu’au Caire, montrant que notre pays avait l’intention d’être plus que jamais présent dans une partie du monde où il a beaucoup d’intérêts, mais aussi beaucoup de liens affectifs, et surtout beaucoup d’amis.
Enfin, cette identité de la nation et de ses intérêts, nous l’avons exprimée à travers la politique de la francophonie dont Margie Sudre, ici présente, à la charge. Elle l’a exprimée à travers le monde entier, avec le sourire que vous lui connaissez, mais aussi avec la détermination que son sourire dissimule parfois, mais pas toujours. Là aussi, nous avons pu constater ensemble que cette expression de la francophonie rencontre des échos profonds à travers le monde, et répond à une attente qui nous est exprimée et que nous nous attacherons, comme nous l’avons fait durant cette année, à ne jamais décevoir.
À côté de cette affirmation, toujours utile, de l’identité de notre nation, il y a aussi, et ce n’est pas moins important, le mouvement de notre diplomatie qui s’adapte aux changements du monde. C’est une banalité de dire que le monde change. Sans doute change-t-il toujours et tout le temps puisque jamais il ne s’arrête, mais il y a des moments où ce mouvement est plus fort, plus ample, plus brutal aussi que d’autres. C’est bien le cas aujourd’hui. Nous voyons depuis quelque dix ans, et nous verrons encore pendant la génération qui vient, ce mouvement s’accélérer. Bien sûr, notre pays doit être capable de suivre et, s’il le peut, de précéder ces mouvements pour maintenir la place et le rayonnement de notre nation. Le Président de la République l’a manifesté et le manifestera dans deux zones du monde, où nous avions sans doute été insuffisamment présents, et où nous devons avoir de grandes ambitions, je veux parler de l’Asie, que j’ai appelé la « nouvelle frontière de la diplomatie française », et je veux parler de l’Amérique du Sud vers laquelle tant de liens poussent l’Europe en général, et tout particulièrement notre pays par un contours heureux de circonstances, par un réseau très serré, très dense, d’amitié et de liens qui font que la quasi-totalité des chefs d’État de ce continent sont venus en France depuis un an. Je peux vous annoncer qu’à coup sûr, dans les mois qui viennent et en 1997, le Président de la République montrera l’intérêt tout particulier qu’il porte à cette partie du monde.
Bien sûr, notre nation n’est pas seule, nous sommes au cœur de l’Europe et nous sommes des partisans de tout ce qui concerne le mouvement de cette Europe vers son unité. C’est pourquoi, à côté du mouvement de l’identité de la nation, à côté de notre capacité à nous adapter aux changements du monde, notre diplomatie a été pendant cette année marquée par son attachement, clairement exprimé, en faveur de l’identité de l’Europe dans le monde. Nous l’avons fait de diverses façons, mais avec des signes particulièrement forts au cours des douze mois écoulés, qu’il s’agisse de la rénovation de l’Alliance atlantique où, à la surprise générale il faut bien le dire, la France a montré qu’elle était capable de changer de pied si l’Alliance atlantique elle-même était capable d’organiser, en son sein, la capacité d’expression et d’action autonome de l’Europe. Ce mouvement est en cours, je suis sûr qu’avec l’appui, l’aide et la compréhension de nos alliés, nous parviendrons à l’épanouissement complet de ce mouvement de rénovation de l’Alliance atlantique. Nous l’avons démontré aussi en affirmant clairement notre détermination à participer à la création de la monnaie unique, de cet EURO qui a pris son nom depuis la dernière fois où nous nous sommes rencontrés et qui désormais est reconnu comme une certitude à venir au 1er janvier 1999. Cet EURO-là sera l’autre monnaie du monde et changera la situation des monnaies internationales.
Nous l’avons montré en beaucoup d’autres circonstances. Ainsi, il y a un an à pareille époque, nous nous apprêtions à fêter le 14 juillet, comme nous le faisons aujourd’hui, mais la Bosnie connaissait des heures tragiques. Aujourd’hui, même si le chemin est loin d’être achevé, même si nous savons qu’il y a encore des dangers, des menaces, même si nous savons que, dans ce ciel de la Bosnie, les nuages sont là, les dangers sont présents, il n’en demeure pas moins que l’on n’y meurt plus. Nous l’avons montré enfin dans la démarche de l’Union européenne vers sa réforme, démarche hésitante il faut bien le dire et domaine dans lequel, avec Michel Barnier, nous poursuivons avec détermination l’expression des intérêts et des objectifs de la France, que nous croyons être les intérêts et les objectifs communs des Européens.
Enfin, ce mouvement, c’est aussi celui de la solidarité internationale. Plus que jamais, à l’initiative et sous l’impulsion du Président de la République, s’exprime notre détermination à valoriser le rôle de la France comme fer de lance de la solidarité à l’échelon international. C’est très largement la responsabilité de Jacques Godfrain, qui s’en acquitte brillamment. Avec une grande constance, le Président de la République a montré, il y a quelques jours à peine à Lyon, à l’occasion du sommet du G7, à quel point la France pouvait influencer le comportement des grands dirigeants de ce monde pour faire que le monde d’aujourd’hui et de demain ne soit pas celui où les riches s’enrichissent pendant que les pauvres s’appauvrissent, mais ou le sens du partage, le sens de l’égalitarisation progressive des situations entre pays pauvres et pays riches, guide nos pas. Nous le faisons tout particulièrement en Afrique parce que c’est là qu’est notre première solidarité, c’est là que sont nos liens les plus proches, où nous avons la fois beaucoup d’amitiés mais aussi beaucoup de devoirs.
Ainsi a été notre diplomatie. Regardez-la : pendant cette année, elle a été une diplomatie active, une diplomatie en mouvement. Elle a été aussi, il faut bien le dire parfois, une diplomatie exposée, et vous savez bien qu’en tant que diplomates français, il vous arrive d’assumer des fonctions à risques, et vous devez savoir aussi que, moi-même, bien sûr, le Président de la République, nous ressentons profondément la reconnaissance que nous devons à ceux qui assurent de telles responsabilités.
Bien entendu, notre diplomatie n’est pas comme un îlot dans l’océan. Elle s’intègre dans l’ensemble de l’action de l’État, elle s’intègre dans une action d’ensemble. À ce titre, cela nous vaut de temps en temps des difficultés. Ainsi, depuis un an, vivons-nous comme tout le monde les contraintes budgétaires que notre pays ne peut plus différer. Nous essayons d’y faire face avec deux idées en tête. La première, c’est n’y a pas de raison que nous n’acceptions pas la loi commune. L’effort doit être l’effort de tous, nous y sommes prêts. Je sais que vous y apportez votre contribution. Mais nous avons aussi une seconde idée en tête : c’est qu’il y a si longtemps que nous acceptons l’effort, alors que depuis si longtemps tant d’autres administrations s’en sont dispensées, que cela mérite peut-être aussi d’être pris en considération.
C’est au nom de ces deux idées, accepter la loi commune, mais demander aussi que l’on prenne en considération ce qui a été fait ou non au cours des dernières années par les uns et les autres, que je me suis efforcé avec toute mon équipe de défendre nos intérêts qui sont très souvent les vôtres personnels, mais qui sont aussi ceux de notre collectivité, la diplomatie française.
Si cela nous vaut donc quelques difficultés auxquelles nous avons fait, je crois, face dans de bonnes conditions, cela nous vaut aussi quelques progrès que je, voudrais évoquer devant vous.
D’abord, le Premier ministre a créé un comité interministériel des moyens de l’État l’étranger qui produit des effets positifs. Nous en tirerons bientôt un nouveau document intéressant dans le cadre budgétaire. Ce sera, pour la première fois, l’établissement d’un budget de l’action extérieure de la France. Ce sera très utile de mettre dans un même document public, pour les parlementaires mais aussi pour l’opinion, l’ensemble de ces moyens, pour que chacun voie où vont les efforts de l’État, et pour que l’on puisse mesurer aussi, à cette occasion, que notre administration a toujours été et continue d’être un modèle de sagesse dans l’utilisation de ses moyens.
Le Premier ministre nous a demandé un plan de rationalisation et de redéploiement des réseaux à l’étranger. C’est bien, parce que cela montre que nous ne sommes pas figés, que nous sommes capables d’adapter notre réseau diplomatique, le Second du monde, que nous sommes capables de l’adapter à ce monde qui change, pour alléger tel front, à condition bien sûr que cela permette de renforcer tel front nouveau, ou d’apparaître là où nous n’étions pas.
Enfin, le Premier ministre a mis en place les règles qui président désormais au dispositif de l’aide au développement. Bien sûr, cela nous permettra au passage de renforcer les liens, auxquels je crois beaucoup, entre le Quai d’Orsay et la rue Monsieur.
Mesdames, Messieurs, mes chers amis, dans quelques jours, vous fêterez le 14 juillet. Comme chaque année nous le fêtons à notre idée, ensemble, nous prenons plaisir à nous retrouver, car c’est un moment chargé de sens pour nous qui aimons la France et lui consacrons notre vie. Je voudrais saluer vos efforts, je voudrais vous dire que vos préoccupations sont évidemment les miennes, je voudrais saluer la passion qui vous anime pour un métier qui est formidable : le vôtre.
J’ai le bonheur de le partager avec vous depuis un an. Sans doute jamais dans ma vie, je n’ai mesuré à ce point qu’elle pouvait être la qualité d’une grande administration comme la vôtre, exposée à la concurrence mondiale, c’est-à-dire confrontée à la qualité des diplomaties américaine, britannique, russe et d’autres, combien vous saviez tenir votre rang. Et, après tout, qu’avons-nous d’autre à faire, ensemble, sinon à faire en sorte que la France tienne son rang dans le monde.
Merci à vous.