Texte intégral
RTL : La cour d’appel de Versailles a infirmé, hier, le jugement du tribunal de Nanterre, condamnant le quotidien Le Monde à publier un droit de réponse du Front national. C’était sur le qualificatif d’extrême droite qui lui avait été réservé. Est-ce un camouflet pour le Front national ?
B. Mégret : Ce n’est pas un camouflet, mais c’est une décision qui est tout à fait contraire à la jurisprudence habituelle dans ces affaires, et nous allons nous pouvoir en cassation. Ce que je tiens à préciser là-dessus, d’ailleurs, c’est que nous n’entendons pas interdire aux journaux, aux médias, d’utiliser le qualificatif d’extrême droite. Nous considérons simplement, que lorsque nous sommes qualifiés comme tel, c’est contre notre volonté, c’est quelque chose de diffamatoire.
RTL : C’est une injure ?
B. Mégret : Oui, c’est une forme d’injure, c’est fait pour nous desservir. Et nous entendons, comme c’est notre droit lorsqu’on est mis en cause, pouvoir expliquer aux lecteurs que nous ne sommes pas d’accord. Le Front national n’est pas un mouvement d’extrême droite parce que nous ne sommes pas un mouvement violent, nous ne sommes pas anti-démocratique et nous ne sommes pas anti-républicain.
RTL : L’extrême droite n’a jamais été, dans le vocabulaire politique français, considérée comme diffamatoire, c’est la première fois, ce serait la première fois.
B. Mégret : Je ne sais pas, mais je constate, moi, que si on utilise le mot « d’extrême droite » à l’égard du Front national, ce n’est pas pour le servir, c’est pour tenter de le discréditer. On ne qualifie pas les grands mouvements politiques de gauche d’extrême gauche, je ne vois pas pourquoi on serait qualifié d’extrême droite. Appelez nous Front national, si ce n’est pas diffamatoire, alors !
RTL : C’est la Cour de cassation qui réglera les choses ?
B. Mégret : Nous allons en cassation, en effet.
RTL : Le Front national lance une campagne dans les catégories socio-professionnelles les plus réceptives à son message, mais aussi dans les milieux traditionnellement ouverts à la gauche. Pourquoi cette campagne tous azimuts ? Dans quelles perspectives ? Et pour quelle échéance ?
B. Mégret : C’est dans la perspective de progression du Front national pour les échéances électorales, mais plus globalement pour organiser cette alternative qui nous paraît de plus en plus nécessaire aujourd’hui. En fait, c’est un petit peu la stratégie du troisième pilier. Nous sommes considérés par les Français comme crédibles, c’est-à-dire comme capables de résoudre les problèmes liés à l’immigration, à l’insécurité, au chôm...
RTL : Au chômage, ça vous hésitez ?
B. Mégret : Nous entendons devenir en effet crédibles, c’est-à-dire que les Français comprennent que nous avons les solutions pour résoudre les problèmes économiques et sociaux. Alors nous voulons montrer que nous sommes crédibles sur le plan économique, par exemple, à travers la gestion de nos villes, en baissant les impôts. Nous voulons le faire sur le plan social, non seulement en faisant mieux connaître notre programme, mais aussi en défendant les Français quotidiennement sur le terrain, en étant, alors même que nous ne sommes pas encore au pouvoir, leurs avocats de façon très concrète.
RTL : B. Mégret, vous avez tenté l’implantation du Front national dans l’enseignement, à la RATP, aux HLM, quelle est votre prochaine cible ?
B. Mégret : Ça, je vous le dirais le moment venu. Je crois que l’implantation dans les HLM est extrêmement importante, car c’est là que vivent la plupart des Français aux revenus les plus modestes, et nous entendons être à leurs côtés, là où ça se passe.
RTL : Et dans les services publics, quelle est votre attitude face aux restructurations annoncées, que ce soit à France Télécom ou Air Inter. On vous accuse de ne pas aimer les fonctionnaires ?
B. Mégret : C’est totalement faux. Ce qui se passe avec Air Inter ou avec France Télécom – mais Air Inter est dans l’actualité – est très grave. C’est la manifestation d’une évolution inquiétante liée à la mondialisation de l’économie et surtout à la dérégulation des services publics, voulue par Maastricht. Et le résultat, on le constate avec Air Inter, c’est que quand on soumet une entreprise publique a la concurrence sauvage, eh bien là où elle faisait un peu de bénéfice sur des lignes rentables pour compenser les déficits faits sur les lignes non rentables, ça n’est plus possible. Et le résultat, c’est des restructurations qui débouchent généralement sur des suppressions de dessertes. C’est-à-dire qu’il y a des villes françaises qui vont maintenant être privées de desserte aérienne, par exemple. Et ça, c’est très dommageable, à la fois pour l’harmonie du territoire et pour l’égalité des citoyens.
RTL : Quelle est la solution alors ? Vous dites que vous avez les solutions en matière de chômage, qu’est-ce que vous répondez à L. Jospin qui a dit hier : « Nous marginaliserons le Front national si nous avançons sur le terrain du chômage. » Est-ce qu’il n’y a pas là des vases communicants ?
B. Mégret : Je voudrais, juste avant cela, répondre sur les services publics. Nous, nous sommes pour le maintien des services publics. Il faut améliorer la gestion, il y a beaucoup de laxisme dans la gestion, mais se serait une grave erreur de jeter le bébé avec l’eau du bain. Voyez-vous, l’État est la colonise vertébrale de la nation, les fonctionnaires sont les serviteurs de l’État ; eh bien, le Front national, qui défend la nation, défend les fonctionnaires et les services publics.
RTL : Sur l’emploi, vous pensez que vous serez marginalisés ? Qu’il y a moyen de vous marginaliser si on lutte pour qu’il y ait moins de chômage ?
B. Mégret : Ce qui est certain, c’est que si la classe politique applique notre programme et résout les problèmes de la France et des Français, je pense, en effet, que le Front national sera marginalisé. Mais je dirais, malheureusement pour la France, je crois que ce n’est pas demain la veille. En matière de chômage je crois que Monsieur Jospin ne nous fait pas bien peur parce qu’il n’est pas près de résoudre le problème du chômage. Pour une raison très simple, c’est qu’il ne veut pas – parce que c’est considéré comme tabou pour lui, et pour ses amis – s’attaquer aux vraies causes du chômage que sont le libre-échangisme mondial, la dérégulation – dont je parlais tout à l’heure –, l’immigration et le poids des charges et des taxes qui pèsent sur l’économie française.
RTL : Parmi les armes que vous envisagez aussi d’utiliser, il y a l’arme culturelle. Est-ce que vous pensez qu’en cette période de festival, vous vous livrez à une sorte de discrimination entre la bonne culture et la mauvaise culture ?
B. Mégret : Ce n’est pas comme ça que le problème se pose. La culture, la création culturelle doit être totalement libre dans notre pays, et nous sommes, bien sûr, tout à fait de cet avis-là. Par contre, lorsqu’il s’agit de subventionner des manifestations culturelles, eh bien nous pensons qu’on ne peut pas utiliser n’importe comment l’argent.
RTL : Même quand il s’agit du Don Juan de Mozart, comme à Orange ?
B. Mégret : Ça, c’est très bien. C’est très bien. Mais dans l’affaire d’Orange, les choses sont différentes. Dans l’affaire d’Orange, c’est l’établissement culturel qui a éjecté – si je puis dire – le maire d’Orange de ses responsabilités traditionnelles. Alors ça, c’est un problème de gestion, ce n’est pas un problème de fond. Par contre, lorsqu’on voit que le ministre de la culture trouve normal que l’État ou les collectivités publiques subventionnent des groupes qui s’appellent « Nique ta mère », eh bien je dis que c’est scandaleux ; que de tels groupes existent, nous sommes dans un régime de liberté, soit ; que l’État, avec l’argent des Français, subventionne de tels spectacles, c’est tout à fait scandaleux. On ne doit subventionner que des spectacles qui concourent à renforcer les valeurs et la cohésion de la société.