Texte intégral
MICHELE COTTA - Bonjour. La paix ne tient plus qu'à un fil. Depuis plus d'un mois, la tension monte entre l'Irak et les États-Unis. Après ce qu'on a appelé la Guerre du Golfe il y a sept ans, après la défaite sévère de Saddam HUSSEIN, tandis qu'un embargo sévit depuis 1991, l'heure est-elle vraiment à une nouvelle démonstration de force contre Bagdad ? Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN veulent encore croire aux vertus de la négociation et le secrétaire général des Nations unies est en ce moment même avec Saddam HUSSEIN à Bagdad. Nous y reviendrons dans la deuxième partie de cette émission avec nos invités. Tout de suite, mon invité est Claude ALLEGRE que je vais interroger avec Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE du NOUVEL ECONOMISTE. Claude ALLEGRE, bonjour.
CLAUDE ALLEGRE - Bonjour.
MICHELE COTTA - Monique VUAILLAT, qui est secrétaire général du puissant SNES, disait à propos de la grève de ce début de mois " ce qui est au cœur du mouvement de grève, c'est la volonté de la profession d'être entendue et respectée". Alors vous, vous dites, oui mais c'est parce que le SNES veut garder pour lui le pouvoir. Est-ce qu'on peut raisonnablement être ministre de l’Éducation nationale contre ses syndicats?
CLAUDE ALLEGRE (MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE) - D'abord, il s'agissait en l'occurrence d'un syndicat et pas des syndicats mais pour vous faire une confidence, j'ai reçu la FSU vendredi et j'ai vu madame VUAILLAT deux fois deux heures à ce sujet. A partir du moment où on est d'accord sur l'idée qu'il faut améliorer le système éducatif, je crois qu'il n'y a pas de volonté ma part, il n'y a jamais eu de volonté de ma part de ne pas discuter avec les syndicats.
MICHELE COTTA - Vous les respectez ? Vous les entendez ?
CLAUDE ALLEGRE - Oui. En plus - et c'est le paradoxe - je veux redonner le pouvoir aux enseignants de base. Et moi, je les appelle à se mobiliser. Depuis le début, je dis ça. Je pense qu'il faut cesser de gouverner l’Éducation nationale par le haut. Je pense qu'il faut donner le pouvoir à la base parce que les ministres, ça passe par définition et si on n'a pas mobilisé la base, ce qu'on a fait s'en va au fur et à mesure où on change les ministres.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Et justement, un de vos projets qui irritent tant les syndicats, en tous cas madame VUAILLAT, c'est la déconcentration, ce pouvoir que vous voulez donner à la base. Alors, madame VUAILLAT pense que vous voulez introduire, je la cite, l'arbitraire et la gestion des personnels à la tête du client alors que vous, vous voulez rendre le pouvoir à la base, supprimer les excès d'un mammouth d'où viendraient tous les maux. Alors est-ce que vous pouvez rassurer le SNES ? Il n'y aura pas de tête du client?
CLAUDE ALLEGRE - Attendez. Je crois que le SNES a écrit au ministre de l’Éducation nationale sa volonté de négocier sur la déconcentration. Par conséquent, je crois que ceci est : admis. Pourquoi voulez-vous pour aller de Lille à Dunkerque passer par Paris ou pour aller de Grenoble à Lyon passer par Paris ? C'est aussi simple que ça. Mais naturellement, toutes les garanties syndicales seront données. Et puis, le mouvement national reste pour changer entre un département et un autre naturellement. Simplement, la gestion locale, ça représente tout le monde, ça représente...ceux qui changent d'académie, ça représente ".30.000" personnes mais ceux qui changent à l'intérieur des académies, ça représente plus de 150.000 personnes. Or, ce changement, c'est celui-là qui permet de gérer au plus près de manière à ce qu'il y ait moins de défauts, il y ait moins d'absences, il y ait moins de...et puis que la gestion soit plus humaine. Ce que je souhaite, moi, c'est que les enseignants voient leur dossier, puissent se renseigner, puissent parler quelqu'un alors qu'actuellement, c'est gérer nationalement par un ordinateur d'une manière anonyme. Non, mais je ne plaisante pas. C'est géré par un ordinateur.
MICHELE COTTA - " 300.000 " personnes, on pense bien qu'on ne peut pas les gérer à la plume.
CLAUDE ALLEGRE - Oui mais si vous les gérez...personne qui a à gérer 300.000 personnes, aucune entreprise ne les gère de manière centralisée. Ce que je veux, c'est ramener les choses à un peu plus de modernisme et finalement revenir à l'esprit d'école publique parce que, Jules FERRY, quelle a été la grande chose de Jules FERRY ? Il a fait une École normale d'instituteurs par département et c'est grâce à ça qu'il a réconcilié l'école avec le pays parce que tout le monde se sentait solidaire. Moi, je veux ramener les choses au plus près des gens. Ça sera la même chose pour les programmes, pourquoi voulez-vous....
MICHELE COTTA - Justement, Claude ALLEGRE, moi, je voulais vous poser une question sur les lycées. Alors vous dites que les horaires et les programmes sont déments et vous avez lancé une consultation de trois millions et demi de questionnaires sur les lycéens. Alors est-ce : que les horaires sont vraiment déments ? Est-ce qu'il y a quelque chose à faire pour qu'ils le soient moins ?
CLAUDE ALLEGRE - Les horaires et les programmes sont beaucoup trop importants.
MICHELE COTTA - Mais ce n'est pas une tarte à la crème, ça ? Parce qu'on entend ça régulièrement et en fait...
CLAUDE ALLEGRE - Non, non. Attendez, nous verrons les décisions. Non, je crois que ça conduit à amollir l'enseignement. Moi, je suis contre l'enseignement mou, c'est-à-dire avec des programmes qui sont ambitieux, très grands mais qui ne sont pas bien sus. Moi, je préfère que les programmes soient plus centrés et scient mieux sus.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Mais alors qu'est-ce qu'on supprime ? C'est toujours la même histoire.
CLAUDE ALLEGRE - Eh bien, on le verra, on le verra en son temps, je ne vais le faire...
MICHELE COTTA - Et vous avez une idée là-dessus ?
CLAUDE ALLEGRE - Si j'avais décidé à l'avance, je ne ferais pas une consultation générale. Mais je crois qu'il faut savoir que ces programmes déments, c'est ce qui fait la ségrégation sociale parce que ceux qui sont aidés savent choisir à l'intérieur de ces programmes.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Bon. Alors il y a un autre dossier auquel vous vous attaquez parce que vous vous attaquez à beaucoup de chantiers à la fois, c'est les grandes écoles. Vous avez des mots assez durs. Vous dites qu'elles forment trop de savants et pas assez d'innovants. Et vous dites qu'au fond, on dit toujours que le monde entier nous les envie mais personne ne les copie. Alors vous voulez changer quoi ? A quel rythme ? Et au fond, vous voulez les supprimer ?
CLAUDE ALLEGRE - Oh, pas du tout, non, non. Arrêtons ce genre de choses. Je ne veux rien supprimer. On ne peut faire évoluer les choses qu'en s'appuyant sur la tradition. La tradition française, c'est les grandes écoles et l'université. Il faut s'appuyer là-dessus. Ce que je souhaite, c'est qu'il y ait plus d'esprit d'innovation, par exemple que, à l'intérieur de l'enseignement, l'idée de s'initier à la recherche, l'idée de faire un travail personnel rentre dans la formation normale comme c'est le cas dans les grands pays du monde. Donc, c'est ma volonté essentielle par rapport à ça. Et j'attends le rapport qui me sera remis par la commission que préside Jacques ATTALI et qui fait des propositions, je crois, à ce sujet qui sont à la fois un progrès et qui ne sont pas un chambardement
MICHELE COTTA - Mais en attendant le chambardement ou le progrès, lorsque vous...
CLAUDE ALLEGRE - Non, pas le chambardement.
MICHELE COTTA - Lorsque vous entendez dire que beaucoup d'étudiants, beaucoup de chercheurs quittent en ce moment la France pour aller par exemple à Londres ou à Washington, quelle est votre réaction ? Est-ce que c'est vrai d'abord et ensuite, quelle est votre réaction ? Ça vous conforte plutôt?
CLAUDE ALLEGRE - A Londres, non parce que les salaires des chercheurs anglais étant bien inférieurs aux salaires des chercheurs français.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Non mais ce sont les banquiers qui vont à Londres.
CLAUDE ALLEGRE - Il n'y en a pas beaucoup. Il n'y en a pas beaucoup à Washington. Il y en a quelques-uns à Silicone Valley. D'abord, deux choses, on exagère beaucoup les chiffres. .. Il y a effectivement une migration actuellement. Excusez-moi de dire mais votre émission s'appelle " Polémiques", si le précédent gouvernement n'avait pas réduit le nombre de chercheurs ou le nombre de places mises au recrutement, ils ne seraient pas partis. C'est la première cause.
MICHELE COTTA - Oui. S'ils trouvaient plus d'emploi en France, ils resteraient peut-être.
CLAUDE ALLEGRE - Mais c'est ce qu'on a fait. Cette année, il y aura 6.000 postes pour les jeunes docteurs qui sont disponibles cette année. C'est pourquoi on a mis la priorité à l'emploi. La deuxième chose, c'est, quand même, il faut savoir qu'il y a des Français qui vont à l'étranger, il y a beaucoup d'étrangers qui viennent en France. La mondialisation, ça existe... aussi pour les chercheurs. Donc, il ne faut pas...on à beaucoup exagéré cette semaine l'importance de ce fameux brain-drain (phon).
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Alors on parle beaucoup de votre méthode en disant qu'elle n'est pas toujours au niveau de vos idées que l'opinion approuve et qui réunissent quelquefois un consensus. Alors est-ce que cette méthode un peu provocatrice a du bon à votre avis ? Lionel JOSPIN lui-même disait, il vous conseillait de rester adroit comme du temps où vous étiez jeunes basketteurs. Est-ce qu'il y a des choses que vous regrettez, des paroles que vous regrettez?
CLAUDE ALLEGRE - Ce que dit Lionel JOSPIN, il me le dit directement. Ce qu'il dit en public et les plaisanteries qu'il dit en public ne sont pas...
MICHELE COTTA - C'est édulcoré vous croyez par rapport à ce qu'il vous dit en privé?
CLAUDE ALLEGRE - Non. LA FONTAINE a écrit une fable qui se termine en disant" en toute chose, il faut considérer la fin ". Alors vous attendez. Si je réussis à faire ce que d'autres n'ont pas fait, c'est-à-dire faire bouger l'Education nationale, transformer, faire en sorte qu'elle exclut moins d'enfants, qu'elle soit plus égalitaire mais en même temps qu'elle aide les : meilleurs. Moi, je ne veux pas être le ministre seulement de ceux qui ont des difficultés. Je veux être le ministre de ceux qui réussissent et aider ceux qui réussissent moins. Si je réussis à faire ce mouvement, ma méthode, elle sera...
MICHELE COTTA - Vous trouvez que l'éducation est trop égalitaire ? Vous trouvez dans la matière le parti socialiste est égalitaire, qu'il traite plutôt mieux les cancres que les génies ?
CLAUDE ALLEGRE - Il faut traiter tout le monde. Et je pense que, dans le système français, vous savez qu'on élimine très rapidement les enfants surdoués par exemple. Il y a une étude qui est faite là-dessus. Je ne veux pas éliminer les enfants surdoués. Je pense qu'il faut aider tout le monde. L'égalité des chances, c'est ça. Si je réussis à faire changer ce mouvement, si je réussis à faire que les décisions sont prises par les enseignants eux-mêmes, je souhaite qu'ils se mobilisent tous dans cette action. Vous parliez des programmes. Pourquoi décider arbitrairement ? Pourquoi ça serait moi comme a fait François BAYROU qui décidera qu'on apprend " Le Misanthrope" plutôt que "L'Ecole des femmes " ? Ce n'est pas une décision. Pourquoi le professeur n'aurait pas le droit de choisir ?
MICHELE COTTA - Alors on quitte peut-être un peu ce domaine qui est certes intéressant mais pour parler un petit peu plus de politique. On vous a parlé de méthode tout à l'heure. Alors je vous pose la question sur les 35 heures. Etait-ce la bonne méthode ? Est-ce que le gouvernement, pour imposer les 35 heures, a suivi la bonne méthode ?
CLAUDE ALLEGRE - Je pense que le gouvernement s'est trouvé dans une situation, c'est que pour négocier, il faut être deux et par conséquent, il faut chacun propose des choses. Le patronat est arrivé avec rien dans les poches. Donc, je vous dis franchement; le gouvernement s'attendait à ce qu'il y ait une proposition patronale pour aller vers les 35 heures mais le patronat n'a rien proposé.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Mais vous aviez décidé dès le début de mettre un couperet obligatoire ?
CLAUDE ALLEGRE - Écoutez, on n'est pas des gens dogmatiques. Simplement, à partir du moment où il n'y a rien en face, alors on adopte une méthode. Et je pense que le patronat, l'intérêt du pays, c'est que le patronat comprenne que la bouderie qu'il fait n'est pas une bonne chose pour l'économie française. Il faut qu'il discute. Il faut qu'il propose. Lui aussi, il faut qu'il rentre dans l'ère de l'innovation.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Mais justement, Ernest-Antoine SEILLIERE, le patron du CNPF, c'est vous qu'il accuse d'organiser, je le cite, le déclin de la France. Alors est-ce que vous pensez qu'il est dans son rôle quand il dit ça ou est-ce qu'il fait de la politique ? Il est sincère ? Vous le comprenez un peu ?
CLAUDE ALLEGRE - Je ne ferai pas de remarque sur monsieur SEILLIERE.
MICHELE COTTA - Sur ce qu'il dit alors. Au déclin de la France alors.
CLAUDE ALLEGRE - Mais la France n'est pas en déclin. Nous sommes en train actuellement de retrouver la croissance. Nous sommes en train de retrouver le chemin de l'emploi. Nous sommes en train de faire ce que d'autres gouvernements n'ont pas su faire. . Mais il faut que tout le monde s'y mette. Il faut que les patrons s'y mettent. Si les patrons restent en dehors du chemin, ils faillissent à leur devoir. Ce n'est pas en critiquant le gouvernement. Et les nostalgies de monsieur SEILLIERE, on peut les comprendre compte tenu d'où il vient. Mais ces temps sont passés.
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Il vient d'où ?
CLAUDE ALLEGRE - De la famille d'où il vient. Nous ne sommes plus au temps des maîtres des forges.
MICHELE COTTA - Alors, pas de bavure - on passe aux élections régionales - pas de bavure ou très peu du côté de la gauche, beaucoup plus du côté de la droite. Alors les bavures du côté de la gauche, on va en parler. Mais simplement, quelle est votre analyse sur le fait que la droite ait peut-être plus de mal à remonter que l'opposition (sic), dans les sondages en tous cas soit créditée de moins de voix qu'elle n'en a eues même en 97 ? Qu'est-ce que vous pensez? Que c'est un sondage de début de campagne ? Ça va changer ?
CLAUDE ALLEGRE - Je ne crois pas. La droite n'a pas d'idées. C'est ça, le problème. La droite se contente de gêner le gouvernement quand elle le peut ce qui n'est pas bien lorsqu'il l'intérêt général. On le voit sur des choses essentielles. Et la droite ne propose rien. Donc, à partir de ce moment-là, pourquoi voulez-vous changer entre des gens qui proposent et des gens qui ne proposent rien ?
SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE - Cela dit, il y a deux difficultés pour le Parti socialiste. Il y a une en PACA où il y a une vraie liste dissidente et puis il y a eu ce cas particulier en Île-de-France où on a beaucoup tardé à clarifier les choses, savoir qui serait candidat à la présidence de la région. Alors ce n'est plus Dominique STRAUSS-KAHN, c'est Jean-Paul HUCHON. Est-ce que ça handicape le Parti socialiste, enfin la gauche plurielle dans son espoir de victoire ? Et est-ce qu'au fond ce n'est pas lié un peu à l'idée que Dominique STRAUSS-KAHN a eue qu'il pourrait peut-être, lui, tourner la règle du cumul, du non-cumul plutôt ?
CLAUDE ALLEGRE - Écoutez, cette question, vous la lui posez. Je crois que le problème en Île-de-France est simple. Nous présentons des listes avec un renouvellement et la droite, c'est la continuité. Avec toutes les magouilles qui se sont passées en Île-de-France, je pense que les gens vont avoir envie de changer et en même temps d'équilibrer. La droite à Paris. Eh bien, je crois que l’Île-de-France à gauche, ça va donner un équilibre. Et comme les Français aiment bien la cohabitation, ils auront en Île-de-France une cohabitation et je crois que...
MICHELE COTTA - Est-ce que Michel ROCARD, c'était mieux que Jean-Paul HUCHON, son lieutenant ?
CLAUDE ALLEGRE - Écoutez, parlons des choses actuelles.
MICHELE COTTA - Vous ne voulez pas revenir là-dessus ?
CLAUDE ALLEGRE - Je crois que le gouvernement de l’Île-de-France doit être renouvelé et doit aller vers une gestion plus rigoureuse des fonds publics, plus transparente. Et le fait que, par exemple, madame TISSOT, qui, comme chacun sait, est très proche du président de la République n'ait pas été prise dans la liste de monsieur BALLADUR alors qu'elle avait été le symbole de " Madame Propre " du côté du RPR est à mon avis un symbole que la droite ne veut rien changer. Elle veut continuer les petites combinaisons en Île-de-France. Et je crois que les socialistes, c'est autre chose. Et Jean-Paul HUCHON est un homme qui sait gérer les choses, il l'a démontré. C'est un homme jeune et je crois que c'est le symbole du renouvellement.
MICHELE COTTA - Claude ALLEGRE, merci. Vous restez avec nous pour la deuxième partie de ce débat sur l'Irak. Est-ce que vous êtes raisonnablement optimiste aujourd'hui sur les perspectives de guerre ?
CLAUDE ALLEGRE - Je croirai jusqu'à la dernière minute à la possibilité d'arrêter la guerre parce que je me soucie d'abord du peuple irakien même si je n'ai pas beaucoup de sympathie pour Saddam HUSSEIN et je me soucie beaucoup de la sécurité d'Israël. Et donc, je souhaite que ne s'enclenche pas quelque chose dont on ne sait pas jusqu'où ça pourrait mener. Par exemple, le fait que, s'il y a des armes bactériologiques, eh bien le bombardement d'armes bactériologiques peut susciter au Moyen-Orient une effroyable épidémie.
MICHELE COTTA - Alors Claude ALLEGRE, nous continuons avec nos autres invités. Kofi ANNAN, le secrétaire général de l'ONU, est en ce moment avec Saddam ! C'est la mission de la dernière chance. Le rappel des faits par Jean-Bernard SCHMIDT.
JEAN-BERNARD SCHMIDT - Sept ans après la Guerre du Golfe, l'Irak est toujours sous le coup d'un embargo que les États-Unis ne veulent pas voir lever. Le pays est exsangue. Les ventes de pétrole, principale ressource, sont limitées par une résolution des Nations unies. Octobre dernier, le Conseil de sécurité vote de nouvelles sanctions pour contraindre Bagdad à accélérer son désarmement. C'est le début de la crise. Saddam HUSSEIN expulse puis accepte le retour de six experts américains membres de la Commission des Nations unies chargée du désarmement de l'Irak mais il leur interdit l'accès aux sites dits présidentiels. Depuis, la crise s'est focalisée sur ces sites, huit palais et leurs dépendances qui pourraient abriter d'importants stocks d'armes. Le Conseil de sécurité exige leur inspection. Saddam HUSSEIN refuse et dénonce l'acharnement des États-Unis. L'escalade semble inévitable. Chaque jour, le dispositif militaire américain dans le Golfe se renforce. Bill CLINTON se dit prêt à frapper. La France, quant à elle, fait entendre sa différence. Paris qui a déjà demandé plusieurs fois la levée de l'embargo rejette l'option militaire pour privilégier la voie diplomatique.
JACQUES CHIRAC (12 FEVRIER 98) - Je ne conteste pas la nécessité d'imposer à Saddam HUSSEIN le respect de toutes les décisions du Conseil de sécurité. Je dis simplement que si on peut le faire en évitant d'envoyer des bombes et de tuer des femmes et des enfants, il vaut mieux, c'est tout ;
JEAN-BERNARD SCHMIDT - Preuve de cette volonté de trouver une solution pacifique, le : soutien apporté par Jacques CHIRAC à Kofi ANNAN, le secrétaire général des Nations unies chargé de tenter une ultime conciliation entre Bagdad et Washington, une mission considérée comme celle de la dernière chance.